Chroniques : Poésie

Less is more[Record]

  • Gabriel Landry

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  • Gabriel Landry
    Collège Maisonneuve

C’est un truisme : les poètes modernes ont inculqué à leurs lecteurs le goût des formes comprimées. Le poème, aujourd’hui, continue d’offrir, en marge des grands orchestres et des amples plaisirs de la prose, les délices de la brièveté. Mais il y a brièveté et brièveté. Il y a celle de la miniature esthétique, qui produit des objets ronds et ouvragés, d’ingénieux gadgets lisses comme des galets sur lesquels l’oeil glisse, des cassettes dont on admire le vernis, mais qui ne se laissent pas ouvrir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Puis il y a ces petites choses dont l’économie nous paraît autrement motivée, ces poèmes de peu de mots qui vous ouvrent un réduit débouchant sur le plein air, ces épigrammes qui réitèrent, preuves à l’appui, que c’est par le moins qu’on arrive au plus. Les quarante courts poèmes que Dominique Robert nous propose dans Pluie heureuse  appartiendraient plutôt à cette dernière espèce. Courts mais pas secs, ils sont aussi désaltérants que le suggère leur titre printanier. Cette pluie heureuse est une pluie d’étoiles. Son régime est intermittent dans cette poésie de veille et de rêve, qui fait la part la plus belle à la célébration de la vie et de la beauté en dépit de tout ce qui pourrait glisser et nous échapper sur « une pente de réalité » (15). « Réalité plus difficile à bénir qu’à blâmer » (48), ajoute cette poète qui conquiert pourtant comme pas un(e) la joie de la contemplation. Car, soyons sérieux, il faut le reconnaître plus que jamais alors que nous en sommes tous, ou presque, à courir après ou contre quelque chose (un métro, un parking, un curseur, un sans-fil asservisseur, un ingrat calendrier), ce n’est jamais qu’à ceux qui s’arrêtent de bouger qu’est donnée la chance de voir « la cétoine qui dort dans le coeur de la rose  ». Dominique Robert s’est accordé cette chance et la cultive comme un jardin des quatre saisons, intempéries ou pas. Elle « cherche la clé perdue avec le songe » (15) au fil d’une quête renouant avec un intemporel romantisme, qui projette l’intériorité dans le cosmique sans perdre de vue que la poésie, c’est ce qu’il y a d’intime dans tout . N’ayons pas peur de nos images d’Épinal de lecteur : ces poèmes-méditations, on s’imagine qu’ils pourraient avoir été écrits sur l’herbe (ou la pelouse), tant ce qu’ils nous proposent ressortit à un authentique sentiment de la nature : Rien de moins béats, cependant, rien de moins assis, rien de moins immobiles que ces poèmes-tableaux qui font trembler leur toile : Après l’enfilade des métaphores sidérales aux trois premiers vers, métaphores d’autant « imposantes » qu’elles empruntent des syntaxes passablement identiques, après la solennité de l’inversion du verbe et du sujet dans la relative du troisième vers, voyez comme l’autre moitié du sizain le parachève en le faisant bouger : prosaïsme du bonnet de nuit (le texte le fait entendre sans l’écrire  ; le contexte le suggère presque), puis familiarité déroutante, parce que imprévisible, de la finale, du sixième vers en particulier, chute-aveu dont le ton mi-bon enfant, mi-grave, soit dit en passant, me paraît caractéristique de cette poésie . De l’amorce au vers 6, on sera passé des constellations au je, du sidéral à l’intime, mais le vers 5 rappelle que le poème est ici un dialogue, un pont jeté  entre macro- et microcosme : « je parle avec le ciel ». On mesure d’autant la justesse de cette pièce d’ouverture si, allant au dictionnaire (j’aime les poèmes qui, sans m’imposer en partant le …

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