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On aura souvent dit qu’André Belleau était, par l’esprit, le « Barthes québécois ». Belleau aurait sans doute opposé à ce rapprochement, s’il l’avait entendu de son vivant, la phrase d’Édouard Glissant : « Il faut avoir sa capitale en soi-même[1] » ; à défaut de quoi, écrit justement l’essayiste à propos de cette phrase :
on se surprend à éternuer à Montréal parce qu’à Paris quelqu’un s’est refroidi les pieds. Exemple : quatre ou cinq ans après la dispute Barthes-Picard qui opposa la nouvelle critique à l’histoire littéraire, on vit de petits Barthes chercher querelle à de petits Picard. En fait, ni les uns ni les autres n’étaient Barthes ou Picard ; le plus curieux, c’est que personne dans notre milieu ne faisait de l’histoire littéraire. S’il s’en était trouvé un, il aurait fallu, au contraire, l’encourager à persister[2].
Tout le problème viendrait du fait que le modèle légitime, la France, définirait les catégories d’ici. Si une telle comparaison risque de renvoyer Belleau, avec Barthes, au-delà de « notre milieu », on doit tout de même admettre qu’il y a bel et bien un intertexte barthésien chez Belleau qui reprend des notions, des traits d’écriture, des jeux avec les formes, et reproduit le choc entre plaisir du texte et inventivité théorique[3]. Par ailleurs, la comparaison nous permet de voir que, quarante ans après leur mort, Barthes est devenu l’une des figures emblématiques de la littérature, générant études savantes, biographies prestigieuses et même fictions[4], alors que Belleau est au contraire peu connu du grand public et très peu étudié en tant qu’écrivain. Or, il a été l’un de nos grands écrivains, l’un de nos grands intellectuels.
Du conflit des codes au coeur de l’écriture québécoise, conflit entre le code littéraire français et le code socioculturel québécois[5], à la difficile légitimité de l’essai[6], en passant par le romancier fictif[7] et les travers de la société québécoise — notamment son anti-intellectualisme[8] —, André Belleau a ouvert nombre de chantiers. Ces quatre chantiers, auxquels ne se réduit pas son oeuvre, tant s’en faut[9], lui donnent sa cohérence et se caractérisent par une poétique de la reprise qu’il convient de souligner : Belleau pense toujours dans la dualité, opposant la nature à la culture, la culture populaire à la culture sérieuse, le code littéraire au code social, l’idéologie populaire au système de pensée intellectuel. Déjà il écrivait dans son Romancier fictif que ce « modèle duel […] appelle des considérations de nature quasi anthropologique sur le statut de la culture, sur le conflit latent nature-culture au Québec et en Amérique du Nord[10] ». Ces considérations anthropologiques, centrales dans la pensée de Belleau, ne seront nulle part plus manifestes que dans l’autre grand chantier de l’essayiste, hérité directement de Mikhaïl Bakhtine : le carnavalesque[11]. Parce qu’il offre une contrepartie à l’anti-intellectualisme sévissant dans la société québécoise, le roman serait habité d’une force carnavalesque : la culture sérieuse s’y verrait rabaissée par la culture populaire, dès lors discursivement dominante. L’exemple type du carnavalesque se trouverait, selon Belleau, dans Une saison dans la vie d’Emmanuel, où Jean Le Maigre écrit et dissimule ses écrits dans les toilettes, ramenant ainsi ses poèmes au bas corporel[12].
Tous ces chantiers ont été repris, rediscutés, réinvestis après la mort précoce de l’essayiste, parfois pour être dépliés par les nouveaux critiques — Le romancier fictif est une oeuvre de référence sur la question de la métafiction, au Québec[13] —, parfois quelque peu délaissés dans les études littéraires contemporaines : ainsi, les travaux sur le conflit des codes et le carnavalesque ont connu des fortunes diverses à travers les années[14].
Mais ce n’est pas tant en fonction du destin des concepts d’André Belleau qu’est apparue la nécessité d’un double dossier sur son oeuvre. C’est plutôt parce que les écrits de Belleau n’ont jamais été considérés en tant qu’oeuvre qu’il fallait y venir. Il semble qu’en publiant ses articles savants dans la revue de critique et de création Liberté, et en publiant ses essais libres dans la revue universitaire Études françaises, Belleau ait voulu entretenir l’ambiguïté sur le statut de ses différentes productions[15].
