Comptes rendus

Anthony Pym, Miriam Shlesinger, Daniel Simeoni, dirs. Beyond Descriptive Translation Studies. Investigation in homage to Gideon Toury. Amsterdam et Philadelphia, Benjamins, 2008, i-xii, 417 p. [Record]

  • Aurelia Klimkiewicz

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  • Aurelia Klimkiewicz
    Université York, Collège Glendon

Dans ce volume, il est question de réfléchir sur l’au-delà du descriptivisme élaboré dans les années soixante-dix par Even-Zohar, Gideon Toury et José Lambert, au moment où la traductologie cherchait à s’affranchir des modèles théoriques plutôt statiques et normatifs issus de la linguistique moderne. Influencé par Nida, Catford et Even-Zohar, le travail de Toury est également indissociable des influences européennes, notamment du formalisme russe (Jakobson, Tynjanov) et de la sémiotique en France (Barthes, Genette, Greimas, Todorov) (Simeoni, p. 330). Ainsi, le descriptivisme introduit une transition vers le modèle orienté sur les fonctions sociales que la traduction assume dans le contexte cible. Cette approche, qui tient compte de la composante sociale, coïncide cependant avec les théories de la réception de Iser (1974) et de Jauss (1977) de l’École de Constance, qui, en abandonnant le texte lui-même comme objet d’études, se penchent sur la réception et les compétences du lecteur. Toutefois, cette transition méthodologique vers la réception est en quelque sorte portée par le post-structuralisme dans la mesure où elle annonce à la fois la mort de l’auteur et l’avènement du lecteur. Par conséquent, une série de déplacements permettent la réorganisation des ancrages théoriques et méthodologiques : de l’auteur au récepteur; de la genèse à la réception; de l’origine à la cible; de l’hypothèse à la vérification; de la spéculation à la description (objectivité); du texte source au texte cible. Le descriptivisme élargit ainsi la réflexion au-delà du linguistique et du textuel, tout en ramenant la traduction à son environnement social le plus immédiat. À la manière d’une pratique du soupçon qui rend explicites les dispositifs sociaux et les enjeux politiques et économiques dans lesquels s’inscrit l’activité traductive, la démarche de Toury dévoile les normes, les lois et les contraintes en tant que forces régulatrices de l’activité de traduction à laquelle participent des actants aux compétences spécifiques qui prennent des décisions concrètes quant à la sélection du texte à traduire, sa mise en circulation et sa réception ultérieure dans la société réceptrice. En même temps, le descriptivisme a un impact direct sur la discipline, puisqu’il consolide le statut épistémologique des études traductologiques et légitime leur ambition scientifique. Pour le reste, il résistera avec aisance à la crise des représentations qui sévit dans les années 80, au moment du virage culturaliste, alors que l’espace social se fragmente et le besoin pour les démarches critiques se fait sentir, démarches qui seraient plus subjectives, plus engagées et ouvertes à l’inclusion de différents types de voix et de perspectives. C’est d’ailleurs l’époque où l’on se tourne vers l’herméneutique pour expliquer les rouages complexes du processus interprétatif menant à la saisie du sens. De même, les années 90, marquées par les questions identitaires, laisseront intacte la théorie descriptive aux prises avec le raffinement méthodologique qui tente, entre autres, de dépasser l’étape descriptive en somme préliminaire (collecte et analyse de données) pour en dégager les hypothèses explicatives (interprétation des données) (Chesterman, p. 363), celles-ci étant indispensables à la compréhension subjective des phénomènes étudiés et à la contribution au savoir. En termes plus simples, en 1995, lors de la publication de son deuxième ouvrage Descriptive Translation Studies and Beyond, Toury abandonne la théorisation pour le questionnement (Simeoni, p. 331). Mais les questions de pouvoir qui sont graduellement prises en charge par les traductologues, notamment par Lawrence Venuti, tout en révélant les pratiques sociales institutionnelles, débouchent sur une approche ethnographique qui, au lieu de scruter l’objet, met la démarche du chercheur au centre de l’analyse. À cet endroit, l’apport de Pierre Bourdieu – transplanté en traductologie par Daniel Simeoni et Jean-Marc Gouanvic (Merkle, p. 175) – consiste justement à …