Article body

Introduction

La microstructure analyse l’impact de l’organisation du marché, du volume de transactions et de la gestion des positions sur les prix affichés et ceux des transactions.

D’une manière générale, la théorie de la microstructure essaie d’expliquer l’évolution des prix et des marchés dans leur globalité, ce qui donne un éclairage sur le comportement des courtiers.

La problématique principale de la microstructure peut être donc résumée par une question très simple : comment les prix sont-ils formés?

La majorité des études portant sur la microstructure se sont limitées aux marchés des titres.

Néanmoins, les recherches récentes s’intéressent de plus en plus au marché des changes. Celui-ci est, en effet, le plus proche de la définition d’un marché continu fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. C’est, de plus, un marché très liquide qui présente une grande concurrence entre les cambistes et entre les banques. Ces caractéristiques rendent ce marché dynamique ce qui fournit un champ intéressant pour le développement de modèles et de tests empiriques sur la microstructure.

Le marché des changes tunisien est de création très récente (mars 1994). L’une de ses caractéristiques essentielles est qu’il est exclusivement interbancaire. À de rares exceptions près, seules les banques y ont accès. Depuis que ces dernières ont la possibilité de réaliser avec l’étranger des opérations de devises contre devises, sans passer par les banques offshores, le caractère domestique, qui a prévalu jusqu’en mai 1997, tend à s’estomper au profit d’un caractère plus international. Les banques résidentes peuvent désormais négocier les cours des devises directement avec leurs correspondants étrangers. Ce marché comporte, depuis le 30 juin 1997, deux compartiments qui sont celui des opérations au comptant et celui des opérations à terme. Pour toutes ces considérations, il constitue donc un champ d’investi­gation très fertile et l’objectif de cet article est d’essayer de comprendre sa dynamique.

Le texte débute par une présentation sommaire de la littérature relative à la dynamique des prix. La section suivante est consacrée à une analyse statistique des données, ayant pour objectif l’identification des valeurs autour desquelles le spread a tendance à se concentrer et l’existence d’un éventuel effet de calendrier. La dernière section constitue une tentative d’identification des déterminants des fourchettes de prix pour les parités EUR/USD et TND/USD.

1. La théorie de la fourchette des prix dans la littérature

Selon la théorie de la microstructure, le spread est la somme du coût de disponibilité et du coût du droit à l’échange d’actifs. Il reflète l’existence de trois types de coûts qui sont ceux d’asymétrie de l’information, de transmission des ordres et de gestion de positions.

En bourse, la valeur des titres dépend d’une part de l’information macroéconomique et d’autre part de l’information spécifique à la firme. Selon Bessembinder (1994), il semble adéquat de supposer que la valeur des devises dépend princi­palement de la première composante. Il en déduit que la théorie d’asymétrie de l’information, qui est justifiée pour le marché des actions, ne l’est pas pour le marché des devises.

Le coût de transmission des ordres, c’est-à-dire celui de la prestation des services de liquidité, est supposé être faible sur le marché des changes, du fait de la très forte concurrence entre opérateurs qui y est observée.

Selon le modèle de Easley et O’Hara (1992), des volumes de transactions importants sont associés à une diminution des spreads, ce qui reflète l’existence d’un effet d’économie d’échelle en matière de market making.

La théorie affirme également que le spread s’élargit avec le coût de détention de la position appelé également coût d’inventaire. Ce dernier provient du coût d’opportunité et du risque de change que génère la détention d’une position en devises. Cette variable non observable peut être estimée à travers les éléments qui la composent à savoir le coût associé au risque de volatilité (Glassman, 1987; Boothe, 1987), le coût de liquidité et le coût lié aux périodes chômées, c’est-à-dire le week-end et les vacances (Glassman, 1987; Bossaerts et Hillion, 1991).

Si l’on néglige le coût d’asymétrie de l’information et celui de transmission des ordres, il est possible d’affirmer que le spread sur le marché des changes varie avec :

  • le volume de transactions (Glassman, 1987; Easley et O’Hara, 1992; Bessembinder, 1994);

  • la volatilité anticipée (Glassman, 1987; Boothe, 1987; Bessembinder, 1994);

  • la mesure du coût de liquidité (Bessembinder, 1994)

et l’effet du week-end (Glassman, 1987; Bossaerts et Hillion, 1991; Bessembinder, 1994).

