Abstracts
Résumé
À mi-chemin entre la typologie et l’analyse, cet article aborde le corpus inexploré de la critique radiophonique et télévisuelle diffusée à Radio-Canada entre 1955 et 1965. En s’appuyant sur les notions de scène englobante, de scène générique et surtout de scénographie définies par Dominique Maingueneau, il en distingue les approches et les formats, et s’attache à évaluer l’impact de cette transposition médiatique sur les pratiques critiques. Enfin, en s’attardant à la représentation d’elle-même qu’offre cette critique – à sa teneur métacritique – ces analyses d’extraits audiovisuels tâchent de mettre en lumière les transformations qui se jouent pendant cette période de transition qu’est la Révolution tranquille.
Abstract
Midway between typology and analysis, this article examines the unexplored corpus of radio and television criticism broadcast by Radio-Canada from 1955 to 1965. Building on the notions of an enclosing scene, a generic scene and especially a scenography as defined by Dominique Maingueneau, it sets out their approaches and formats in order to assess the impact of this media transposition on critical practices. Finally, in examining the representation of itself that this criticism offers—its metacritical nature—these analyses of audiovisual extracts endeavour to bring to light the transformations that were at stake during the transitional period that was the Quiet Revolution.
Resumen
A medio camino entre la tipología y el análisis, este artículo aborda el corpus inexplorado de la crítica radiofónica y televisiva emitida en Radio-Canada (Radio-Canadá) entre 1955 y 1965. Apoyándose en las nociones de escena incluyente, escena genérica y, sobre todo, escenografía definidas por Dominique Maingueneau, distingue sus enfoques y formatos, y se esfuerza por evaluar el impacto de esta transposición mediática en las prácticas críticas. Por último, al centrarse en la autorrepresentación que ofrece esta crítica -en su contenido metacrítico-, esos análisis de fragmentos audiovisuales intentan arrojar luz sobre las transformaciones que se producen durante el periodo de transición de la Révolution tranquille (Revolución tranquila).
Article body
Dans une table ronde de Tribune libre diffusée en 1961, le romancier Claude Jasmin lance une affirmation iconoclaste dont le statut reste ambigu : « Le critique est notre dieu, il est pour nous comme la lumière divine [1] ! » Cette boutade certes malicieuse traduit tout de même une admiration inhabituelle pour cette fonction malmenée, dont la présentation dans les médias est généralement beaucoup moins équivoque : « La critique est-elle un mal nécessaire, ou un mal inutile[2] ? » soumet ainsi Gilles Marcotte à ses invités lors d’une table ronde radiophonique de 1965. Genre de l’actualité et de la presse périodique, la critique reste une pratique peu étudiée, à plus forte raison lorsque l’on s’intéresse au passé littéraire. S’ils ne veulent pas s’en tenir aux articles les plus cités parce que réédités en recueil, les chercheurs et chercheuses doivent s’astreindre à des dépouillements chronophages et fastidieux dans les journaux et revues dont l’accessibilité reste inégale. Mais si ces textes anciens sont négligés, que dire de la critique radiophonique et télévisuelle, qui naît alors que ces nouveaux médias offrent une formidable extension à la presse écrite dans l’espace public [3] ? Contrairement à son équivalent imprimé, la critique audiovisuelle est conçue pour être éphémère, et on n’en retrouve les traces qu’au prix de patientes recherches[4]. Ce n’est pourtant pas que les acteurs qui lui donnent vie soient inconnus ou moins valorisés. Loin de là, ce sont en fait des figures déjà bien connues des historiens de la littérature pour leur contribution à la presse écrite[5]. Ainsi, la radio et la télévision recrutent des critiques renommés comme Roger Duhamel (La Patrie, Montréal-Matin), Gilles Marcotte (Le Devoir, La Presse), Claude-Henri Grignon (Les Pamphlets de Valdombre et un grand nombre de journaux), Maurice Blain (Le Devoir, Liberté) ou Dostaler O’Leary (La Patrie). On y entend aussi des professeur·es (notamment Jean-Charles Falardeau, Jean Hamelin, Clément Lockquell et Jeanne Lapointe, tous à l’Université Laval, mais presque toujours ailleurs qu’à la Faculté des lettres), des hommes évoluant au sein de diverses institutions (le bibliothécaire du Parlement Jean-Charles Bonenfant, ou encore René Garneau, secrétaire de la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences au Canada puis diplomate au ministère des Affaires extérieures) de même que quelques femmes (en plus de Jeanne Lapointe, la prolifique auteure Jean Despréz, qui a exercé la critique à Radiomonde), plusieurs cumulant même ces fonctions à différents moments de leur carrière. C’est que le discours sur la littérature, à cette époque, n’est pas encore affaire de spécialisation disciplinaire, et ceux et celles qui le pratiquent sont des figures publiques reconnues pour un engagement culturel plus large.
En tenant compte des sources disponibles et de l’état actuel des connaissances dans ce domaine peu exploré, j’ai choisi de m’attacher aux années 1955 à 1965[6] en me donnant pour tâche, dans le cadre de cet article, de définir les principaux formats médiatiques adoptés par la critique littéraire dans son passage aux médias audiovisuels. Rendue sous forme de typologie, cette portion du travail s’appuie sur le dépouillement de journaux[7] et de la collection de documents audiovisuels de Radio-Canada conservée au Centre d’archives Gaston-Miron de l’Université de Montréal (CAGM)[8]. Dans un deuxième temps, je me suis attardée à la représentation d’elle-même qu’offre cette critique médiatique, et donc à la teneur métacritique que présentent plusieurs des extraits conservés au CAGM[9]. Cette série d’analyses d’extraits audiovisuels s’appuie sur les notions de scène englobante, de scène générique et surtout de scénographie définies par Dominique Maingueneau[10]. Menée de manière diachronique, elle permettra de mettre en lumière les transformations qui se jouent en cette période de transition qu’est la Révolution tranquille, tout en évaluant l’impact de cette extension médiatique sur les pratiques critiques.
TYPOLOGIE DE LA CRITIQUE LITTÉRAIRE AUDIOVISUELLE
Premier constat issu du dépouillement de ces sources : la critique médiatique adopte des formes multiples tributaires à la fois de la périodicité du commentaire, des interactions du critique avec les autres artisans de l’émission (animateur, autres invités, public, etc.) et, bien sûr, du type de propos qu’elle tient sur la littérature. Sur un premier plan, la typologie que je propose afin de distinguer ses modes d’intervention comporte deux catégories basées sur l’objet du discours. Dans la première, la critique en action, un spécialiste énonce son jugement sur la littérature passée ou contemporaine ; dans la seconde, la métacritique, elle réfléchit sa propre pratique : sa nature, ses objectifs, ses moyens. Il importe de souligner qu’il s’agit de transpositions médiatiques de sous-genres de la critique depuis longtemps pratiqués dans les journaux et revues ; on peut donc également interroger les transformations scénographiques issues de ce passage à un autre médium.
