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Un livre, ça parle beaucoup, mais qu’on se méfie : il ne dit rien que pour dire autre chose par biais[1]

John Duns Scot était un philosophe et théologien franciscain, Écossais par surcroît, qui vécut de 1270 à 1308. Quel rapport avec Jacques Ferron ? Aucun, à première vue, mais les historiettes de ce dernier se permettent parfois des rapprochements si incongrus, en apparence du moins, qu’on voudra bien me pardonner celui-ci. Il faut dire que Ferron avait un faible, semble-t-il, pour les Écossais ou manifestait, depuis l’enfance, une certaine forme d’« anglophilie » (fort nuancée, doit-on préciser), et surtout, que le Scot en question, critique de la philosophia perennis (aristotélisme et thomisme), s’est révélé si habile dialecticien qu’on l’a surnommé le « Docteur subtil ». Lecteur le plus souvent jubilant, quoique parfois perplexe, des historiettes, je me suis permis d’emprunter à Duns Scot son auréole pour en coiffer Jacques Ferron.

COMMENT LIRE LES HISTORIETTES ?

On est bien fondé à se demander par quel bout prendre les « Historiettes », dont le seul point commun est d’avoir été publiées sous cette rubrique dans deux périodiques bimensuels, L’Information médicale et paramédicale et Le Courrier médical, de 1957 à 1981. Un bon nombre de ces historiettes ont déjà paru. En 1969, Ferron avait lui-même proposé un choix de trente-cinq « Historiettes », datées de 1957 à 1969[2]. En 1975, sous le titre Escarmouches, était publié un recueil de textes qui comprenait, outre des textes polémiques, cent vingt historiettes parues entre 1960 et 1975 dans L’Information médicale et paramédicale[3]. La présente étude ne porte que sur les cent huit historiettes parues dans les deux périodiques en question entre 1960 et 1981, mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une édition proprement dite[4]. On s’est dit qu’il serait possible a priori de dégager de cette centaine d’inédits, courant sur une vingtaine d’années, une certaine unité thématique ou idéologique ou littéraire ; que ce corpus réduit, mais exemplaire, pourrait fonctionner comme un échantillon représentatif de l’ensemble des « Historiettes ».

Doit-on déplorer que les aléas de l’édition aient imposé un découpage si capricieux des historiettes qu’il nous soit désormais interdit de présenter les textes dans l’ordre chronologique de leur parution et, par conséquent, d’examiner leur évolution temporelle ? Admettons qu’une présentation plus méthodique eût permis de repérer plus facilement certaines récurrences thématiques ou encore des changements de ton significatifs. Mais, à fréquenter ce Docteur subtil, on apprend à se méfier d’une approche trop logique de la chronologie.

On aura remarqué, par exemple, que le recueil de 1969, publié par Ferron lui-même, est un fourre-tout de textes disparates, sans indication de temps ou de lieu ni regroupement par sujets. On aurait tort toutefois de se formaliser d’un « désordre » qui obéit en fait à la conception ferronienne de l’Histoire. À ses yeux, en effet, le respect de la chronologie réduit le passé à n’être que la nécropole d’une documentation une fois pour toutes classée ; un tel souci met donc ce passé « au temps mort », alors que la véritable Histoire, tout au contraire, nullement close, « vit comme un roman[5] » et reste toujours susceptible d’être interrogée, voire réinterprétée à la lumière du présent, au point d’engager l’avenir même ! Seuls les écrivains, dans cette optique, peuvent tenir un discours authentique sur le passé, les historiens patentés n’étant, selon Ferron, que des « faussaires[6] ». De ce point de vue, chaque historiette est unique et donne accès chaque fois au monde de l’imaginaire : telle est sa visée essentielle. Contre toute attente, on pourra donc lire, sans scrupule méthodologique, ces bien nommés textes épars[7], sous le regard amusé du Docteur subtil…

L’HISTORIETTE, UNE FORME D’ART LITTÉRAIRE

Cette conception très personnelle de l’historiographie nous fonde à insister sur le caractère essentiellement littéraire des historiettes de Ferron. On se souviendra qu’aux Éditions du Jour, Jacques Hébert, en éditeur avisé, avait publié les Historiettes de 1969 dans la collection des « Romanciers du Jour ». Car il importe avant tout de ne pas tomber, comme certains lecteurs, historiens surtout[8], dans le piège de l’argumentation réaliste pour ou contre, aveugle à la nature de l’historiette, forme d’art littéraire ; autrement dit, de ne pas s’adonner à une lecture purement factuelle de ces textes. Les historiettes ne sont pas vraies au sens de la stricte conformité avec le réel, mais elles sont vraies dans leur ordre, comme on dit que les Autoportraits de Rembrandt ou que les récits bibliques de la Genèse sont vrais : non pas d’une manière photographique ou littérale, mais selon l’esprit. Leur vérité dévore les apparences ou la lettre d’un texte pour révéler le sens profond de la réalité.

