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Introduction

Le paysage bancaire des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (par la suite UEMOA ou Union) a connu de profondes mutations au cours des deux dernières décennies. Ces mutations font suite aux politiques de libéralisation financières mises en oeuvre de façon progressive à partir d’octobre 1989. Les réformes ont permis de sauver le système bancaire de l’Union de la crise systémique d’envergure à laquelle il était confronté au cours des années 1980, d’assainir la situation financière des banques et d’améliorer le cadre légal et réglementaire du système financier. Depuis, les banques de l’Union ont vu leur situation financière assainie. En 2009, le bénéfice des banques de l’Union a atteint 173,616 milliards de francs CFA alors qu’il n’était que de 8,023 milliards de francs en 1990 (BCEAO, 1990, 2009).

Les efforts menés dans le cadre des réformes financières ont été motivés par l’idée que la libéralisation financière, en améliorant l’efficacité de l’intermédiation financière, va permettre une croissance économique plus soutenue. Le secteur bancaire possède en effet une influence particulière dans l’activité économique dans le sens où l’amélioration de son efficacité est un facteur clé pour le développement économique (Bagehot, 1873; Schumpeter, 1911). Les travaux récents qui intègrent les facteurs financiers dans des modèles de croissance endogène se placent dans cette optique. Le rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde de 1989 présente déjà une analyse approfondie du lien entre finance et croissance. Ce rapport insiste sur le développement du secteur financier dans les pays en développement pour renforcer la croissance économique. Des gains macroéconomiques sont ainsi attendus de l’amélioration de l’efficacité de l’intermédiation bancaire.

Toutefois, il semble que dans la réalité, ces gains ne sont pas encore perceptibles et la situation socioéconomique des pays de l’Union sur la période 1990-2010 n’incite guère à l’optimisme. En effet, le décollage économique n’est toujours pas au rendez-vous, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des soins de santé et l’investissement dans le capital humain constituent encore des défis de taille pour tous les pays de l’Union. Comme le montre le tableau 1, sur la période 1990-2010, la croissance économique de l’Union a été en moyenne de 3,5 %, à peine supérieure au taux de croissance démographique qui est de 2,9 % et très inférieure au taux de croissance cible de 7 % nécessaire pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2015.

Tableau 1

Taux de croissance moyen du PIB réel et de la population, 1990-2010

Taux de croissance moyen du PIB réel et de la population, 1990-2010
Source : Calcul de l’auteur à partir des données de la Banque mondiale, (2011)

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Dans ce contexte de performance économique faible, il importe de savoir le rôle que les banques ont joué dans l’évolution récente de l’activité économique au sein de l’UEMOA. En d’autres termes, l’évolution récente de l’activité bancaire a-t-elle profité à la croissance économique des pays membres de l’UEMOA?

L’objectif de l’article est d’analyser l’effet de l’efficacité du secteur bancaire sur la croissance économique des pays de l’UEMOA. À notre connaissance, aucune recherche sur le lien entre finance et croissance au sein de l’UEMOA n’a tenté d’apprécier spécifiquement le rôle joué par les banques dans l’activité économique par le biais du concept d’efficacité. En utilisant une méthodologie en deux étapes – consistant à estimer des scores d’efficacité par banques (grâce à la méthode de frontière non paramétrique DEA) ensuite par pays, et à estimer économétriquement l’influence de ces scores d’efficacité moyens sur la croissance économique – cette recherche comble ce vide. L’échantillon se compose de l’ensemble des banques de l’UEMOA sur la période 1990-2008 (à l’exception des banques de la Guinée-Bissau pour lesquelles les données ne sont pas disponibles sur cette période). Après avoir estimé les scores d’efficacité technique ou productive par banque et calculé les scores moyens d’efficacité bancaire par pays, nous analysons leur évolution et étudions leur effet sur la croissance économique.

Le reste de l’article suit la structure suivante. La première section propose une synthèse des études analysant la relation entre l’intermédiation financière et l’activité économique. La deuxième section s’intéresse à la méthodologie et aux données utilisées. La troisième section établit les principaux résultats et les analyse. Enfin, la dernière section conclut et présente les implications de politiques économiques.

1. Revue de littérature

1.1 L’argumentation théorique

Le lien entre la finance et le développement économique a été reconnu dans la littérature économique depuis plusieurs décennies : Goldsmith (1955, 1969) et Gurley et Shaw (1955, 1960) en furent les précurseurs. Rapidement, le système financier va devenir un des éléments de la stratégie de développement économique sous l’impulsion des auteurs comme Gurley et Shaw (1967), McKinnon (1973, 1991), Shaw (1973), Fry (1988, 1989) et, King et Levine (1993c). On peut ajouter à cette liste, l’importante littérature sur la croissance endogène : Greenwood et Jovanovic (1990), Bencivenga et Smith (1991), Pagano (1993), Bose et Cothren (1996), Boyd et Smith (1996), Blackburn et Hung (1998), etc.

Dans ces études et dans biens d’autres, on retrouve l’idée qu’un système financier efficient promeut le développement économique. Toutefois, si la corrélation est maintenant généralement admise, le sens de causalité reste contesté[1] opposant, le développement financier conduit par l’offre de services financiers (développement financier exogène) au développement financier induit par la demande de services financiers (développement financier endogène).

