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Depuis mon installation dans la ville postindustrielle de Lowell, Massachusetts, il y a environ un an, je suis constamment rappelée aux racines que je partage avec l’une de ses plus célèbres figures, l’écrivain de la génération Beat Jack Kerouac, rendu célèbre par son livre On the Road, paru en 1957. Alors que je me trouve à l’ombre des anciennes usines textiles et que je suis bercée par le courant puissant de la rivière Merrimack, moteur de la révolution industrielle américaine, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec la fascination de Kerouac pour les voyages et l’Amérique.

Le fils d’immigrants canadiens-français habitant le quartier autrefois prospère, mais aujourd’hui disparu, du Petit-Canada, les échanges et la mobilité entre le Québec et les États-Unis ont joué un rôle crucial dans la vie et l’oeuvre de Jack Kerouac. En traversant régulièrement la frontière entre Lowell et Montréal, il a pu maintenir des liens familiaux solides tout en renforçant ses racines culturelles. Son héritage témoigne de la manière dont les frontières géographiques peuvent être transcendées, les cultures fusionnées et les influences mutuelles alimentées pour façonner un écrivain profondément connecté aux deux côtés de la frontière. Ces déplacements lui ont également offert des expériences uniques qui ont modelé sa vision de l’Amérique et nourri sa créativité littéraire.

La présence emblématique de Kerouac dans ma nouvelle ville d’adoption m’a incitée à réfléchir à la relation complexe mais durable entre le Québec et les États-Unis. En tant que Québécoise ayant moi-même entrepris cette aventure aux États-Unis à la recherche d’occasions professionnelles (étant donné la rareté des postes menant à la titularisation au Québec), je m’identifie naturellement à la famille de Kerouac et m’interroge sur la place unique des Québécois en Amérique du Nord.

C’est dans ce contexte que j’ai été contactée pour rédiger cette chronique sur l’actualité de la recherche portant sur la littérature québécoise aux États-Unis. Cette proposition m’a amenée à réfléchir au fait que la recherche en études québécoises n’existe pas en vase clos, mais qu’elle s’élabore plutôt dans un dialogue continu et grâce à des échanges transfrontaliers entre le Québec et les États-Unis. Les idées voyagent par-delà la frontière canado-américaine, et il est bien difficile de définir la recherche portant sur la littérature québécoise aux États-Unis de façon stricte. En effet, les échanges entre le Québec et les États-Unis sont nombreux et encouragés par la diplomatie culturelle du gouvernement québécois, ainsi que par la mobilité intellectuelle et universitaire. Par exemple, des étudiant·e·s québécois·e·s peuvent aller étudier aux États-Unis, et des doctorant·e·s au Québec peuvent obtenir des postes aux États-Unis après leurs études. Les colloques, les ouvrages collectifs, les postes disponibles ainsi que le goût de l’aventure entraînent des échanges et une mobilité des idées et des chercheur·euse·s. Le dialogue entre le Québec et les États-Unis dans les domaines de la littérature et de la recherche universitaire a toujours été riche et dynamique.

L’American Council for Québec Studies (ACQS) a été fondé en 1979, ce qui témoigne de l’intérêt croissant pour la littérature, l’histoire, la politique et d’autres aspects de la culture québécoise dans le milieu universitaire américain. Initialement appelé le Northeast Council for Québec Studies et regroupant seulement des professeur·e·s du nord-est des États-Unis, l’organisation a changé de nom en 1984 pour devenir l’ACQS et mieux refléter l’intérêt pour les études québécoises qui s’est propagé à travers les États-Unis. Aujourd’hui, l’ACQS est l’une des principales organisations d’études québécoises en dehors du Québec. L’ACQS regroupe désormais des chercheur·euse·s au-delà des frontières, favorisant les échanges nord-américains dans le domaine des études québécoises et la mobilité des chercheur·euse·s, des idées et des intérêts de recherche. Les membres de l’ACQS viennent de toute l’Amérique du Nord et d’autres parties du monde, soulignant les liens étroits entre l’ACQS et l’Association internationale des études québécoises (AIEQ), qui promeut les études québécoises à travers le monde. De plus, l’ACQS organise une conférence bisannuelle réunissant de 75 à 100 participant·e·s. La revue Québec Studies, publiée deux fois par année par la Liverpool University Press, est l’organe de publication officiel de l’ACQS, illustrant ainsi la dimension transnationale des études québécoises. En outre, l’ACQS a mis sur pied, depuis près de 10 ans, une portion « jeunes chercheur·euse·s » au sein de son colloque pour encourager la relève.