Ainsi donc, à la différence de l’Histoire, les historiettes sont le fruit d’une subjectivité qui, grâce au langage littéraire, propose une vision personnelle, une stylisation, une poétisation de l’historique, du politique, du social et de l’individuel. L’ironie, la satire et l’humour saturent alors ces textes, comme on le verra amplement. C’est pourquoi les personnes réelles figurant dans ces historiettes ne peuvent pas nous être présentées dans leur totalité, comme elles le seraient du point de vue naturellement détaché de l’observateur, capable de mettre à distance une réalité dans laquelle il n’est pas personnellement impliqué. Au fond, c’est la question de la vraisemblance qui se trouve posée, entre autres, par l’extravagance de certains personnages des historiettes (qu’on pense à La Dauversière, à Trudeau, à certains médecins, psychiatres surtout). Selon Tzvetan Todorov,

on parlera de la vraisemblance d’une oeuvre dans la mesure où celle-ci essaye de nous faire croire qu’elle se conforme au réel et non à ses propres lois. Autrement dit, le vraisemblable est le masque dont s’affublent les lois du texte, et que nous devons prendre pour une relation avec la réalité[9].

Dilemme de l’écrivain : il s’efforce d’atteindre le vraisemblable ou de le respecter, mais, en même temps, il est bien obligé, comme écrivain, d’obéir aux lois de la rhétorique, de recourir à ces matériaux de l’écriture que sont figures et procédés. On verra que Ferron est conscient de la « parade[10] » littéraire, du geste emphatique que favorisent ses écrits. Le monde organisé entre les pages d’un livre semble bien autoriser le renvoi à une réalité reconnaissable, mais il s’agit toujours, dans le cas du discours littéraire, d’un monde reconstruit par le subtil regard de l’ironiste, et dont l’organisation relève de lois propres.

Les historiettes ne sont pas dépourvues pour autant de toute valeur représentative, car il existe une homologie certaine entre les formes et structures de ces textes littéraires et celles de la société que l’auteur a connue. Ferron s’est affirmé, dans ses historiettes, comme un écrivain parce qu’il aura réussi à construire, à même ces textes épars, un univers cohérent dont la structure correspond à celle vers laquelle tendaient confusément, dans la société québécoise de son temps, les protagonistes de la Révolution tranquille. En outre, bien plus encore qu’un reflet statique de cette conscience collective, cet univers fictif en est un élément constitutif dynamique, agissant comme un ferment : pourquoi, en effet, serait-il interdit de refaire l’Histoire grâce à l’imagination créatrice à l’oeuvre aussi bien dans la Révolution tranquille que dans l’écriture ? Miroir d’une idéologie de libération, la manifestant sans relâche par leur ironique dénonciation des traquenards politiques et des inégalités sociales d’une époque en proie au mensonge de l’interprétation officielle, cléricale et coloniale, de l’histoire canadienne-française et québécoise, ces historiettes sans prétention, poursuivies avec une étonnante persévérance pendant près de vingt-cinq ans, concourent du même coup à cette libération en permettant aux lecteurs de repenser le monde à l’aune de la Révolution tranquille.

L’HISTORIETTE SELON FERRON

Mais comment définir ces historiettes écrites avec une étonnante régularité ? S’agissait-il vraiment d’historiettes à la manière de Tallemant des Réaux, dont Ferron se réclame explicitement ? Portons-nous d’abord à la défense de Tallemant, dont les propos, souvent lestes à souhait, lui ont valu la réputation d’un échotier licencieux au point qu’on peut se demander si la définition de l’historiette n’en aura pas pâti. « Récit d’une petite aventure, d’événements de peu d’importance[11] », d’après le Robert ; formule réductrice, me semble-t-il, qui ne rend pas justice au chercheur que fut Tallemant des Réaux : « [L]es Historiettes, écrit Antoine Adam, apportent sur les soixante premières années du xviie siècle un témoignage d’une extraordinaire vérité, aussi bien dans le détail que dans l’image d’ensemble qu’elles en donnent[12]. » Seulement, la démarche de Tallemant a peu à voir avec celle de l’histoire canonique ; il déniche le trait caractéristique de ses personnages jusqu’à mettre à nu l’intimité physique qui les dépouillât de tout artifice. D’où les anecdotes piquantes ou carrément choquantes, les gaillardises ou les paillardises, voire les plaisanteries scatologiques, qui font effectivement tomber les masques des grands de ce monde.