La critique en action
Dans cette première catégorie, je distinguerai à nouveau deux pratiques (la critique d’actualité et la synthèse panoramique) en fonction de leur focalisation sur l’objet littéraire. Équivalent audiovisuel de la critique journalistique, la « critique parlée », comme la nomme Jean Despréz[11], suppose une périodicité semblable à celle de la presse, soit une émission régulière dans le cadre de laquelle on réserve du temps d’antenne à la couverture des parutions récentes. Bien que les extraits de ce genre soient très peu nombreux dans la collection du CAGM[12], il s’agit du type de commentaire littéraire le plus présent dans la vie des auditeurs de Radio-Canada, qui peuvent suivre la même émission pendant plusieurs années[13]. De 1944 à 1951, il s’agit de La chronique littéraire hebdomadaire, réalisée par Roger Rolland, qui sera remplacée par La revue des arts et des lettres de 1951 à 1966[14]. C’est sur deux extraits sonores de cette émission diffusés en 1958 que j’appuierai mes remarques sur la critique d’actualité : celle des Chambres de bois d’Anne Hébert par Clément Lockquell (F.E.C.), et celle d’Agaguk d’Yves Thériault par Jean Hamelin[15], dont je recommande l’écoute d’un bref extrait.
Occupant quatre à cinq minutes, ces segments radiophoniques sont brièvement introduits par un animateur qui n’intervient plus ensuite, laissant le commentaire littéraire se développer de manière autonome par rapport au reste de l’émission. Ainsi, Lockquell comme Hamelin se tiennent seuls sur la scène de l’énonciation, et l’auditeur postulé de ces chroniques radio-canadiennes se distingue à peine du lecteur du Devoir ou de La Patrie auquel ces critiques pourraient être destinées. Ces segments radiophoniques sont en effet très écrits, comme en témoignent tant le niveau de langue que le rythme de l’énonciation, loin de l’expressivité et de la spontanéité permises par l’expression orale. Sobres et descriptives tout en étant ponctuées de jugements fermes, elles construisent l’ethos de lecteurs d’expérience engagés dans une démarche systématique. Atmosphère, lieux, personnages et enjeux de l’intrigue, construction du roman, démarche et style de l’écrivain, préface et questions de diffusion (édition, traduction), tous les aspects de l’oeuvre sont abordés par ces commentaires synthétiques et exhaustifs. La littérature est une affaire sérieuse[16], et les codes de l’exercice restent ceux de la critique publiée, comme si l’adoption du médium radiophonique n’affectait que le mode de diffusion du commentaire.
Délaissant l’actualité pour le regard rétrospectif, le deuxième type de critique en action propose des synthèses panoramiques où le corpus est envisagé par le biais des thèmes, des genres ou des mouvements littéraires[17]. Plutôt que faire l’objet de chroniques régulières, ces interventions ponctuelles entretiennent l’ambition manifeste d’enrichir la culture des téléspectateurs à la manière de la programmation des premières années de l’émission Radio-Collège diffusée par Radio-Canada[18]. C’est le cas, par exemple, de la conférence de 1959 prononcée par le frère Lockquell sur « Les grands thèmes de la littérature canadienne-française » à la télévision de Radio-Canada, dont je vous invite à visionner les premières minutes[19]. Introduite par une présentation mettant l’accent sur la compétence disciplinaire du conférencier (diplômes et parcours d’enseignement universitaire, inscription dans l’institution littéraire), la présentation de 36 minutes est campée dans un décor conçu pour en signifier la visée pédagogique : assis seul à son bureau devant ses notes encadrées d’une montre et d’un stylo, le professeur livre son cours devant une bibliothèque clairsemée contenant quelques livres et oeuvres d’art. Une fois la scénographie posée, la caméra opte pour un plan américain qui le met en valeur, et intercale au moment opportun des portraits d’écrivains tels que l’on en retrouve dans les manuels scolaires de la même époque. De fait, l’exposé de Lockquell rappelle le manuel de Samuel Baillargeon publié peu de temps auparavant[20], notamment dans sa posture sans complaisance à l’égard d’oeuvres anciennes dont l’intérêt est jugé « documentaire » alors que la production contemporaine est évaluée d’après des critères esthétiques et stylistiques considérés comme « universels ». Ainsi, c’est aux romanciers récents (Ringuet, Roy, Charbonneau, Hébert, Lemelin, Thériault) que Lockquell consacre l’essentiel de son exposé en adoptant un découpage thématique, comme plusieurs des travaux universitaires novateurs de son époque[21]. Encore une fois, le discours (ici didactique) conserve les codes des pratiques écrites de son temps sans être véritablement affecté par la transposition télévisuelle.
Bref, les rares archives audiovisuelles de « critique en action » accessibles à la consultation donnent à penser que le passage d’un médium à un autre a d’abord eu peu d’impact sur la nature et les formes du discours, qu’il s’agisse de la critique d’actualité ou des synthèses panoramiques. On assiste bien à une complexification des signes (visuels et sonores) transmis à l’auditoire, et surtout à une extension non négligeable de ce dernier, mais il semble que l’on n’ait pas jugé nécessaire d’adapter les codes de la critique élaborés pour la presse écrite aux nouveaux publics et aux possibilités offertes par les médias de masse.
La métacritique
Seconde section de ma typologie, la métacritique (voir figure 1) met en valeur des archives où la critique ne se contente plus d’être une pratique mais devient aussi l’objet du discours. Pour rester fidèle aux caractéristiques de ce corpus, ce sont les situations d’énonciation qui ont cette fois servi à en distinguer les sous-catégories : la première, « les auteurs face à la critique », donne voix aux « victimes » qui décrivent, en général brièvement et en fin d’entrevue, leur rapport (souvent conflictuel) à la critique à l’invitation des journalistes [22] ; la seconde, « la critique face à elle-même », rassemble des extraits où les praticiens réfléchissent eux-mêmes aux visées, aux critères de jugement et aux conditions concrètes dans lesquelles ils exercent leur métier. Faute d’espace pour illustrer et analyser la première catégorie, je me concentrerai ici sur les segments, plus nombreux et substantiels parmi les documents conservés par le CAGM, où s’expriment les critiques. Ce genre de réflexion, menée dans des émissions ponctuelles, s’incarne dans des formes de scénographies médiatiques plus variées que celles de la critique en action. En effet, la dynamique de la communication entre l’animateur, l’invité et le public s’instaure différemment selon que le propos s’énonce dans le cadre d’un exposé ou d’une biographie du critique, d’une entrevue ou d’un débat d’affaires publiques, et la teneur du discours en est modifiée d’autant. C’est là que la dimension médiatique influe véritablement sur la pratique et laisse entrevoir des modalités inédites qui sont aussi en phase avec la transformation du rôle de l’intellectuel et de la critique pendant la Révolution tranquille.