Or, ce nombre de participants, la fréquence de publication et la portée de l’ACQS peuvent aussi nous induire en erreur. Le champ des études québécoises aux États-Unis a rétréci au cours des vingt dernières années ; la plupart d’entre nous travaillent de manière assez isolée, dans des départements où les études québécoises, voire la recherche sont secondaires. En effet, avec la crise des humanités et la néolibéralisation des études universitaires aux États-Unis, la plupart d’entre nous doivent se concentrer sur la sauvegarde de nos départements, incluant le recrutement d’étudiant·e·s inscrit·e·s dans nos programmes. De façon semblable, les programmes de lettres et de langues sont en processus de réinvention face à la crise des humanités qui sévit plus particulièrement depuis la crise financière de 2009. Ainsi, les départements de français aux États-Unis ont vu leurs inscriptions baisser de 11,1 % entre 2013 et 2016, selon un rapport du MLA[1], et la tendance, bien que la chute semble s’être atténuée, se poursuit tout de même. Ces transformations ont mené plusieurs professeur·e·s et chercheur·euse·s aux États-Unis à se tourner vers les études cinématographiques et culturelles ainsi que l’histoire culturelle, et non plus à prioriser la littérature. Qui plus est, si les départements conservent, ici et là, un cours général sur le Québec, bien peu de cours poussent la question plus loin, et l’on a tendance à privilégier une approche culturelle plutôt que littéraire afin d’intéresser les étudiant·e·s et de les encourager à s’inscrire à la majeure en français.

Sur le plan thématique, la recherche en études québécoises est affectée par les tendances courantes dans les départements et les programmes de français ainsi que les tendances plus grandes dans les humanités. Un intérêt croissant se manifeste envers les identités marginalisées, englobant notamment une augmentation significative de la littérature autochtone et de la paralittérature, ainsi qu’une continuité de l’intérêt pour la littérature migrante et la littérature féminine. Il est à noter que ce nouvel engouement se reflète bien dans les goûts et les intérêts de nos étudiant·e·s, qui s’identifient eux et elles-mêmes de manières multiples et sont animé·e·s par une grande soif de justice sociale. Dans le domaine des thèses de doctorat, on observe un engouement pour les questions historiques et mémorielles, ainsi que pour la francophonie, une problématique centrale dans les études littéraires de langue française, en particulier aux États-Unis, depuis environ vingt ans. En conséquence, un effort est déployé pour recadrer la littérature québécoise dans le contexte plus large de la littérature francophone mondiale.

En effet, depuis le début des années 2000, le tournant francophone aux États-Unis représente un mouvement majeur dans le domaine des études littéraires et culturelles, mettant en avant la diversité des voix francophones en dehors de la France. Dans le sillage des « area studies » qui gagnent en popularité dans les universités américaines au cours des années 1970, et avec une série de changements incluant l’émergence du mouvement pour les droits civiques, de la discrimination positive, abolie par la Cour suprême des États-Unis à la fin juin, et de l’affirmation des politiques identitaires, les perspectives se sont multipliées au sein des études françaises traditionnelles, au point où l’on parle désormais d’études françaises et francophones. Ce tournant a été motivé par une volonté de reconnaître et de valoriser la production culturelle francophone provenant des régions d’Afrique, des Caraïbes, du Canada, de la Belgique, de la Suisse et d’autres pays francophones. Les universitaires américain·e·s ont commencé à explorer les littératures francophones et les expressions culturelles qui étaient souvent négligées ou marginalisées dans les études francophiles traditionnelles. En mettant l’accent sur la diversité linguistique et culturelle du monde francophone, le tournant francophone a mis en lumière les enjeux d’identité, de postcolonialisme, de migration, de multiculturalisme et de mondialisation. Les chercheur·euse·s se sont intéressé·e·s aux questions de langue, de traduction, d’hybridité et de créolisation dans les oeuvres francophones, cherchant à comprendre comment ces écrivain·e·s et artistes négocient les frontières linguistiques et culturelles.

