Comptes rendus

Sherry Simon, dir. In Translation: Honouring Sheila Fischman. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2013, 221 p.[Record]

  • Myriam Legault-Beauregard

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  • Myriam Legault-Beauregard
    Université du Québec en Outaouais

Le livre In Translation :Honouring Sheila Fischman (McGill-Queen’s University Press, 2013) rend hommage à l’une des figures les plus importantes de la traduction littéraire au Canada. Une introduction de Sherry Simon, directrice de l’ouvrage, annonce la teneur des quatre sections qui le composent : « Beginnings », « The Art of Translation », « Words of Sheila Fischman » et « Témoignages ». La première partie du livre transporte le lecteur à North Hatley, dans les Cantons de l’Est. En se fondant notamment sur le récit qu’en avait fait Fischman pour le magazine littéraire Matrix en 1986, Patricia Godbout relate la désastreuse soirée de poésie bilingue organisée par la principale intéressée en 1968, dans le contexte politique tendu qui régnait alors. Nombre d’illustres personnages que l’on retrouvera souvent au fil des pages, comme John Glassco, Pauline Julien, Roch Carrier et F. R. Scott, font une première apparition dans cet article qui retrace l’événement déclencheur de la carrière de Fischman, dont l’oeuvre rapprochera les deux principales communautés linguistiques du Canada. L’intervention du commissaire aux langues officielles Graham Fraser explore la vie d’un autre acteur marquant du milieu littéraire, F. R. Scott, qui éprouvait aussi un désir de communion entre les « deux solitudes ». Son héritage politique et juridique est abordé, mais son apport à la traductologie, notamment son Dialogue avec Anne Hébert, constitue l’essentiel du propos. Cependant, ses rapports avec les francophones ne semblent pas avoir eu la chaleur de ceux que Fischman a su établir au fil des années. Le troisième texte émane de D. G. Jones, qui, alors marié à Fischman, a fondé avec elle la revue ellipse. Dans son récit teinté d’humour, la traduction revêt presque un statut de personnage, dont la rencontre avec Fischman est racontée à coup d’anecdotes, parfois crues, toujours divertissantes. Enfin, la contribution de Kathy Mezei, qui porte sur Fischman en tant qu’« agente de traduction », met en lumière l’influence discrète mais considérable que celle-ci a exercée sur la scène culturelle canadienne en diffusant de nouveaux auteurs. Mezei traite notamment de son approche, liée au plaisir de lire, de son habitus de traduction, ainsi que des normes auxquelles elle adhère – et qu’elle contribue à perpétuer. En effet, Mezei voit en elle un exemple à suivre. Bref, bien que Fischman cherche à se rendre invisible lorsqu’elle traduit, le rôle qu’elle a joué au fil des années, lui, est bien manifeste. La deuxième partie de l’ouvrage ne concerne pas directement Sheila Fischman, mais apporte un éclairage intéressant sur la traduction littéraire, ce qui permet d’en apprécier la complexité. Alberto Manguel commente quelques versions anglaises d’un extrait de la Divine comédie de Dante. Au moyen de parallèles avec l’oeuvre et de réflexions sur la lecture, Manguel fournit des pistes de réponses à une question épineuse : peut-on vraiment affirmer qu’on a lu la Commedia si on ne l’a pas lue en italien ? L’exercice permet de constater que les différentes versions se complètent et s’enrichissent, et qu’une traduction réussie parvient à reproduire l’impression qui subsiste après la lecture de l’original. Dans sa contribution, traduite par Donald Winkler, Pierre Anctil relate le parcours qui lui a permis de découvrir le patrimoine littéraire yiddish de Montréal. Anctil, que la traduction rebutait au départ, s’est d’abord intéressé aux langues sous un angle anthropologique pendant ses études à New York. De retour au Québec, il se passionne pour le riche et mystérieux univers des poètes yiddish de la métropole. À grand renfort de métaphores, celui qui deviendra un prolifique traducteur du yiddish au français raconte comment il en est venu à déchiffrer l’oeuvre de Jacob Isaac …