De gauche à droite, ou de la conférence jusqu’au débat, ces types de scénographies médiatiques apparaissent dans un ordre croissant d’ouverture du cadre de la communication, lequel est aussi inversement proportionnel au degré de contrôle qu’exerce l’émetteur sur son propos. Je m’explique : dans les formes de la critique en action, j’ai abordé plus tôt, grâce à l’exposé de Clément Lockquell sur « Les grands thèmes de la littérature canadienne-française », la forme pré-écrite de la conférence, qui permet au spécialiste de planifier et d’énoncer son discours dans le plein contrôle offert par le monopole du temps d’antenne, qui n’est ni partagé ni interrompu par d’autres invités. La métacritique présente à l’occasion le même genre de scénographie, par exemple lorsque Gilles Marcotte, dans le plus ancien enregistrement de lui conservé au CAGM, propose en 1961 une conférence radiophonique sur les grandes tendances de l’histoire de la critique littéraire canadienne-française à l’émission D’une génération à l’autre[23]. Or, Marcotte lui-même n’est pas en ondes, et c’est le présentateur Henri Saint-Georges qui livre son texte dans un singulier effet de substitution des voix qui met en relief le manque de spontanéité de ce type d’exposé, fermé à toute intervention extérieure.
Marcotte est bien présent, par contre, dans la seconde partie de l’émission constituée d’entrevues (préenregistrées !) avec Pierre Baillargeon, Robert Élie et Jean Paré, intellectuels ayant tous trois exercé le rôle de critiques. Devenu interviewer, Marcotte investit un autre type de scénographie médiatique : il suscite et dirige la discussion mais ne génère plus le discours, dans un changement de rôle qui bouleverse la dynamique de la communication. La densité et le degré d’achèvement du texte écrit, tout comme le rythme conventionnel et régulier adopté pour en faire la lecture, sont dès lors remplacés par les codes de l’échange, marqué par la spontanéité et ponctué d’hésitations et de reprises. Contrairement à l’exposé synthétique guidé par la recherche de constantes et de continuités historiques, l’entretien fait fond sur les vues personnelles des intervenants, qui ne présentent pas tous le même degré de réflexivité ou d’esprit de système[24]. Par les interjections songeuses, les tentatives de reformulation ou de relance, on perçoit même à certains moments le manque de connivence entre l’invité et l’animateur[25]. Si l’entretien métacritique réactualise lui aussi une forme journalistique préexistante[26], sa migration vers les médias audiovisuels entraîne une transformation plus importante puisqu’il ne passe plus, contrairement à la critique d’actualité ou de synthèse, par la médiation de l’écrit. Ainsi, contrairement au compte rendu d’entretien lisse et densifié qu’offre le journal, la radio rend audible l’ensemble des marqueurs sonores (voix, accent, rythme et prononciation) qui confèrent au critique sa singularité comme son appartenance (à une génération, à une classe sociale, etc.), tout cela en conservant le caractère imprévisible et vivant de la rencontre.
UNE SCÉNOGRAPHIE MÉDIATIQUE INÉDITE : LE DÉBAT
Néanmoins, c’est sans contredit la forme du débat qui, par sa scénographie et l’ethos qu’elle induit chez les participants, constitue l’innovation la plus significative de cette transposition médiatique. Les débats sur la critique sont rares dans cette tranche chronologique, et surviennent presque tous dans des émissions d’affaires publiques qui ne sont que ponctuellement consacrées aux sujets littéraires. En 1965, toutefois, on voit paraître l’émission Une littérature en question, produite par Fernand Ouellette et animée par Gilles Marcotte, qui propose une série de discussions sur des sujets littéraires et consacre un épisode à la critique. Qu’il soit radiophonique ou télévisé, le débat met en présence plusieurs intervenants dont on peut penser qu’ils ont été sélectionnés pour susciter des échanges non consensuels. On y retrouve donc la dynamique de singularisation, de spontanéité et d’inachèvement déjà observée dans le cadre de l’entrevue, à laquelle s’ajoute le jeu dialectique qui peut s’installer entre des invités plus nombreux à partager la scène de l’énonciation. Trois extraits seront successivement abordés dans cette dernière partie de l’article afin d’examiner ce qui se joue dans cette scénographie médiatique et de voir à l’oeuvre la transformation de nature et de fonction que subit la critique lors de la Révolution tranquille.
Revenons d’abord en 1956, au début de la tranche chronologique de cette enquête, pour visionner un premier extrait de l’émission de variétés télévisée Prise de bec[27]. Découpée en quatre séquences, l’émission propose une série de discussions conçues selon un principe participatif, les auditeurs – éligibles à un prix d’une valeur de 25 $ – étant invités à soumettre des citations et des questions auxquelles les invité·es (Robert Choquette et Jean Despréz, tous deux auteur·es d’oeuvres littéraires et radiophoniques, ainsi que le journaliste et critique Roger Duhamel) pourront réagir. Dans une volonté manifeste d’afficher des signes de modernité, l’émission s’ouvre sur une musique enjouée mais syncopée qui traduit bien le rythme à la fois abrupt et papillonnant des échanges, dynamique également évoquée par la toile de fond ornée de motifs géométriques à lignes brisées. Tout dans cette scénographie vise à mettre en valeur le choc des échanges : l’émission – qui s’intitule, je le rappelle, Prise de bec – est qualifiée de « joute » (0 min 56 s) et animée par un « arbitre », le cadrage de la caméra dévoilant successivement chaque concurrent·e avant d’introduire l’arène par un plan d’ensemble. Enfin, le modérateur énonce les citations et questions soumises à la discussion, dont la moitié portent sur la littérature et la critique.
C’est par un singulier alliage de vulgarisation et de divertissement que se construit l’identité de cette émission. En effet, les intervenant·es et référents du débat, qui tiennent institutionnellement du registre scientifique, sont allégés de leur charge intellectuelle par un traitement humoristique et stéréotypé. Ainsi, l’« arbitre » de la conversation (André Patry, directeur des relations culturelles de l’Université Laval) impose le respect grâce à sa fonction, mais badine avec ses invité·es prestigieux·es que l’on dit choisi·es pour l’« amour » que leur porte le public radiophonique[28]. Par ailleurs, le débat s’appuie sur les vues d’un universitaire respecté, le jésuite Ernest Gagnon, mais sa longue citation sur la dépendance de la littérature canadienne-française à l’égard de la fécondité intellectuelle de la France, qui fait référence à la psychanalyse et à la psychologie des peuples (1 min 45 s-2 min 54 s), est illustrée sur le plan graphique à la manière d’une caricature humoristique et enfantine.
La question elle-même est discutée à bâtons rompus, grâce à des arguments généraux repris de la préface d’À travers les vents (Choquette, 1925) ou évoquant de manière large les enjeux discutés dix ans auparavant dans La France et nous[29]. On n’y retrouve nulle référence à la psychanalyse ni au décryptage de la psyché collective, démarche pourtant approfondie à la même époque dans des dossiers spéciaux du Devoir dirigés par Gilles Marcotte ou Pierre de Grandpré[30]. De fait, en excluant une allusion à la critique essayistique de Charles du Bos, peu d’arguments ou de références distinguent le critique (Duhamel) des deux écrivains (Despréz et Choquette), comme si la spécialisation de leur activité littéraire importait peu.