Ferron a de profondes affinités avec Tallemant : le talent de conteur, extraordinaire chez les deux ; la recherche de l’anecdote, du petit fait curieux ; le goût d’arracher les masques pour regarder droit aux visages ; le tour ironique très appuyé ; sans exclure, bien sûr, un penchant marqué pour la chose… La « chose » nous entraîne irrésistiblement du côté d’une autre influence subie par le Ferron des « Historiettes », plus profonde encore, celle d’Anthony Hamilton (1646-1720), auteur des Mémoires du comte de Gramont[13]. Né en Irlande de père écossais, mais éduqué en France, cet écrivain parlait et écrivait admirablement le français, un modèle somme toute pour cet « Anglais enquébecquoisé[14] » qui trouvait grâce aux yeux de Ferron. En principe, Hamilton ne fait que « tenir la plume » et rapporter les mémoires de son beau-frère, le brillant chevalier devenu comte de Gramont (1621-1707), aristocrate libertin et sceptique, personnage haut en couleur, avec sa vaillance militaire, sa passion du jeu, ses aventures galantes. En fait, le récit décousu, peu soucieux de chronologie, déborde la vie de Gramont pour s’intéresser aux chroniques scandaleuses de la cour d’Angleterre. Le pointillisme de la narration se compare à la fragmentation des historiettes, tandis que le désordre de l’exposé mime le désordre de l’existence. Ces prétendus Mémoires seraient plutôt une forme-paravent qui autorise ce persifleur de Hamilton à écrire tout ce qu’il veut en toute immunité ; ce sera aussi le privilège des historiettes, comme en convient Ferron :

[I]l y aurait lieu de s’interroger sur ma méthode, son utilité et ses prestiges. Comme me l’a signalé, d’aussi loin que la Pologne, mon ami Georges Lisowski : « Vos historiettes correspondent à ce que nous appelons ici des papiers de fou. Elles vous confèrent l’autorité douteuse d’en dire un petit peu plus que permis[15]. »

Souvent le personnage de Gramont laisse la place à des portraits d’hommes et surtout de femmes d’une redoutable malice. Esprit étincelant, plein de sel et de finesse, vif et rapide comme le seront les écrivains du xviiie siècle, Hamilton affiche un art du raccourci et de la formule assassine qui ont dû plaire infiniment à notre Docteur. On voudrait tout citer. Voici « la Stewart » : « C’était une figure de plus d’éclat qu’elle n’était touchante. On ne pouvait guère avoir moins d’esprit ni plus de beauté[16]. » Suit l’énigmatique Mme Hyde dont « une longue habitude avait tellement attendri ses regards que ses yeux ne s’ouvraient qu’à la chinoise ; et, quand elle lorgnait, on eût dit qu’elle faisait quelque chose de plus[17] ». Mais la palme revient à Mme Wetenhall dont « le visage était des plus mignons ; mais c’était toujours le même visage ; on eût dit qu’elle le tirait le matin d’un étui pour l’y remettre en se couchant, sans s’en être servie durant la journée[18] ».

À la différence de Tallemant et de Hamilton, Ferron ne se contente pas de dénicher les petits faits curieux ; quand il ne les trouve pas, il les forge : c’est la « parade » dont il aime se vanter. Pour illustrer sa pratique originale de l’historiette, je ne peux m’empêcher de citer une lettre inédite de Ferron à Pierre Cantin, qui résume bien mon propos :

Cela m’amène aux historiettes dont le genre convenait à la fois à mon esprit et à la situation où je me trouvais [vers 1950]. Cet esprit, je l’ai de travers ou de biais, en tout cas nullement didactique, incapable de dire simplement les choses […]. Comme je m’étais fait une assez mauvaise réputation avec mon communisme de parade à cette époque de la guerre froide, je ne pouvais prétendre à une aubergine dans L’information médicale que sur un mode mineur et badin. Rien ne pouvait mieux convenir que l’historiette illustrée par Tallemant et surtout par Antoine Hamilton, dont j’aimais beaucoup les Mémoires de Gramont et qui y a pu faire passer des énormités sans qu’il lui en coûte. Et puis, peu à peu, sur ce mode badin, j’ai pu écrire n’importe quoi. Cette rubrique a été pour moi capitale car, quoi qu’on prétende, on n’écrit jamais pour soi — ou si on le fait, ça ne dure jamais longtemps ; il faut donc trouver moyen de se faire publier[19].

Chez Tallemant des Réaux, les historiettes offrent un assemblage de faits pittoresques, parfois cachés, dont la révélation permet d’éclairer le dessous des choses, tandis que celles de Ferron sont généralement moins développées, plus proches souvent du simple billet, et surtout d’une grande variété générique. On n’y trouve pas seulement des textes narratifs : contes, récits, historiettes proprement dites ; mais aussi des essais nombreux, quelquefois en forme de fragments ou de dialogues ; des feuilletons annonçant une oeuvre à venir ; des satires enfin (il est vrai que la satire comporte souvent des anecdotes piquantes ou historiettes). Tout compte fait, la rubrique « Historiettes » me paraît désigner ici le banc d’essai de l’oeuvre de Ferron, l’épreuve à laquelle il se soumet pour atteindre à la maturité désirée.

