Trentième anniversaire

Quelques vents venant d’ailleurs[Record]

  • Anthony Wall

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  • Anthony Wall
    Université de Calgary (Canada)

En trente ans, la revue Voix et Images est devenue un outil de tous les jours pour le chercheur en études littéraires. On s’en sert presque « automatiquement », car on peut toujours compter sur elle ; elle constitue désormais un élément clef de l’essor qu’on observe actuellement dans le champ de la littérature francophone mondiale. Que ce soit au Québec, au Canada anglophone, ou dans d’autres centres universitaires du monde, Voix et Images est sans aucun doute la marque de fabrique internationale de l’université montréalaise, avec tout le prestige qui s’y attache, non seulement pour les études québécoises, mais pour les études littéraires en général. Plus concrètement, la revue a permis aux études québécoises d’étendre leurs horizons au-delà des frontières linguistiques du monde francophone, à l’extérieur donc du Québec, et même bien au-delà du continent nord-américain. Dès ses premiers numéros, Voix et Images s’est distinguée par son goût de l’innovation et par son énergie intellectuelle, comptant déjà parmi ses collaborateurs quelques-uns des meilleurs chercheurs du monde francophone. Avec un roulement régulier au sein de son équipe de rédaction, la revue est restée étonnamment jeune, et ce, pendant plus de trois décennies ; ainsi a-t-elle pu participer — comme l’un des principaux acteurs — aux grands moments qui ont marqué les études littéraires depuis les années 1970 : la critique féministe, la sémiotique littéraire, l’esthétique de la réception, les études comparatives entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, les diverses notions d’américanité, la postmodernité, la parole migrante, l’épistémologie de la littérature, la naissance d’une littérature nationale. Elle a fait connaître de nombreux jeunes écrivains, relativement inconnus, tout en approfondissant la pensée critique portant sur d’autres acteurs, plus anciens, prétendument mieux connus. Renouvelant sans cesse sa propre équipe, comprenant en principe des collègues de plusieurs institutions, parfois lointaines, la revue a de nombreuses fois changé de visage éditorial, et, par conséquent, de focalisation, de perspective philosophique, d’approche générale. Pendant tout ce temps, elle n’a jamais perdu de vue sa mission première consistant à être une revue intellectuelle de grande qualité, ouverte à divers horizons et traditions, toujours prête à se lancer à corps perdu dans ce qu’elle découvre. Présente dans les meilleures bibliothèques du monde, citée non seulement dans le champ des études québécoises mais dans celui des études culturelles au sens large, Voix et Images a servi de plaque tournante à des générations successives de chercheurs. Il est important de ne pas sous-estimer le rôle qu’assume Voix et Images depuis longtemps au sein de l’institution littéraire québécoise ; c’est une porte donnant sur le monde extérieur et permettant aux études québécoises d’éviter le piège de la fermeture d’esprit, celle qui arrive inévitablement quand le monde dans lequel on vit est lui-même clos, cantonné. Alors qu’il n’est jamais trop ardu de trouver assez de contributions sur la littérature québécoise au sens large pour « faire une revue » — encore une autre revue —, il est nettement plus difficile, surtout à long terme, de devenir l’endroit où les meilleurs articles dans son champ seront publiés. Et de le demeurer. Cela représente d’abord un investissement énorme qui constitue un bien irremplaçable. Une bonne revue ne fait pas que « refléter » ce qui se passe autour d’elle ; elle doit elle-même « faire bouger » les choses, en poussant ses collaborateurs à creuser toujours plus avant, à mieux développer une intuition, en insistant sur une écriture de qualité et sur l’originalité de l’approche. Ce qui est nettement moins facile à réaliser : rester pendant plus de trente ans au premier rang des recherches littéraires au Québec et au Canada. Pour ce …