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En 1860, à la demande de Napoléon III, le territoire de Paris est agrandi lors de l’annexion des faubourgs, doublant ainsi la superficie de la capitale française et permettant au baron Haussmann de mettre en oeuvre un vaste programme d’urbanisme et d’aménagement. Dirigé par Florence Bourillon (Université Paris-Est Créteil) et Annie Fourcaut (Université Paris I Panthéon-Sorbonne), l’ouvrage Agrandir Paris, 1860-1970 met en lumière, dans le contexte du 150e anniversaire de la loi de 1860, les décisions prises à la fin du XIXe siècle et qui ont eu des répercussions sur l’aménagement de Paris ainsi que sur l’avenir de l’agglomération.

L’ouvrage est divisé en cinq parties qui regroupent un ensemble de textes traitant du cas parisien et d’un ou deux textes supplémentaires présentant des études de cas portant sur d’autres métropoles européennes telles que Lyon, Bruxelles, Berlin et Madrid. La première partie de l’ouvrage aborde l’enjeu épineux des fortifications au XIXe siècle. Alors qu’à Paris on conserve, voire on construit de nouvelles fortifications à cause du contexte post Révolution française et du désir de la monarchie de Juillet de contrôler et sécuriser les villes (Moret), ailleurs en France et en Europe, on procède, dès 1850, au déclassement et à la destruction des fortifications (voir le texte de Pinol, Butez et Regagnon sur Lyon et celui de Saly-Giocanti sur l’Allemagne). Cette volonté étatique d’ériger et de conserver des fortifications autour de Paris a cependant des effets non négligeables sur certaines communes de banlieue telle que Gentilly, dont le territoire est en partie enclavé entre deux murs d’enceinte, occasionnant de nombreux problèmes fiscaux et de mobilité pour la population locale (Capizzi).

La deuxième partie de l’ouvrage se concentre sur les années 1850-1860 alors que les autorités cherchent à aménager, agrandir et gérer le territoire parisien de nouvelles façons. C’est à cette époque que l’on voit émerger une expertise professionnelle et institutionnelle en matière d’urbanisme et d’aménagement visant à moderniser, agrandir et embellir Paris (Bourillon). Cependant, c’est réellement la loi de 1860 qui ouvre la voie à l’aménagement moderne de Paris par l’annexion des faubourgs, la démolition des enceintes et la mise en oeuvre de la vision haussmannienne de la ville. Cette loi fera surgir un grand nombre de controverses, de résistances, d’illusions et de désillusions pour la population de Paris, celle des territoires annexés et pour les différents acteurs politiques (voir les textes de Montel et de Demeulenaere-Douyère). Elle mettra en lumière la force étatique du Second Empire à imposer une vision précise et fonctionnelle du territoire parisien (Gaudillère). Dans le cas de Bruxelles cependant (Zitouni), les parlementaires vont refuser le projet d’annexion alors proposé. Ceux-ci préconiseront davantage, entre 1840 et 1875, un aménagement territorial laissant aux communes leur autonomie.

La troisième partie de l’ouvrage porte sur la période de construction de Paris après l’adoption de la loi de 1860 et ce, jusqu’en 1880. Avec les annexions, de nouvelles réalités territoriales émergent et doivent être gérées à l’échelle locale et de l’agglomération. Des voies de circulation, des places et des carrefours sont aménagés afin de lier les territoires annexés au centre de Paris (Texier-Rideau), permettant du même coup une mise en valeur et une conquête de ces nouveaux territoires et quartiers d’abord par des artistes, puis par des représentants de la bourgeoisie (Charpy). À l’inverse du cas parisien, Londres éprouve des difficultés à instaurer un système de gouvernance urbaine centralisé permettant la revitalisation des quartiers annexés (Bullock) alors qu’à Rome, l’étalement urbain se fait au détriment des liaisons à l’échelle locale entre le centre et sa périphérie (Brice).

Les textes de la quatrième partie de l’ouvrage proposent une analyse des relations et des rapports parfois houleux qu’entretient Paris avec sa banlieue entre les années 1880 et 1930. Un ensemble de débats politiques et administratifs émergent par rapport à la gestion de terrains laissés vacants par la destruction des fortifications (Charvet), à la déserte et l’extension de certains services municipaux centraux vers les banlieues tels que le métro (Désabres) et sur la division des compétences entre offices d’habitation en matière de construction de logements à Paris et en banlieue (Voldman). C’est seulement sous la 3e République que la compétition entre Paris et ses banlieues s’estompe afin de faire face à l’augmentation généralisée des besoins en matière de services publics et à leur financement (Bellanger).

La dernière partie de l’ouvrage couvre les décennies 1940 à 1970 marquées par deux processus. D’une part, on voit apparaître un Grand Paris conscient de ses marges mal aimées qu’il faut réglementer, aménager et structurer notamment par l’application, à partir de 1965, d’un nouveau Schéma d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (Vadelorge) et par la construction de grands ensembles (Fourcaut). D’autre part, prend forme une périurbanisation rapide avec la construction pavillonnaire qui pose de nouveaux enjeux relatifs à la mobilité, l’accès à la propriété et le départ des ménages du centre parisien (Berger). Cette nouvelle préférence pour le pavillon périurbain rejoint les propos de Vorms qui démontre que l’extension de Madrid entre 1940 et 1960 répond à une logique économique et immobilière de production de logement, occasionnant du même coup une discontinuité dans l’aménagement et l’étalement de l’agglomération de Madrid.

L’ouvrage regroupe des textes présentant une analyse originale des différents discours officiels et des approches des acteurs de l’aménagement du Grand Paris et ceux d’autres métropoles européennes. Ces travaux mettent en lumière le fait que les démarches d’annexion, d’aménagement et de modernisation de Paris ne résolvent en rien la question des limites de la ville, mais ouvrent plutôt les débats sur l’extension de celle-ci dans la moyenne durée. Il aurait été utile d’y retrouver une conclusion générale faisant un bilan des différents points de vue et des sujets traités par les auteurs. De plus, bien que les études de cas extérieures à Paris soient intéressantes, elles auraient pu être mieux arrimées à l’exemple français par une approche davantage comparative.