Le tournant francophone a également remis en question les hiérarchies littéraires et culturelles existantes, permettant de découvrir de nouveaux talents et de revoir l’histoire littéraire et culturelle du monde francophone. Des écrivain·e·s tel·e·s qu’Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Assia Djebar, Maryse Condé, Dany Laferrière et bien d’autres ont été réévalué·e·s et reconnu·e·s comme des figures majeures de la littérature francophone, ayant une influence significative sur la scène littéraire mondiale. Cependant, le Québec a été peu abordé dans ce contexte, qui tend à s’intéresser davantage à des pays plus défavorisés et à mettre l’accent sur les enjeux d’identité, de postcolonialisme, de migration, de multiculturalisme et de mondialisation.

Dans le sillage des mouvements de la décolonisation, de la négritude et du métissage, le Québec, tout comme les autres nations francophones d’Europe, telles que la Belgique, est souvent négligé dans les études francophones aux États-Unis, où l’attention se porte davantage sur les idées d’identités subalternes, racisées ou postcoloniales. Cependant, deux ouvrages récents ont tenté de replacer le Québec au coeur de cette francophonie mondiale : The Quebec Connection: A Poetics of Solidarity in Global Francophone Literatures[2] de Julie-Françoise Tolliver (2020) et D’une négritude l’autre : Aimé Césaire et le Québec[3] de Ching Selao (2022). Publiés dans deux langues différentes, l’un chez un éditeur américain en anglais, l’autre au Québec en français, ces ouvrages sont écrits par des professeures-chercheuses d’origine québécoise, mais qui travaillent toutes deux dans des universités aux États-Unis. Ces deux ouvrages remettent en question les connexions entre le Québec et d’autres parties du monde francophone, contribuant ainsi à une réflexion plus large sur le sujet. Chacun à leur manière, ces deux textes situent la littérature québécoise à l’intérieur du mouvement plus vaste de « littérature francophone », qui, le plus souvent, comprend les pays d’Afrique coloniale, du Pacifique et des Caraïbes, alignés avec les pays du Sud plutôt que le Québec. Les analyses proposées par ces deux textes des liens et des échanges transnationaux francophones modifient radicalement le champ des études francophones en redressant la logique raciale qui a eu tendance à isoler la province d’Amérique du Nord de ce que l’on a fini par appeler le monde postcolonial. Or, le Québec fait indéniablement partie de cette francophonie décoloniale des années 1960 et 1970. Si l’idée de situer le Québec dans ce mouvement de décolonisation a elle-même été exploitée par les auteur·e·s québécois·e·s de cette époque, les ouvrages de Tolliver et de Selao reposent sur les connexions, sur l’idée de mettre en relation le Québec avec d’autres endroits et d’autres textes, pour faire valoir la connectivité du Québec à travers le monde.

The Quebec Connection: A Poetics of Solidarity in Global Francophone Literatures est un ouvrage ambitieux qui explore les liens et les influences entre la littérature francophone du Québec et celle d’autres régions du monde, particulièrement à l’ère des indépendances entre les années 1950 et 1970, époque qui a aussi été le creuset des littératures francophones. Tolliver, qui a grandi dans la région d’Ottawa et qui est maintenant professeure agrégée au Département d’anglais à l’Université de l’Ohio, propose une analyse approfondie de la notion de solidarité dans ces littératures, mettant en évidence les thèmes, les motifs et les esthétiques qui transcendent les frontières culturelles et géographiques. Comme l’expliquent Françoise Lionnet et Shu-mei Shih dans The Creolization of Theory (2011), le champ des études littéraires francophones aux États-Unis est façonné par les études ethniques et a tendance à favoriser la formule « littérature francophone » au singulier, créant une priorisation des études sur la race et une invisibilisation de la littérature québécoise. Tolliver tente ainsi de ramener le Québec dans ce débat des études francophones en examinant les liens et les parallèles que les écrivain·e·s du Québec, des Caraïbes et d’Afrique ont imaginés pour unir ce monde, éclairant les tropes qu’ils et elles ont utilisés pour articuler les solidarités à travers les différences de race et de classe qui ont marqué leur expérience.

