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Introduction

Au cours des 40 dernières années, les marchés financiers à travers le monde se sont largement ouverts aux investisseurs étrangers, en raison d’un fort mouvement de déréglementation financière et de libéralisation des contrôles de capitaux, mais aussi des phénomènes d’innovation financière et de progrès en matière de technologie informatique et de communications électroniques. Ainsi, les détenteurs de capitaux peuvent diversifier leurs placements sur les places financières du monde entier, ce qui théoriquement réduit le risque et augmente la rentabilité de leurs portefeuilles. Le système financier international est désormais un système mondial caractérisé par une double unité : de lieu (les places financières sont interconnectées par des réseaux de communication) et de temps (le marché fonctionne 24 heures sur 24). Cette évolution du système financier a suscité l’émergence d’un processus d’intégration financière. Dans les modèles d’évaluation des actifs financiers, les marchés sont considérés comme parfaitement intégrés (Solnik, 1974; Adler et Dumas, 1983) si les risques systématiques sont rémunérés de la même façon dans tous les pays. Ainsi des actifs possédant le même degré de risque devraient offrir la même rentabilité espérée, quel que soit le lieu géographique. De manière générale, les investisseurs encourent des risques communs et des risques spécifiques au pays ou au secteur d’activité et sont rémunérés uniquement pour les risques systématiques, les risques spécifiques étant diversifiables. En revanche, si les marchés sont strictement segmentés (Sharpe, 1964; Lintner, 1965), les investisseurs subissent uniquement les risques spécifiques, les mêmes actifs financiers peuvent donc avoir des rentabilités espérées différentes. Comme le soulignent, entre autres, Errunza et Losq (1985) et Aouri (2006), l’intégration parfaite et la segmentation stricte ne sont que des cas théoriques puisque dans la réalité, les marchés financiers ne sont que partiellement intégrés.

Dès lors, la connaissance du degré d’intégration des marchés financiers est essentielle à la fois pour les entrepreneurs, les investisseurs et les décideurs politiques. En effet, l’intégration financière permet de réduire le coût du capital puisqu’elle génère un meilleur partage des risques et améliore ainsi la rentabilité des projets (Bekaert et Harvey, 2000; Henry, 2000). Par ailleurs, un fort degré d’intégration accroît le poids des facteurs de risque globaux et affecte les stratégies d’investissement en portefeuilles (Longin et Solnik, 2001; Karolyi et Stulz, 2002 et Arouri, 2005). Enfin, l’efficacité des actions menées par les autorités monétaires est largement dépendante du niveau d’intégration financière.

De nombreuses recherches théoriques et empiriques se sont focalisées sur l’analyse de l’intégration financière, en particulier sur les marchés des actions (Kearney et Lucey, 2004). Sur ces marchés, les primes de risque jouent un rôle stratégique dans la gestion d’actifs puisque les investisseurs acceptent de détenir des actifs risqués s’ils reçoivent un excès de rentabilité par rapport au taux d’intérêt sans risque, c’est-à-dire une prime de risque. Ainsi, une abondante littérature s’est intéressée à la mesure de l’intégration financière au regard de l’évolution des primes de risque des actions au cours du temps. Pour ce faire, diverses méthodes ont été employées : des modèles explicites d’évaluation des actifs (Harvey, 1989; Bekaert et Harvey, 1995; Hardouvelis et al., 2006; Cappiello et al., 2008), des matrices de corrélation et de covariance (Longin et Solnik, 1995), des méthodologies de coïntégration dynamiques (Rangvid, 2001; Aggarwal et al., 2003). Ces travaux empiriques s’accordent généralement à mettre en évidence une intégration croissante des marchés des capitaux durant les trois dernières décennies.

Notre travail s’inscrit dans la lignée de ces travaux mais il se différencie à deux niveaux. Tout d’abord, contrairement à cette littérature, nous nous intéressons au degré de convergence des marchés boursiers (Serletis et King, 1997). La convergence est envisagée comme un processus dynamique évoluant au cours du temps : elle n’est pas supposée effective en début de période mais en cours de réalisation sur la période considérée. Deux schémas de convergence sont envisagés (Fuss, 1999) selon que les séries (les primes) convergent vers le même niveau ou à une constante près. Le premier schéma se réfère à un critère de convergence stricte, la différence entre les séries tend vers zéro, le processus de convergence est alors achevé et permet de conclure à l’intégration des marchés. Le second schéma retient un critère plus souple de convergence et traduit un rapprochement des marchés financiers sur la période. Nous étudions précisément le processus de convergence des « primes de risque des actions » (PRA) ex post[1], sur les marchés boursiers des 11 principales places financières sur la période 1984 à 2007. Cette période coïncide avec la phase de construction de l’Union économique et monétaire (UEM) de la zone euro et s’interrompt avant la crise financière de l’été 2007. Nous avons choisi de ne pas étendre notre échantillon de données au-delà de 2007. En effet, les marchés boursiers ont été considérablement affectés par la crise financière au début de l’été 2007. Par ailleurs, la crise de la dette souveraine, apparue au début 2010, a profondément impacté les taux des obligations d’État; les écarts de taux obligataires ont explosé pour certains pays membres de la zone euro. Outre la convergence internationale des primes de risque, nous examinons également la convergence européenne. En effet, la mise en place de l’UEM offre la possibilité d’un marché financier continental entièrement intégré comparable à celui des États-Unis (Jappelli et Pagano, 2008). En supprimant le risque de change, l’UEM a éliminé un obstacle majeur à l’intégration financière. Par ailleurs, selon Fratzscher (2001), la mise en place d’une politique monétaire commune a également joué un rôle moteur dans le processus d’intégration financière en Europe.