La principale contribution du système financier à la croissance réside dans le fait qu’il permet d’assurer le fonctionnement d’un système de paiement efficace et évolutif, de mobiliser l’épargne et d’améliorer son affectation à l’investissement. L’existence d’un moyen de paiement crédible est une condition nécessaire de la croissance. Les systèmes de paiement évoluent en parallèle et en interaction avec l’activité économique. La croissance entraîne des gains de productivité, mais aussi une ouverture continue de nouveaux marchés, un développement croissant des échanges qui renforcent la monétisation, indispensable à son tour pour soutenir l’activité économique. Cette relation entre l’activité économique et le degré de monétisation de l’économie a été soulignée depuis 1969 par Goldsmith.

Par ailleurs, le développement de l’intermédiation financière peut assurer une meilleure mobilisation de l’épargne disponible et soutenir ainsi la croissance économique. L’intermédiation financière agit favorablement sur l’épargne et sur l’investissement de plusieurs manières. D’une part, grâce à des économies d’échelle, les intermédiaires financiers réduisent les coûts d’information du financement externe et, ce faisant, accroissent le rendement implicite des placements tout en diminuant le coût des emprunts. D’autre part, ils adaptent les actifs financiers aux préférences, souvent divergentes, des épargnants et des investisseurs; ils le font en réduisant l’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs, notamment parce qu’ils exercent un contrôle sur l’activité et la gestion des directeurs d’entreprise. Ils le font aussi en inventant de nouveaux actifs financiers, qui réduisent les risques attachés aux activités de crédits : risques d’insolvabilité, d’illiquidité et de variation imprévue du prix des actifs. Ils remplissent cette fonction soit en s’interposant entre épargnants et investisseurs, soit en leur apportant assistance pour leurs interventions sur les marchés financiers. Ainsi les intermédiaires financiers ajustent-ils l’offre et la demande de financement à un niveau supérieur; autrement dit, ils augmentent le volume de l’épargne investie. Simultanément, ils améliorent la sélection des investissements et donc la productivité marginale du capital.

1.2 Les analyses empiriques

Les études appliquées révèlent que les pays qui connaissent les taux d’épargne et d’investissement les plus élevés ont parallèlement les systèmes financiers les plus développés. L’expérience de nombreux pays en développement, notamment les pays d’Asie du Sud-Est, suggère qu’un secteur financier développé favorise l’efficacité de l’allocation des ressources réelles. Inversement, dans beaucoup de pays à faible croissance, on constate que l’intermédiation financière est faible.

Goldsmith (1969) est un pionnier dans l’étude des relations entre les différents indicateurs du système financier et la croissance économique. Mais, les recherches empiriques les plus marquantes apparaissent au début des années quatre-vingt-dix, notamment avec les travaux de Roubini et Sala-i-Martin (1992), King et Levine (1993a, b, c), Easterly (1993), Pagano (1993) et Gertler et Rose (1994). À la suite de ces travaux, plusieurs autres études récentes utilisant des techniques économétriques variées ont été réalisées (Levine, 1997; Levine, Loayza et Beck, 2000; Khan et Senhadji, 2003; Christopoulos et Tsionas, 2004). Les conclusions de l’ensemble de ces recherches sont relativement concordantes quant à l’impact positif du développement financier sur le taux d’investissement et sur la productivité du capital, et partant, sur la croissance.

La plus convaincante de ces études est celle de Levine, Loayza et Beck (2000) qui porte sur un échantillon de 74 pays développés et en développement. Ces auteurs utilisent deux méthodes pour tenir compte de l’endogénéité de la variable de développement financier. D’une part, ils font une analyse transversale sur la période 1960-1995, instrumentant le développement financier par l’origine anglo-saxonne, germanique, française et scandinave du droit. D’autre part, retenant la même variable instrumentale, ils procèdent à une analyse en panel dynamique, avec un découpage en sept périodes de cinq ans, grâce à l’estimateur de la méthode des moments généralisés (GMM), méthode qui permet de résoudre les problèmes de biais de simultanéité, de causalité inverse et de variables omises qui affaiblissaient les résultats des études antérieures. Ces auteurs concluent à l’existence d’un lien positif fort entre la composante exogène du développement financier et la croissance économique et précisent que ce lien résulte de l’effet du développement financier sur la croissance de la productivité globale des facteurs plutôt que sur le volume de l’épargne et l’accumulation du capital. En utilisant une méthode différente, l’analyse de Christopoulos et Tsionas (2004) semble confirmer les résultats précédents. Sur un échantillon réduit à 10 pays en développement, durant la période 1970-2000, ils procèdent à une analyse de coïntégration en panel. Leurs résultats plaident en faveur d’une causalité allant en longue période du développement financier à la croissance et en faveur de l’absence de relation à court terme entre les deux phénomènes. Dans ce courant de littérature, Beck, Levine et Loayza (2000) établissent une relation positive et significative entre le développement financier et différents indicateurs de mesure de la croissance : le taux de croissance économique, le taux d’accumulation du capital et la productivité globale des facteurs. Aussi, Rioja et Valev (2004) trouvent que le développement financier affecte la croissance économique dans les pays à faible revenu par le biais de l’accumulation du capital, tandis que dans les pays à revenu élevé, le canal de transmission est la productivité du capital.