Il fallait deux volumes pour rassembler les relectures de l’oeuvre de Belleau. Ce premier volume porte plus précisément sur l’écriture de l’essayiste, sur sa manière d’investir ses chantiers de réflexion par la forme de l’essai. Il s’agit de voir comment ses énoncés de savoir se collent à une subjectivité, à une manière, à un style. Le second volume, intitulé « André Belleau : le texte multiple », s’intéressera quant à lui aux aspects moins connus de sa pensée et de ses recherches ; il s’agira donc de dégager dans ses écrits pour la radio, dans sa correspondance, dans son statut d’intellectuel et de pamphlétaire, les traits poétiques et sociaux qui organisent ses prises de parole, les distinctions et les rapprochements en regard de sa poétique d’écrivain. Dans les deux volumes, on remarquera une attention portée aux archives d’André Belleau, dont le fonds est disponible à l’Université du Québec à Montréal, où il fut professeur jusqu’à son décès. Ce recours aux archives de l’auteur témoigne à la fois de la légitimité littéraire qu’on lui accorde et du désir de découvrir les diverses facettes de l’écrivain. Il ne fait pas de doute pour nous que ces deux volumes consacrés à André Belleau permettront de mieux comprendre la pensée de cet écrivain et, partant, la littérature québécoise.
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Ce double dossier est issu d’un colloque intitulé « André Belleau et le multiple ». Il s’agissait par ce titre, qui reprenait celui, fameux, d’un essai de Belleau sur la pensée de Bakhtine (« Bakhtine et le multiple[16] »), de montrer comment l’auteur composait à partir de multiples phénomènes, mais aussi comment il occupait lui-même de multiples fonctions, étant tour à tour professeur, critique, théoricien, nouvelliste[17] et, oui, essayiste. Force a été de constater, et les textes du présent dossier le rappellent, que quoi qu’on lise de l’oeuvre de Belleau — textes théoriques, carnets, textes libres —, l’essayiste pointe le nez : il y a chez Belleau une manière de tresser ensemble les contradictions, de traquer les paradoxes, ce qui inscrit sa production sous le sceau de l’essai.
L’essai souffre au Québec d’un déficit de légitimité dans les milieux universitaires, même s’il existe de nombreux travaux sur le genre. Institutionnellement, on peut remarquer ce déficit par la rareté des dossiers de revue dédiés aux essayistes ; pour ne prendre que l’exemple de Voix et Images, depuis quinze ans — et quoique les dernières années aient été plutôt fastes — nous ne comptons que quatre dossiers traitant « largement » des essayistes, même si, faut-il le mentionner, aucun des essayistes traités (Fernand Dumont, Louis Dantin, André Major[18]) n’est considéré uniquement pour sa pratique de l’essai. Ce problème de légitimité — un essayiste est-il un écrivain ? — fut, chez Belleau, une question constante.
Il s’agit d’ailleurs de repartir de cette question dans la lecture que propose Élise Boisvert-Dufresne en ouverture du dossier. Boisvert-Dufresne analyse avec méthode l’évolution du statut d’écrivain d’André Belleau, revisitant les entrevues accordées par l’auteur et la réception critique de ses oeuvres et ouvrages. L’attention qu’elle accorde aux inflexions des épithètes accolées à l’auteur — professeur, écrivain, essayiste — permet de saisir l’ambiguïté du statut de l’essai dans le paysage littéraire québécois et, aussi bien, la place qu’André Belleau y occupa. L’article de Pascal Riendeau poursuit cette réflexion en s’attardant plutôt aux essais que Belleau écrivit sur l’essai. L’auteur montre bien la productivité mais aussi la fragilité du « système » de pensée de Belleau sur l’essai et met en lumière les « énoncés problématiques » à la source de sa définition du genre. Riendeau éclaire notamment l’ambiguïté des formules « récit idéel » ou « fiction idéelle » que Belleau emprunte à Roland Barthes ; celles-ci posent divers problèmes sur le plan de la définition tout en produisant un discours novateur sur l’essai. L’exploration de ces tensions se trouve au coeur de cet article.