Convenons en effet au départ, en dépit de la rubrique « Historiettes », commune à tous ces inédits de 1960 à 1981, d’une certaine hybridité générique de l’ensemble. Le premier genre identifié est celui de l’essai, non celui de la prose d’idées à visée didactique, mais celui de la forme littéraire, héritée de Montaigne et déjà admirablement décrite par Lukács et Adorno, et, plus près de nous, par André Belleau et Jean-Marcel Paquette. On compte quarante-deux essais, dont quatre en forme de fragments et deux dialogues (par exemple, « En pilules », « La folie d’écrire », « Nelligan, la mue de la voix et la langue de la mère[20] »).

Après l’essai, la deuxième forme, pour le nombre d’occurrences dans les présentes historiettes, c’est le récit, qui n’apparaît pas moins de vingt-quatre fois. Notons quelques titres : « Un pieux caucus », « Le lys d’Orange », « La magonne » et « Ces enfants qui agrandissaient le monde »[21]. Le récit ne jouit pas, quoiqu’il narre lui aussi, du pouvoir sacré du conte. Relevant de la langue écrite et non pas d’une langue parlée aux vertus incantatoires, le récit rompt avec l’aoriste mythique pour s’inscrire dans une dimension autobiographique et lyrique. C’est une tout autre intervention qui n’en possède pas moins, dans les historiettes en tout cas, une qualité esthétique bien réelle.

Enfin, il ne faudrait pas oublier l’attirance primordiale de Ferron pour le conte, dont ses historiettes ne sont jamais très loin, quelle que soit leur polyvalence générique. On en relève quinze occurrences, dont « La vocation de Cordélia Viau », « L’épiphanie de l’enfant », « Le purgatoire le plus simple »[22]. Le conte se caractérise par une vision du monde que Jean-Marcel Paquette a identifiée sous le nom de « métamorphose », « signe d’un état de civilisation où l’aspect magique des choses et de la vie joue encore un rôle prépondérant[23] ». Dans le même sens, Ginette Michaud le présente comme « le genre par excellence de l’oralité et de la parole des origines[24] », où se produisent de merveilleux échanges entre les règnes : ainsi dans les romans Cotnoir et La nuit (des contes, au fond), les maisons voyagent, les chiens rient, le téléphone bâille ou rêve, la rue veille, la vérité vole comme une colombe… C’est toute la réalité, en fait, qui se trouve régénérée par cette parole de salut.

Premières moutures de l’oeuvre à venir, neuf historiettes pourraient aussi être considérées comme des feuilletons annonciateurs des futurs livres ou recueils, eux-mêmes d’ailleurs, toujours selon l’optique ferronienne, susceptibles d’être remaniés. À titre d’exemple, citons « La nuit[25] » sorte de prélude au roman à venir, ainsi que les six historiettes du « Pavillon de chasse[26] » qui préparent le grand oeuvre jamais terminé (interminable, en fait) qui devait s’intituler « Le pas de Gamelin[27] ». Ce métissage générique se retrouve parfois à l’intérieur d’un même texte, par exemple « Les couleurs héréditaires » (récit avec prologue essayiste) ; « Le petit pape noir et le grand pape blanc » (récit métissé de conte) ; « Fleury de la Gorgendière » (récit mâtiné d’essai) ; « Le paradis sur terre : quelle niaiserie[28] » (satire avec finale essayiste).

Le dernier genre à être présenté est celui de la satire. Non seulement il s’agit d’un genre que favorise Ferron — on trouve dix-huit satires dans l’ensemble étudié, notamment « Pour les indécrottables », « Finies, les folleries », « Le triomphe de l’industrie », « La médecine aztèque[29] » —, mais l’esprit de satire, d’ironie, de raillerie imprègne un très grand nombre d’historiettes. C’est pourquoi il convient d’explorer plus à fond l’humeur moqueuse du Docteur subtil, cette ironie typiquement ferronienne qui me paraît au coeur même de l’être et du style de l’écrivain.

L’HUMEUR MOQUEUSE DU DOCTEUR SUBTIL

La moquerie, chez le Ferron des « Historiettes », est plus qu’une figure de rhétorique ; c’est un mode de penser, un tour d’esprit et un style d’écriture. Attention, pourtant : cette moquerie revêt plusieurs formes. La plus facile à identifier, car elle crève les yeux (au sens courant de la métaphore, mais littéralement aussi, pour qualifier l’agression ouverte contre la victime), c’est la satire, proche du sarcasme. Mais le tour d’esprit dominant, le plus constant, le plus original, le plus créateur sur le plan littéraire, le plus malaisé à décrire aussi, à cause de sa subtilité, c’est l’ironie, que Ferron pratique de magistrale façon. Enfin, tout autre, humain et rassembleur, se discerne chez Ferron, mais plus rarement, l’humour, cette forme d’aimable moquerie.