Toutefois, la solidité du lien empirique entre développement financier et croissance est remise en cause dans certaines études. Andersen et Tarp (2003) montrent que la relation positive entre le développement financier et le taux de croissance du produit par habitant mise en lumière par Levine, Loayza et Beck (2000) ne se vérifie plus lorsque l’on restreint leur échantillon aux seuls pays d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine. Ils soulignent aussi que les études sur données temporelles propres à un pays ne mettent pas clairement en lumière une causalité allant du développement financier à la croissance. Par exemple, en utilisant des données annuelles relatives à 95 pays sur la période 1960-1989, Ram (1999) montre qu’une relation positive et significative entre le taux de liquidité et la croissance n’apparaît que pour 9 d’entre eux (pour les autres elle est soit non significative, soit négative). Ces résultats sont en phase avec ceux antérieurement obtenus par Odedokun (1996) pour 71 pays en développement (dont 21 d’Afrique subsaharienne) sur la période 1960-1981 : si le développement financier exerce un impact favorable sur la croissance économique, l’impact n’est significatif que pour seulement un tiers environ des pays africains. En revanche Luintel et Khan (1999) trouvent une causalité à double sens entre développement financier et croissance pour les 10 pays en développement qu’ils étudient, tandis que Demetriades et Hussein (1996) estiment que dans plusieurs des 16 pays de leur échantillon, la causalité semble aller de la croissance au développement financier et non l’inverse.

Étudiant les pays de l’UEMOA avec la méthode de panel et les tests de causalité de Granger, Raffinot et Venet (1998) trouvent des résultats ambigus. L’analyse de panel établit l’absence de toute influence de la finance sur la croissance. En revanche, les tests de causalité de Granger montrent que la finance induit la croissance au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Mali; la causalité est inversée au Burkina Faso, au Sénégal et au Togo pendant qu’au Niger, aucune causalité n’a pu être mise en évidence. Ce dernier résultat est corroboré par une étude plus récente réalisée par Esso (2009).

2. Méthodologie et données

2.1 Le modèle empirique

L’idée de base est de régresser le taux de croissance du produit par habitant sur l’indicateur d’efficacité du système bancaire. L’hypothèse que nous faisons ici est que le taux de croissance du produit par habitant est une fonction croissante du niveau d’efficacité de l’intermédiation financière. Pour tester cette hypothèse, le modèle économétrique est le suivant :

tpibh désigne le taux de croissance du PIB réel par habitant, effv l’indicateur de l’efficacité du secteur bancaire, Xit un ensemble de variables explicatives incluant le taux d’investissement, le taux brut de scolarisation au primaire, le taux d’ouverture de l’économie, les dépenses publiques, le taux d’inflation, la dévaluation; et εit, l’aléa caractérisant le comportement structurel du pays i non expliqué par le modèle à la date t. Les pays sont classés par ordre alphabétique. N représente le nombre de pays concernés par l’étude, et T, le nombre de périodes. Des études empiriques retiennent des variables explicatives significatives de la croissance telles que le nombre d’années d’étude (pour évaluer la part du capital humain dans la croissance), les efforts de recherche et développement, la qualité institutionnelle. Ces variables n’ont pas été prises en compte dans cette étude, du fait d’un manque de données.

2.2 L’indicateur du niveau de développement du secteur bancaire

Plusieurs indicateurs ont été utilisés dans les analyses empiriques du lien entre finance et croissance. Les deux indicateurs les plus utilisés, car disponibles pour de nombreux pays en développement sur une longue période de temps, sont le rapport au PIB soit des actifs liquides (M2 ou M3), soit des crédits accordés par les intermédiaires financiers (hors banque centrale et agences gouvernementales) au secteur privé. Ces deux indicateurs n’ont pas la même signification. Le premier a l’avantage de sa généralité, et prend en compte l’effet sur le développement de la monétarisation de l’économie (réduction des coûts de transaction, effet de conduit à la McKinnon notamment). Le second, parce qu’il exclut le crédit au secteur public, représente plus le rôle des intermédiaires financiers dans le financement du secteur productif. Mais, ces indicateurs sont quantitatifs et ne permettent donc pas de prendre en compte la dimension qualitative du développement du système financier. Bien sûr, un indicateur comme le ratio du crédit au secteur privé sur le PIB est généralement considéré dans la littérature économique comme témoignant de l’efficacité du système financier vis-à-vis du secteur privé; l’hypothèse de base étant que, avant de prêter à un investisseur privé, les intermédiaires financiers se livrent à une meilleure évaluation des projets que lorsqu’ils prêtent à un investisseur public. Mais, en réalité, cet indicateur représente la taille du secteur privé dans l’économie; il reflète donc plus l’aspect quantitatif que l’aspect qualitatif du système financier.

Dans cette étude, nous proposons une approche différente de la mesure du niveau d’efficacité du secteur bancaire basée sur le concept d’efficacité-X de Leibenstein (1966), c’est-à-dire l’habileté à transformer des ressources multiples en services financiers divers. L’argument théorique qui justifie notre démarche peut être formulé de la manière suivante : l’efficacité bancaire rend accessible le financement du capital de manières qui ne sont pas entièrement captées par le ratio du crédit au PIB. Il est donc pertinent de trouver un autre indicateur du niveau d’efficacité du secteur bancaire permettant de vérifier si des réactions à court terme de l’efficacité bancaire, en créant des chocs d’investissement, peuvent induire des réactions immédiates de la croissance du PIB.