Plus tard dans l’émission (15 min 10 s-16 min 38 s), une deuxième citation, encore une fois du frère Clément Lockquell, aborde de front les considérations métacritiques : « Il n’y a assurément pas d’école critique canadienne-française[31]. » Cette affirmation, sans doute choisie pour son potentiel polémique, recueille toutefois l’approbation des invité·es, qui soulignent l’individualisme et le dilettantisme de critiques locaux pouvant rarement se consacrer exclusivement à cette occupation. La discussion leur permet également de se prononcer sur des questions connexes comme l’écriture engagée, vivement condamnée par Despréz. Un autre extrait de Lockquell reprend l’un des principaux lieux communs sur la critique canadienne-française, qui trouverait difficilement la juste mesure entre l’éreintement et l’encensement[32]. D’une seule voix, les invité·es s’entendent à nouveau pour valoriser les facultés rationnelles plutôt qu’une subjectivité exacerbée, et souhaitent que le critique, misant sur sa compréhension approfondie de l’oeuvre, assume un rôle de médiateur entre l’écrivain et le public. Ainsi, en dépit de la « prise de bec » annoncée et des ethos très contrastés des auteur·es (une femme revendicatrice, un vulgarisateur éclairé et un poète manifestement plus à l’aise à l’écrit qu’en débat), un consensus critique se dégage rapidement de leurs échanges.
Diffusé en 1961 à l’émission télévisée Tribune libre, le second extrait auquel je m’attarderai se présente comme une piste sonore, l’image n’ayant pas été conservée. La disparition des signes visuels entrave certes l’analyse de la scénographie, mais nous permet tout de même de constater les transformations saisissantes qui, en cinq ans, distinguent les deux émissions de variétés, tant sur le plan de la spécialisation du discours que de la différenciation des attentes à l’égard du critique et de l’écrivain. À l’occasion de l’inauguration d’une nouvelle « série » de Tribune libre, l’animateur Paul Lacoste en précise le format et le mandat dans les premières minutes de l’émission : délaissant la diffusion des conférences de presse, elle privilégiera désormais les forums de discussion sur des sujets d’actualité politique, sociale, économique ou éducative qui, parfois, pourront aller « jusqu’à la littérature ou même dans les beaux-arts[33] ». Et comme si la justification s’imposait, il est précisé que les artisans de l’émission « n’hésiter[ont] pas à l’occasion à faire appel à des spécialistes » pour dépasser l’actualité et « dégager les éléments permanents, d’intérêt durable », concernant les sujets abordés. Pour faire écho au 5e Congrès des écrivains canadiens tenu à Saint-Sauveur quelques jours plus tôt, c’est la question de l’engagement en littérature qui est débattue dans cet épisode où l’on peut entendre trois romanciers (Yves Thériault, Jean Filiatrault et Claude Jasmin) et deux critiques (Gilles Marcotte et Jean-Charles Falardeau), en moyenne dix ans plus jeunes que leurs équivalents de Prise de bec[34].
C’est dans la manière d’organiser et de partager la scène de l’énonciation que se situe l’une des principales différences entre les deux émissions. En multipliant les intervenants et en consacrant tout le temps d’antenne (30 minutes) à l’engagement plutôt que de segmenter la discussion en quatre sujets distincts, Tribune libre incite à la diversification des perspectives et à l’approfondissement de la question, dans un débat plutôt vif et assurément moins poli que le précédent. Entre les invités, l’animateur distingue deux groupes, annonçant des prises de position « échauffées » (2 min 50 s et suivantes) chez les écrivains et plus tempérées de la part des critiques, présentés comme des esprits « moins engagés », « sinon froids ». C’est à eux que l’on demande de « mettre les choses au point », de donner de véritables définitions de l’engagement. On les consulte : l’écrivain devrait-il l’être ou non ? Ainsi, le calibre de la discussion est transformé par la perspicacité d’interlocuteurs comme Falardeau et Marcotte qui, s’ils ne sont pas encore professeurs d’université en 1961, sont assurément engagés dans la voie de la spécialisation disciplinaire. Aussi, bien que leurs vues ne soient pas tout à fait les mêmes[35], leurs interventions ont en commun d’être issues d’une position de surplomb, de définir les termes du débat et de reposer sur une conceptualisation, une connaissance spécialisée de l’histoire et du milieu littéraires dont ils sont les observateurs. Ils font référence à la situation européenne – à la liberté selon Sartre, à l’engagement de Malraux ou de Pierre Emmanuel –, mais en même temps restent totalement immergés dans leur milieu et, comme Marcotte, se risquent même aux constats d’allure programmatique :
Moi, personnellement, je pense qu’il y a une nécessité particulière de l’écrivain en tant qu’écrivain de s’engager d’une certaine façon. Ce n’est pas forcément d’avoir sa carte du parti quel qu’il soit, mais l’écrivain a besoin d’avoir un contact avec l’événement. Je pense qu’en littérature canadienne-française, nous avons trop souvent couru le risque d’une espèce de métaphysique abstraite. Aussi bien dans la poésie que dans le roman, nous avons fait des choses qui étaient valables pour l’homme en soi – et je dis cela contre la description que l’on donne généralement de la littérature canadienne-française comme régionaliste. Au contraire, elle m’apparaît comme exagérément abstraite. […] Je pense qu’il est absolument nécessaire que le poète ou le romancier canadien-français – pour ne citer que les praticiens de deux genres – se laisse féconder par l’événement. […] Je pense que cet enracinement prend aujourd’hui la figure de certains engagements nécessaires.
Marcotte, 13 min 58 s-15 min 50 s
Ce genre de posture, qui ne se contente pas de décrire mais s’efforce également d’orienter, correspond bien à la définition de l’intellectuel qui, dans la mouvance française, est alors discutée au Canada français[36], et contraste radicalement avec l’accusation de manque de mesure du critique qui recueillait l’approbation consensuelle des intervenant·es de Prise de bec dix ans auparavant. Comme si, d’une certaine manière, le rôle d’arbitre revenait désormais non plus à un animateur externe mais, de l’intérieur du débat, au spécialiste engagé qu’est le critique, en tant qu’intellectuel.