Le modèle de Bessembinder (1994), que nous proposons d’estimer pour le marché des changes tunisien, essaie d’expliquer les variations du spread par les variations du coût de détention du stock de devises ainsi que par la variable « volume de transactions ». L’équation retenue est la suivante :

avec

Les résultats de Bessembinder coïncident avec ceux d’Easley et O’Hara (1992), le coefficient α1 , affecté à la variable « volumes de transactions », est négatif pour chacune des devises étudiées. Ceci signifie que le spread évolue dans le sens inverse de celui du volume de transactions.

Bessembinder constate également que le spread varie significativement avec le coût de détention.

Pour explorer la possibilité qu’une partie de l’augmentation du spread avant les périodes chômées reflète la sensibilité au risque de volatilité ou au coût de liquidité pendant ces périodes, Bessembinder introduit des variables appelées « variables d’interaction » (égales au produit des « variables d’activités » (FH) et des composantes du coût d’inventaire).

Le modèle à estimer devient :

avec

Les coefficients affectés aux nouvelles variables (les deux dernières de la deuxième équation), permettent d’isoler l’effet des coûts d’inventaire sur les spread, à la veille des week-ends et des jours chômés.

D’après les résultats, il est possible de constater que le coefficient (β1) affecté au produit de l’indicateur d’activité et du coût du risque anticipé est positif. Ceci traduit le fait que le risque pénalise davantage le market making lorsqu’il est accompagné par un manque de liquidité à la veille de week-end ou de jours de fête. Le deuxième coefficient estimé (β2) est celui du produit de l’indicateur d’acti­vité et de la variable coût de liquidité. Il est positif ce qui signifie que les spreads sont affectés par les coûts de liquidité avant les périodes chômées. Il reflète probablement le fait que le coût d’opportunité augmente à la veille d’une période relativement longue (week-end), pendant laquelle la position est détenue.

2. La méthodologie

Nous adoptons la même méthodologie que Bessembinder. Nous estimons en effet les coefficients des deux modèles afin de mettre en évidence les variables explicatives du spread dans le cas du marché des changes interbancaire tunisien.

Le coût de liquidité est estimé par la différence entre les taux d’intérêt, observés la veille de la transaction sur le marché des eurodollars (taux d’intérêt spot à 1 mois – taux de dépôt du dollar overnight).

Conformément à l’étude de Baillie et Bollerslev (1989), nous estimons la prime de risque (volatilité anticipée) par la variance conditionnelle obtenue grâce à un modèle GARCH(1,1).

De même et conformément à Bessembinder nous retenons comme méthode d’estimation des coefficients des modèles, celle des moments généralisés (GMM). Nous proposons comme variables instrumentales les variables explica­tives du modèle et obtenons des estimations significatives. Cette méthode relâche toutes les hypothèses contraignantes et retient comme critère celui de la minimisation de l’écart entre les paramètres observés et ceux estimés.

Le recours à la méthode des moments généralisés est justifié par le fait que l’information concernant la distribution des données sur le marché des changes n’est pas disponible et qu’il est donc difficile de poser des hypothèses relatives à cette dernière.

2.1 Le choix de l’échantillon

L’échantillon retenu est constitué des informations chiffrées communiquées par une banque de la place pour une période allant du 9 août au 9 novembre 1999. Il convient de souligner que les informations nécessaires à la mise en oeuvre du test empirique sont des données internes aux banques; certaines, telles que les volumes des transactions ou les prix effectifs offerts et demandés au moment de l’opération, sont considérées comme confidentielles. De plus, ces données ne sont pas toujours saisies sur un support électronique. L’exploitation de données chiffrées relatives à une longue période est donc difficile à réaliser.

L’examen des transactions réalisées nous permet d’affirmer que les plus fréquentes sont celles impliquant le dinar tunisien, le yen, la livre sterling, le franc suisse, le dollar américain et l’euro.

Afin d’obtenir des estimations robustes, nous exploitons exclusivement les don­nées relatives aux transactions les plus fréquentes. Nous considérons les transac­tions portant sur le dinar tunisien contre le dollar américain TND/USD, et celles impliquant l’euro et le dollar américain EUR/USD.