La plus voyante, disais-je, et en cela opposée à l’ironie, c’est la satire, voisine de la raillerie ou de l’insulte, qui coupe court à toute discussion. Le satiriste est revenu de tout ; sa posture trahit le dernier degré du désespoir. Son rire fait penser à ce « spasme des muscles dilatateurs de la bouche donnant l’aspect de rire forcé[30] » qui définit le rictus ou le rire sardonique. Le satiriste témoigne de l’effondrement de tous les idéalismes ; au contraire de l’ironiste, il est par excellence l’anti-idéaliste. Même le pamphlétaire, excessif en tout, a encore la force de s’indigner et de s’agiter comme une mouche prise entre deux vitres. Le satiriste, lui, n’a rien de commun avec ce monde dégradé et ridicule ; il se contente de se dissocier hautainement de l’adversaire devenu pantin ou fantoche ; l’agression se fait alors directe, claire, frontale, tout au contraire de la moquerie distanciée de l’ironiste. Bref, on a affaire ici à une rhétorique du mépris.

Car si l’ironie l’emporte sur la satire, Ferron aura néanmoins commis des textes d’une rare agressivité. Tout comme son modèle Anthony Hamilton, le satiriste Ferron peut être dévastateur à l’égard de ceux chez qui il subodore la duplicité, la fourberie ou la prétention. Dresser un répertoire de ses têtes de Turc serait sans doute révélateur. Énumérons pêle-mêle Dollard des Ormeaux, les historiens à l’école de Groulx ou de Frégault, les médecins d’aujourd’hui, les psychiatres surtout, ainsi que plusieurs personnalités fort connues, les Trudeau, Pelletier, Lalonde, Bessette, etc. Quelques spécimens éloquents. D’abord la créature de Lionel Groulx, Dollard des Ormeaux : « Quant au geste de Dollard, en soi sordide, on le transforme […]. Du mariage d’une bévue et d’une sale affaire naissait la belle légende[31]. » Et puis cette satire des Américains, brûlante d’actualité : « À présent, le roi du monde, c’est […] l’Amerlot qui se croit tout permis et attaque les petits pays comme bon lui semble, sans déclaration de guerre, assez puissant pour être un hors-la-loi international[32]. » Enfin, ce passage d’une rare rosserie, qui pourrait choquer les âmes pies :

Nous ne pouvons plus différer de nous identifier à nous-mêmes, c’est-à-dire de nous limiter à ce que nous sommes, à ce que nous avons toujours été. Nous nous perdrions à vouloir être davantage, Canado-Américains, bilingues, et ci et ça, comme les catholicards de la fourette, les Trudeau, les Ryan, les Pelletier, les Gérin-Lajoie, tous militants de la vaticanerie, nous le suggèrent doucereusement, derrière l’épaule, comme des énergumènes, des enfants de choeur, de perdition, et pour tout dire : comme des enfants de chiennes[33].

Et vlan ! Pourtant, ce n’est pas du tout en polémiste rageur que je me représente Ferron à son ordinaire, mais plutôt en subtil ironiste, tenant son propos de biais, sur un ton pince-sans-rire, avec « détachement ». Comme l’explique si bien le brillant philosophe Vladimir Jankélévitch, l’ironie survient lorsque « l’esprit en retrait prend ses distances[34] » et se manifeste de manière détournée : « Le détour ironique est donc, au point de vue de la signification, une sorte de broderie, une appogiature de la via recta, quelque chose comme une licence poétique[35] […]. » Avec un sourire en coin, ou mieux encore, sous cape, car « le rire de l’ironie […] est un rire intérieur plus ou moins visible », affirme Henri Morier[36]. Le conteur de Ferron renchérit, lui qui rencontre au cimetière, assis sur une pierre tombale, un dénommé Gadagne, « hybride d’ange et d’Écossais », « d’une ironie rentrée qui le faisait peut-être sourire par en dedans mais non par en dehors[37] ».

Il arrive que la conscience critique provoque une trop forte agressivité, laquelle déborde alors le mode ironique pour verser dans la satire ou, pire encore, dans le sarcasme ou l’insulte qui rompent en visière avec une cible haïe. Abolies dès lors l’interrogation (l’ignorance feinte) et la dissimulation inhérentes, depuis son paradigme socratique, à l’essence même de l’ironie, car l’ironiste porte un masque qui mime le paradoxe du monde. Son discours est nécessairement complexe, marqué par une ambiguïté constitutive, une obliquité, bref par une subtilité qui font naître le questionnement chez le lecteur en l’obligeant à s’adonner à un déchiffrement, voire à une réécriture de l’énoncé, qui confère à ce dernier sa pleine expressivité. Le masque cache, certes, mais c’est pour mieux suggérer, amener la vérité à briller et la révéler à autrui : on reconnaîtra ici la vertu pédagogique ou socratique de l’ironie[38]. Sans doute la satire est-elle directe et atteint-elle de plein fouet sa cible, sans recourir aux subtils biais de l’ironie ; plus voyante, donc, plus percutante que celle-ci. Plus efficace ? Rien n’est moins sûr, car le travail ou la démarche herméneutique qu’exige le discours complexe de l’ironie éveille l’intérêt et la créativité du lecteur, provoquant ainsi chez lui une féconde complicité.

