Liminaire

J’étais un étranger et vous m’avez recueilliEn marche, vers une théologie de la migration[Record]

  • Martin Bellerose

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  • Martin Bellerose
    Théologie, Institut de pastorale des Dominicains (Montréal, Canada)

Le titre (Mt 25,35) fait un clin d’oeil à la fois aux sciences humaines et sociales et à la théologie. À l’heure où la théologie est boudée par les autres disciplines académiques, elle réclame sa place en leur sein parce qu’elle traite de plus en plus de thématiques aujourd’hui associées aux sciences de l’humain et de ses sociétés. Plusieurs de ces thématiques étaient jadis du ressort de la théologie et leur ont été arrachées au profit de disciplines naissantes. Notre numéro envoie ce clin d’oeil aux sciences humaines et sociales de bien vouloir accueillir la théologie à l’intérieur de leurs frontières disciplinaires. Mais le clin d’oeil est aussi envoyé à la théologie parce qu’elle a une part de responsabilité dans sa répudiation : elle a elle-même rejeté les thématiques qui la reliaient aux réalités du monde. Nous ne nous référons pas ici seulement aux époques où la théologie se centrait sur l’ontologie et la métaphysique, mais aussi à celle d’aujourd’hui qui évite les questions de société pour se vouer à un pastoralisme exacerbé. Le clin d’oeil ne s’arrête pas là ; le sous-titre invite à marcher vers, à sortir des zones de confort de la théologie contemporaine, de récupérer des thématiques plus anciennes et de se confronter nouvellement à celle-ci, telles qu’elles se présentent à nous aujourd’hui, et ainsi menacer des siècles de théologie forgés à même une théologie européenne sécurisée derrière les murs de la culture colonialiste hégémonique. Ces murs culturels sont aujourd’hui martelés, voire morcelés, par les mouvements migratoires. Ceux-ci interpellent de manière éloquente la théologie, lançant au visage des théologiens, pas encore refroidis par l’enfermement disciplinaire, des parallèles avec Abraham, Moïse, l’Exil du peuple de Dieu à Babylone, Jésus et la diaspora des premiers chrétiens. Une théologie qui fait fi des réalités migratoires est non seulement une théologie niant les origines de la foi en Dieu sur laquelle elle réfléchit, mais elle entretiendrait la sclérose dans laquelle les élans impériaux, inquisitoires et colonialistes l’ont maintenue au plus grand profit des dominants, tant dans les sphères séculières (essentiellement politique, économique, voire militaire à certaines époques) que religieuses. La théologie est à la croisée des chemins. Elle est en train de se redéfinir en dehors des carcans institutionnels auxquels, il n’y a que quelque temps encore, elle était soumise. Pour trouver — ou retrouver — ses lettres de noblesse qui lui donnent une place au sein des sciences humaines, la théologie se doit d’être oecuménique. Elle se doit aussi d’être connectée avec la réalité du monde dans lequel elle se construit. La théologie doit trouver le moyen de lier foi et doctrines avec les réalités sociales du monde. Il s’agit là d’une évidence, du moins en théorie. N’est-ce pas ce que cherchent à faire toutes les théologies contextuelles ? Mais, en pratique, le théologien tend à négliger, soit l’analyse du contexte, en s’y référant par des généralités, soit en mettant carrément de côté l’herméneutique doctrinale, ce à quoi il est pourtant formé, pour divaguer autour d’un travail empirique qui n’est pas le sien, qu’il a du mal à faire et où il risque de demeurer en superficie. L’équilibre entre l’étude de la doctrine — et la portée de celle-ci sur le monde — et l’étude des réalités historiques du monde où se trouve le théologien n’est pas facile à atteindre. D’ailleurs, c’est probablement le déséquilibre entre les deux et la recherche d’un équilibre malgré tout qui le fait avancer. On a parfois l’impression que la théologie s’amalgame de nouveaux axes en espérant que cela la ramène au goût du jour ; on parlera d’éco-théologie ou de théologie de la …

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