Marcotte occupe justement le rôle d’animateur de la dernière table ronde radiophonique à laquelle je m’attarderai, intitulée « La littérature et les critiques » et diffusée en septembre 1965 à l’émission Une littérature en question. Cette discussion, qui date de la toute fin de mon échantillon, marque un tel changement de paradigme qu’on serait tenté d’y voir un commencement plutôt qu’un terme dans cet examen de la métacritique. Avant de plonger dans le vif du sujet, je suggère l’écoute des premières minutes de l’émission (1 min 24 s-6 min), qui font suite à un énoncé introductif reprenant quelques lieux communs que j’ai moi-même posés en introduction de cet article : « Certains disent que la littérature se porterait mieux sans critique, puisqu’elle détruit parfois les oeuvres. La critique est-elle un mal nécessaire, ou un mal inutile[37] ? » Sont rassemblé·es autour de Marcotte la romancière Claire Martin, l’essayiste et producteur de l’ONF André Belleau, ainsi que l’écrivain et professeur de l’Université de Montréal André Brochu.
La teneur des propos, mais aussi la diction et l’accent mêmes des participant·es permettent d’emblée de mesurer l’abîme qui sépare les perspectives, même si l’échange est plus poli que le précédent. Claire Martin, seule femme de l’échange et présentée comme une « victime » plutôt qu’une praticienne de la critique, apparaît tendue et défend une position relativement traditionnelle. Pour elle, la « bonne » critique doit se retenir de briller en démolissant l’oeuvre d’un autre ; au contraire, elle peut être utile lorsqu’en sympathie, elle encourage et aide non seulement le lecteur, mais aussi l’écrivain. Née en 1914, elle appartient à la même génération que Duhamel et Falardeau et se distingue des deux autres invités par la neutralité de son accent, qui s’approche de la norme linguistique observée sur les plateaux médiatiques des années 1950 en gommant toute particularité de rythme ou de prononciation du français québécois.
Belleau et Brochu, en revanche, projettent un ethos complètement différent : sans recourir à des particularismes de vocabulaire, ils adoptent une prononciation et un rythme plus détendus, à même d’incarner une nouvelle norme québécoise du français. Leur position par rapport à la critique est si différente qu’ils ne parlent plus vraiment du même phénomène. Alors que Martin, à titre de romancière, aborde la critique journalistique de l’actualité littéraire, Belleau (né, comme Jasmin, en 1930) et Brochu (né en 1942) sont ailleurs : dans la fonction critique s’exprimant dans l’essai littéraire ou la « nouvelle critique », genres qui font de l’auteur non plus un journaliste mais un véritable écrivain. Le débat qui s’ensuit déconstruit les paradigmes soutenant les lieux communs traditionnellement énoncés sur la critique, à commencer par l’objet même du discours, qui passe du livre lu à la conscience lectrice : « Moi, je pense que ce n’est pas très important, les livres dont parle le critique » (3 min 25 s), affirme Belleau d’un air détaché, néanmoins polémique. « Quand Marcotte dit qu’il n’aime pas un livre, je n’en conclus pas que le livre est mauvais, j’en conclus que Marcotte ne l’aime pas » (4 min 22 s), résume-t-il ensuite. Dans cette perspective, le critique n’a plus à « encourager » ni à « aider » quiconque, puisque c’est désormais lui qui compte[38]. Et en tant que « fonction sociale et créatrice », le « regard soutenu » posé par la critique – j’aurais tendance à dire par l’essai critique – est devenu, en 1965, une activité littéraire à l’égal de la poésie[39]. De son côté, ce que le commentaire de Brochu déconstruit, c’est l’opprobre lié à la subjectivité de l’activité critique, souvent assimilée à une partialité néfaste. Grâce au dialogue entre l’oeuvre et son lecteur mis en valeur par la nouvelle critique, Brochu énonce l’idée qu’il est possible d’en donner « une vision objective quoique personnelle », et que cette dernière, lorsqu’elle est juste, est même susceptible de « révéler » l’oeuvre à l’écrivain en lui permettant d’atteindre une salutaire mise à distance. Brochu se félicite d’ailleurs qu’autour de la Faculté des lettres de l’Université de Montréal se constitue un noyau de critiques intéressés par les nouvelles tendances, qui ont lu les oeuvres de Poulet et de Richard et entendent appliquer ces critères aux oeuvres canadiennes-françaises. C’est alors que Marcotte, discret dans son rôle d’animateur, introduit la question des publics, rappelant que même en France, le discours dont parle Brochu concerne moins la critique journalistique que les essais publiés en revue. Quasi savante, cette discussion rend explicites et thématise la spécialisation des discours sur la littérature[40] et l’avènement d’un créneau radiophonique de discussions intellectuelles pour public averti qui fera les beaux jours de la chaîne culturelle de Radio-Canada.
Que conclure de la juxtaposition de ces formes médiatiques, de cette fouille sélective dans la critique d’une décennie en pleine redéfinition identitaire ? Dans un premier temps, il faut sans doute convenir que la présence même de la critique reste modeste par rapport à l’ensemble de la production audiovisuelle[41], et que son réel lieu de légitimation demeure la presse écrite. En effet, lorsque ces émissions dressent un état des lieux de la critique – le plus souvent de son insuffisance –, ils mentionnent invariablement les journaux et revues en omettant la radio et la télévision. Ma traversée de ces dix années d’archives porte tout de même à penser que la critique gagne en influence avec l’arrivée de ces médias de masse, ne serait-ce que grâce à l’élargissement de sa diffusion, et donc de son public[42]. Bien qu’il soit difficile d’en mesurer la portée concrète, quelques commentaires attestent que cette influence est bien réelle[43].
Quoi qu’il en soit, le développement des nouveaux médias confère indubitablement à la littérature et à sa critique une visibilité accrue. La radio et la télévision les mettent sur la place publique : elles « font parler son homme, ou sa ménagère », pour reprendre l’incipit de l’animateur de Prise de bec. Plus encore, le critique lui-même constitue un modèle, un exemple de « critique parlée », ce qui incite à penser que l’effet pédagogique, par-delà l’acquisition de connaissances, a pu jouer sur le développement des compétences requises pour discuter plus largement de productions culturelles. Enfin, pour les critiques eux-mêmes, les nouveaux médias que sont la radio et la télévision offrent des occasions professionnelles non négligeables[44] et un espace de réseautage qui a forcément rejailli dans des collaborations ultérieures[45].
Si le passage à l’audiovisuel produit peu d’effets apparents dans les formats critiques frontaux ou scriptés (la conférence, la critique parlée ou à la rigueur l’entretien), l’apparition du débat (ou du moins de la discussion) constitue en revanche un véritable apport médiatique. En délaissant les diverses formes de l’intervention écrite, le débat permet l’irruption de la spontanéité et de l’opposition, bref, un choc des idées introduisant une dimension sociale de négociation d’un désaccord fécond. Ici, le public est bel et bien sorti de la dynamique pédagogique de l’assimilation de connaissances, et se trouve dans l’exercice même du jugement critique. Recevant les propos non consensuels des invités, il doit les mettre à distance et prendre lui-même position. Certes, le phénomène n’est pas propre à la critique puisque cette mise à distance n’est pas induite par l’objet spécifique qu’est la littérature. Il s’agit bien sûr, comme l’a démontré Nicole Fortin dans Une littérature inventée, d’une posture critique qui caractérise plus largement les débats intellectuels des années 1960, dans la sphère sociale comme dans la sphère culturelle. Si ce corpus radiophonique et télévisuel ne réinvente pas la roue, donc, il permet néanmoins de voir et de sentir ce changement de paradigme de manière beaucoup plus directe, et par d’autres langages que celui des mots.
