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Préambule

Le texte présenté ici est la traduction d’une conférence donnée par l’anthropologue américaine Myra Bluebond-Langner, le 8 février 2011, alors qu’elle inaugurait la chaire en soins palliatifs pédiatriques de l’Institut en santé infantile (Institute of Child Health) à Londres. Cette chaire devenait le prolongement d’un parcours de recherches ethnographiques amorcé près de 40 années auparavant, auprès d’enfants atteints de cancer, de maladies chroniques graves avec incidence sur l’espérance de vie, et auprès de leurs familles. Son étude pionnière The Private Worlds of Dying Children (1978) a influencé non seulement la recherche anthropologique, mais aussi la recherche médicale menée auprès d’enfants. Inspirée par Goffman (1959) et par Glaser et Strauss (1968), Bluebond-Langner s’intéresse à la construction identitaire du soi (self-identity) dans un contexte d’interactions sociales au sein de la famille et d’expériences de la maladie. Elle s’intéresse aussi aux jeux de rôles ou faux semblants (mutual pretense) assurés par les différents acteurs au sein de la famille dans une tentative de conjuguer avec la maladie d’un des leurs (Bluebond-Langner 1978). Par la suite, elle s’attarde davantage à la trajectoire de la maladie (In the Shadow of Illness : Parents and Siblings of the Chronically Ill Child, 1996) et, au cours de la dernière décennie, à la prise de décision parentale en soins palliatifs pédiatriques dans une perspective multidisciplinaire, en collaboration avec des professionnels de la santé (Bluebond-Langner et al. 2007). L’anthropologue témoigne ici de son parcours intellectuel. Elle souligne avec éloquence comment l’anthropologie, avec ses méthodes, ses théories et ses compétences analytiques, est une contribution à la compréhension de l’expérience de la maladie, de la prestation de soins et plus inclusivement, de la famille. Son parcours nous guide vers une anthropologie du contemporain (Rabinow et al. 2008) qui, à partir de questions de recherche ancrée dans des milieux cliniques, nous permet de penser la construction identitaire dans toute sa complexité, les rôles familiaux (parents et fratrie) et les responsabilités professionnelles.

Sylvie Fortin et Misha Knot

Introduction à un parcours

Laissez-moi vous raconter d’abord comment une fille destinée à l’étude de populations non-occidentales en est venue à étudier des enfants malades dans des institutions médicales de soins tertiaires. Pour y parvenir, reportons-nous en 1968 lorsque je suis arrivée à Third Mesa, sur une réserve hopi en Arizona (États-Unis). Si j’évoque Third Mesa dans le titre même de cette conférence, c’est parce que j’aimerais souligner que malgré les différences évidentes entre l’étude de la culture amérindienne et la recherche en soins palliatifs pédiatriques, il y a continuité dans les méthodes et les idées que j’ai utilisées à Third Mesa et qui ont été mises en pratique dans l’étude d’enfants atteints de maladies graves qui déterminent leur vie et en limitent l’espérance. Au fil des années, ce sont des outils et perspectives anthropologiques qui se sont avérés féconds pour comprendre les enfants malades et leurs familles. Je vais continuer à y recourir ici, à Bloomsbury, alors que nous cherchons à développer des données probantes en soins palliatifs pour enfants et jeunes adultes.

Mon projet doctoral ne devait pas porter sur les enfants atteints de cancer. Je planifiais faire ce à quoi sont destinés la plupart des anthropologues : une recherche ethnographique en milieu non-occidental. Je prévoyais repartir vivre à Hotevilla, le plus traditionnel des villages hopi de Third Mesa, et y étudier l’identité et la socialisation hopi. J’avais découvert Hotevilla par l’entremise de Laverne Masayesna, une compagne de travail au Musée de l’Arizona du Nord avec laquelle je partageais un logement. Nous nous rendions à Hotevilla chez ses parents lors des congés et fins de semaine. Au fil des activités qui marquent le quotidien et les évènements religieux, j’ai pris connaissance d’un complexe va-et-vient entre la culture dans laquelle Laverne et d’autres Hopis étaient nés et celle dans laquelle ils vivaient et travaillaient.

