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On s’approche de l’arbre, on saisit le tronc à bras le corps, avec audace, qui est le courage qui pressent l’ampleur de la tâche sans la mesurer tout à fait.

S’aventurant sur une branche, on examine ses ramifications, on éprouve sa résistance ou sa souplesse. Mais toujours, il faut revenir au tronc, au solide, pour aller plus haut, explorer d’autres branches. Toujours, il faut sentir qu’elles sont rattachées au tronc, qu’elles sont l’expression de la sève particulière qui nourrit l’arbre des racines au faîte.

On apprend la texture du tronc, des branches; la couleur des feuilles selon les saisons qui sont climats. On devine la profondeur des racines, leur dispersion de chevelure loin dans la terre mère, leur incroyable vigueur. Terre mère donne vie à l’oeuvre mère.

De l’étude du mot au recul sur l’oeuvre. Du microscope au télescope. Voir vaste et profond.

La conviction que notre traduction est « la bonne », « la vraie », est inévitable si le travail est fait avec passion. Si, à l’intérieur des limites qui sont les nôtres – et que nous devons avoir l’humilité de reconnaître – nous sommes allées au bout de nous-mêmes, vingt fois sur le métier.

Notre traduction est, pour nous, « la bonne » lorsqu’elle correspond au plus haut point à la lecture qu’on a pu faire. La fidélité, elle est là; la vérité, elle est là. On peut souhaiter que par transparence, on saisisse notre lecture à notre écriture. Une. Si on a cette fidélité d’adhérer sans dévier à l’herméneutique dégagée, on fait oeuvre et pas seulement texte. Il pourra y avoir d’autres oeuvres à partir de la même oeuvre-mère, mais la nôtre restera une fille de la famille.

Dans le creuset de nos esprits comme dans la matrice, les gènes tissent leur message et s’assemblent pour exprimer une de leurs infinies virtualités – quelquefois, audace – c’est l’« ingénierie génétique » de la création de mots – suprême satisfaction – ultime signature.

Plutôt que de parler de texte source et de texte cible –

parler d’oeuvre mère
et d’oeuvre fille. Il peut y avoir
parenté; il ne peut y avoir d’identité. Le texte est tamisé
et reconstitué par une sensibilité différente de la
sensibilité première.