Appendices
Note biographique
KARINE CELLARD s’intéresse à l’histoire de la vie intellectuelle au Québec et à la question de la transmission de la littérature. Elle est l’auteure d’un livre sur les manuels d’histoire de la littérature québécoise intitulé Leçons de littérature (PUM, 2011) et a rédigé des sections sur l’essai et la réception dans La vie littéraire au Québec. Elle a aussi cosigné plusieurs collectifs : avec Karim Larose, l’anthologie La langue au quotidien. Les intellectuels et le français dans la presse québécoise (Nota Bene, 2010) ; avec Martine-Emmanuelle Lapointe, Transmission et héritages de la littérature québécoise (PUM, 2011) et, plus récemment, Espaces critiques : écrire sur les arts et la culture au Québec (1920-1960) (PUL, 2019) avec Vincent Lambert. Depuis 2009, elle enseigne au Cégep de l’Outaouais et participe au Laboratoire intercollégial de recherche sur l’enseignement de la littérature (LIREL).
Notes
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[1]
Claude Jasmin, Tribune libre, émission télévisuelle animée par Paul Lacoste et diffusée le 2 octobre 1961, Société Radio-Canada, no 550636 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=550636 (16 min 42 s), page consultée le 20 mars 2022.
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[2]
Gilles Marcotte, Une littérature en question, table ronde radiophonique réalisée par Fernand Ouellette, animée par Gilles Marcotte et diffusée le 20 septembre 1965, Société Radio-Canada, no 577024 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=577024 (1 min 24 s), page consultée le 20 mars 2022.
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[3]
Commençons cet article par un mea culpa : dans l’ouvrage Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960) que j’ai codirigé avec Vincent Lambert en 2018, nous nous sommes efforcés de faire place à l’étude de corpus critiques peu étudiés, mais avons nous-mêmes omis de considérer la critique radiophonique et télévisuelle. Cet article s’offre ainsi comme une forme de repentir, ou du moins un complément à cette démarche.
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[4]
Bien que la recherche sur la littérature à la radio et à la télévision se soit beaucoup développée depuis les travaux pionniers de Pierre Pagé et de Renée Legris, il reste encore beaucoup à faire dans ce vaste chantier. Parmi les travaux récents éclairant plus spécifiquement le domaine de la critique, signalons quelques articles de Marie-Thérèse Lefebvre (« Radio-Collège [1941-1956] : un incubateur de la Révolution tranquille », Les Cahiers des Dix, no 60, 2006, p. 233-275 ; « Analyse de la programmation radiophonique sur les ondes québécoises entre 1922 et 1939 : musique, théâtre, causeries », Les Cahiers des Dix, no 65, 2011, p. 179-225), de Micheline Cambron (« André Belleau à la radio, ou la théorie littéraire dialoguée », Voix et Images, vol. XLII, no 2, hiver 2017, p. 59-70) et de Claudia Raby (« Transformer le monde par la critique littéraire : regard stylistique sur les chroniques radiophoniques de Jeanne Lapointe », Recherches féministes, vol. XXIV, no 1, 2011, p. 101-118).
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[5]
Toutefois, de nouveaux métiers, comme celui de réalisateur ou de directeur de la programmation, apparaissent avec ces médias audiovisuels, et l’activité de certains (Roger Rolland, Guy Beaulne ou Jean-Guy Pilon, pour ne nommer que ceux-là) a un effet déterminant sur la diffusion de la littérature.
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[6]
Il s’agit d’une décision pragmatique imposée par la rareté des sources audiovisuelles antérieures à cette période (le CAGM, par exemple, ne conserve que deux enregistrements antérieurs à 1955). Cette tranche chronologique me semble néanmoins particulièrement pertinente pour poursuivre le travail entamé dans Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960) et ainsi mettre en lumière la rupture qui s’opère dans le domaine de la critique lors de la Révolution tranquille.
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[7]
Radiomonde, Radiomonde et télémonde ainsi que La Semaine à Radio-Canada. Je remercie Julien Vallières pour ce patient travail de dépouillement des sources.
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[8]
J’y ai consulté tous les enregistrements de la collection SRC de la période indexés sous les mots clés « critique littéraire ».
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[9]
Il importe de souligner que cet échantillon, loin d’être exhaustif et dont les « trous » sont difficiles à évaluer, repose sur une double sélection : celle opérée par Radio-Canada dans la conservation de ses propres archives, et celle du CAGM lors de la constitution de sa collection. Cette dernière fait la part belle aux extraits audiovisuels qui présentent des commentaires sur la critique (donc à teneur métacritique) et contient peu de critiques littéraires d’actualité.
-
[10]
Pour Dominique Maingueneau, la scène englobante constitue le type général de discours au sein duquel l’énonciateur prend la parole – ici, le discours littéraire (parmi le politique, l’économique, le religieux, etc.). La scène générique désigne plus spécifiquement le genre discursif ou littéraire mobilisé par l’énonciateur dans le répertoire propre à son domaine – ici, il s’agira de la critique. La scénographie, enfin, désigne la manière singulière dont le locuteur investit son appartenance aux scènes englobante et générique, une mise en scène spécifique de la parole. Plus précisément, la scénographie installe un espace-temps qui lui est propre, une dynamique particulière entre les différentes instances de la communication, et construit l’ethos de l’énonciateur, l’image qu’il renvoie de lui-même à travers une représentation de son corps, de ses valeurs ou affects. Dominique Maingueneau, Le discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2004.
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[11]
Il s’agit tout simplement de la critique rendue sous forme orale. Jean Despréz, Reportage à l’occasion de la présentation par le Rideau Vert de la pièce « Anastasia », extrait radiophonique animé par le journaliste Lucien Côté et diffusé le 24 octobre 1956, Société Radio-Canada, no 572873 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=572873 (12 min 45 s), page consultée le 20 mars 2022.
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[12]
En raison même du nombre d’heures d’enregistrement que représente ce genre de format récurrent, peu de segments ont été intégrés à la collection du CAGM, et ils y figurent généralement parce qu’une autre partie de l’émission a été jugée digne de conservation. Leur repérage dans la collection comporte donc un aspect aléatoire, puisqu’aucun mot clé ou descripteur relié à la critique ne permet de les identifier systématiquement.
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[13]
Dans la même période, sur les ondes des autres stations, les auditeurs peuvent entre autres suivre Dans le monde des lettres (Québec : CHRC), émission animée par Clément Lockquell, et Le Journal de Claude-Henri Grignon (Montréal : CKAC), dont l’une des trois parties est consacrée hebdomadairement à la critique.