Le second niveau est de nature méthodologique. Nous combinons deux approches méthodologiques complémentaires qui n’ont, à notre connaissance, jamais été utilisées conjointement. La première basée sur un modèle à paramètres variables a été proposée par Haldane et Hall (1991). Ce modèle particulièrement bien adapté à l’étude d’un processus de convergence en cours de réalisation est estimé par l’algorithme du filtre de Kalman. La deuxième approche, basée sur un enchaînement méthodologique de méthodes d’analyse de données évolutives, prend en compte les caractéristiques des trois composantes de la PRA, à savoir, le taux de croissance du prix des actions, le taux de rendement du dividende et le taux d’intérêt sans risque. En fonction de la similitude des caractéristiques entre les pays, nous pouvons procéder au regroupement des marchés boursiers. Des travaux similaires ont été proposés par Drummer et Zimmermann (1992), Hestor et al. (1995), Naughton (1996) pour explorer la structure des rendements des marchés boursiers internationaux. En conjuguant ces deux méthodologies, nous renforçons la compréhension du processus de convergence des marchés puisque nous prenons également en compte les caractéristiques de chaque composante de la PRA dans le but d’établir une typologie des marchés boursiers.

Cet article est organisé de la façon suivante. La section 1 présente brièvement les données et les statistiques sommaires des PRA sur les marchés boursiers considérés. La section 2 examine la convergence des PRA ex post tandis que la section 3 se concentre sur l’analyse des similitudes ou des dissemblances entre les marchés boursiers relativement aux composantes de la PRA.

1. Données et statistiques sommaires

Nous avons étudié l’évolution des PRA sur 11 marchés boursiers (Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis d’Amérique, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse). Ces bourses sont parmi les plus importantes au monde en termes de capitalisation boursière des actions. La PRA ex post est définie comme la différence entre la rentabilité observée sur le marché et le taux sans risque. Elle est calculée à partir de trois composantes : le taux de croissance du prix des actions, le taux de rendement du dividende et le taux d’intérêt sans risque. Les données mensuelles ont été recueillies sur la période 1984 à 2007. Pour la Belgique et l’Espagne, les données ne sont pas disponibles sur toute la période. Pour la Belgique, elles commencent en juin 1989 et pour l’Espagne en avril 1991. Les données sont issues de la base de données Datastream International. Les séries sont individuellement décrites ci-dessous; le tableau A1 présenté en annexe précise la définition des séries employées.

  • Le prix des actions Pt utilisé correspond à un indice global du marché des actions construit par Datastream (DS-Market Price Index). Chaque indice est calculé à partir d’une liste représentative de valeurs pour chaque marché des actions. Le nombre de valeurs pour chaque marché national est déterminé par la taille de la capitalisation boursière et représente au minimum de 75 à 80 % de la capitalisation totale du marché. Tous les secteurs d’activité sont représentés dans l’indice global. Les composantes de chaque indice sont revues trimestriellement de manière à assurer l’homogénéité temporelle de l’indice en termes de capitalisation boursière.

  • Le taux de rendement du dividende DYt s’exprime comme le rapport entre le dividende associé à l’indice boursier propre à chaque marché sur le prix des actions, il est calculé en pourcentage forme: 2012275n.jpg. Ce taux est fourni directement par Datastream (DS-Market Dividend Yield).

  • Pour le taux d’intérêt sans risque RFt, nous considérons le taux de rendement des obligations de long terme car nous travaillons sur l’analyse de la convergence des marchés boursiers portant sur des titres de long terme. Ce taux est exprimé en pourcentage. En fonction des disponibilités dans la base Datastream, nous avons retenu le taux de rendement à 10 ans des obligations d’État pour la plupart des pays, le benchmark obligataire à 10 ans pour la Belgique et l’Espagne et le taux des obligations gouvernementales à long terme « CBS » pour les Pays-Bas. Ce taux apparaît sans risque jusqu’à la crise de la dette souveraine qui a débuté en 2010.

Par ailleurs, il est important de souligner que toutes les données utilisées sont libellées en monnaie locale. Cela correspond à une forme pure des primes de risque qui ne prend pas en compte les évolutions de devises. Canova et De Nicolo (2003) utilisent également cette forme des PRA. Il convient enfin de préciser que les PRA ont été annualisées (les données mensuelles ont été multipliées par 12).