L’efficacité du secteur bancaire d’un pays peut être pensée comme étant fonction de l’efficacité des banques qui opèrent dans ce pays. Par conséquent, nous mesurons premièrement l’efficacité bancaire à un niveau micro, puis calculons des scores moyens d’efficacité bancaire par pays. Ensuite, nous utilisons ces scores moyens d’efficacité comme indicateur (qualitatif) du niveau d’efficacité du secteur bancaire. Nous y associons le ratio de la masse monétaire au PIB; cette variable mesure la profondeur financière ou le niveau de développement global du système financier. Comme la corrélation entre ces deux indicateurs financiers est très faible, nous les utilisons simultanément dans nos estimations.

2.3 Méthodes générales d’estimation

2.3.1 La mesure de l’efficacité bancaire

Dans cette étude, l’efficacité est entendue au sens d’efficacité technique ou productive, à savoir l’habileté de la banque à obtenir un output donné avec un niveau d’inputs minimum. Nous ne prenons pas en compte l’autre composante de l’efficacité économique qui est l’efficacité allocative et qui reflète l’habileté de la banque à utiliser ses inputs dans des proportions optimales, au vu de leurs prix respectifs[2].

La détermination de l’efficacité bancaire suppose qu’on ait préalablement répondu à deux questions principales : la définition des inputs et outputs bancaires et le choix de la méthode d’estimation.

2.3.2 Inputs et outputs bancaires

Deux points de vue s’opposent dans la littérature en matière d’inputs et outputs bancaires, la question centrale étant celle du traitement des dépôts. Selon l’approche dite de l’intermédiation, les dépôts constituent des inputs du fait de l’activité bancaire de transformation des dépôts en prêts. En revanche, selon l’approche dite de la production, les dépôts constituent des outputs en raison des dépenses associées à leur mise en place et leur gestion.

Nous adoptons ici l’approche de l’intermédiation qui suppose que les banques produisent des prêts et d’autres actifs financiers à partir des dépôts et d’autres inputs (travail et capital physique). Ce choix se justifie pour deux raisons : d’une part, la principale activité des banques de l’UEMOA demeure l’intermédiation. Les crédits et les dépôts représentent près de 80 % du total de l’actif et du passif des banques. Les autres formes d’activités (crédit-bail, affacturage) restent très marginales. D’autre part, les données sur les charges bancaires indispensables à l’utilisation de l’approche de la production, ne sont pas disponibles sur l’ensemble de la période d’étude.

Certes, l’approche d’intermédiation a été récemment critiquée en raison de ce que les auteurs qui l’adoptent, utilisent généralement un nombre restreint de facteurs et de produits apparaissant au bilan, pour définir la production et les facteurs de production. Or, comme le soulignent Becher, Deltas et Pinteris (2006), cette sélection incomplète peut être source de biais. En effet, les écarts de coûts et de production peuvent découler aussi bien des différences de composition des activités telles que reflétées dans le bilan que des écarts réels de coût et de production résultant d’une gestion inadéquate des banques. Cette critique se retrouve aussi chez Lozano-Vivas et Humphrey (2002) dans leurs analyses de croissance de productivité bancaire. En particulier, afin d’éviter qu’un changement dans la composition du bilan ne modifie la croissance mesurée de la productivité bancaire, Lozano-Vivas et Humphrey (2002) soulignent que tous les éléments apparaissant au bilan doivent être inclus dans la liste des facteurs et produits.

Toutefois, cette solution ne résout par les problèmes de l’approche d’intermédiation pour établir l’efficacité des banques. En effet, si tous les éléments du bilan sont pris en compte, chaque banque sera nécessairement considérée efficace (Fortin et Leclerc, 2007). Afin de contourner l’ambigüité du rôle des dépôts, Fortin et Leclerc (2007) ont proposé une méthode qui se situe dans l’esprit de celle proposée par Fixler et Zieschang (1999) et qui se base sur la valeur ajoutée par l’intermédiation financière. Mais, une telle méthode n’est envisageable que si l’on dispose des données sur les comptes résultats des banques. La non-disponibilité des données sur les comptes résultats des banques ne nous permet donc pas d’envisager une telle méthode dans le cadre de cette étude.

Sous l’approche d’intermédiation, nous considérons un seul output bancaire (les crédits, mesurés par le total des prêts octroyés par la banque)[3] et trois inputs : le travail, le capital physique et le capital financier. Nous mesurons l’input travail par le nombre d’employés, le capital physique par les immobilisations nettes et les opérations de crédit-bail, et le capital financier par les dépôts (ensemble des comptes de dépôts et d’épargne à vue et à terme).

2.3.3 La méthode DEA (Data Envelopment Analysis)

Deux approches différentes ont été développées dans la littérature pour l’estimation des frontières d’efficacité : l’approche paramétrique et l’approche non paramétrique.