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[14]
Au moment de la transition entre les deux émissions, on précise que les segments de critique seront désormais de cinq minutes alors qu’ils en occupaient quinze dans la défunte Chronique littéraire. Le souci de démocratisation est patent dans le discours : on souhaite faire de cette nouvelle mouture « une émission de caractère sérieux, mais pas solennelle ; une émission qui cherche à adapter ses chroniques au plus grand nombre possible d’auditeurs » (La Semaine à Radio-Canada, vol. II, no 5, du 11 au 17 novembre 1951, p. 2).
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[15]
Critique du roman Agaguk d’Yves Thériault par Jean Hamelin, La revue des arts et des lettres, émission radiophonique réalisée par Ollivier Mercier Gouin et diffusée le 18 novembre 1958, Société Radio-Canada, no 573253 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=573253 (à partir de 24 min 14 s). Page consultée le 20 mars 2022. Datant tous deux de 1958, ces extraits de « critique parlée » sont les seuls de la période que j’ai retrouvés dans la collection du CAGM, ce qui explique l’absence de perspective diachronique dans mon propos. Les droits d’auteur de tous les extraits audiovisuels présentés dans cet article et des images qui en sont tirées appartiennent à la Société Radio-Canada, qui en permet l’utilisation à des fins de recherche.
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[16]
On est très loin de la sensibilité contemporaine d’ICI Radio-Canada Première et de l’impératif du plaisir mis de l’avant, par exemple, dans une émission comme Plus on est de fous, plus on lit.
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[17]
Dans la collection du CAGM, on ne trouve que deux conférences de Clément Lockquell correspondant à cette définition, mais Radiomonde et La Semaine à Radio-Canada gardent la trace de plusieurs autres interventions semblables, par exemple celles de Roger Duhamel sur « La nouvelle vague dans la littérature française » (11 février 1961) ou de René Garneau sur « L’influence de la critique sur la nouvelle forme de la littérature » (3 mars 1962).
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[18]
Voir Marie-Thérèse Lefebvre, « Radio-Collège (1941-1956) : un incubateur de la Révolution tranquille ».
-
[19]
Conférence, émission télévisée réalisée par Jean-Pierre Sénécal, animée par Jacques Fauteux et diffusée le 8 décembre 1959, Société Radio-Canada, no 18317 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=18317, page consultée le 20 mars 2022.
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[20]
Le manuel Littérature canadienne-française de Samuel Baillargeon, dont Lockquell fait l’éloge au début du segment, est publié chez Fides deux ans avant l’émission, en 1957.
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[21]
Les principaux thèmes abordés par Lockquell sont « la mère poule », « l’isolement », « l’évasion et le dépaysement », « la révolte contre les traditions », « l’amour » et « la mort ». On peut voir dans cette approche une certaine parenté avec les cours donnés à l’Université de Montréal par le révérend-père Ernest Gagnon, qui délaisse l’histoire littéraire pour approcher la littérature canadienne-française sous l’angle de « thèmes générateurs » comme « le paysage, l’enfance, l’adolescence, l’amour, la famille, la patrie, le sacré » (Annuaire de la Faculté des lettres, Université de Montréal, 1956-1957). Bien que plus naïves, les catégorisations de Lockquell évoquent aussi des thèses et travaux contemporains sur l’isolement (Monique Bosco, « L’isolement dans le roman canadien-français », thèse de doctorat, Département de littérature française, Université de Montréal, 1953) ou l’exil dans la littérature canadienne-française (Gilles Marcotte, Une littérature qui se fait, Montréal, HMH, 1962 [1955, 1958]).
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[22]
Quelques exemples d’extraits d’auteurs commentant la pratique de la critique : Jean Despréz, Reportage ; « Claude Jasmin, écrivain », À livre ouvert, émission télévisuelle réalisée par Roger Nadeau, animée par Lizette Gervais et diffusée le 1er août 1964, Société Radio-Canada, no 1229627 du Centre d’archives Gaston-Miron ; « Claire Martin, romancière (1) », Témoignages d’écrivains, émission radiophonique réalisée par Fernand Ouellette, animée par Michel Roy et diffusée le 5 août 1964, Société Radio-Canada, no 552776 du Centre d’archives Gaston-Miron.
-
[23]
« Exposé de Gilles Marcotte sur la critique littéraire », D’une génération à l’autre, émission radiophonique présentée par Henri Saint-Georges et diffusée le 2 juin 1961, Société Radio-Canada, no 550397 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=550397, page consultée le 20 mars 2022.
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[24]
Contrairement à Robert Élie, qui définit précisément ses attentes par rapport aux grandes oeuvres (« [l]a rencontre d’un homme qui soit un maître, qui sait ce qu’il dit et qui a vraiment quelque chose de personnel à dire » ; « on s’y confronte de tout son être, et de cette confrontation-là, un tiers peut profiter » [18 min 20 s]), le jeune critique Jean Paré, par exemple, affirme que sa pratique à La Presse repose simplement sur « le désir de parler d’un livre » aimé ou non, et qu’elle ne repose sur aucun critère de jugement prédéterminé : « Quand je parle de critique, je n’aime pas parler de critères. À mon avis, un critique est un écrivain, tout autant qu’un écrivain qu’on se plaît à nommer écrivain. […] Alors les critères varient à l’infini, il y a autant de critères qu’il y a de personnes qui font de la critique. » (24 min 35 s) Ibid.
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[25]
La communication est moins fluide, par exemple, entre Marcotte et Pierre Baillargeon.
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[26]
Quelques exemples : Roger Duhamel, « La critique et le critique », La Nouvelle Revue canadienne, vol. I, no 2, avril-mai 1951, p. 23-34 ; « Une grande enquête » [série d’articles sur la critique], Le Devoir, du 24 mars au 12 mai 1951.
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[27]
Prise de bec, émission télévisuelle réalisée par Jean-Pierre Sénécal, animée par André Patry et diffusée le 1er juillet 1956, Société Radio-Canada, no 18687 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=18687 (visionner du début jusqu’à 2 min 39 s), page consultée le 20 mars 2022.
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[28]
« Je suis convaincu que la télévision ne vous a pas fait oublier la radio », affirme l’animateur, « et que vous avez tous reconnu ce soir vos bons amis ». Richard Patry, ibid. (1 min 10 s).
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[29]
Voir notamment la question de l’influence américaine ou encore la métaphore de la branche et du rameau dans Robert Charbonneau, La France et nous, Montréal, Éditions de l’Arbre, 1947.
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[30]
Voir Vincent Lambert, « La réanimation de l’âme collective », Karine Cellard et Vincent Lambert (dir.), Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960), p. 325-356.
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[31]
Prise de bec, 15 min 10 s-23 min 20 s.