Le tableau 1 fournit quelques statistiques sommaires pour les PRA mensuelles. Sur la période 1984 à 2007, la PRA observée est très faible pour le Japon ce qui signifie que les obligations gouvernementales ont en moyenne à peu près la même rentabilité que les actions. Ce résultat peut s’expliquer par les mauvaises prévisions relatives au rendement futur des entreprises japonaises et par la faiblesse du niveau des taux des obligations d’État à 10 ans souhaitée par le gouvernement pour pallier le manque d’investissement privé. Les investisseurs ne sont donc pas encouragés à placer leurs fonds dans des actifs plus risqués qui ne sont pas potentiellement plus rémunérateurs. Dans les autres pays, la PRA moyenne est positive et varie entre 2,5 % en Belgique et 7,3 % en Suisse. La Suisse offre la PRA moyenne la plus élevée ce qui signifie que les investisseurs sont davantage incités à financer les entreprises privées dans la mesure où le contexte économique est favorable avec une monnaie forte et un faible taux d’inflation. Ces écarts importants montrent que les investisseurs ont intérêt à investir leurs fonds sur certaines places financières qui demeurent plus performantes en moyenne que d’autres en termes de PRA. Si nous mesurons la volatilité par l’écart-type, l’Italie présente la plus forte volatilité tandis que la plus faible est observée au Canada. L’Italie apparaît atypique relativement à son taux d’inflation qui est plus élevé que celui des autres pays considérés dans cette étude. D’après Blanchard (1993), les variations de l’inflation déterminent à court terme en partie la PRA exigée par les investisseurs. En outre, l’Italie possède un marché financier de taille réduite ce qui entraîne un manque de liquidité sur ce marché. Ces différents facteurs sont peut-être à l’origine de la plus forte volatilité de la PRA en Italie. Pour toutes les séries, la statistique de Jarque-Bera montre des écarts significatifs par rapport à la normalité. Les statistiques de Dickey-Fuller augmenté (DFA) mettent en évidence la stationnarité des PRA dans tous les pays. Les résultats présentés sont cohérents avec ceux obtenus dans la littérature (Canova et De Nicolo, 2003).

Les corrélations contemporaines des différentes PRA sont rapportées dans le tableau 2. Elles sont toutes significatives pour un risque d’erreur de 1 %. Nous notons que les marchés néerlandais, allemand et français sont plus étroitement corrélés entre eux qu’ils ne le sont avec les autres marchés, les coefficients de corrélation sont supérieurs à 0,8. Ces marchés nationaux sont devenus plus ouverts sur la période 1984 à 2007. Des corrélations fortes réduisent normalement l’intérêt de la diversification internationale de portefeuilles et témoignent de l’intégration des marchés. Nous remarquons a contrario une faible corrélation entre les PRA japonaises et celles des autres marchés. Cela s’explique par les faibles performances du marché des actions au Japon comparativement aux autres marchés. Au regard des coefficients de corrélation calculés sur la période, l’intégration entre le marché japonais et les autres marchés boursiers semble relativement faible.

2. Convergence des primes de risque actions ex post

Nous étudions le degré de convergence des marchés boursiers par l’intermédiaire des PRA ex post. Nous présentons dans les deux sections suivantes la méthodologie employée et les résultats.

2.1 Méthodologie

Si nous considérons que la convergence n’est pas effective en début de période mais qu’elle est en cours de réalisation sur la période concernée, nous avons besoin d’une mesure dynamique de la convergence. Ainsi, nous étudions la convergence par le biais d’un modèle à paramètres variables proposé par Haldane et Hall (1991) et amendé par Hall et al. (1992), en utilisant l’algorithme récursif du filtre de Kalman. En effet, seul un modèle à coefficients variables dans le temps permet une analyse dynamique des changements structurels affectant les coefficients. Ces TVCM (time-varying coefficient model) appartiennent à la classe des modèles espace-état (Harvey, 1989), qui sont très généraux et couvrent un large champ d’application, incluant notamment tous les modèles ARIMA (VAR dans le cas multivarié). Les modèles espace-état sont basés sur la modélisation de la structure observée des données. Par ailleurs, ils permettent de s’abstraire des problèmes de stationnarité et de racine unitaire qui se posent préalablement à l’estimation d’un modèle de type ARIMA. En effet, les résultats du TVCM estimé par l’algorithme du filtre de Kalman restent valides en présence de séries non stationnaires (Durbin et Koopman, 2001; Hall et al., 2009). De plus, ce cadre d’analyse permet également de relâcher l’hypothèse de distribution gaussienne pour les bruits. Bien que les résultats du filtre de Kalman soient obtenus sous l’hypothèse de normalité, ils ont une plus large validité au sens de l’erreur quadratique moyenne minimum lorsque les variables concernées ne sont pas normalement distribuées (Durbin et Koopman, 2001).

Tableau 1

Statistiques mensuelles sommaires des pra sur les marchés boursiers

Statistiques mensuelles sommaires des pra sur les marchés boursiers

Note : Les tests de racine unitaire ont été conduits en utilisant le test de Dickey-Fuller augmenté (DFA). Les valeurs critiques à 95 % pour le test de DFA sont de -2,875 pour la version « avec trend » et de –1,941 pour celle « sans le trend ». CV signifie coefficient de variation.

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Tableau 2

Corrélations contemporaines des PRA mensuelles sur les marchés boursiers

Corrélations contemporaines des PRA mensuelles sur les marchés boursiers

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Considérons trois pays i, j et k. Pour mesurer la convergence de la variable X dans le pays i avec la variable X dans le pays j, nous estimons l’équation de mesure suivante :

où αt et βt sont les paramètres à estimer, ils sont variables dans le temps et définis dans les équations d’état :

Les équations d’état décrivent la dynamique des paramètres variant dans le temps, et supposés suivre une marche aléatoire. Les vecteurs εt, η1t et η2t sont supposés sériellement et mutuellement indépendants. Le système d’équations (1), (2a) et (2b) est appelé modèle espace-état et peut être estimé par l’utilisation du filtre de Kalman. Il s’agit d’une procédure récursive qui combinée à la méthode du maximum de vraisemblance fournit une estimation optimale des composantes inobservables, c’est-à-dire des paramètres qui varient dans le temps. La mise en oeuvre du filtre de Kalman est présentée en annexe B.

