Le tourisme avant et après la COVID-19

Gestion, biopolitique et prospective : Quels regards pour la suite du monde ? [Record]

  • Dominic Lapointe,
  • Bruno Sarrasin and
  • Jean Lagueux

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  • Dominic Lapointe
    Professeur régulier, Département d’études urbaines et touristiques, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, Directeur de la revue Téoros, Titulaire de la chaire stratégique UQAM sur les dynamiques touristiques et les relations socioterritoriales, Responsable du groupe de recherche et d’intervention Tourisme Territoire et Société; lapointe.dominic@uqam.ca

  • Bruno Sarrasin
    Professeur titulaire, Directeur du Département d’études urbaines et touristiques, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal; sarrasin.bruno@uqam.ca

  • Jean Lagueux
    Professeur, Département d’études urbaines et touristiques, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, Directeur de l’unité de programme de premier cycle en gestion du tourisme et de l’hôtellerie; lagueux.jean@uqam.ca

Le tourisme est passé d’un appel à voir le monde à l’invitation de faire partie de la trame même du monde. Et puis, comme nous l’avons lu tout au long de ce numéro spécial, la COVID-19 a rompu cette trame. Cette rupture s’exprime d’abord dans une transformation de l’environnement d’affaires et des paramètres dans la gestion quotidienne des organisations touristiques. Tant l’imposition généralisée des restrictions de voyages, l’évolution des mesures de distanciation sociale, que les bilans quotidiens des cas deviennent lentement une nouvelle forme de normalité. Si l’éruption à l’avant-plan du pouvoir sanitaire est présentement associée à la pandémie de COVID 19, la vie, la mort et le corps humain sont, depuis de nombreuses années, au cœur même du virage biopolitique de la société (Agamben, 1998 ; Hardt et Negri, 2000 ; Esposito, 2011), auquel le tourisme n’échappe pas (Ek et Hultman, 2008 ; Minca, 2010 ; Roelofsen et Minca, 2018 ; Lapointe et Coulter, 2020). Toutefois, l’ampleur du déploiement biopolitique de la lutte à la COVID 19 auquel est confronté le tourisme génère des contradictions dans les relations entre les individus, les espaces et le corps touristique. Par ailleurs, le pouvoir sanitaire, malgré son affirmation quasi hégémonique face à la pandémie, n’évacue pas les autres dispositifs de pouvoir et ne rend pas caducs les outils existants qui permettent d’interpeller le devenir du tourisme. Ainsi, avant la pandémie, l’industrie touristique se trouvait déjà dans un environnement d’affaires qui subissait régulièrement des perturbations telles que les innovations technologiques dites de rupture, l’émergence de nouvelles destinations et de nouvelles clientèles, de grandes fluctuations du coût de l’énergie, des chocs démographiques et des crises de main-d’œuvre. Face à ce type d’environnement, les organisations utilisent des stratégies afin de conserver leur avantage concurrentiel sur les marchés qu’ils desservent. Cet exercice asymétrique s’échelonne dans le temps et permet aux organisations de réaliser leurs objectifs à long terme. Toutefois, dans un environnement de crise comme celui de la présente pandémie ou d’événement de tout autre nature comme un acte terroriste, une catastrophe naturelle ou une crise politique, les entreprises doivent s’adapter dans l’urgence afin d’ajuster leurs activités et assurer leur survie. Dans de telles conditions, le défi de toute organisation est de gérer les conjonctures du présent, sans pour autant sacrifier la planification à long terme. Les sujets abordés dans ce numéro spécial de Téoros offrent davantage un regard fixé sur le long terme, par exemple l’importance de définir de nouveaux indicateurs, ou proposent de repenser la place des croisières dans l’échiquier touristique. Toutefois, le moment présent, celui où la crise se vit, est celui qui sollicite l’ensemble des ressources des entrepreneurs et des organisations touristiques. La variabilité du type de produits et de services touristiques en conjonction avec le nouveau contexte de consommation conditionne la nature des effets (positifs ou négatifs). Pour certains (Emmanuel Briant, Marc Bechet, Charly Machemehl et André Suchet ; Marco Romagnoli et Catherine Charron ; Charles Zinser, Pascale Marcotte et Laurent Bourdeau), le tourisme local est une occasion de tirer son épingle du jeu et même d’obtenir de meilleures performances qu’en temps normal ; pour d’autres, la fermeture des frontières est désastreuse, voire fatale. L’absence de visiteurs étrangers montre à quel point plusieurs destinations dépendent de cette mobilité internationale. Le secteur de l’hôtellerie et le nouveau venu, Airbnb, affichent toutefois des résultats très inégaux (Victor Piganiol). L’imposition des règles sanitaires à échelle variable et changeante est pour tous une source d’ajustements quotidiens qui requièrent un degré élevé d’attention et d’investissement de temps. Le va-et-vient entre le confinement et le déconfinement des citoyens par région ou par secteur d’activité ajoute une couche …

Appendices