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Sous la neige et les bombes[Record]

  • DANIEL GRENIER

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  • DANIEL GRENIER
    Université Laval

Les éditions La Peuplade, sises rue Racine, à Saguenay, ont fêté leur dixième anniversaire au début de l’année 2016. Je ne sais pas si c’était le but de leur « éloignement », s’il y avait là une sorte de défi lancé au milieu éditorial québécois, mais elles ont prouvé depuis longtemps qu’il est possible de faire vivre la culture et de publier des livres ailleurs que dans les grands centres. Hyperactive aussi bien dans les forums plus traditionnels comme les Salons du livre que sur les réseaux sociaux, La Peuplade s’est créé une niche bien à elle, qui n’a rien à envier aux autres maisons, aussi lucratives soient-elles d’un point de vue économique. En dix ans, la ligne éditoriale n’a pas changé. Du moins, elle n’a pas été modifiée radicalement, au contraire de l’identité visuelle. En effet, la maquette des couvertures, maintenant stabilisée, est facilement reconnaissable en librairie : on y retrouve sans exception cette forme demi-hexagonale, colorée d’une teinte souvent éclatante, de laquelle se détachent le titre et le nom de l’auteur ou de l’auteure. Il a fallu plusieurs étapes pour en arriver là, divers essais, certains moins heureux que d’autres (je pense à la période où les titres et les noms étaient inscrits à la verticale), mais force est de constater que de travailler avec la designer graphique Julie Espinasse, de l’Atelier Mille Mille, était une bonne idée, dans la mesure où cette « identité visuelle » agit aujourd’hui comme une carte d’affaires à la facture léchée, vivante, voyante. La rigueur du travail éditorial, elle, est restée la même, et je ne présumerai pas d’une amélioration tangible des nombreux textes en tous genres publiés depuis une décennie. Il n’est pas faux, par contre, d’affirmer que l’intérêt des éditeurs Mylène Bouchard et Simon-Philippe Turcot pour le souffle romanesque, les univers de fiction développés qui prennent le temps de s’installer et la profondeur psychologique des personnages s’est développé avec le temps. Des écrivains comme David Bouchet (Soleil, 2015), Dominique Scali (À la recherche de New Babylon, 2015) ou Alexandre Mc Cabe (Chez la reine, 2014), dont le projet littéraire m’apparaît éminemment romanesque, trouvent une place de choix dans le catalogue hétéroclite de la maison. La Peuplade publie toujours une dizaine de titres par année, dont une moitié sont des recueils de poésie, ou encore des oeuvres inclassables à l’appartenance générique floue, et l’autre des romans de facture plus classique. Pour la rentrée littéraire de septembre, ce sont deux recueils et trois romans (dont une traduction du finnois) qui ont pris le chemin des presses Gauvin, à Gatineau. Comme je ne m’occupe pas ici de poésie, ce sont des romans Le poids de la neige, de Christian Guay-Poliquin, et Les voies de la disparition, de Mélissa Verreault, que je traiterai dans cette première chronique à saveur narratologique. La première observation concernant les oeuvres de Guay-Poliquin et de Verreault est qu’il s’agit de deux « suites ». Le poids de la neige est en effet la continuation du premier roman de Guay-Poliquin, paru il y a un peu plus de trois ans, qui s’intitulait Le fil des kilomètres. Et avec Les voies de la disparition, Mélissa Verreault a elle aussi choisi de poursuivre le récit des mésaventures des personnages de son roman précédent, L’angoisse du poisson rouge. Nous nous retrouvons donc devant deux oeuvres qui briguent une certaine indépendance (aussi bien thématique que narrative), tout en s’inscrivant dans une tentative de poursuivre, d’étendre et de donner de l’expansion à un projet précédent. Les suites de livres, lorsqu’elles ne sont pas planifiées …

Appendices