Tolliver explore la manière dont Césaire exprime la solidarité malgré les différences et les hiérarchies raciales qui persistent dans le monde francophone. Les clivages linguistiques et raciaux hantent Césaire dans sa quête d’égalité. Le Québec a également été un refuge pour certains écrivains francophones, où ils ont trouvé un soutien intellectuel et artistique. Le roman expérimental Trou de mémoire d’Hubert Aquin, paru en 1968, exprime l’aspiration du Québec à la solidarité avec d’autres peuples opprimés, mais reconnaît que ces formes de solidarité restent imparfaites. Selon Tolliver, à l’époque de la Révolution tranquille, le Québec demeure relativement isolé du reste du monde francophone, et l’oeuvre d’Aquin tente de construire un pont de solidarité entre la province et les autres régions francophones. Finalement, des écrivains tels que Mongo Beti et Driss Chraïbi ont publié des ouvrages au Québec, cherchant à relier la lutte pour l’indépendance québécoise à la lutte anti-néocoloniale dans d’autres régions. Chraïbi voit la défense de la langue française comme un moyen de lutter pour l’indépendance du Québec et de réimaginer les relations humaines.

The Quebec Connection: A Poetics of Solidarity in Global Francophone Literatures repense intelligemment la relation entre le Québec et les autres parties de la francophonie. L’auteure explore également les différentes dimensions de la solidarité, qu’il s’agisse de solidarité politique, sociale, culturelle ou linguistique. Cette approche englobante offre une perspective intéressante sur la manière dont la notion de littérature francophone peut servir de pont entre les différentes communautés et contribuer à la construction d’un monde plus solidaire. Cependant, bien que l’auteure explore le rôle unique joué par le Québec dans l’articulation et l’inspiration de ces expressions de solidarité, une seule des quatre oeuvres examinées est québécoise, Trou de mémoire d’Hubert Aquin. Cela limite quelque peu la portée de l’analyse et ne permet pas une exploration complète des dynamiques de solidarité dans les littératures francophones du monde entier, car le mouvement de décolonisation et les indépendances dans les pays des Antilles, de l’Afrique ou de l’Asie du Sud-Est ont eu une influence, comme nous le verrons dans l’ouvrage de Ching Selao, sur la littérature québécoise de la Révolution tranquille, époque où le mouvement nationaliste a le vent en poupe.

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D’une négritude l’autre : Aimé Césaire et le Québec de Ching Selao, une Québécoise d’origine chinoise qui enseigne à l’Université du Vermont, explore la relation entre le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire et la société québécoise. L’auteure propose une analyse approfondie de l’influence de Césaire sur les intellectuel·le·s et écrivain·e·s québécois·e·s, ainsi que sur les mouvements de pensée et les revendications identitaires au Québec. La négritude de Césaire, ce concept puissant qui célèbre l’identité noire, a traversé les frontières et les époques, laissant une empreinte indélébile dans le paysage littéraire. Pour plusieurs au sein du mouvement de la négritude, il s’agissait de « désémantiser le mot » afin de lui enlever sa virulence, voire sa violence. Au Québec, un mouvement de « négritude blanche » a émergé dans les années 1970, révélant les clivages et les malaises face à l’héritage de Césaire. L’ouvrage qui nous vient en tête est bien entendu le désormais célèbre Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières, qui, s’il n’était pas le premier à le faire, a contribué à une appropriation sémantique assez malaisante, surtout après l’affaire Verushka Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa. Cependant, Selao propose d’aller au-delà des justifications ou des condamnations et de se plonger dans les textes de Gaston Miron, de Paul Chamberland et de Dany Laferrière.