La base de données comprend des observations relatives aux variables ayant servi à l’estimation des coefficients du modèle tandis que certaines autres sont utilisées dans un but exclusivement descriptif. Pour les deux couples de devises, nous considérons les cours acheteurs et vendeurs effectifs, les volumes de transactions, le sens de la transaction, la variable d’activité, les positions de la banque dans les deux devises, les cours moyens quotidiens, les cours acheteurs et vendeurs affichés par la banque centrale (BCT). Nous considérons également le taux d’intérêt à un mois et le taux d’intérêt overnight observés sur le marché de l’eurodollar, à la veille de chaque transaction. La base de données porte sur 118 transactions pour le couple EUR/USD et 59 transactions pour TND/USD.

D’un point de vue pratique, nous nous sommes référés :

  • aux tickets de changes quotidiens, pour y relever les volumes de transactions, les cours d’exécution des ordres, les cours acheteurs et vendeurs proposés par l’agent cambiste;

  • aux états de résultats quotidiens de la banque, afin de relever les positions en devises (courtes ou longues);

  • aux fiches des cours affichés quotidiennement à 15h GMT par la BCT

et aux données du Financial Times, pour les taux d’intérêt overnight et à un mois de toute la période.

2.2 Le traitement des données

Nous estimons la fourchette des prix pour les deux couples de devises conformé­ment au modèle de Bessembinder (1994). Le spread est déterminé en pourcentage par rapport à la valeur centrale du bid et du ask :

Nous multiplions par 100 aussi bien le spread effectif proposé par le market maker que celui affiché par la BCT.

Pour pouvoir comparer les résultats des deux couples de devises, nous supposons que le dollar est la devise par rapport à laquelle le cambiste raisonne et établit sa stratégie. Sous cette hypothèse, les spreads et les volumes de transactions consi­dérés sont exprimés en dollars.

Nous estimons en outre la volatilité anticipée, qui constitue une mesure de la prime de risque, par la variance conditionnelle du spread en partant d’un modèle GARCH(1,1) conformément à l’étude de Baillie et Bollerslev (1989).

Les variables du modèle choisi sont très différentes du point de vue amplitude et posent des problèmes d’échelle (prime de risque, taux d’intérêt, volume des transactions et des positions, etc.). Ces difficultés ont été contournées. Ainsi, les positions détenues et les transactions réalisées ont toutes été exprimées en fraction de 1 million de dollars et la prime de risque estimée a été multipliée par 100 et le spread est exprimé en points de dollars. Le coût de liquidité est supporté par le teneur de marché, du fait de la détention d’une position longue en devises. Ces dernières sont placées au taux overnight au lieu de l’être sur une période plus longue à un taux plus élevé (taux de dépôt à un mois). Ce manque à gagner n’est subi que si la position dans la devise est longue. Le spread tient compte du coût de liquidité uniquement lorsque la position est longue. Ce coût de liquidité a une valeur nulle sur les positions courtes pour lesquelles le teneur de marché réalise un gain.

3. Résultats empiriques

Nous adoptons une procédure identique à celle de Hasbrouck(1999) et de Bessem­binder(1994). Nous commençons par identifier la zone de concentration des valeurs des spreads et ceci pour les deux couples de devises.

Tableau 1

Concentration du spread

Concentration du spread

-> See the list of tables

D’après le tableau 1, nous remarquons que 85 % des valeurs du spread, pour la parité EUR/USD, sont regroupées autour de la valeur 1,9 point. Pour la parité TND/USD, 10 % des valeurs du spread sont inférieures à 11 points et 2 % des observations de ce même échantillon tendent vers 1,6 point.

En effet, pour le deuxième couple de devises, les spreads sont plus larges et la majorité des valeurs est concentrée dans l’intervalle 20 à 40 points. La valeur moyenne de la fourchette des prix, pour chacune des deux parités, confirme ces constatations. Elle converge vers 29 points pour la paire TND/USD et elle est de l’ordre de 2,7 points pour la parité EUR/USD. Nous pouvons expliquer cela par l’effet de la concurrence. Les transactions portant sur le dollar et l’euro sont observées sur toutes les places et font l’objet d’une très grande concurrence. Afin d’être compétitif, le cambiste est donc obligé de s’aligner sur le marché international et de réduire sa fourchette. La parité TND/USD est spécifique au marché des changes tunisien sur lequel la concurrence est moins forte. Le cambiste est donc en mesure de proposer des fourchettes larges.