La notion de convergence est assez simple et intuitive, elle suppose que la différence entre deux ou plusieurs séries doit devenir arbitrairement petite ou converger vers une constante au cours du temps. Pour les séries aléatoires, comme la plupart des variables économiques, on considère la notion de convergence stochastique. La probabilité que deux ou plusieurs séries diffèrent d’une valeur spécifique doit alors devenir arbitrairement petite. Hall et al. (1992) parlent alors de convergence faible. Appliquée au modèle, décrit par les équations (1) et (2), cette notion de convergence implique forme: 2012276n.jpg et  forme: 2012277n.jpg, α représentant une constante. Une mesure formelle de la convergence est donnée directement par la tendance des paramètres αt et βt .

Quand β tend vers zéro, les mouvements de la variable X dans le pays i sont expliqués par ceux de X dans le pays j indépendamment du pays k : on parle alors de convergence relative de j sur i. Lorsque β tend vers 1, la différence entre les variables X des pays i et j est expliquée par la différence entre les variables X des pays j et k, alors il n’y a pas de convergence entre Xi et Xj. αt est une constante stochastique indépendante de toutes les influences systématiques provenant du différentiel entre Xi et Xj, excepté celles résultant des mouvements de l’écart entre les Xj et Xk. Les coefficients αt sont potentiellement importants dans la mesure où ils offrent la possibilité que l’explication spécifique proposée par le modèle puisse être soit insuffisante soit non pertinente. Une double condition est donc nécessaire pour assurer la convergence relative de j sur i : αt doit tendre vers une constante et βt doit tendre vers zéro.

Nous opérons une distinction entre convergence vers le même niveau et convergence à une constante près (Fuss, 1999). Un critère strict de convergence conduit à privilégier la convergence vers un même niveau. Dans ce cas, le coefficient β n’est pas significativement différent de zéro pour un risque d’erreur de 5 %, ce qui indique que l’intégration des marchés est réalisée. En revanche, la convergence à une constante près est un critère plus souple qui traduit un rapprochement des marchés; dans ce cas, le coefficient β est significativement différent de zéro en fin de période. Les estimateurs du maximum de vraisemblance des paramètres d’états obtenus par l’application de l’algorithme du filtre de Kalman permettent de tracer l’évolution temporelle des coefficients et de se prononcer sur une éventuelle convergence du paramètre. Comme l’ont mentionné Hall et al. (1992), cette méthode présente au moins deux avantages : elle est indépendante de toute unité de mesure et constitue intrinsèquement un modèle de changement structurel. L’inconvénient majeur provient de la sensibilité des résultats au choix du pays de référence. La convergence apparaît alors relative et dépend du pays de référence. Dans cet article, puisque nous étudions la convergence internationale des primes de risque ainsi que la convergence européenne, nous avons retenu deux spécifications différentes :

La première équation (3a) permet l’étude de la convergence internationale, les États-Unis sont considérés comme étant le pays de référence tandis que le reste du monde est représenté par le Japon. L’équation (3b) est destinée à l’analyse de la convergence européenne : un pays membre de l’UEM sert alors de pays de référence tandis que le reste du monde est représenté par les États-Unis. Cette équation nous permet alors d’explorer l’impact de la construction européenne sur le processus de convergence entre les marchés financiers européens.

2.2 Résultats du filtre de Kalman

Dans tous les modèles estimés, le coefficient a tend vers zéro et n’est pas significativement différent de zéro pour un risque d’erreur de 5 %. Ce résultat est important, il signifie que l’explication spécifique proposée par le modèle est suffisante et pertinente. Nous nous consacrons par conséquent uniquement à l’étude des coefficients β. Selon la présentation habituelle des modèles espace-état, l’étude de la convergence est effectuée à partir de l’analyse graphique des coefficients β[2].

2.2.1 Convergence internationale des PRA

Les résultats de l’estimation de l’équation (3a) réalisée sur la période globale sont fournis dans le tableau A2 en annexe. Les valeurs estimées des coefficients α et β figurant dans le tableau correspondent aux valeurs estimées en fin de période, c’est-à-dire pour le dernier mois de l’année 2007. Les graphiques 1 à 4 présentent l’évolution des coefficients β estimés à partir de l’équation (3a), en retenant les États-Unis comme pays de référence, le reste du monde étant représenté par le Japon. Afin de faciliter la lecture des résultats, plusieurs figures sont présentées. L’Espagne et la Belgique ont été présentées sur un même graphique et séparées des autres pays de l’UEM car les périodes d’estimation diffèrent de celles des autres pays. Nous avons également présenté séparément les pays n’appartenant pas à l’UEM. Les évolutions des coefficients β suggèrent globalement une forte convergence vers les États-Unis sur la période étudiée. En Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas, un processus de convergence a été observé sur la période 1987-1994 tandis qu’en France, ce mouvement s’est prolongé jusqu’en 2000. Les coefficients β ont diminué de façon significative et ont atteint leur plus bas niveau durant les années 1993 et 1994 en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en 1999 en France. Le processus de convergence semble être stoppé depuis 1994 pour les trois premiers pays et depuis 2000 pour la France. Cet arrêt du processus de convergence peut être attribué en partie aux turbulences apparues au sein du système monétaire européen (SME) en 1992-1993 : certains pays (Italie, Royaume-Uni) ont dû sortir de façon permanente ou temporaire du SME. La France a su résister à la spéculation contre le franc français en 1992 ce qui peut expliquer la poursuite du processus de convergence au-delà de 1994. Par ailleurs, la forte correction à la baisse des marchés obligataires enregistrée sur l’année 1994 a probablement impacté la confiance des investisseurs sur les marchés des capitaux. Cette méfiance a pu contribuer à stopper le processus de convergence des marchés des actions. En ce qui concerne la Belgique et l’Espagne, la taille de notre échantillon ne nous permet pas d’analyser la convergence sur la même période. Néanmoins, nous pouvons remarquer la stabilité de β aux environs de 0,1 en Belgique depuis 1993 et une légère baisse du coefficient en Espagne sur la période 1993-2000. Nous en déduisons que la convergence a dû apparaître plutôt, comme cela s’est produit dans les autres pays européens. Au vu de ces résultats, on peut supposer que le processus de convergence est très similaire pour les six pays européens. Il y a donc eu une nette tendance pour les coefficients à s’orienter vers zéro, mais les PRA n’ont pas totalement convergé. Concernant le Canada, le Royaume-Uni et la Suisse, β est relativement stable et reste faible sur la période 1988-2007, ce qui augure d’un processus de convergence précoce avant la mi-1980. Mais quel que soit le pays considéré, la convergence n’est pas achevée puisque les coefficients β restent significativement différents de zéro pour un risque d’erreur de 5 % en fin de la période.

