Abstracts
Résumé
La modernisation écologique, inventée dans les années 80 comme une réponse à la crise écologique, peut-elle être considérée comme un programme précurseur de la résilience? Si l’on considère qu’il s’agit d’une stratégie d’adaptation de nos modes de vie à des défis environnementaux, avant que le concept d’adaptation ne fasse florès, la proposition se tient. Selon cette perspective, nous proposons d’observer et d’étudier la modernisation écologique à l’oeuvre, c’est-à-dire dans les pays d’Europe du Nord où elle a été réellement pensée et expérimentée. La modernisation écologique s’est construite autour du pari de l’alliance entre écologie et économie. Elle a principalement misé sur des innovations scientifiques et techniques pour faire face à la crise et en venir à bout. Ce programme, dont on peut dire qu’il a été en partie accompli, montre cependant des limites, dont des sous-estimations quant aux effets non intentionnels de certaines des solutions avancées à l’époque. Nous pensons à l’effet rebond par exemple. Si ce dernier, actuellement bien documenté, permet de s’interroger sur des pratiques d’optimisation de systèmes à bout de souffle et en bout de course, il permet la formulation de critiques plus substantielles à l’égard du programme de la modernisation écologique, dont celle d’avoir entretenu l’illusion d’un consensus sur la crise écologique et sur notre époque. Illusion qui n’a pas permis de s’engager activement dans un changement de paradigme. Ces interrogations se reportent sur le concept de résilience. L’engouement pour ce dernier ne risque-t-il pas d’entretenir une nouvelle vague d’illusion quant à la capacité de réforme de notre système économique et social? Les réflexions auxquels se livrent nos confrères allemands en histoire et en sociologie de l’environnement peuvent valoir sinon d’alerte, en tout cas de mise en garde par rapport à des innovations qui n’en portent que le nom. La résilience annonce-t-elle réellement un programme de substitution ou fait-elle illusion à son tour? C’est ce dont nous discuterons une fois la dynamique de modernisation écologique précisée.
Mots-clés :
- modernisation écologique,
- modernité avancée,
- résilience,
- cité marchande,
- cité écologique,
- gouvernance,
- réformisme
Abstract
The ecological modernization, invented in the 80’s as a response to the ecological crisis, can it be considered as a prefiguration of a resiliency’s program? This proposition is grounded on the argument that the ecological modernization follows an adaptation’s strategy of our lifestyles to ecological constraints. Following this proposition we study the ecological modernization as it has be conceived in the 80’s and as it is observed nowadays on the base of the feed back from countries and regions that have tried this program. The ecological modernization is built on a new alliance between economy and ecology and on a new conception of public policy. This alliance is grounded on the challenge that technological and scientific innovations will help to face the ecological crisis. This program that has been experimented in the northern European countries since ten to twenty years shows some limits as for example maintaining the illusion of a consensus on the ecological crisis. This illusion did not actively help in a change of paradigm. Does the success of resilience open a new wave of illusion concerning our capacity to reform our social and economic system? The reflections engaged by our German colleagues in the history and sociology of environment sounds like a warning? Does resilience really announce a substitution program or does it make illusion in her turn? It is what we shall once discuss in this paper.
Keywords:
- ecological modernization,
- advanced modernity,
- resilience,
- governance,
- market polity,
- ecological polity
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Appendices
Remerciements
Cet article doit beaucoup aux discussions avec Philippe Boudes et Didier Taverne. Ces dernières ont permis de le faire évoluer significativement. L’ensemble du contenu et de la démonstration n’engagent cependant que son auteur, Florence Rudolf.
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