Nous remarquons, par ailleurs, que la série de spreads observés sur la parité TND/USD contient des valeurs plus éparpillées que celle relative au couple EUR/USD. En effet, 80 % des valeurs sont concentrées dans des intervalles très différents, à savoir un intervalle relativement large (16-40 points) pour la parité TND/USD et un intervalle plus étroit (1,8-2 points), pour la parité EUR/USD. Ce constat est confirmé par l’analyse des écarts types des deux séries puisque nous avons σ2usd/tnd > σ2usd/euro.

Sur un autre plan, les résultats des études de Glassman (1987), de Bessembinder (1994) et de bien d’autres auteurs confirment l’existence d’un effet de calendrier sur les prix. Celui-ci se traduit par un niveau différent de la fourchette des prix, selon que l’on soit en période d’activité ou à la veille d’une période chômée. Généralement, dans ce dernier cas, à la veille d’un week-end ou de vacances bancaires, le spread s’élargit.

En ce qui concerne l’échantillon retenu, nous constatons que le spread moyen observé sur la parité EUR/USD passe de 2,1215 points le lundi à 2,7961 points en fin de semaine. Ceci correspond à une augmentation du spread pendant la semaine de près de 30 %. La même constatation peut être faite pour la parité TND/USD. Le spread moyen augmente de plus de 34 % entre le début et la fin de la semaine.

Signalons enfin que les volumes de transactions évoluent dans un sens opposé à celui de la fourchette des prix. Ces volumes ont en effet tendance à diminuer en fin de semaine.

3.1 Résultats de la régression par la méthode des moments généralisés (GMM)

La régression du modèle présenté plus haut, par la méthode des moments généralisés, donne des résultats différents, selon qu’il s’agit de la première ou de la seconde parité.

Tableau 2

Résultats de la régression par la GMM

Résultats de la régression par la GMM

Notes : 1. Volume : volume de transactions de l’ordre exécuté.

2. Prsq : le coût du risque de la volatilité anticipée est mesuré par la variance conditionnelle de GARCH(1,1).

3. Cliq : la prime de liquidité est l’estimation du coût de détention d’un stock de devises liquide, dérivé par les taux d’intérêt sur le marché de l’eurodollar.

4. FH : la variable d’activité, c’est une variable dummy égale à un les vendredis et la veille des vacances et 0 les autres jours.

5. J-stat : la valeur minimisée de la fonction objective de la méthode des moments généralisés, utilisée pour les tests d’hypothèses de suridentification des restrictions de la GMM.

6. * : le coefficient relatif à la variable est significatif au seuil de 1 %; ** : significatif au seuil de 5 %; *** : significatif au seuil de 10 %.

7. La deuxième partie du tableau concerne les résultats de la régression du modèle spécifié en introduisant des variables d’interaction (Prsq-fh, cliq-fh) entre les variables prime de liquidité et coût du risque, et la variable indicatrice de non-transaction.

-> See the list of tables

3.1.1 Résultats pour la parité EUR/ USD

Les résultats relatifs au couple EUR/USD sont globalement conformes à la théorie. En effet, le coefficient associé à la variable « volumes de transactions » est négatif et statistiquement significatif au seuil de 10 % (α1 = -0,005944). Ainsi, un appel pour l’exécution d’un ordre sur un grand volume, dollars contre euro, a pour conséquence une réduction substantielle du spread. Ceci confirme l’hypothèse d’une économie d’échelle, comme l’ont montré Bessembinder (1994), et Easley et O’Hara (1992).

Nous remarquons également, que le coefficient affecté à la variable « prime de risque » est significatif au seuil de 1 %. Ce coefficient (α21) est positif et égal à 0,149. Cela signifie que plus le risque anticipé augmente et plus le teneur de marché élargit sa fourchette. Ce résultat est également conforme à la théorie.