La libéralisation et la déréglementation des marchés financiers ont provoqué un phénomène de convergence vers le marché américain dans les années quatre-vingt à quatre-vingt-dix. Toutefois, une marge importante subsiste pour aboutir à l’intégration des marchés. Le ralentissement du processus de convergence observé sur la période récente peut en partie s’expliquer par une moindre attractivité des titres américains dans les années deux mille. En effet, les actifs américains ont offert des rendements peu élevés au regard du risque de dépréciation du dollar et ont également souffert d’une certaine désaffection liée aux scandales financiers intervenus après 2001 (Enron, Worldcom), sans oublier l’éclatement de la bulle Internet en 2000 et les attentats terroristes du 11 septembre 2001. L’absence d’intégration mise en évidence signifie que les marchés demeurent partiellement segmentés et donc des gains peuvent encore être attendus d’une diversification internationale des portefeuilles.

Graphiques 1 à 4 

Convergence internationale des pra vers le marché américain

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2.2.2 Convergence européenne des PRA

Nous analysons la convergence des marchés boursiers européens vers un pays membre de l’UEM; nous retenons comme pays de référence l’Allemagne, le reste du monde est alors représenté par les États-Unis. Les résultats de l’estimation de l’équation (3b) effectuée sur la période globale sont fournis dans le tableau A3 en annexe. Les valeurs estimées des coefficients α et β sont estimées pour le dernier mois de l’année 2007. Pour juger de la sensibilité des résultats au choix du pays de référence, nous avons également considéré la France comme pays de référence. Les résultats sont très proches de ceux obtenus avec l’Allemagne comme pays de référence. Les graphiques 5 à 7 reproduisent l’évolution des coefficients β estimés à partir de l’équation (3b). Les liens entre l’Italie, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne se sont renforcés sur la période 1987-1999. Concernant les Pays-Bas, β a augmenté sur la période 2000-2002 puis a diminué. Le processus de convergence s’est poursuivi en Italie jusqu’en 2002. Concernant les pays européens non membres de l’UEM–le Royaume-Uni et la Suisse–les β restent élevés durant toute la période et ne montrent aucune tendance à converger. En Belgique, β a fortement diminué de 1991 à 1999, montrant une nette convergence vers l’Allemagne, alors que le coefficient est affecté par des variations importantes sur la période 2000-2002. Ceci peut être expliqué par la contre-performance des cours des actions belges, particulièrement marquée durant cette période. C’est aussi une période de fortes turbulences observées également dans le reste du monde. β apparaît néanmoins faible à la fin de la période. En Espagne, il n’y a pas de tendance particulière à la convergence puisque le coefficient β a légèrement augmenté sur la période 1996-2001. On peut supposer que la convergence a eu lieu avant 1992 mais comme nous ne disposons des données que depuis 1991 nous ne pouvons pas conclure à une similitude de comportements entre l’Espagne et les autres pays européens, membres de l’UEM. Les résultats témoignent d’une nette tendance à la convergence pour les marchés européens qui ont participé à la construction européenne : les PRA se sont fortement rapprochées bien que certaines divergences sont apparues au cours de la période 2000-2002 pour les Pays-Bas et la Belgique. La convergence des PRA a été complètement réalisée entre l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Italie et les Pays-Bas sur la période 1984-2007, de l’acte unique européen au traité de Lisbonne; en effet pour ces pays, les β ne sont pas significativement différents de zéro pour un risque d’erreur de 5 % en fin de la période. Ces résultats témoignent de l’intégration financière de ces cinq marchés européens et soulignent que celle-ci a été largement accomplie avant l’avènement de l’euro. Ils ont des implications importantes à la fois pour les investisseurs et pour les autorités monétaires. Pour les investisseurs, une forte intégration signifie qu’il n’y a plus de gains à attendre d’une diversification au sein de la zone euro et par conséquent une stratégie de diversification entre secteurs ou entre régions doit être privilégiée. Pour les décideurs politiques, le processus d’intégration financière européenne pose certains défis. En effet, la forte interdépendance des marchés expose à une transmission rapide des chocs et requiert une surveillance des marchés à l’échelle européenne.