Nous utilisons une approche non paramétrique de type DEA (Data Envelopment Analysis) pour estimer année par année les scores d’efficacité bancaire. Une mesure non paramétrique des scores d’efficacité est bien adaptée à l’industrie bancaire où la définition des inputs et des outputs ne fait pas l’unanimité dans la littérature. En effet, contrairement à l’approche paramétrique qui suppose l’existence d’une forme fonctionnelle a priori de la fonction de production (translog, Cobb-Douglas, CES, etc.), l’approche non paramétrique ne fait pas d’hypothèses concernant la forme fonctionnelle de la fonction de production; elle construit la frontière de production en utilisant la programmation linéaire, de telle sorte qu’aucun point observé ne se trouve en dehors de celle-ci. De plus, la méthode non paramétrique omet l’existence d’un bruit statistique dans les mesures d’efficacité; de cette façon, elle enveloppe réellement un ensemble d’observations, alors que les méthodes paramétriques se contentent de presque envelopper les données en intégrant un terme de bruit statistique.

La méthodologie[4] adoptée permet d’obtenir un classement des observations selon leur performance et surtout d’obtenir une mesure relative de cette performance sous forme d’un score synthétique. La spécification retenue correspond à une hypothèse de rendements variables de la technologie de transformation des inputs en outputs, méthodologie introduite par Banker, Charnes et Cooper (1984). L’hypothèse de rendements d’échelle variables permet de décomposer l’efficacité en efficacité technique ou productive et en efficacité à l’échelle.

Les scores d’efficacité bancaires sont estimés avec le programme DEAP (Data Envelopment Analysis Program) conçu par Tim Coelli. Sur la base des scores d’efficacité ainsi obtenus pour chaque banque, nous calculons les scores moyens d’efficacité bancaire pour chaque pays. Ces scores moyens d’efficacité sont obtenus de la manière suivante :

N représente le nombre de pays concernés par l’étude, T, le nombre de périodes et K le nombre de banques par pays. eff désigne le score d’efficacité par banque et effv le score moyen d’efficacité bancaire. Pour chaque pays i et période t, effv est obtenu en faisant la somme des scores d’efficacité (eff) et en divisant par K (le nombre de banques du pays).

2.3.4 Tests de spécification

Dans le cadre de l’analyse économétrique, différents tests préalables ont été réalisés pour s’assurer de la validité de nos résultats.

  • Tout d’abord, le test de la racine unitaire sur des données en panel de Im, Peseran et Shin (2003) fut réalisé pour l’ensemble des séries de notre échantillon[5]. Baltagi et Kao (2000) et Hurlin et Mignon (2005) ont produit une importante revue théorique sur les tests de racine unitaire en mettant en exergue les travaux de Levin et Lin (1992) et Levin et al. (2002). L’une des limites de ces tests est qu’ils ne prennent pas en compte l’hétérogénéité des individus du panel, malgré la prise en compte par Levin et Lin des effets spécifiques pour les groupes. Cette difficulté est levée grâce aux travaux de Maddala et Wu (1999) et surtout d’Im, Peseran et Shin (2003). En particulier, le test de Im, Peseran et Shin (IPS) est basé sur la moyenne des statistiques de Dickey-Fuller augmentée (ADF) calculées pour chaque individu du panel. Il suppose que toutes les séries sont non stationnaires sous l’hypothèse nulle. Par contre, sous l’hypothèse alternative, certaines séries peuvent être stationnaires, même si d’autres ne le sont pas. Ceci constitue l’avantage de ce test, puisqu’il laisse un certain degré d’hétérogénéité aux individus, ce qui n’est pas le cas pour d’autres tests de racine unitaire sur données de panel. Ce test porte sur l’estimation du modèle suivant :

    forme: 1914857n.jpg

    La statistique du test s’effectue à partir des hypothèses suivantes :

    H0 : ρi = 0, i = 1, …, N

    H1 : ρi < 0, i = 1, 2, …, N1

    ρi = 0, i = N1 + 1, N1 + 2, …, N.

    La statistique de ce test est :

    equation: 1914858n.jpg

    E(tiT) et Var(tiT) désignent respectivement l’espérance et la variance de la statistique de Dickey-Fuller.

  • Dans une seconde étape, nous avons testé l’effet individuel s’il est fixe ou aléatoire dans notre panel en utilisant le test de spécification de Hausman (1978). Un des principaux problèmes qui peut se poser dans le cadre du modèle à effets aléatoires provient de l’éventuelle corrélation entre les variables explicatives et les effets individuels. Sur le plan économique, cette corrélation traduit l’influence des spécificités individuelles structurelles (ou atemporelles) sur la détermination du niveau des variables explicatives. En présence d’une telle corrélation, l’estimateur des moindres carrés généralisés (MCG) du modèle à effets aléatoires est un estimateur biaisé des paramètres estimés, alors que l’estimateur Within du modèle à effets fixes ne l’est pas. Toute la stratégie du test de spécification des effets individuels repose alors sur la comparaison des deux estimateurs, dont la divergence traduit la présence d’une corrélation et donc, la nécessaire adoption du modèle à effets fixes et de l’estimateur Within. Dans le cas contraire où les deux estimateurs donnent des résultats sensiblement identiques, l’on peut spécifier le modèle avec des effets individuels aléatoires. L’estimateur des MCG est alors l’estimateur BLUE, c’est-à-dire l’estimateur convergent, non biaisé et à variance minimale.

