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L’hôpital Sainte-Justine de Montréal a vu le jour grâce à la détermination de deux femmes. L’une, Irma LeVasseur, fut la première femme médecin canadienne-française; l’autre, Justine Lacoste-Beaubien, provenait d’une riche famille montréalaise et voulait contribuer à l’amélioration du sort des enfants canadiens-français. L’hôpital Sainte-Justine fêtait en 2007 son centième anniversaire et Denyse Baillargeon signale l’événement avec ce livre sur l’histoire de l’institution.

Le livre comprend sept chapitres. Le premier rappelle les dates et faits importants relatifs à l’histoire de l’hôpital : le contexte de la fondation, les déménagements, les modes de gestion, le rôle des Filles de la Sagesse, les liens avec l’Université de Montréal, etc. Les six autres portent chacun sur un thème particulier. Il s’agit, dans l’ordre, du financement, des patients, du rôle des bénévoles, du personnel médical (médecins et infirmières), du personnel paramédical, et des employés de soutien. L’accent est donc mis avant tout sur les groupes qui ont été au coeur de la vie de cet hôpital. Au départ, l’auteure a donc fait des choix; mais ceux-ci ne sont pas expliqués dans l’introduction; le titre, lui non plus, ne laisse pas présumer du contenu du livre. En somme, il s’agit d’une étude qui porte surtout sur l’histoire sociale de l’hôpital. D’ailleurs, la plupart des encadrés portent sur des groupes et des personnalités; ces encadrés sont nombreux, intéressants et bien faits.

Ce livre aborde ainsi un aspect peu connu de l’histoire de cet hôpital et il constitue un complément aux études de Madeleine des Rivières et de Nicole Forget sur Justine Lacoste-Beaubien, à celle d’Aline Charles sur le bénévolat à Sainte-Justine, ainsi qu’à la thèse de doctorat de Rita Desjardins sur l’évolution de la pédiatrie à Sainte-Justine.

L’auteure a eu accès à toutes les sources disponibles sauf les procès-verbaux du Bureau médical et du Conseil médical (p.14). Les faits rapportés sont nombreux; par contre, il est parfois difficile d’en voir la pertinence ou le sens. En fait, le livre n’a pas vraiment de fil conducteur; il consiste plutôt en une collection de faits sur les différents thèmes étudiés. La mise en contexte n’aide pas, elle non plus, à saisir l’importance de plusieurs de ces faits, car elle a été faite d’une façon rapide, trop sommaire. Par exemple, il aurait fallu faire état de l’évolution du réseau hospitalier de Montréal au XXe siècle. Sainte-Justine n’était pas, durant ces années, le seul établissement de Montréal où on admettait les enfants catholiques francophones. D’autres en recevaient aussi, bien que probablement en moins grand nombre : l’hôpital Notre-Dame, l’hôpital Pasteur, l’hôpital Saint-Luc, et peut-être d’autres. On s’attendrait donc à avoir des informations plus précises sur l’importance de Sainte-Justine dans ce réseau et à ce que l’auteure explique plus précisément en quoi il « se distinguait nettement des autres institutions hospitalières » (p. 314).

Si l’ouvrage montre bien comment certains facteurs ont influencé l’histoire de cet hôpital, comme la laïcisation du personnel, la syndicalisation des employés et l’intervention de l’État, d’autres, par contre, sont absents ou sont évoqués de façon trop rapide. On sait par exemple que les développements de la bactériologie, de l’hygiène, de l’obstétrique, de la diététique, etc., ont transformé considérablement les structures et la vie des hôpitaux au cours du XXe siècle. L’auteure s’en tient sur ces points à des considérations très générales de sorte qu’il est difficile, à partir de son texte, de se faire une idée relativement précise au sujet de quand et comment ces changements ont eu lieu à Sainte-Justine. Ont-ils été vécus difficilement? Ont-ils eu lieu plus tôt qu’ailleurs? De façon différente?

En somme, l’étude montre peu comment l’histoire de cet hôpital s’inscrit dans celle de la ville de Montréal, dans celle du réseau hospitalier québécois et dans celle de la médecine au XXe siècle. Le lecteur est plutôt laissé à lui-même sur ce plan.

Par ailleurs, diverses affirmations auraient pu être plus étoffées. À plusieurs reprises, l’auteure insiste sur le fait que l’hôpital Sainte-Justine a toujours voulu être un lieu d’excellence (p. 13), « à la fine pointe des développements de la médecine » (p. 305), et qu’il a été « à l’avant-garde des établissements pédiatriques » (p. 314). Cela correspond probablement à la réalité, mais l’auteure ne commente pas assez les faits qui lui permettent de faire ces affirmations. Il aurait d’ailleurs été intéressant de trouver dans ce livre un tableau rappelant les grandes dates de l’histoire de Sainte-Justine.

Le livre se lit bien; on y trouve de nombreuses photos, des encadrés, une chronologie, une bibliographie et un index. Il intéressera surtout les spécialistes de l’histoire des hôpitaux et ceux qui ont un intérêt particulier pour l’histoire de cet hôpital.