Graphiques 5 à 7 

Convergence européenne des pra vers le marché allemand

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3. Analyse des similitudes ou dissemblances entre les marchés boursiers relativement aux composantes des pra

L’analyse précédente a souligné la mise en oeuvre d’un processus de convergence des PRA inachevé au niveau international mais complètement abouti entre cinq pays de l’UEM. Pour mieux comprendre ces processus de convergence, il semble intéressant d’analyser les trois composantes de la PRA afin d’établir des différences ou des similitudes entre les 11 pays. Nous avons donc procédé à une analyse multivariée de la PRA et de ses composantes. Pour ce faire, nous utilisons des données annuelles moyennes sur la période 1984-2007. Les données sont de type cubique : les mêmes variables–la PRA et ses composantes–ont été mesurées en utilisant la même unité pour les mêmes individus–à savoir les marchés boursiers–à certaines dates. Les variables sont respectivement la prime de risque (RP), le taux de croissance du prix des actions (GP), le taux de rendement du dividende (DY) et le taux d’intérêt sans risque (RF). Nous effectuons dans un premier temps une analyse temporelle puis dans un second temps une analyse globale.

3.1 Analyse temporelle des marchés actions et des composantes des PRA

Le graphique 8 propose une première description d’un point de vue statistique unidimensionnelle de l’évolution moyenne temporelle de la PRA et de ses composantes sur les 11 marchés boursiers; les données sont présentées dans le tableau A4 en annexe. Nous remarquons une baisse linéaire constante du taux de rendement du dividende et du taux d’intérêt. Le taux de croissance du prix des actions est la seule composante de la PRA qui ne varie pas de façon linéaire.

Graphique 8

Évolution de la pra et de ses composantes

Évolution de la pra et de ses composantes

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L’emploi des méthodes de classification ou de partitionnement permet de regrouper les marchés boursiers relativement aux trois composantes de la PRA en un nombre optimal de classes homogènes de places boursières ayant des critères similaires et sépare les places ayant des critères différents. Les pays d’une même classe se ressemblent vis-à-vis de l’ensemble des critères choisis.

Le tableau 3 présente la synthèse des résultats de l’analyse conduite année par année sur les 11 marchés boursiers. Chaque analyse annuelle a fait l’objet d’une « classification ascendante hiérarchique » (CAH) sur les facteurs significatifs de l’analyse en composantes principales (ACP) des composantes de la PRA de l’année considérée. L’objectif d’une CAH est de classer les 11 marchés boursiers ayant un comportement similaire sur l’ensemble des trois composantes de la PRA. Le principe de son algorithme consiste à créer, à chaque étape, une partition obtenue en agrégeant deux à deux les éléments (marchés ou groupes de marchés) les plus proches. Cette méthode est présentée plus en détails en annexe C. Compte tenu des disparités entre les variances des variables composantes de la PRA, nous avons effectué une ACP normée; les variables, PRA et ses composantes, sont centrées et réduites. À noter que seules les composantes des PRA sont considérées comme variables actives de l’ACP. L’utilisation de la variable PRA comme variable illustrative, c’est-à-dire n’ayant pas servi à la détermination des axes factoriels de l’ACP et étant projetée a posteriori, apporte un éclairage et une information supplémentaire en évaluant son degré de similitude avec les variables actives. Pour chaque année, nous avons retenu une partition en trois classes et chaque classe est caractérisée[3] par les trois composantes de la PRA.

Par exemple pour l’année 1984, la première classe regroupe trois marchés d’actions (Japon JP, Suisse SW et Allemagne GE); cette classe est caractérisée par un taux de rendement du dividende et un taux d’intérêt significativement faibles. La deuxième classe est constituée de quatre marchés boursiers européens (France FR, Italie IT, Pays-Bas NL et Royaume-Uni UK) qui présentent des taux de croissance du prix des actions significativement élevés. La troisième classe, composée des marchés américains (US) et canadien (CN), se caractérise par un taux de croissance du prix des actions significativement faible par rapport au taux de croissance moyen annuel de l’ensemble des neuf marchés boursiers. Les marchés d’actions en Espagne (SP) et en Belgique (BG) n’apparaissent pas en raison de l’absence de données pour l’année 1984, les données n’étant disponibles qu’à partir de 1989 pour ces deux pays. Si nous choisissons désormais une partition moins précise en deux classes, les marchés européens (France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) sont plus proches du marché américain que du marché japonais relativement aux composantes des PRA. La flèche indique la direction du rapprochement des marchés boursiers européens vers le marché américain dans le cas d’une partition en deux classes.

Plusieurs résultats émergent des 24 analyses temporelles annuelles des composantes des PRA :

  • Le marché boursier japonais se situe toujours dans la classe 1 alors que le marché boursier américain se retrouve dans la classe 3 dans pratiquement 92 % des cas. La classe 2 regroupe essentiellement les marchés boursiers européens; notons que le marché canadien se trouve dans cette classe dans 17 % des cas, pour toutes les autres années il s’est révélé plus proche du marché américain.

  • Pour 22 années, soit dans 92 % des cas, le Japon et les États-Unis n’ont pas été regroupés dans la même classe relativement aux composantes de la PRA.