    Dès lors, Hausman préconise de fonder le test de spécification sur la statistique suivante :

    equation: 1914859n.jpg

    forme: 1914860n.jpg est l’estimateur des MCG du modèle à effets aléatoires et forme: 1914861n.jpg l’estimateur Within du modèle à effets fixes. Sous l’hypothèse nulle H0 de spécification correcte (pas de corrélation entre les effets aléatoires spécifiques et les variables explicatives), la statistique H suit asymptotiquement un chi-deux à K degrés de liberté. Ainsi, si la réalisation de la statistique H est supérieure au seuil à α %, on rejette l’hypothèse nulle et l’on privilégie l’adoption d’effet individuels fixes et l’utilisation de l’estimateur Within non biaisé.

  • Dans une troisième étape, nous avons cherché à voir si notre variable d’intérêt (les scores moyens d’efficacité bancaire) est vraiment exogène. A priori, rien ne nous dit en effet que l’indicateur de l’efficacité du secteur bancaire utilisé comme variable explicative dans le modèle empirique est une variable exogène. En d’autres termes, la relation de causalité n’est pas clairement mise en évidence dans notre modèle empirique. Plusieurs travaux ont souligné la possibilité d’une causalité inverse. Par conséquent, nous testons l’endogénéité de cette variable en utilisant le test de Nakamura et Nakamura (1981). Ce test se fait en deux étapes comme suit : (1) chaque variable endogène est régressée sur les variables exogènes du modèle et ses instruments; (2) les résidus de la première étape sont récupérés et inclus dans le modèle initial. On fait alors un test de Fisher sur la significativité globale des coefficients des résidus, l’hypothèse nulle étant que tous les coefficients des résidus ne sont pas différents de 0. Si les coefficients des résidus sont conjointement significatifs, alors on ne peut pas rejeter l’endogénéité des variables testées[6].

2.4 Sources et description des données

Les données de l’étude concernent les pays de l’UEMOA sur la période 1990-2008 (à l’exception de la Guinée-Bissau dont les séries comportent de nombreuses données manquantes). Au plan macroéconomique, les variables retenues sont : (1) le taux de croissance du produit intérieur brut réel par habitant (tpibh), (2) l’indicateur de l’efficacité du secteur bancaire (effv), (3) le ratio de l’investissement intérieur brut sur le PIB (riib), (4) le ratio masse monétaire M2 sur le PIB (rm2), (5) le ratio des dépenses publiques sur le PIB (dpub), (6) le taux d’ouverture mesuré par le ratio somme des exportations et importations de biens et services sur le PIB (ouv), (7) le capital humain mesuré par le taux brut de scolarisation au primaire (chum), (8) le taux d’inflation obtenu à partir de l’indice des prix à la consommation (inf) et (9) une variable indicatrice (deva) qui vaut 1, en 1994, et 0 ailleurs, mettant en évidence l’effet de la dévaluation du franc CFA. Les données proviennent de African Development Indicators Database de la Banque mondiale (2011).

Au niveau microéconomique, les données sont issues des bilans des banques et des rapports annuels de la Commission Bancaire de l’UEMOA sur la période 1990-2008 produits par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L’échantillon se compose de l’ensemble des banques de sept pays de la zone (la Guinée-Bissau est exclue). Le nombre de banques varie d’un pays à l’autre et d’une année à l’autre. Le choix des banques et de la période est le résultat d’un processus de maximisation du nombre d’observations à partir des données bancaires disponibles. En particulier, en 2008, le nombre de banques est de 85, réparti de la manière suivante entre les différents pays : Bénin (11), Burkina Faso (11), Côte d’Ivoire (17), Mali (12), Niger (10), Sénégal (14), Togo (10). Toutes les données exprimées en unité monétaire ont été corrigées de l’effet d’inflation en utilisant l’indice des prix à la consommation (IPC). Le tableau 2 présente pour 2008 et par pays, les statistiques (en valeurs réelles) des variables bancaires utilisées dans l’estimation des scores d’efficacité 2008.

Tableau 2

Statistiques des variables bancaires en millions de F.CFA pour 2008[*]

Statistiques des variables bancaires en millions de F.CFA pour 2008*
*

Note : La variable personnel est exprimée en nombre d’employés.

Source : Calcul de l’auteur à partir des données de la BCEAO

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3. Résultats

3.1 Les scores moyens d’efficacité estimés

Les scores d’efficacité des banques sont estimés année par année selon la méthode non paramétrique du type DEA. Les estimations sont faites sous l’hypothèse de rendements d’échelle variables (REV)[7]. Le tableau 3 présente les moyennes annuelles des scores[8] d’efficacité productive par pays et pour l’Union entre 1990 et 2008.

Les résultats montrent une carte d’efficacité bancaire mettant en exergue des disparités géographiques. On note ainsi qu’au cours de la première moitié des années 1990, le taux moyen d’efficacité bancaire est relativement élevé en Côte d’Ivoire, modéré au Sénégal et au Burkina Faso, et faible au Togo, au Mali, au Niger et au Bénin. Ces résultats peuvent s’expliquer par des différences d’environnement socioéconomique et politique.