LE SOURIRE INNOMBRABLE DE LA PROSE FERRONIENNE

L’ironie émane d’une singulière acuité de la conscience critique, entraînant dans les historiettes une « posture d’énonciation distanciée[39] » par rapport à la réalité, posture oblique ou surplombante qui fait naturellement apparaître le comique de la situation. Un tel « ravisement » de la conscience, pour employer l’heureuse trouvaille lexicale de Jankélévitch[40], confère aux traits d’esprit du véritable ironiste une portée inattendue. Mais comment parler d’une ironie qui se love dans le texte ferronien sous tant de formes diverses, qui change constamment de masque ? Toute la subtilité de l’écrivain est à l’oeuvre dans ces jeux de langage qui imposent au lecteur un effort herméneutique constant. Car la condition fondamentale, chez Ferron, de l’expression ironique est bien cette écriture étudiée, avec ses sinueuses périphrases à la Proust, son vocabulaire soigné, d’une rigueur valérienne, témoignant d’un souci de la forme qui rejoint parfois, dans la préciosité, « toute la finesse de Monsieur de Marivaux[41] ». « Incapable de dire simplement les choses[42] », réfractaire au discours sérieux comme à l’engagement fusionnel du lyrisme, Ferron évalue sans indulgence son formalisme, sa manière sentencieuse. Opposant « l’écriture froide et solitaire » à « la parole communautaire, incessante, éparse et chaleureuse », il juge sévèrement la « manie » voire la « folie » de son écriture distante : « J’écris hors de mon élément, dans un lieu d’écoute et de réflexion. Il ne saurait être question que je le fasse comme je parle[43]. » Planant sur soi-même, à l’instar de l’ironiste Flaubert, il se regarde écrire : « Ah, ciel ! Que j’écrivais noblement ! Et je me mirais dans ma rhétorique […], tu feras comme ton cher Marivaux, de la dentelle pour en dire le moins possible[44]. »

Un vocable récurrent exprime bien cette posture recherchée : la « parade ». Ainsi Ferron s’amuse-t-il, chez l’avocat, de la « parade des mains » : « J’admire […] la main nue cherchant à l’aveuglette le geste, le rejoignant, le saisissant, le brandissant, puis le laissant tomber pour repartir à la recherche d’un autre ; j’admire la pose et le théâtre[45]. » Se moquant de « l’impulsion tout émotive et irlandaise des Nelligan », Ferron évoque la vive réaction de la fille de madame Nelligan apprenant la maladie de sa mère : « le chapeau sur la tête », elle est « prête déjà à partir pour aller secourir sa mère et vedette[46] ». C’est ainsi qu’il aime rapporter un événement, renchérit-il avec une ironique lucidité, c’est-à-dire

en y ajoutant le grand chapeau qui lui donne du geste, qui le rend plus éloquent, plus théâtral. Je suis l’homme désigné pour le faire, l’homme d’un chapeau que l’honnête Monsieur Lacourcière[47], exact et scrupuleux, ne peut se permettre. […] [J]e me qualifie plutôt par une sorte de don pour la parade et la supposition[48].

L’homme d’un chapeau ! Voyante illustration de la pose de l’ironiste face au discours sérieux du savant.

Que choisir encore parmi tous ces tours de virtuosité stylistique ? On aura remarqué la pratique de la citation ostentatoire, intercalée dans une structure d’attente appropriée : par exemple, le long texte, d’un érotisme loufoque, de l’éducateur jésuite André Valton (personnage inventé ? Sait-on jamais avec Ferron…) portant sur les vertus pédagogiques de la « graine », et ici de la « graine d’homme » ! « Moi, je veux bien », commente Ferron. « Pour mon déduit » : plaisir du mot archaïque autant que de la chose… Sauf que le révérend père, éducateur chevronné qui s’adressait aux « dix-sept mille instituteurs du pays », aurait dû s’aviser que ladite « graine[49] » est un objet qu’il faut prendre au Québec avec des pincettes…