  • Le Japon est souvent seul (dans 37 % des cas) ou associé à la Suisse (54 %) et à l’Allemagne (21 %). Durant les années pendant lesquelles ils sont regroupés, les marchés allemand et suisse ont des caractéristiques communes avec le marché japonais à savoir un très faible niveau des composantes de la PRA. La bulle spéculative japonaise sur les actifs financiers et immobiliers est survenue de 1986 à 1990. L’explosion de cette bulle a duré plus d’une décennie et s’est traduite par une stagnation économique et une déflation. À cette correction se sont ajoutées les conséquences de la crise économique asiatique de 1997. Dès lors, le taux de rendement des dividendes est bas parce que les entreprises japonaises ont des perspectives de croissance des bénéfices faibles. Elles verseront donc de faibles dividendes à leurs actionnaires. Par ailleurs, le taux des obligations d’État à 10 ans est resté relativement faible puisque le gouvernement a favorisé la relance par la demande, en diminuant les impôts et en accroissant les dépenses publiques, pour pallier le manque d’investissement des entreprises. Notons que le marché suisse est proche du marché japonais sur la période récente, les années deux mille. Par ailleurs, le Japon, la Suisse et l’Allemagne sont caractérisés par un vieillissement de la population qui peut impacter les rendements boursiers et obligataires (Roy, Punhani, Shi, 2012).

  • On remarque pour les années 1997 et 1998 une connexion de la plupart des marchés européens vers le marché américain. En 1997, les marchés boursiers européens, contrairement à la bourse suisse, partagent des caractéristiques communes avec le marché américain, c’est-à-dire un taux de rendement du dividende et un taux d’intérêt significativement élevés. Ces caractéristiques communes s’observent cependant dans un contexte de divergences de positions dans le cycle et de potentiels de croissance. En 1998, tous les marchés européens, à l’exception du marché britannique, avaient les mêmes caractéristiques que le marché américain, à savoir des taux de croissance des cours boursiers significativement élevés.

  • Globalement, sur la période observée, les pays européens, hormis la Suisse et partiellement l’Allemagne, semblent plus proches du marché américain que du marché japonais. Depuis 1999, la Suisse n’a jamais été dans la classe des États-Unis. Cependant, depuis 1996–sauf pour l’année 2002–l’Allemagne s’est retrouvée dans la classe des États-Unis.

  • Si on choisit une partition en deux classes, on observe que les marchés européens, dans 87,5 % des cas sont plus proches du marché américain que du marché japonais relativement aux composantes de la PRA. Ce rapprochement s’explique par les caractéristiques atypiques des composantes de la PRA sur le marché japonais.

  • À noter que pour les années 2002 et 2003, aucune flèche ne matérialise le rapprochement des marchés européens ni vers le marché japonais ni vers le marché américain. En effet, les résultats montrent que dans le cas d’une partition en deux classes, c’est le marché japonais qui se retrouve le plus proche du marché américain. Ces deux marchés sont confrontés à de fortes turbulences en 2002 : le marché américain est affecté par de nouveaux chocs tels que l’annonce des états financiers de WorldCom en juin alors que le marché japonais est fortement perturbé par le sauvetage des banques par le gouvernement.

3.2 Analyse globale des marchés actions

Les analyses annuelles précédentes (tableau 3) ne permettent pas une analyse globale des marchés actions et de leurs composantes, car ces analyses ont été réalisées séparément (année par année) et ne prennent pas en compte la possibilité d’avoir une structure commune temporelle. L’évolution globale des marchés boursiers sur la période 1984-2007 est étudiée par une analyse factorielle multiple (AFM) (Escofier et Pagès, 1985, 1988). Cette méthode est spécialement conçue pour étudier des données évolutives (Dazy et al., 1996); des individus–c’est-à-dire des marchés boursiers–caractérisés par un groupe de mêmes variables–c’est-à-dire les composantes de la PRA–mesurées à des moments différents dans le temps – c’est-à-dire les années. L’AFM met en évidence les structures communes à l’ensemble des 24 groupes-années de 3 composantes de la PRA observées pour les mêmes 11 marchés boursiers. L’idée de base sur laquelle repose cette analyse consiste en une pondération des groupes de variables afin d’en équilibrer l’influence dans l’analyse globale. L’AFM peut être considérée comme une ACP globale pondérée qui permet d’obtenir une représentation des positions moyennes des marchés boursiers ainsi qu’une représentation de leurs trajectoires.

Tableau 3

Synthèse des analyses annuelles

Synthèse des analyses annuelles

Note : Pour chaque analyse annuelle, le profil et/ou l’antiprofil de chaque classe est indiqué. Des explications sont données dans l’annexe C. La prime de risque (RP) est une variable illustrative. Pour cette raison, nous la faisons apparaître dans le tableau en gras et entre crochets.

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Une CAH selon le critère Ward[4] a ensuite été utilisée sur les facteurs significatifs de l’AFM afin de caractériser des classes de marchés boursiers relativement à l’évolution des composantes de la PRA. L’arbre hiérarchique ou dendrogramme présenté au graphique 9 illustre la hiérarchie des partitions de groupes de marchés boursiers de la CAH, c’est-à-dire, les partitions obtenues à chaque étape, en agrégeant à partir du bas (ascendante), les marchés boursiers les plus proches, puis en réitérant le processus sur les groupes obtenus.

Graphique 9

Arbre hiérarchique–Typologie des marchés boursiers

Arbre hiérarchique–Typologie des marchés boursiers

Note : Chaque coupure de l’arbre fournit une partition, ayant d’autant moins de classes et des classes d’autant moins homogènes que l’on coupe plus haut. La proximité entre deux marchés, un marché et un groupe de marchés ou encore deux groupes de marchés est décrite par l’indice d’agrégation; échelle de l’arbre hiérarchique. Ainsi, l’arbre hiérarchique illustre les regroupements possibles selon les valeurs des distances et des indices d’agrégation. Plus la distance est faible, plus l’indice d’agrégation est faible et plus la ressemblance est forte.