D’abord, les difficultés économiques et financières que les pays de l’Union ont connu au cours des années 1980 ont conduit à la faillite de plusieurs banques. Au Bénin par exemple, toutes les banques avaient fait faillite. Les plus anciennes des banques béninoises d’aujourd’hui, étaient en démarrage d’activité à la fin de la décennie 1980 et au début des années 1990. Ajoutée à la conjoncture économique de l’époque, cette réalité contribue à l’explication des faibles niveaux des scores d’efficacité observés au début des années 1990. Au Togo, les faibles niveaux d’efficacité du début des années 1990 ne peuvent pas être dissociés de l’instabilité sociopolitique que ce pays à connu à cette époque. L’instabilité sociopolitique pourrait dans une certaine mesure expliquer les résultats du Niger et du Mali qui ont dû faire face à la rébellion touareg sur cette période[9].

Après 1995, nous observons une certaine convergence des scores d’efficacité entre les pays de l’Union. Cette convergence pourrait se justifier par le rôle de surveillance et de contrôle des banques que joue la Commission bancaire de l’Union monétaire ouest-africaine. Nous notons ainsi que le pourcentage de bonnes performances s’accroît globalement au cours de la période étudiée pour l’ensemble des pays.

Tableau 3

Efficacité technique moyenne par pays et pour l’Union sous REV (en %)

Efficacité technique moyenne par pays et pour l’Union sous REV (en %)
Source : Estimation de l’auteur à partir des données bancaires de la BCEAO

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Ce résultat d’ensemble masque cependant une évolution défavorable des années 2004, 2006 et 2007 marquées par une dégradation des scores d’efficacité bancaire. L’évolution de l’efficacité bancaire sur cette période s’inscrit néanmoins dans un environnement économique et financier globalement défavorable, marqué par le ralentissement de la croissance économique dans l’Union. Ce repli résulte, d’une part, des performances mitigées au titre de la campagne agricole 2004/2005 – consécutives à une dégradation des termes de l’échange provoquée par la baisse des cours de certaines matières premières (Banque de France, 2004 : 11), à des conditions climatiques défavorables et à l’invasion acridienne – et, d’autre part, à la persistance d’un environnement sociopolitique difficile dans certains États. À ces difficultés qui se sont accentuées en 2006 et 2007, s’ajoutent les incertitudes sur les perspectives économiques consécutives à la crise de 2007 sur les marchés monétaires et financiers dans les économies avancées (Commission bancaire de l’UMOA, 2006 : 15; 2007 : 17).

La section suivante analyse l’influence de l’efficacité bancaire sur la croissance économique.

3.2 Influence de l’efficacité bancaire sur la croissance économique

Pour analyser l’influence de l’efficacité bancaire sur le taux de croissance économique du produit intérieur brut réel par habitant des pays membres de l’UEMOA, l’équation (1) est estimée sur données de panel[10]. Les tests de racine unitaire[11] sur les variables du modèle indiquent qu’à l’exception des variables rm2 et chum, toutes les autres variables du modèle sont stationnaires (voir tableau 4). Les tests indiquent aussi que les deux variables qui possèdent une racine unitaire sont stationnaires en différences première, et donc intégrés d’ordre 1 (cf. tableau 5). Ce sont alors les différences premières de ces deux variables intégrées d’ordre 1 que nous avons introduites dans les régressions.

Les résultats des estimations de l’équation (1) sous Stata 11.2 sont résumés dans le tableau 6.

Les colonnes 2 à 4 du tableau fournissent les résultats des estimations des modèles à effets fixes et à effets aléatoires. Le choix entre ces deux modèles est basé sur le test de Hausman. Selon ce dernier[12], l’absence de différence systématique entre les coefficients du modèle à effets fixes et ceux issus du modèle à effets aléatoires constitue une raison de privilégier les spécifications avec effets aléatoires.

Le test de Nakamura Nakamura[13] a été ensuite réalisé pour tester l’existence d’un biais d’endogénéité par rapport à la variable d’intérêt (effv). Le résultat de ce test permet de conclure à l’absence de biais d’endogénéité.

Tableau 4

Tests de racine unitaire en panel sur les variables

Tests de racine unitaire en panel sur les variables

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Tableau 5

Tests de racine unitaire en panel sur les différences premières des variables non stationnaires

Tests de racine unitaire en panel sur les différences premières des variables non stationnaires

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En outre, nous testons la présence d’autocorrélation de premier ordre AR(1) des résidus par le test d’autocorrelation de Wooldrigde (2002). L’hypothèse nulle (H0) de ce test est l’absence d’autocorrélation de premier ordre des résidus. Le résultat de ce test[14] montre que l’hypothèse H0 d’absence d’autocorrélation de premier ordre est rejetée au seuil de 5 %. Nous avons alors repris les estimations du modèle à effets aléatoires en utilisant la méthode de correction de l’autocorrélation d’ordre 1 de Baltagi et Wu[15]. Les résultats sont consignés dans les colonnes 5 et  6 du tableau 6.

Tableau 6

Effet de l’efficacité bancaire sur la croissance économique[16]

Effet de l’efficacité bancaire sur la croissance économique16

Note : Les nombres entre parenthèses désignent les t statistiques. ***, ** et * désignent respectivement la significativité à 1 %, 5 % et 10 %.