Frédéric Rondeau travaille à établir un « système » de pensée pour un essayiste qui, comme le démontre aussi Pascal Riendeau, n’a guère de système. Pour ce faire, Rondeau prend le parti de comparer l’oeuvre de Belleau à celle de Barthes, tous deux essuyant les mêmes « reproches » de flexibilité. Cette flexibilité même constituerait la méthode philosophique de ces deux penseurs, que Rondeau nomme, du concept barthésien, « le neutre » : « [Cette idée] manifeste plutôt une volonté de considérer les choses autrement, de présenter un point de vue différent, de répondre de façon inattendue à une question posée[19]. » Ce neutre, montre Rondeau, à la fois attitude philosophique et poétique d’écriture, constitue une stratégie capable « d’éviter les discours figés et de déjouer la doxa[20] ».
On voit bien que jusqu’ici les énoncés de savoir d’André Belleau sont mis sous la loupe des auteurs, comme si l’écriture, la forme même de l’essai au coeur de ces énoncés de savoir, gardait les réflexions de l’essayiste loin de la sclérose scientifique. L’article de Julien-Bernard Chabot va plus loin : non sans ludisme, il traque dans les essais de Belleau « l’essayiste fictif », comme Belleau lui-même analysait le romancier fictif dans les romans. Cet article postule la malléabilité des idées de Belleau pour les observer dans un matériau qui ne participe pas des énoncés de savoir proprement dits. Ce sont les anecdotes liminaires qu’analyse l’auteur pour voir comment Belleau se représente, se met en récit ; les concepts chers à l’essayiste se retrouvent alors au centre de sa représentation de lui-même, démontre Chabot, et en première instance le carnaval : Belleau prendrait la forme, dans ses écrits, du « silène à lunettes ».
Les articles de Michel Biron et de Pierre Popovic partent du même constat d’imperfection de l’écriture de Belleau, mais cette fois pour tenter d’éclairer des concepts-clés de sa pensée. Biron, dans « “Chez nous, c’est la culture qui est obscène” », cherche le sens de cette dernière phrase : qu’est-ce que Belleau, qui a l’art de la formule, voulait dire exactement par « culture obscène » ? La question au coeur de son article, visitant sa genèse et ses résonances dans nombre de textes de l’essayiste — « La littérature post-nationale », « L’Allemagne comme lointain et comme profondeur » —, mène à Barthes, et le lien ténu, mais non moins convaincant, qui relie la question à la réponse montre de manière fascinante la pensée allusive qui anime les essais de Belleau. Par ce détour, en fait, l’article de Biron permet de comprendre le noeud conflictuel qui relie, chez Belleau, classe sociale et culture ; l’emboîtement de ces deux catégories étant plus manifeste dans la culture française, il rend explicite une situation qu’exprimait implicitement Belleau tout au long de son oeuvre. L’article de Pierre Popovic part de « l’inconfort théorique » de l’essayiste pour ensuite penser son apport à la sociocritique, et ce, non sans — toujours — montrer les écueils de ses démonstrations. Mais, convient Popovic :
Il faut prendre ces scories interprétatives au sérieux, car elles indiquent un élément remarquable de l’écriture de Belleau, présent aussi bien dans ce qu’elle a de plus lumineux que dans les passages où dérivent du raté ou de la contradiction. Il y a que cette écriture cherche quelque chose qu’elle ne trouve pas[21].
Ce constat sert efficacement de synthèse à toutes les analyses présentées jusqu’ici pour ce numéro. Toujours, cherchant le théoricien, les chercheurs trouvaient l’essayiste. Toutefois, Popovic fait un pas de plus : il révèle ce que cette gêne dans la méthode permet de saisir. Cette sociocritique s’avère certes bricolée, avec des figures tutélaires — Lukács, Auerbach, Bakhtine —, ou encore avec des interprétations un peu forcées, mais toujours avec cette cohérence idéologique, et en creux, possible, une véritable théorie.