Selao aborde la parenté poétique entre Gaston Miron et Aimé Césaire, soulignant leur relation avec la langue et l’écriture. Si la langue de Miron est colonisée, massacrée, et que l’écriture est, pour lui, une souffrance tant mentale que physique, Césaire se sentait pour sa part chez lui dans la langue française ; sa poésie résonne à travers la francophonie, sa langue « puissante comme un feu ardent », pour reprendre son expression. Paul Chamberland est influencé par Césaire, mais a du mal à exprimer le mal-être québécois. Si, selon Césaire, la haine, la colère et le ressentiment du colonisé constituent un passage obligé pour une prise de conscience, il est essentiel de passer outre ces ressentis, puisque haïr signifie rester un esclave. Aussi, pour Selao, la parole poétique de Chamberland peine à se libérer complètement. Alors que Césaire incarne un colonisé explicite, Chamberland se trouve dans l’ambiguïté, l’ambiguïté intolérable des Québécois d’être des « colonisés gâtés », selon la formule d’Yves Préfontaine. Jacques Ferron parle de semi-colonisation et de la difficulté de rendre la parole plus fluide en tant que « nègre blanc ». Laferrière, quant à lui, avait une opinion partagée de Césaire et, s’il le percevait jadis comme un « poète victimaire », il le voit, à partir de L’énigme du retour, comme une figure paternelle intellectuelle et littéraire. Son oeuvre Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer explore une sorte d’humour mordant qui transgresse la négritude traditionnelle.

D’une négritude l’autre : Aimé Césaire et le Québec aborde également des questions importantes telles que l’identité, la colonisation, la négritude et la lutte pour la reconnaissance des cultures minoritaires. L’auteure analyse avec finesse la manière dont Césaire a contribué à la réflexion sur ces sujets au Québec, et comment les écrivain·e·s et penseur·euse·s québécois·e·s se sont approprié et ont transformé son héritage. L’un des points forts de cet ouvrage est la rigueur et la précision de la recherche effectuée par l’auteure. En examinant les correspondances, les essais et les discours de Césaire, ainsi que les écrits de ses contemporains québécois, Selao parvient à établir des liens significatifs entre les deux contextes culturels et à mettre en évidence l’influence de Césaire sur la formation de la pensée intellectuelle au Québec.

The Quebec Connection: A Poetics of Solidarity in Global Francophone Literatures de Julie-Françoise Tolliver et D’une négritude l’autre : Aimé Césaire et le Québec de Ching Selao offrent une analyse intéressante des liens entre la littérature francophone du Québec et celle d’autres régions, ainsi que de la relation entre Césaire et le Québec, soulignant l’importance de cette influence réciproque. Selao aborde directement le malaise entourant la négritude blanche au Québec et l’ambiguïté de ce mouvement intellectuel et littéraire dans l’histoire du Québec, tandis que Tolliver traite la question de manière indirecte. Ces deux ouvrages s’inscrivent parfaitement dans le tournant des études francophones aux États-Unis. En effet, le tournant francophone aux États-Unis a favorisé les échanges transnationaux et les dialogues interculturels, offrant de nouvelles perspectives sur les relations entre les États-Unis et les pays francophones, ainsi que sur les enjeux mondiaux de langue et de diversité culturelle. Ces deux ouvrages tentent donc de replacer le Québec à l’intérieur de ces débats intellectuels et artistiques plus vastes ayant cours aux États-Unis.

Les liens entre le Québec et les États-Unis se renouvellent constamment, rappelant l’époque de Kerouac, lorsque les Canadiens français migraient en Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les usines textiles. Cela montre que, malgré le mythe de la survivance, le Québec n’est pas une petite nation francophone isolée en Amérique du Nord. Des éléments tels que Kerouac, les deux ouvrages mentionnés et la présence de Québécoi·e·s dans les universités américaines soulignent la porosité de la frontière et les échanges constants entre les deux régions. Malgré les difficultés financières des départements de français aux États-Unis et la relative sous-représentation de la littérature québécoise par rapport au cinéma et à l’histoire culturelle dans les études, la recherche en littérature québécoise reste dynamique et en dialogue avec les grandes tendances des études françaises et francophones aux États-Unis. Les membres de l’ACQS, dont je fais partie, s’engagent à faire découvrir le Québec et l’Amérique francophone à nos étudiant·e·s américain·e·s, et l’ACQS continue de faciliter les échanges intellectuels et universitaires entre le Québec et les États-Unis. Le Québec est désormais une nation globale et interconnectée au sein de la Francophonie mondiale, qui dépasse les frontières.