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[32]
Ce lieu commun émerge dans certaines entrevues, par exemple lorsque Jean Despréz dénonce le rôle parfois « criminel » de la critique (Reportage à l’occasion de la présentation par le Rideau Vert de la pièce « Anastasia », 11 min 52 s). Dans un autre extrait, Paul Toupin s’amuse d’être considéré comme un critique « féroce » (Carrefour, entrevue télévisuelle menée par Hubert Aquin et diffusée le 28 février 1961, Société Radio-Canada, no 550142 du Centre d’archives Gaston-Miron).
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[33]
Tribune libre, émission télévisuelle animée par Paul Lacoste et diffusée le 2 octobre 1961, Société Radio-Canada, no 550636 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=550636 (1 min 8 s).
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[34]
On note le changement de génération chez les écrivains surtout, puisqu’Yves Thériault (né en 1915), Jean Filiatrault (né en 1919) et Claude Jasmin (né en 1930) sont tous plus jeunes que Robert Choquette (né en 1905) et Jean Despréz (née en 1906). La différence apparaît moins marquée chez les critiques, puisque Jean-Charles Falardeau (né en 1914) et Roger Duhamel (né en 1916) sont de la même génération, tous deux un peu plus âgés que Gilles Marcotte (né en 1925). Pour ces derniers, c’est surtout le processus de spécialisation universitaire qui paraît déterminant : même s’ils ont tous trois enseigné à l’université, seuls Falardeau et Marcotte ont obtenu un mémoire de maîtrise – et plus tard une thèse de doctorat – dans leur discipline.
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[35]
Pour un extrait significatif de l’intervention des critiques dans ce débat, voir 11 min 57 s-17 min 39 s.
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[36]
Le rôle de l’intellectuel canadien-français est entre autres discuté dans la série radiophonique Esquisse pour un portrait, elle aussi diffusée en 1961. Réunissant l’historien Michel Brunet, le sociologue Fernand Dumont, l’anthropologue et ethnologue Marcel Rioux ainsi que le psychologue André Lussier, cette série de discussions s’efforce de « dégager les traits les plus marquants d’une identité canadienne-française en voie de se modifier » et, à cette fin, s’attarde dans un épisode au rôle de l’intellectuel, identifié comme l’un des facteurs de ce changement. Citation tirée de la description d’Esquisse pour un portrait, émission radiophonique animée par Fernand Seguin et diffusée le 24 juin 1961, Société Radio-Canada, no 550444 du Centre d’archives Gaston-Miron, en ligne : https://cagm.umontreal.ca/visionner.jsp?ID=550444, page consultée le 20 mars 2022.
-
[37]
Une littérature en question (1 min 24 s).
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[38]
Est-ce pour cette raison qu’à partir des années 1960, on retrouve de plus en plus de segments présentant la biographie des critiques (souvenirs d’un parcours, d’une carrière, images d’archives, etc.), comme s’ils étaient désormais considérés comme de véritables écrivains ? Au moins trois exemples en sont conservés dans la collection SRC du CAGM : une biographie de Roger Duhamel à l’émission Partage du jour en 1962 (id. 1 612 073), une de Gilles Marcotte à Témoignages d’écrivains en 1964 (id. 552505) et une de Jean Béraud à Champ libre en 1965 (id. 1 210 336).
-
[39]
Cette autonomisation de la critique est défendue par Jeanne Lapointe dès 1955 : « La critique, “littérature au second degré”, a tout autant de liberté pour juger l’oeuvre que l’écrivain doit en avoir pour l’écrire », affirme-t-elle dans un dialogue musclé l’opposant tour à tour à son doyen Félix-Antoine Savard et au romancier Pierre Gélinas (« De notre littérature. II. Réponse à la lettre précédente », Cité libre, no 12, mai 1955, p. 34-39). Comme le confirment les textes republiés récemment en anthologie, elle met à la même époque ces préceptes en pratique à Radio-Collège dans la série de chroniques radiophoniques « L’écrivain et son style » ; voir Jeanne Lapointe, Rebelle et volontaire. Anthologie 1937-1995, édition préparée par Marie-Andrée Beaudet, Mylène Bédard et Claudia Raby, avec la collaboration de Juliette Bernatchez, Leméac, coll. « Phares », 2019, p. 65-81.
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[40]
Cette mention de la spécialisation des discours concorde parfaitement avec le découpage chronologique de Nicole Fortin qui, dans Une littérature inventée. Littérature québécoise et critique universitaire (1965-1975) (Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Vie des lettres québécoises », 1994, 353 p.), documente l’essor de la critique universitaire dans les revues savantes à partir de 1965.
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[41]
Il importe en effet de souligner que les enregistrements appartenant à la scène générique de la critique restent quantitativement marginaux dans la collection SRC conservée au CAGM. Pour les années 1955 à 1959, seulement cinq des 143 enregistrements conservés sont dévolus à la critique. Pour 1960 à 1965, la proportion se maintient (19 documents sur 502), mais le contenu, beaucoup plus approfondi, gagne en densité.
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[42]
« Radio-Canada a fait écho à la Semaine canadienne du livre à sa chronique littéraire, au début du mois. On a pu constater à cette occasion que le nombre de lecteurs ne cesse d’augmenter au Canada français. Et c’est pour répondre à ce désir de nombreux auditeurs que Radio-Canada invite des critiques littéraires bien connus à présenter des ouvrages récents tous les vendredis soir, à 10 h 15. » Radiomonde, « La chronique littéraire », 13 novembre 1948, p. 14.
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[43]
Jean Despréz, notamment, estime qu’en raison de son influence, la critique radiophonique est une « arme dangereuse » : « Ça va directement dans les foyers, et ça dit restez donc chez vous, ça ne vaut pas la peine. » Reportage à l’occasion de la présentation au Rideau Vert de la pièce « Anastasia », 13 min 2 s.
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[44]
Dans les entretiens accordés à Pierre Popovic, Marcotte évoque le rôle de quelques pôles médiatiques (Radio-Canada et l’ONF) qui ont rassemblé un temps les meilleurs talents artistiques et intellectuels du Canada français : « Tout le monde allait à Radio-Canada, à cette époque » ; « On y entrait [à l’ONF] à pleines portes, dans ces années-là, comme à Radio-Canada, surtout dans la section française qui se développait très rapidement. » Pierre Popovic, Entretiens avec Gilles Marcotte, Montréal, Liber, 1996, p. 74 et p. 76.
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[45]
Il est assez frappant de constater par exemple que la table des matières du livre Littérature et société canadiennes-françaises (Fernand Dumont et Jean-Charles Falardeau [dir.], Québec, Presses de l’Université Laval, 1964, 272 p.), issu du 2e colloque de la revue Recherches sociographiques du Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Laval, rassemble un bon nombre des collaborateurs de Radio-Canada mentionnés dans cet article : outre les deux directeurs de l’ouvrage, on y retrouve Jean-Charles Bonenfant, Michel van Schendel, Gilles Marcotte, Jean Filiatrault, Hubert Aquin, Claude Jasmin, Clément Lockquell et Jeanne Lapointe.