Chroniques : Dramaturgie

Guerres et tragédies[Record]

  • Lucie Robert

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  • Lucie Robert
    Université du Québec à Montréal

S’il est un thème récurrent dans la dramaturgie actuelle, québécoise ou européenne, c’est celui de la guerre. À chacun ses guerres cependant : aux Québécois, les guerres du Moyen-Orient, le génocide du Rwanda ; aux Européens, la rupture de la Yougoslavie. Dans son étude sur les Dramaturgies de la guerre, David Lescot rappelle que la lecture des pièces de ce genre nous fait remonter jusqu’aux origines du théâtre, à Eschyle, plus précisément, qui, dans Les Perses, évoque la bataille de Salamine. Il s’y prend une dizaine d’années après le fait, s’adressant à un public qui en avait été le témoin, mais, en même temps, il choisit de mettre en scène non la victoire d’Athènes, mais les effets de la défaite sur le peuple perse. Il y a là une stratégie de contournement, qui fait l’expérience de l’altérité et qui, du même coup, propose une réflexion critique sur l’histoire récente de la Cité. « On sera tenté de conclure que le théâtre naît avec la guerre, que c’est elle, en tant que mise en crise, menace pesant sur la vie et le fonctionnement de la Cité, qui est à la source de l’institution tragique, et de sa portée politique . » Or, Lescot observe la difficulté qu’il y a à représenter la guerre elle-même sur une scène de théâtre. Des contraintes strictement matérielles rendent difficile la mise en scène du combat, qui exige la présence des armes et de ces grandes collectivités que sont les peuples et leurs armées. Des contraintes esthétiques rendent impossible la simple superposition du conflit armé et du conflit dramatique. Entre ces deux modèles de conflits, tous deux reposant pourtant sur des enjeux d’espace et de temps, réside ainsi une incompatibilité de nature structurelle qui, le plus souvent, réduit la guerre à l’affrontement intersubjectif. Toute dramaturgie qui représente la guerre elle-même superpose donc au conflit politique un conflit individuel. Au mieux, nous aurons un débat d’idées, une controverse qui s’exprime dans l’échange de paroles. Au pire, l’effet politique sera irrémédiablement perdu dans un conflit interpersonnel. On citera, comme exemple du premier modèle, Les mains sales de Jean-Paul Sartre, et, comme exemple du second, le Félix Poutré ou le Papineau de Louis Fréchette. Or, comme le rappelait déjà John Locke, c’est « la violence, ou un dessein ouvert de violence d’une personne à l’égard d’une autre, dans une circonstance où il n’y a sur la terre nul supérieur commun, à qui l’on puisse appeler, [qui] produit l’état de guerre  ». Et c’est bien pour contrer ce type d’absence que les hommes ont inventé le gouvernement civil. En ce sens, l’état de guerre désigne avant tout la crise de l’autorité civile et c’est ainsi que, dans les dramaturgies de la guerre, est plus souvent mise en scène la tragédie du monde civil, à travers des personnages brisés, que le conflit militaire lui-même. Dès lors la guerre apparaît comme un « détour critique  » ; elle « ne peut être prise littéralement comme le sujet des pièces mais comme symptôme extrême de l’état social  ». Personnage emprunté au livre des Rois, Jézabel a inspiré à Denise Boucher le livret d’un opéra-gospel dont la musique a été confiée à Gerry Boulet. Présenté en lecture-spectacle au Théâtre Français du Centre national des arts à Ottawa en janvier 1987, sous la direction de Michelle Rossignol, l’opéra a d’abord fait l’objet d’un enregistrement musical. La voix de Gerry Boulet a été enregistrée en 1987, mais le disque lui-même est daté de 1994. C’est le texte du livret qui vient de paraître aux Herbes rouges . Dans l’économie de l’oeuvre dramatique, rare …

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