Sur le modèle de la désillusion, on distingue une forme syntagmatique de l’ironie. Celle-ci met l’accent sur l’échec d’un projet de vie, ou sur le décalage, la distance encore, entre le projet et sa réalisation. On aura observé, chez Ferron, que dans maints domaines particulièrement sensibles, médecine, religion, politique, la tension entre la réalité et l’idéal est ironiquement soulignée, parfois avec une amertume non déguisée. « Détournement » : sur le ton d’un sec constat, ce titre exprime un tragique changement de direction ; parti pour retrouver sa mère et le monde de l’enfance, un patient du Docteur, Oliva Liboiron, est plutôt expédié à l’hôpital, où il meurt : un départ détourné en décès[50]. « Les portes du ciel » : c’est le beau nom d’un hospice, d’un « hôtel-Dieu », dont la fonction charitable est poétiquement suggérée : « On y recueillait les vieillards décrépits, dont les derniers jours, blafards et furtifs, tournaient de plus en plus vite sur le pivot de la nuit, et qui n’avaient plus guère qu’à attendre, dans ce lieu de repos et de paix, l’arrêt du tourniquet[51]. » En décalage complet avec la sublime vocation de ces maisons de bienfaisance qu’ils honnissaient, les jeunes d’alors — dont l’énonciateur —, tout infatués de leur jeunesse, n’y ont rien compris. « Et nous étions insensés » : ce jugement sans pitié marque l’amertume de ce retour sur soi-même. Enfin, il est un procédé de distanciation ironique typiquement ferronien, finement discerné et analysé déjà par Ginette Michaud[52], sur lequel je voudrais clore ce rapide inventaire. Il consiste à superposer et à faire jouer entre eux des thèmes ou contenus éloignés l’un de l’autre, parfois franchement hétérogènes — on se souviendra que John Duns Scot, au tout début de cet essai, s’était aimablement prêté à ce jeu. De ce rapprochement incongru d’instances disparates aux yeux du commun des mortels, Ferron, lui, fait subtilement jaillir de la lumière, des rapports nouveaux, une manière de synthèse qui vient modifier parfois, du tout au tout, les perspectives reçues.

Si la distance (signal d’ironie) entre comparant et comparé est déjà assez considérable dans les figures suivantes : l’auto « partait avec gloire, soulevant dans les rues de gravelle plus de poussière qu’on ne l’aurait fait en tournant sept fois autour de Jéricho[53] », et « le Saint-Père était déjà captif dans le Vatican comme Jésus dans le saint tabernacle des églises canadiennes[54] », il faut s’appeler Ferron pour oser mettre en rapport, dans « Équarrissage pour tous[55] », satire féroce de la guerre, la bombe atomique de Bikini et les baigneuses de la Riviera dans leur plus simple appareil ! Des liens sont ainsi créés entre des objets culturels hétéroclites : cette technique formelle de distanciation reflète un mode de pensée qui va à rebours de la manière savante en ce qu’il relève d’une épistémologie de l’intuition plutôt que de la discursivité rationnelle. Même curieux rapprochement de contenus éloignés coprésents dans un même texte : « Fleury de la Gorgendière » — c’est le nom d’un poulain ! — se permet des « accouplements » subtils entre le cheval et la pensée nationaliste[56]. Follement hybride, « Le petit pape noir et le grand pape blanc » fait tourner, dans un carrousel étourdissant, la Nouvelle-Angleterre, la parenté des Ferron, l’Américain de Lowell, les défunts de Saint-Léon, l’abbé Groulx, l’avocat Daigneault, le pape du Vatican, la stigmatisée de Woonsocket, la luxurieuse cousine Vicks, le « malheureux petit divorce[57] » de l’auteur… Certes, les diverses formes d’ironie que j’ai soulignées n’offrent qu’un échantillon des jeux de langage qui fourmillent dans ces historiettes. Au lecteur d’ouvrir les yeux, car Ferron multiplie les mots d’alerte, les signaux d’ironie : antiphrases, formes stylisées ou stéréotypées, hyperboles, modalisateurs, feintes, paradoxes, faits voyants de style — énumération, hypotypose, enflure lexicale.

Grâce à sa posture surplombante ou oblique, qui permet de traiter un sujet sous un angle innovateur et hardi, l’ironie perçoit et fait percevoir des rapports, des nuances, des finesses qui restent peut-être invisibles à maints lecteurs, car elle exige de l’ironiste, mais aussi de son complice, le lecteur co-ironiste, une grande subtilité d’esprit. D’autre part, si elle jouit indéniablement d’une puissante charge ludique et comique, elle n’en vise pas moins la saisie de la réalité, qu’elle décompose avec une extrême minutie, et toujours, insistons-y, pour promouvoir des valeurs que l’ironisant juge meilleures que d’autres. Nulle part ce sens aigu du réel aura-t-il été affirmé, chez Ferron, avec autant de force que dans cet énoncé programmatique qu’on peut lire, « en gros caractères, comme au début d’une ère nouvelle », à la toute fin du feuilleton, première mouture de La nuit, « Sainte-Agathe existe » : « LA RÉALITÉ SE DISSIMULE DERRIÈRE LA RÉALITÉ[58]. » Cet énoncé, au fondement de toute l’oeuvre de Ferron, constitue une invitation à la pratique de l’ironie (eirôneia), qui est étymologiquement l’action d’interroger subtilement la réalité, à la recherche de la vérité la plus essentielle et la plus cachée qui « se dissimule derrière la réalité ».