Dans le cadre de ma thèse, j’entendais effectuer de l’observation participante dans trois écoles de la réserve hopi : 1) une École des Affaires indiennes (Indian Affairs School) dirigée par des Blancs et des Navajos (les ennemis traditionnels des Hopis) ; 2) une école de jour mennonite ; 3) une nouvelle école de jour, dirigée par des Hopis. Mon intention était de documenter le processus de socialisation des enfants à l’identité hopi en examinant les situations où cette identité était enseignée et fêtée de même que les contextes où cette identité était passée sous silence. Le projet a été accepté et j’ai obtenu des fonds pour le réaliser. Mais en fin de compte, j’ai choisi de ne pas m’y rendre en raison d’enjeux politiques gouvernementaux et tribaux et de conscience [personnelle].

Comment en suis-je alors venue à étudier des enfants en fin de vie dans un hôpital de soins tertiaires d’une grande ville américaine ? Pour pouvoir répondre, nous devons revenir à un dimanche de septembre à Chicago, il y a maintenant quarante ans. Un homme portant une longue blouse blanche me tendait un chronomètre et me demandait de me placer au bout d’un lit, et de l’aviser lorsqu’une période de vingt minutes serait écoulée. Ce que je fis. « OK » dit-il. « C’est fait. Je l’annonce. L’heure ? » « 7 h 27 », répondis-je.

Une enfant était morte. Une enfant que j’avais connue comme un chef des « séminaires de salle de bain », qui se tenaient tout juste à l’extérieur de l’unité de jour en oncologie ; une enfant qui se dessinait sur une croix rouge sang, qui disait qu’on avait épuisé les ressources médicales, qui savait que la chimiothérapie grugeait son foie et qui avait insisté auprès de sa mère pour qu’elle parte en camping avec sa soeur cette fin de semaine-là.

Lorsqu’au printemps précédent, il était devenu clair que je ne poursuivrais pas la recherche en terrain hopi, j’avais réorienté mon projet de thèse. Cette nouvelle orientation découlait en partie de ma participation à un cours en anthropologie médicale centré sur les enfants, la communication et l’identité de soi. À l’aide de recherches bibliographiques et d’observations de terrain, j’avais entrepris un travail [de session] qui avait comme objectif de comparer les pratiques verbales d’enfants malades à la maternelle et à l’hôpital. Là, à l’hôpital, j’ai été marquée par la compréhension que les enfants avaient de leur condition et leur façon d’évoquer leur maladie. J’ai aussi été frappée du fait que les adultes étaient peu attentifs aux paroles des enfants et semblaient penser que ceux-ci comprenaient peu leur état de santé. Ils étaient nombreux à croire que les jeunes ignoraient tout de leur maladie puisqu’elle n’avait pas été évoquée par les adultes. En somme, l’hôpital devenait un lieu d’enquête privilégié pour étudier les notions de socialisation et de conception de soi au coeur de mon projet chez les Hopis. Dans ce nouveau contexte, les éléments qui contribuent au devenir identitaire seraient saillants.

À partir d’une posture selon laquelle tout anthropologue qui veut comprendre un groupe donné doit plonger dans son univers (mais le font-ils aujourd’hui ?), j’évoquerai maintenant mon immersion dans l’univers d’enfants dont la vie est menacée et limitée par la maladie, l’univers d’enfants atteints de cancer et de fibrose kystique et celui de leurs parents.

Les enfants comprennent leur maladie et sa portée sur eux et sur leur monde

Lorsque j’ai commencé ma recherche auprès des enfants atteints de cancer au début des années 1970, époque où le cancer était associé à une maladie mortelle, il était largement admis que les enfants ne savaient pas, ne pouvaient pas et peut-être ne devaient pas savoir qu’ils étaient mourants. Or, par l’observation participante – le travail ethnographique s’est déroulé sur une période de neuf mois, le jour, la nuit et les fins de semaine – et la vie au quotidien avec les enfants dans leurs activités hospitalières, cliniques et à la maison, j’ai constaté que contrairement aux écrits d’alors, les enfants savaient. Ainsi qu’en témoigne la figure 1, j’ai pu documenter les moments où les enfants prenaient conscience de leur état, les savoirs variables et leur compréhension au fil de l’évolution de la maladie, et comment ils négociaient ces apprentissages en contexte d’interaction avec leur famille et leurs pairs.

