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Je suis petit. Je suis pédagogique sans être didactique. Je suis dialogique sans être dialectique. Je ne donne pas de leçons mais prodigue des conseils pratiques. À l’instar de certains mouvements alternatifs, je propose une alternative à cette pensée pour qui le monde est toujours séparé en catégories binaires et hermétiques : hétéros-homos, hommes-femmes, bons- méchants, normaux-anormaux. Je suis un palliatif au manque chronique de renseignements fournis aux jeunes dans le cursus scolaire traditionnel. Je suis un Petit manuel de lutte contre l’homophobie à l’usage des jeunes.

Je suis né de réalités concrètes, lourdes de situations passées mais riches d’expériences à venir.

Aujourd’hui encore, les jeunes de la diversité sexuelle (gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres) essuient des moqueries, des remarques désobligeantes, des injures, des humiliations, des menaces, des sévices physiques même. Les difficultés scolaires ou même les tentatives de suicide dues au harcèlement, les fugues et l’itinérance dues au rejet parental, la toxicomanie due à l’homophobie intériorisée jalonnent souvent ces parcours de vie. C’est la raison pour laquelle j’appelle un futur où le respect des différences serait une préoccupation quotidienne tant des institutions que des citoyens. Pour ce faire, je livre des perspectives qui permettent non seulement de surmonter les difficultés ou traumatismes causés par l’intolérance et le rejet, mais aussi de les éviter, de les contrecarrer même, autant que faire se peut.

En ce sens, je suis pragmatique. Afin de lutter conte toute forme de normopathie, de sexisme, d’hétéro-conservatisme et autres violences symboliques silencieuses, d’autant plus insidieuses qu’elles s’ignorent comme telles, je te propose des argumentaires critiques (« Pour t’aider à mettre K.-O. les affirmations erronées »), des expériences pratiques « planifier sa “sortie” ou son coming out », « accompagner le dépôt d’une plainte pour harcèlement ou violence homophobe »), ou encore des trucs à retenir. De brefs dialogues t’aideront à désamorcer les stéréotypes qu’ils soient négatifs ou positifs ainsi que les interrogations et affirmations sans-gêne, qui prétendent à la consistance et ignorent leur propre insistance : « Quelles sont les causes de l’homosexualité? ». « Les homosexuels et les lesbiennes sont des pédophiles ». « Ces gens là ne pensent qu’au sexe ». « Même les bêtes ne font pas ça, c’est contre-nature ». « As-tu déjà essayé de faire l’amour avec quelqu’un de l’autre sexe au moins? De cette façon, tu en auras le coeur net! ».

De là se dessinent les nuances et subtilités inhérentes à de nombreuses situations. Les enjeux liés à l’égalité de la diversité sexuelle (qui ne sont autres que ceux de la diversité humaine) ne se situent pas seulement au plan juridique, mais relèvent d’une forte dimension symbolique. « Il faut toujours qu’ils s’exhibent en folles ou qu’elles soient des camionneurs ». Voilà l’image du LGBT1 que certains attendent, voilà l’image du LGBT que d’autres nourrissent. Les images prennent le visage de nos vérités. Jusqu’à quand? Le règne de ces images stéréotypées de la diversité sexuelle commande qu’on y reste ou qu’on en sorte. Il s’agit de savoir comment on en sort dans le premier cas (groupe de parole et de soutien, participation à la marche des Fiertés) et pourquoi on y reste dans le second.

C’est la raison pour laquelle je donne à entendre les témoignages de Kathia, de Ziggy, d’Allan, et relate les « histoires vraies » de Marie, Rémi, Antoine et Thierry. Je propose d’éprouver et de décrire comment l’attente collective s’installe et façonne des représentations qui suscitent des conduites. Autrement dit, je cherche et j’écoute la société du marginalisé pour mieux démonter les mécanismes de la marginalisation engendrée par la société. Une marginalisation qui se conjugue sous trois formes pour reprendre les distinctions effectuées par Flora Leroy-Forgeot : une homophobie active, une homophobie passive et une homophobie de détournement.

Mais quelle que soit l’étoffe dont se pare cette limitation de l’autre, un constat s’impose : c’est l’intolérance homophobe qui blesse et parfois tue certains jeunes, et non l’homosexualité, ou le lesbianisme, ou le transexualisme, ou le non-conformisme. Il convient donc de délaisser le « je » qui a animé ce compte rendu pour un « nous ». Un nous qui mêle réflexion, action et interaction. Un nous qui participe à « bien vivre avec et pour autrui dans des institutions justes » (Ricoeur 1990 : 381), car nous avons à expliquer à des jeunes qu’ils sont SAINS et qu’ils peuvent s’en sortir SAUFS tout en étant différents. Alors comment les aider à s’aider? Faites-moi circuler de mains en mains. Ni plus, ni moins.