Le dernier article est de nature un peu différente. Benoît Melançon présente de façon limpide et méticuleuse le contenu des « cahiers de lecture » de Belleau. Se gardant le plus souvent d’interpréter ou d’induire, il donne à comprendre le projet qui animait ces cahiers et, du même coup, ouvre une fenêtre sur la subjectivité de lecteur de l’essayiste. Se structurant autour d’une recherche générique — que doit être le statut de ces cahiers pour le lecteur d’aujourd’hui ? —, l’article de Melançon travaille à saisir ce que cet inédit, structurellement inachevé, permet de lire de l’oeuvre de Belleau et, de même, permet au lecteur d’en dire. Cela ne manque pas d’éclairer la figure, justement inédite, de l’essayiste Belleau.
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Il semble que relire l’essayiste consiste, avec Belleau, à moins lire le théoricien ou, pour mieux dire, à repenser le rôle de la théorie dans l’écriture de l’essayiste. C’est là un des intérêts premiers de ce volume : rarement on y idéalise la méthode Belleau, souvent les nuances apparaissent, parfois pleines de tendresse comme devant un écrivain aimé, parfois avec quelque rudesse, comme devant le mauvais élève. Il faut se rappeler la dureté du jugement de Claude Lévi-Strauss[22] devant la fabulation que constituait à ses yeux le S/Z de Roland Barthes, ou encore le rôle exemplaire de Barthes au sein du structuralisme français, « une incarnation ondoyante et subtile, faite d’humeurs plus que de rigueur[23] », écrit François Dosse. Évidemment, encore une fois, il faut avoir sa capitale en soi-même : la France n’est pas le Québec, et Belleau n’est pas Barthes. Pourtant, à plus d’un titre, on semble pouvoir — et devoir — les rapprocher. En fait, des points de vue institutionnel, idéologique et théorique, l’essayiste français éclaire l’essayiste québécois. Car tous deux ont joint l’essai au théorique, à des périodes de scientificité littéraire où les sciences humaines tentaient de gagner en légitimité. Leur discours lisible pouvait, tout à la fois, miner la discipline et ouvrir celle-ci aux lecteurs non spécialistes. Voilà ce qui les rapproche. À ceci près que les lignes furent plus profondément tracées dans l’exemple français, que Barthes fut effectivement un intellectuel et un écrivain célèbre, évoluant à côté du réseau universitaire jusqu’à atteindre le Collège de France. Belleau, malgré ses désirs carnavalesques, reste une sorte d’universitaire qui écrivit de l’essai. « Les écrivains québécois sont-ils des intellectuels ? » demandait Belleau dans son texte éponyme. On connaît la réponse : « Oui, mais l’idéologie de leur société leur défend de l’avouer[24]. » Tout le problème serait peut-être qu’André Belleau s’avoua toujours intellectuel, et ne put jamais vraiment, jamais totalement, être un écrivain. Il en va de même du statut de l’essai dans notre société. Espérons que ce numéro participe à corriger cette situation.
Appendices
Notes biographiques
DAVID BÉLANGER est étudiant au doctorat à l’Université du Québec à Montréal. Sa thèse porte sur la représentation du discours de la littérature dans les fictions québécoises contemporaines. Il a écrit divers articles sur le roman québécois contemporain ainsi que sur l’institution littéraire acadienne et les fictions de l’écrivain en France. Avec Cassie Bérard et Benoit Doyon-Gosselin, il a dirigé des collectifs : Les institutions littéraires en question dans la Franco-Amérique (Presses de l’Université Laval, 2014) et Portrait de l’artiste en intellectuel (Nota bene, 2015). Il est également l’auteur d’un roman, Métastases, paru à L’instant même en 2014.
JEAN-FRANÇOIS CHASSAY est professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal depuis 1991. Ses travaux portent surtout sur la représentation de la science dans la fiction et le discours social, et il s’intéresse aussi à l’américanité. Il a publié plus de vingt-cinq livres. Dernières publications, en 2015 : Requiem pour un couple épuisant et autres nouvelles et Les livres curieux, tous deux chez Leméac.