Figure 1

Comment les enfants atteints de cancer apprennent à se connaître et à connaître leur univers

Comment les enfants atteints de cancer apprennent à se connaître et à connaître leur univers

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Avec cette recherche et les suivantes, j’ai constaté la progression des connaissances acquises par les enfants au cours de la maladie : ils maîtrisent le nom des médicaments et leurs effets iatrogènes, ils comprennent les fonctions de différents médicaments et leur efficacité. Sans en être informés officiellement, ils en viennent aussi à saisir la dimension chronique de leur maladie et la menace qui plane sur leur espérance de vie, le cycle des rémissions et des rechutes ainsi que la portée d’un pronostic sombre, voir fatal. De plus, il n’y a aucune corrélation entre l’âge des enfants et la compréhension de la maladie qu’ils ont ou finissent par avoir.

Les savoirs des enfants émergent d’un processus expérientiel de la maladie et de changements concomitants de la vision de soi. Les rechutes comme les rémissions, la panoplie d’examens cliniques et les conversations étouffées mais entendues par les enfants, participent à cette compréhension qu’ils développent de leur condition. À leur tour, ces savoirs transforment la vision qu’ont les enfants d’eux-mêmes. Ce faisant, un enfant âgé de six ans, malade depuis un bon moment, peut mieux comprendre son état qu’un enfant de neuf ans, au diagnostic récent. Du reste, un enfant récemment diagnostiqué et dans les premières phases de la maladie ne fera pas d’emblée le lien entre son état ou pronostic et le décès d’un autre enfant. De la même manière, un enfant qui a subi maintes rechutes, mais qui ne connaît pas d’enfant décédé, ne considèrera pas sa maladie comme mortelle, ou lui-même comme mourant.

L’incapacité des nombreux chercheurs à saisir les savoirs des enfants à l’égard de leur maladie et de leur pronostic s’explique par leur façon d’aborder la question. Je m’explique. Dans mes études d’hier (depuis les années 1970) à aujourd’hui, j’ai constaté que les interactions entre enfants malades et adultes ont lieu dans un contexte de faux semblants (mutual pretense). Ces jeux de rôles préétablis relèvent d’un contexte d’interaction dans lequel les différents acteurs évitent systématiquement toute discussion ou référence à un sujet interdit (Glaser et Strauss 1968). Les chercheurs ont peut-être sous-évalué cette capacité des enfants à prendre part à ce jeu de rôle – alors que ces derniers dissimulaient leur compréhension de la maladie lorsqu’ils étaient interrogés par des adultes – en prenant appui, souvent, sur les témoignages indirects, c’est-à-dire en questionnant les parents (et non l’enfant) sur son niveau de compréhension. D’autres chercheurs ont fondé leurs constats sur des témoignages d’enfants sains, qui s’exprimaient sur la maladie sans en avoir fait l’expérience. Or, cette expérience participe aux savoirs constitués par les enfants malades.

Dans mon travail, j’ai constaté que les méthodes d’enquête aujourd’hui qualifiées de « centrées sur les enfants », c’est-à-dire l’observation, le jeu, les interactions entre enfants, etc., sont essentielles pour saisir l’univers des enfants malades. L’observation participante auprès d’enfants permet de constater comment ils expriment différemment leurs perceptions de la maladie et de la mort. À titre d’exemple, la maman de Mary avait tout fait pour taire la maladie et le sombre pronostic à sa fille. Or, comme le lui rapportait une thérapeute qui intervenait auprès de sa fille (thérapeute responsable des « activités non médicales » auprès des enfants hospitalisés à l’unité), Mary avait choisi des poupées de papier à l’image d’elle-même « avant la maladie » et les avait placées dans une petite boîte, entre des mouchoirs. « Je les enterre », avait-elle doucement dit à la thérapeute. Après le décès de Mary, sa mère découvrit une liste de tous les enfants décédés, liste soigneusement dissimulée dans la table de chevet de l’enfant (Bluebond-Langner 1978).

Ma recherche auprès d’enfants atteints de cancer était importante à plusieurs égards. Elle témoignait de l’univers des enfants malades, de leurs perceptions d’eux-mêmes et de la maladie. Elle remettait en question notre capacité à saisir et à expliciter ces perceptions sur la maladie et la mort d’enfants malades et aussi, éventuellement, celles d’enfants sains sur ces mêmes thèmes. Enfin, ma recherche questionnait les modèles de socialisation des enfants alors en vogue en soulignant l’importance (relative) que prennent l’expérience de la maladie, l’âge et le stade de développement de l’enfant dans sa compréhension de la maladie et des savoirs connexes. C’est dire qu’avoir retenu le milieu hospitalier d’une ville importante du Midwest américain comme terrain ethnographique plutôt que les écoles de Third Mesa s’est avéré un choix fertile pour l’étude de la socialisation des enfants et des processus identitaires.