De même, comme le prévoit la théorie, « la prime de liquidité » est affectée d’un coefficient positif et statistiquement différent de zéro. Cette variable a un impact positif sur la détermination du spread.

Le coefficient affecté à la variable d’activité, fh, n’est pas significatif. La variation du spread à la veille des périodes chômées est exclusivement expliquée par la variation des variables précédentes.

Pour mieux isoler l’effet week-end, nous avons introduit dans le modèle des variables d’interaction entre la variable d’activité et les composantes du coût d’inventaire. Le modèle à estimer est alors celui donné par l’équation (2) de Bessembinder (1994).

Les résultats obtenus diffèrent des précédents. En effet, l’approche par l’économie d’échelle n’est plus vérifiée. Le coefficient relatif aux volumes de transactions (α1) n’est plus significatif. Le coefficient affecté à la variable « volatilité anti­cipée » (comme pour le premier modèle) est positif et significatif à un seuil de 1 %. Le coefficient de la variable « prime de liquidité » (cliq) est positif et significatif au seuil de 5 %. Ces coefficients sont tous de mêmes signes que ceux obtenus dans le premier modèle.

Nous constatons également que la variable d’activité (fh) est affectée d’un coefficient positif et significatif au seuil de 5 %. La variable combinée prsqfh (produit de la prime de risque par fh) a un coefficient négatif et significatif au seuil de 5 %. Le coefficient de la deuxième variable combinée (produit de la prime de liquidité par la variable fh) β2 n’est pas significatif.

Ces résultats montrent que la prime de liquidité n’a aucun effet sur la détermination du spread à la veille des périodes chômées. Durant les autres jours de la semaine, le coût de liquidité a un impact sur la détermination de la fourchette. Le coefficient négatif affectant la variable «produit de l’indicateur d’activité par la prime de risque » montre que les spreads sont sensibles au risque de volatilité anticipée avant les périodes chômées. Ce résultat est également vérifié pour les autres jours de la semaine. La nature de l’effet est cependant différente. En prévision d’un risque croissant au cours de la semaine, le teneur de marché élargit sa fourchette de prix. À la veille des week-ends et des jours fériés, l’anticipation d’un risque en augmentation se traduit par une réduction du spread. Ceci peut être expli­qué par la volonté du teneur de marché de réaliser le maximum de transactions et d’ajuster sa position de telle sorte qu’elle soit, le moins possible, exposée au risque.

3.1.2 Résultats pour la parité TND/USD

Les résultats du premier modèle (sans variables d’interaction) sont différents de ceux obtenus pour la parité EUR/USD. Le coefficient affecté à la variable « volume de transactions » est positif et significatif au seuil de 1 %. L’effet du « volume de transactions » ou de l’économie d’échelle n’est pas vérifiée dans ce cas. Ces résultats sont identiques à ceux de Ho et Stoll (1983) qui montrent que le spread est une fonction croissante de la taille de la transaction.

La variable « prime de liquidité » est affectée d’un coefficient positif et signi­ficatif au seuil de 1 %. La variable « risque anticipée » n’est, par contre, pas signi­fica­tive. Le teneur de marché tient compte uniquement du « volume des transactions » et de la « prime de liquidité » en matière de détermination du spread relatif à la parité TND/USD.

La théorie de Glassman(1987) et celle de Bessembinder(1994), relative à l’impact du calendrier sur le spread, ne s’applique pas directement à la parité TND/USD. L’explication précédente peut être encore une fois proposée. L’effet du calendrier existe mais est indirect. Il apparaît par l’intermédiaire des autres variables explicatives.

Afin de confirmer ce constat, nous introduisons, comme dans le cas précédent, les variables d’interaction. Le coefficient affectant la variable « risque anticipé » est significatif au seuil de 1 %. Son signe positif (α21 = 0,026857) suggère que l’anticipation d’un risque en augmentation se traduit, pour la parité TND/USD, par une augmentation du spread.

Le coefficient affectant le produit de cette variable par l’indicateur d’activité est significatif au seuil de 1 % et est négatif (β1 = -0,029026). Cela signifie qu’à la veille des jours chômés, le teneur de marché adopte la même stratégie que dans le cas précédent. Face au risque d’une volatilité en augmentation, le spread est rétrécis.