GE = Allemagne, SW = Suisse, JP = Japon, IT = Italie, US = États-Unis, CN = Canada, BG = Belgique, FR = France, NL = Pays-Bas, SP = Espagne, UK = Royaume-Uni.

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Le tableau 4 résume les principaux résultats de la caractérisation, illustrés par le dendrogramme du graphique 9, de la partition retenue en deux classes de marchés. Ainsi, la première classe qui regroupe les marchés boursiers japonais, suisse et allemand, présente des taux de rendement des dividendes sur la période 1984-1998 et des taux d’intérêt sur la période 1984-2000 significativement faibles par rapport aux moyennes des taux respectifs sur l’ensemble des marchés ainsi qu’un taux de croissance des prix des actions significativement bas en 1996. L’Allemagne et la Suisse ont des caractéristiques communes à savoir la force de leur monnaie et la faiblesse de leur taux d’inflation qui influent principalement sur le rendement des obligations d’État. Le Japon est un cas atypique. En 1996, les actions bancaires japonaises ont fortement chuté en raison de l’impact de la déréglementation financière et de l’assainissement budgétaire. La deuxième classe, regroupant les États-Unis et les sept autres marchés boursiers, présente les mêmes caractéristiques que la première classe mais en parfaite opposition.

Tableau 4

Synthèse de la partition en deux classes des marchés boursiers

Synthèse de la partition en deux classes des marchés boursiers

Note : Les variables significatives de la classe sont présentées avec un risque d’erreur inférieur ou égal à 5 %. Un signe « – » (respectivement « + ») indique un niveau significativement inférieur (respectivement supérieur) de la variable dans la classe considérée comparativement à l’ensemble des pays de l’échantillon. Les années pour lesquelles les variables sont significatives sont présentées en indices. La prime de risque (RP) est une variable illustrative. Pour cette raison, nous la faisons apparaître dans le tableau en gras et entre crochets.

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Conclusion

L’objectif de cet article était d’étudier le processus de convergence de 11 marchés financiers sur la période 1984-2007, au regard des primes de risque actions ex post. Pour ce faire, nous avons employé deux méthodologies complémentaires afin de tester la validité de nos résultats. Une première approche consiste à étudier le processus de convergence des PRA par l’intermédiaire de l’estimation de modèles à coefficients variables. La seconde approche s’inscrit dans le domaine de l’analyse de données multidimensionnelle. Elle consiste à regrouper les marchés en fonction des caractéristiques des composantes des PRA.

Concernant la première approche, nous avons identifié un processus de convergence internationale des PRA ex post vis-à-vis des États-Unis sur la période étudiée. Cependant, ce processus n’est pas achevé et semble même interrompu dans la plupart des pays européens depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Même si les liens entre les marchés boursiers au niveau mondial ont été renforcés au cours de la période, grâce au mouvement de libéralisation et déréglementation financières, la convergence n’en demeure pas moins inachevée. Il s’avère que les marchés ne sont pas intégrés et donc les avantages liés à la diversification internationale des portefeuilles perdurent.

En ce qui concerne la convergence européenne des PRA ex post, le processus de convergence a été complètement réalisé pour cinq pays, appartenant à la zone euro (Allemagne, Belgique, France, Italie et Pays-Bas) avant la fin des années quatre-vingt-dix, témoignant d’une intégration financière entre ces pays, antérieure à l’arrivée de l’euro sur les marchés en janvier 1999. Ce résultat met en exergue le rôle joué par la construction européenne sur l’unification des marchés financiers. Par ailleurs, il établit la nécessité pour les investisseurs d’adopter de nouvelles stratégies de diversification de portefeuilles entre secteurs ou régions hors de l’Europe et pour les décideurs politiques de mettre en place un système de réglementation prudentielle au niveau européen pour être en mesurer de stopper la propagation des chocs.

La seconde approche procure un éclairage nouveau sur l’évolution des PRA par l’intermédiaire de l’analyse des caractéristiques de leurs composantes. Nous avons constaté d’une part que les marchés européens (France, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas et Royaume-Uni) et le marché canadien étaient plus proches du marché américain que du marché japonais. Ils sont caractérisés par des taux de rendement des dividendes et des taux d’intérêt beaucoup plus élevés. Le marché japonais peut être considéré comme un cas atypique puisqu’il a subi l’explosion d’une bulle spéculative sur les actifs financiers et immobiliers de 1986 à 1990, entrainant une situation de stagnation économique et de déflation prolongée. D’autre part, les marchés allemand et suisse ont été plus proches du marché japonais avec des taux de rendement des dividendes et des taux d’intérêt significativement plus bas. Ces résultats témoignent ainsi d’une relative proximité des systèmes financiers allemand, japonais et suisse qui s’expliquent peut-être par la structure démographique de la population. Cependant, depuis 1996, l’analyse souligne le rapprochement du marché allemand vers le marché américain.

Les deux approches employées dans cet article, nous ont par conséquent permis de mettre en évidence un rapprochement à la fois des structures et des processus financiers entre les principaux marchés boursiers européens–excepté le marché suisse–et américains sur la période 1984-2007. D’autres recherches restent à mener pour confirmer nos résultats en utilisant notamment des modèles intertemporels conditionnels d’évaluation des prix d’actifs pour analyser la dynamique de la PRA au niveau international. Il serait également pertinent d’étudier l’impact des crises de 2007 et de 2011 sur la convergence des PRA au sein de l’Union européenne, ces perturbations pouvant générer un processus de désintégration financière.