L’intérêt de prêter attention à la structure du monde social des personnes touchées par nos études a aussi été mis en évidence dans mes travaux. Comme dans toute recherche à caractère psychosocial, les études en soins palliatifs pédiatriques doivent prendre en compte la portée des rôles endossés par les individus, dans différents contextes d’interaction, ainsi que les règles qui y prévalent.

Dans mes études auprès d’enfants malades et de leurs parents, enfants et parents sont membres d’une famille. Tous y tiennent un rôle et les interactions entre les membres sont régies par des règles. En cela, la vie quotidienne en famille est ordonnée et maintenue comme telle par la mise en pratique de ces règles. L’élaboration d’une taxonomie des comportements normaux et anormaux par l’étude de l’étendue et de l’écart des comportements individuels à ces règles ne m’intéresse pas. Ainsi, dans mes travaux auprès des enfants atteints de cancer, j’ai évité de considérer parents et enfants comme des individus (autonomes) et de documenter leur acceptation ou négation du pronostic. Je n’ai pas cherché à savoir s’ils étaient, en tant que famille, honnêtes les uns envers les autres ou au contraire dissimulaient des faits. Parents et enfants ont plutôt été envisagés comme membres d’une famille, d’une entité constituée d’individus aux rôles variables et aux relations et interactions régies par des règles. Le rôle parental consistant à protéger et à prendre soin est mis en péril par le pronostic tout comme le rôle de l’enfant dont on doit prendre soin, enfant appelé à grandir et à devenir. Par la mise en scène de jeux de rôles, chacun peut mettre en action ces rôles socialement définis et, ce faisant, maintenir une vie de famille cohérente.

Dans cette perspective, le silence entourant la condition de l’enfant et sa possible mort, ou le fait de dévier la conversation lorsqu’on s’approche des questions de fin de vie ne sont pas de simples stratégies de dissimulation ou de négation de la condition de l’enfant. Les faux semblants ou jeux de rôles ont pour but de rendre possible une vie ordinaire ou de favoriser la suite des interactions entre les membres de la famille.

Ces faux semblants sont-ils justes, bons ou mauvais comme façon de vivre ? Je ne pose pas la question. J’insiste toutefois sur la nécessité d’apprécier à la fois les champs psychologiques et sociaux comme nécessaires, complémentaires, s’informant mutuellement et, à ce titre, intégrés dans notre approche de la recherche et de la pratique.

J’aimerais souligner que les ouvrages The Private Worlds of Dying Children (1978) et par la suite In the Shadow of Illness : Parents and Siblings of the Chronically Ill Child (1996) sont des ethnographies. À l’instar de l’anthropologue social Bronislaw Malinowski de la London School of Economics, lorsque j’agis en tant qu’ethnologue, j’embrasse un projet qui démarre avec une description brute pour ensuite laisser la place à l’identification des processus et des structures qui permettront d’expliciter le comportement humain. Selon Malinowski, le but de l’anthropologue, de l’ethnologue, est celui de « saisir le point de vue de l’autochtone, son rapport à la vie, sa vision du monde » (Malinowski 1961 : 25). Le travail de l’ethnologue devient l’intégration de l’ensemble des détails observés, la production d’une synthèse sociologique qui tienne compte de la diversité des symptômes pertinents. Tout comme le clinicien appelé à construire une théorie à partir de données expérimentales, l’ethnologue doit être en mesure d’esquisser l’institution plus large qui englobe les faits observés. Ces faits sont accessibles à tous, mais appellent une interprétation synthèse.

La portée des maladies chroniques graves sur la famille : Une attention particulière aux parents et à la fratrie

Les recherches passées colorent les recherches à venir. Et de fait, beaucoup de questions demeuraient sans réponse à la suite des premières études que j’ai menées auprès d’enfants atteints de cancer. Parmi celles-ci, l’une dominait : quelle était la portée de telles maladies sur les autres membres de la famille, notamment sur la fratrie bien portante ? Bien qu’il se soit écoulé plusieurs années avant que je ne me penche sur la question, une phrase subsistait dans ma mémoire, celle de la soeur de Jeffrey, qui à la mort de ce dernier a déclaré : « Bon ! Est-ce que je peux avoir ses jouets maintenant ? ».