MICHEL LACROIX est professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). Ses recherches actuelles portent sur les sociabilités, les revues et les romans de la vie littéraire, en France et au Québec. Il est l’auteur de L’invention du retour d’Europe et de La beauté comme violence. L’esthétique du fascisme français 1919-1939.
Notes
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[1]
André Belleau, « Portrait du prof en jeune littératurologue (circa 1979, détails) », Y a-t-il un intellectuel dans la salle ?, Montréal, Primeur, coll. « L’échiquier », 1984, p. 108.
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[2]
Ibid.
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[3]
Frédéric Rondeau effectue une comparaison directe entre la pensée de Barthes et celle de Belleau. Benoît Melançon montre bien, quant à lui, la « lecture » que Belleau a faite de Barthes. Michel Biron, de son côté, éclaire un concept de Belleau grâce à une anecdote tirée de la biographie de Barthes. Élise Boisvert-Dufresne et Pascal Riendeau, dans leur article respectif, montrent que Barthes constitue une balise, chez Belleau et chez ses lecteurs, pour penser l’essai. La figure de Barthes semble, en ce sens, inévitable pour penser celle de Belleau.
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[4]
Nous référons ici, pour rester dans les publications contemporaines, au roman de Laurent Binet, La septième fonction du langage, Paris, Grasset, 2015, 494 p. ; et à la biographie de Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Fiction et cie », 2015, 715 p.
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[5]
Voir notamment toute la partie intitulée « Codes » dans André Belleau, Surprendre les voix, Montréal, Boréal, coll. « Papiers collés », 1986, p. 147-217, mais plus précisément « Le conflit des codes dans l’institution littéraire québécoise » (p. 167-176) et « Code social et code littéraire dans le roman québécois » (p. 175-192).
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[6]
André Belleau a mis, de façon significative, sa « Petite essayistique » en texte liminaire de Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? (p. 7-9). Cela témoigne de l’importance de la question dans son oeuvre. Cet essai sur l’essai agit en tant que manifeste esthétique, métadiscours structurant qui vise à légitimer l’énonciation qui est la sienne. Les textes d’Élise Boisvert-Dufresne et de Pascal Riendeau, dans le présent dossier, reviennent sur cette question.
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[7]
C’est le titre de sa thèse sur la représentation du romancier dans le roman québécois de 1940 à 1960 : André Belleau, Le romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois, Québec, Nota bene, coll. « Visées critiques », 1999 [1980], 229 p.
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[8]
Les exemples d’une telle position sont nombreux et disséminés dans son oeuvre. Notons, dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ?, « Culture de masse et institution littéraire » (p. 75-77), ou encore « Les écrivains québécois sont-ils des intellectuels ? » (p. 86-87).
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[9]
Il fut passeur de théorie (Lukács, Bakhtine, Auerbach), dans ses essais et ses textes pour la radio, pionnier de la sociocritique, analyste de la cybernétique et de l’imaginaire des automates, défenseur de l’antinationalisme de l’indépendance, pourfendeur polémique des penseurs de Cité libre et de Mordecai Richler, lecteur de Rabelais, rédacteur de carnets, professeur de haut calibre, bref, dirait-il non sans dépit (car la formule est ironique) : grand littératurologue.
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[10]
André Belleau, Le romancier fictif, p. 185.
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[11]
L’essentiel des textes de Belleau sur le carnavalesque ont été réunis dans André Belleau, Notre Rabelais, Montréal, Boréal, coll. « Papiers collés », 1990, 177 p.
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[12]
Exemple type, car repris, pour contradiction, par Michel Biron dans « Il est permis de rire », Études françaises, vol. XLVII, no 2, 2011, p. 109-120. Pierre Popovic a également remis en question cet idéal carnavalesque au coeur de la pensée de Belleau dans « Le festivalesque (La ville dans le roman de Réjean Ducharme) », Tangence, no 48, octobre 1995, p. 116-127.