Source : Banque mondiale (2011) et calculs de l’auteur

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Comme on peut l’observer, les résultats sont globalement satisfaisants. En zone UEMOA, le niveau d’efficacité productive du système bancaire (effv) explique positivement et significativement le taux de croissance du revenu par habitant. Ce résultat corrobore nos analyses théoriques et est conforme d’une part, aux travaux de McKinnon (1973) et Shaw (1973) pour qui l’amélioration de l’efficacité de l’intermédiation financière promeut le développement économique et, d’autre part, aux travaux de King et Levine (1993a, b) qui mettent en évidence une relation robuste entre les indicateurs du développement du secteur bancaire et ceux du développement économique. Par contre, le taux d’approfondissement financier (M2/PIB) dégrade sensiblement le taux de croissance économique. Ces résultats contrastent avec ceux de Raffinot et Vénet (1998) dont les travaux en panel sur les pays de l’UEMOA ont conduit au rejet de toute influence de l’approfondissement financier sur le taux de croissance économique.

Certaines variables de contrôle introduites dans l’analyse apparaissent aussi pertinentes. Le taux d’investissement influence positivement la croissance économique, comme nous l’anticipions; son coefficient est significativement différent de zéro au seuil de 1 %. Il en est de même de l’évolution du capital humain qui améliore significativement (au seuil de 5 %) le taux de croissance économique. En revanche, l’ouverture des économies de l’UEMOA au commerce extérieur n’explique pas la croissance économique; son effet négatif est non significatif.

Dans cette étude, il était important pour nous de savoir si la taille des États (mesurée par le ratio des dépenses publiques et le taux d’inflation) et la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994 ont eu un impact sur nos résultats. Bien que l’effet des dépenses publiques soit positif, il est non significatif. Toutefois, ce résultat semble suggérer que les efforts entrepris depuis 1994 par les États membres de l’UEMOA en matière du respect des critères de convergence sont dans la bonne direction. Il en est de même du taux d’inflation qui, bien que négatif, est non significatif. Quant à la dévaluation de franc CFA de janvier 1994, son impact sur la croissance économique est non significatif.

Conclusion

Cet article analyse l’influence de l’efficacité bancaire sur la croissance économique des pays membre de l’UEMOA. Sur la base d’un modèle de croissance endogène nous avons montré que l’efficacité de l’intermédiation financière améliore la performance économique. Pour tester empiriquement ce résultat théorique, nous avons estimé au moyen d’une méthode non paramétrique DEA des scores d’efficacité productive des banques de l’UEMOA, puis calculé un indice synthétique d’efficacité du secteur bancaire. Nous considérons cet indicateur d’efficacité comme mesure de l’efficacité de l’intermédiation financière et analysons son influence sur la croissance économique au moyen d’un modèle économétrique.

L’efficacité du secteur bancaire apparaît expliquer positivement et significativement le taux de croissance du revenu par habitant. D’autres variables explicatives comme le taux d’investissement et le taux brut de scolarisation au primaire, apparaissent aussi pertinentes au sens où elles impactent positivement et significativement le taux de croissance du revenu par habitant. L’approfondissement financier semble dégrader le taux de croissance du revenu par habitant, pendant que l’ouverture des économies au commerce extérieur, le ratio des dépenses publiques, le taux d’inflation et la dévaluation du franc CFA de janvier 1994 n’ont aucun effet sur la croissance économique.

Les implications de politiques découlant de cette étude sont claires. L’amélioration de l’efficacité du système bancaire doit être encouragée. En effet, le secteur bancaire est l’élément constitutif fondamental du système financier de l’UEMOA. Il représente le premier moyen de mobilisation de l’épargne financière des ménages et des entreprises et la principale source de financement des entreprises. Aussi, les autorités en charge de l’assainissement du système financier doivent-elles mettre en oeuvre des politiques financières qui permettent au secteur bancaire de jouer efficacement le rôle qui est le sien dans l’allocation du crédit. Il est notamment souhaitable de maintenir des conditions d’une intermédiation financière de qualité, et de mettre en place dans ce secteur un cadre institutionnel et légal favorable à l’investissement.

La taille des États ne semble pas constituer une contrainte majeure à la croissance économique. Les efforts entrepris dans le cadre de la maitrise de l’inflation et de la réduction du train de vie des États par le respect des critères de convergence, doivent être poursuivis.

Au total, l’intermédiation bancaire sera d’autant plus favorable à la croissance économique, que la politique macroéconomique sera judicieuse et que le secteur bancaire, tout en étant sous surveillance, ne sera pas confronté à des contraintes qui empêchent son efficacité dans l’allocation du crédit.

À noter cependant que cette étude présente quelques limites, liées essentiellement à l’indisponibilité de données statistiques. En effet, les scores d’efficacité bancaire ont été estimés en adoptant une approche de l’intermédiation. Comme nous l’avions souligné, cette approche est critiquable. Il aurait donc fallu estimer aussi les scores d’efficacité par l’approche de production. Cela nous aurait permis de comparer ces scores à ceux obtenus dans l’approche d’intermédiation et d’analyser ainsi la robustesse de nos résultats. Malheureusement, les données nécessaires à une telle analyse n’ont pas été à notre disposition. De même, la technologie et la qualité institutionnelle semblent des déterminants importants de la croissance économique. Pour une meilleure analyse de l’effet de l’efficacité bancaire sur la croissance économique, il est souhaitable de disposer de données statistiques sur ces variables économique et institutionnelle.