Les coefficients, relatifs à la variable « volume de transactions » et aux autres variables proxies (coût de liquidité, coût de liquidité pendant les périodes de non-transaction, la variable de non-transaction), ne sont pas significatifs.

Ces résultats, comme ceux relatifs à la parité EUR/USD, montrent que les spreads observés pour la parité TND/USD sont toujours sensibles au risque anticipé. Ils réagissent cependant de manière différente, selon que l’on soit en début de semaine ou en fin de semaine.

Conclusion

À partir de ces résultats, nous pouvons retracer la stratégie adoptée par le cambiste opérant sur le marché des changes interbancaire tunisien. Ce dernier ne retient pas les mêmes critères pour toutes les devises. Théoriquement, lorsque le teneur du marché est contacté par un cambiste d’une autre institution pour l’exécution d’un ordre, le volume est la seule information observable et divulguée par ce dernier.

En effet, d’après Easley et O’Hara (1992), Glassman (1987), Bessembinder (1994) et bien d’autres, le volume de transactions est la composante déterminante du spread. Le market maker est donc supposé ajuster sa fourchette de prix en fonc­tion de cette variable. Si l’ordre parvenu porte sur un volume conséquent de devises, le market maker rétrécit son spread sachant qu’il va gagner sur la quantité. Dans le cas contraire, la stratégie du teneur de marché est de gagner sur le prix.

Ce résultat est confirmé sur le marché des changes tunisien dans le cas d’un volume important libellé en EUR/USD. Il ne l’est pas dans le cas de la parité TND/ USD, le volume et le spread variant en effet dans le même sens.

Selon Bessembinder (1994), la deuxième variable considérée par le market maker est le coût de gestion de stock de devises. Ce coût est approximé par la « prime de liquidité », la « variable d’activité » et le « coût de risque de volatilité anticipée ».

Les résultats obtenus prouvent que plus le coût de risque de volatilité anticipée est élevé et plus le cambiste est amené à varier sa fourchette de prix.

D’autre part, le coût de liquidité est pris en compte par le cambiste dans les fourchettes proposées. Face à un coût de liquidité élevé le cambiste fixe une fourchette de prix large.

Enfin, la troisième variable composante du « coût d’inventaire », qui est la variable d’activité (fh), n’a aucun effet direct sur le spread des deux couples de devises. Associée à d’autres variables proxy, elle devient significative à l’instar des autres variables. Effectivement, un risque de volatilité anticipé plus accentué en fin de semaine ou à la veille des périodes chômées pousse le teneur de marché à rétrécir sa fourchette de prix, pour les deux couples de devises.

Certains résultats montrent que les spreads des devises ont des valeurs autour desquelles ils se regroupent.

En résumé, ces résultats fournissent la preuve que les spreads des devises sur le marché des changes interbancaire tunisien varient avec quelques-unes des variables expliquant le coût de détention de stock de devises proposées. Ce résultat est contradictoire avec les études réalisées sur le marché des titres (Hasbrouck, 1991a; George, Kaul et Nimalendran, 1991; Madhavan et Smidt, 1991), dans lesquelles les coûts de détention semblent n’avoir aucun effet sur les cours proposés par le teneur de marché.

Notons enfin que dans le modèle considéré, la volatilité anticipée est mesurée par la variance conditionnelle. Cela est justifié par le fait que le spread est corrélé avec la volatilité anticipée mesurée par la variance conditionnelle du modèle GARCH (Bessembinder, 1994; Bollerslev et Melvin, 1994).

D’autres mesures de ce risque ont été proposées par la théorie. La multitude de méthodes d’évaluation du risque de volatilité nous pousse à remettre en question la pertinence du choix de la méthode de mesure que nous avons appliquée au marché des changes tunisien. Cette problématique de choix optimal d’une mesure pourrait faire l’objet d’une étude future.

L’écart entre les résultats obtenus avec ceux établis par certains articles pourrait également être dû au fait que les données chiffrées sont celles d’un seul établissement bancaire.

Signalons enfin, que l’ignorance de l’asymétrie d’information, aussi minime soit-elle, a certainement un impact sur les résultats. La prendre en considération pourrait introduire une nouvelle vision de la microstructure de ce marché.