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[13]
La bibliographie des travaux prolongeant explicitement le chantier d’André Belleau sur la question est trop importante pour être ici citée en entier. Retenons Le moment critique de la fiction. Les interprétations de la littérature que proposent les fictions québécoises contemporaines de Robert Dion (Québec, Nuit blanche éditeur, coll. « Essais critiques », 1997, 209 p.), ou encore les thèses de Lucie Hotte (Romans de la lecture, lecture du roman. L’inscription de la lecture, Québec, Nota bene, coll. « Littérature(s) », 2001, 183 p.) et de Roseline Tremblay (L’écrivain imaginaire. Essai sur le roman québécois, 1960-1995, Montréal, Hurtubise HMH, coll. « Cahiers du Québec/Littérature », 2004, 600 p.). Les travaux du GREMLIN (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) s’en réclament aussi, directement (voir GREMLIN, « Fictions, figurations, configurations. Introduction à un projet », Discours social, vol. XXXIV, 2010, p. 3-36).
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[14]
Pour ne parler que du conflit des codes : André Lamontagne écrivait dans un article de 1994 que le passage du modernisme au postmodernisme consacrait la disparition, en critique, du conflit des codes cher à Belleau : dès lors que le paradigme postmoderne guide les lecteurs, écrit-il, on ne décèle plus de « conflit » entre le code littéraire français et le code socioculturel québécois dans les oeuvres, mais bien une tentative de démystification de tous les discours, qu’ils soient français, américains, allemands, etc. La hiérarchie Québec-France n’agit plus sur l’institution, propose-t-il. Dans « Du modernisme au postmodernisme : le sort de l’intertexte français dans le roman québécois contemporain », Voix et Images, vol. XX, no 1, automne 1994, p. 162-175. En contrepartie, Lucie Robert anime à l’Université du Québec à Montréal depuis des années un groupe de recherche autour du conflit des codes, et elle a par ailleurs prononcé une communication lors du colloque André Belleau et le multiple, faisant état de ses travaux (voir Lucie Robert, « Retour sur la notion de “conflit des codes” », en ligne : http://oic.uqam.ca/fr/communications/retour-sur-la-notion-de-conflit-des-codes-0 [page consultée le 19 octobre 2016]).
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[15]
Cela dit, on a écrit sur l’écriture d’André Belleau ; voir notamment François Dumont, « Le fond des formes. La dynamique des genres chez André Belleau », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. LXXV, no 3, 1997, p. 761-769. De même, portant précisément sur la littérarité des écrits de Belleau, il faut mentionner le mémoire d’Élise Boisvert-Dufresne, La lecture à l’oeuvre. Conditions et présupposés d’une lecture au service de la littérarité. L’attribution d’un statut littéraire aux textes essayistiques d’André Belleau et de Pierre Foglia, mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 2012, 149 f.
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[16]
André Belleau, « Bakhtine et le multiple », Études françaises, vol. VI, no 4, novembre 1970, p. 481-487.
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[17]
Ni dans ce numéro ni dans le prochain la nouvelle n’est considérée dans l’analyse de l’oeuvre de Belleau. Une belle étude a cependant été consacrée à cette production par Benoît Melançon : « Le statut de la langue populaire dans l’oeuvre d’André Belleau ou La reine et la guidoune », Études françaises, vol. XXVII, no 1, printemps 1991, p. 121-132.
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[18]
Il s’agit respectivement des dossiers dirigés par Micheline Cambron (vol. XXVII, no 1, automne 2001), Jean Morency (vol. XXXVIII, no 2, hiver 2013), et Robert Dion et Élisabeth Nardout-Lafarge (vol. XL, no 3, printemps-été 2015). À cette liste s’ajoute le dossier dirigé par René Audet et Pascal Riendeau (« Les essais québécois contemporains au confluent des discours », vol. XXXIX, no 3, printemps-été 2014).
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[19]
Frédéric Rondeau, « Petite philosophie d’André Belleau », dans le présent dossier, p. 44.
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[20]
Ibid., p. 46.
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[21]
Pierre Popovic, « Le théorique, la politique, Bakhtine et la sociocritique. Relire Belleau », dans le présent dossier, p. 82.
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[22]
Rapporté par François Dosse, Histoire du structuralisme, t. I : Le champ du signe, 1945-1966, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui. Histoire contemporaine », 1991, p. 151.
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[23]
Ibid. p. 98.
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[24]
André Belleau, « Les écrivains québécois sont-ils des intellectuels ? », Surprendre les voix, p. 157.