L’HUMOUR FERRONIEN

L’humour est aussi présent dans les historiettes, mais plus rarement que la satire et surtout que l’ironie. Cet ascendant de l’ironie est une particularité formelle qui, comme toujours en littérature, porte signification : l’ironiste est un idéaliste qui refuse la différence entre l’idéal et le réel, qui la souligne, au contraire, avec une moquerie plus ou moins amère. Le satiriste, on n’en parle pas : revenu de tout, il a adopté la posture du mépris. Tout autre est l’humoriste, qui vit dans le sentiment des limites de l’esprit et de la relativité, voire de la banalité des choses : il accepte donc, sans aigreur aucune, la différence entre idéalité et réalité, il s’en amuse même ; en ce sens, l’humour est saine moquerie, principe d’équilibre et de pondération. Moquerie qui se fait volontiers auto-ironie, trait d’esprit de qui ne se prend pas au sérieux et sait se moquer de soi-même, se relativiser sereinement : d’où son visage sympathique, empreint de gentillesse et de bonhomie. Il s’ensuit que l’humour est amène et rassembleur ; il crée des liens, un consensus, une communauté de pensée ; il unit les participants. Alors que l’ironie, en principe, divise : elle atteint la cible, la victime ; elle choisit le complice ; elle discrimine le naïf, celui qui n’y entend rien.

C’est un très beau conte que « L’épiphanie de l’enfant », d’une poésie insolite, entremêlée de fantastique, qui joue avec la géométrie du paysage et s’amuse aimablement de « l’allure nonchalante du chameau, toujours un peu invraisemblable, vaisseau du désert » :

Certes, il garde ses pattes et procède par elles comme un quadrupède bien-pensant, mais il avance si peu à chaque pas que la houle le rejoint, le soulève et dépasse de sorte qu’il tangue, figure de proue dodelinant de la tête, les yeux doux, à demi clos[59].

La profonde méditation du narrateur sur le mystère de l’épiphanie est allégée par son sourire amusé devant le spectacle de ces sympathiques dromadaires et du barbier de Bethléem, « rasoir suspendu et bouche bée, qui regarde passer dans la rue étroite, devant son échoppe, trois chameaux blancs, forts et superbes, qui encensent de la tête…[60] ». « Le lys d’Orange » présente l’incarnation même de l’humour, un vieux gentleman anglais :

Ce vieil homme, qui du médecin ne voyait que le dernier avatar, ne cessait de sourire […]. Ce sourire bon et contraint avait fini par lui quadriller le visage de courtes et fines rides. Maintenant, le sourire captif dans ce filet, il était trop tard pour changer de physionomie[61].

Affectueuse moquerie où il n’y a pas vraiment de cible, où les rieurs sont tous du même côté, exemple typique de la fraternité de l’humour. S’il y a pointe, elle ne vise que le narrateur de ce récit émouvant, « du médecin […] le dernier avatar », ironie « humoresque », ironie-boomerang. Même effet d’auto-ironie dans « Un véhicule anglais », où Charles, propriétaire d’une « cour de scrappe », fait penser à un « maquignon » avec son « motton » ou son gros rouleau de piastres « qu’il extirpait de sa poche de cuisse, pas très loin de l’autre motton qui fait l’homme »… Le narrateur lui envie son astuce : « Je ne réussissais guère à maquignonner la médecine qui ne devient peut-être un art qu’à ce prix[62]. » Autocritique encore, et d’un grand effet comique, que ces subtils effets de distanciation qu’affectionne Ferron : « Vous vous voyez passer dans la rue et ne vous reconnaissez pas : vous êtes encore jeune et plus beau que vous ne croyez[63]. » Terminons en beauté avec l’humoristique dédoublement de l’oncle Maxime, ex-zouave acclamé comme un « preux » : « Quand il sortait dans la rue, la canne à la main, portant les guêtres et le chapeau rond, il croyait se voir passer et se serait volontiers salué[64] […]. »

ÉPILOGUE

A priori, on pourrait croire que ces historiettes ne sont que des billets légers, sitôt lus sitôt oubliés, parents pauvres, tout compte fait, dans l’oeuvre de Ferron.

Et pourtant, je ne me lasse pas de les relire, de les savourer mot à mot, signe qu’on n’a pas affaire ici à de simples textes de communication, mais bien à de l’écriture, et de la meilleure venue.

Ce goût des mots, ce souverain plaisir du texte, rappellent opportunément ce qu’on a tendance à oublier, me semble-t-il, soit de prolonger l’approche critique inspirée par des critères historiques, sociologiques, idéologiques, en direction d’une critique esthétique, axée sur l’écriture comme art merveilleux de la beauté littéraire. Écrivain avant tout, Jacques Ferron, à mon avis, n’en disconviendrait pas.