En 1980, la Fondation pour la fibrose kystique invitait un groupe de chercheurs familiers avec le thème des maladies potentiellement mortelles ou limitant la vie à développer et à prendre part à un programme de recherche à caractère psychosocial dans le champ de cette maladie particulière. Un consensus clair s’était dégagé : la nécessité de mieux comprendre l’effet de cette maladie sur les fratries (saines ou en santé). Même si mon intérêt pour cette question était né de mes recherches auprès d’enfants atteints de cancer, plusieurs raisons motivaient mon appui à ce programme. D’une part, la fibrose kystique avec sa trajectoire à la fois longue et bien balisée offrait la possibilité d’explorer plus à fond la relation entre les évènements associés à la maladie et les points de vue, les comportements, les compréhensions des parents et des enfants. D’autre part, d’un point de vue très pratique (à ne pas minimiser lorsque nous élaborons des projets de recherche), j’avais un accès privilégié à un des centres de fibrose kystique les plus importants en Amérique du Nord, et donc un accès à de nombreux parents et enfants.

À la différence des études consultées (qui offraient une diversité de constats parfois contradictoires sur l’effet de la maladie sur la fratrie bien portante), j’ai orienté mon étude de la fratrie saine sur la famille tout entière plutôt que sur la seule fratrie, à la recherche de comportements ou de traits psychologiques problématiques.

Après une première enquête, j’ai entrepris une ethnographie auprès de quarante familles en faisant de l’observation participante en clinique, dans les unités hospitalières lorsque les enfants y séjournaient et à la maison où la fratrie était plus présente. Les observations étaient notées dans des carnets de terrain. Les échanges informels entre membres de la famille ainsi que les entretiens et échanges avec moi étaient enregistrés puis transcrits. Les verbatim et notes d’observation étaient par la suite codés et compilés à l’aide d’un programme original de gestion de données.

Une maladie comme la fibrose kystique atteint violemment une famille. Les projets, les rôles, les obligations et les priorités de la famille sont modifiés au fil de l’évolution de la maladie, du poids des soins et des traitements. La maladie devient une compagne de chaque instant, mettant l’intégrité et la continuité au sein de la famille à risque.

J’ai identifié une série de stratégies mobilisées par les membres de la famille dans l’espoir de limiter les effets de la maladie dans leur vie. Tel que le montre la figure 2, les stratégies retenues favorisent un sentiment de contrôle, le maintien le plus longtemps possible d’une vie familiale avec un semblant de normalité.

Figure 2

Stratégies adoptées par les parents au fil de la maladie

Stratégies adoptées par les parents au fil de la maladie

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Ces stratégies permettent aux membres d’assurer le travail de soin, d’assimiler l’information relative à la maladie et à l’état du patient, de négocier les rappels de la maladie et le fait que l’enfant malade diffère des autres enfants, d’identifier les priorités de vie et, enfin, d’envisager l’avenir malgré un pronostic sombre.

À la suite du diagnostic et lors d’épisodes où l’enfant malade se porte bien, les parents développent une pratique « routinière du travail de soin » qui influence le regard porté par les autres enfants sur ces soins. La fratrie en vient à considérer ces soins comme faisant partie des activités quotidiennes de la maisonnée plutôt qu’une attention particulière prodiguée au frère ou à la soeur malade. La transmission des informations relatives aux traitements et soins est telle que la vie familiale se poursuit normalement. Les informations portant sur les pratiques de soin, les examens génétiques et l’éventualité d’une guérison sont à l’avant-plan de ce que les membres de la famille retiennent, alors que celles associées à des dimensions plus problématiques telles que la notion d’organismes multi-résistants, de maladie inguérissable et de mort prématurée demeurent à l’arrière-plan. On parle peu de la maladie au-delà des rencontres avec le médecin ou des indications sur le traitement. Les parents tendent à souligner ce qui rassemble la fratrie plutôt que ce qui distingue l’enfant malade de ses pairs bien portants. Jumelées à une pratique routinière des soins, ces différentes stratégies favorisent un sentiment de normalité au sein de la famille.

Les parents soulignent volontiers combien leur enfant atteint de fibrose kystique est comme tous les autres enfants. Ils évoquent ses activités hebdomadaires, les cours de piano, les scouts, les sports, et même ce qu’il fera plus âgé : l’université, le mariage, la carrière.

Elle fait tout comme les autres à l’exception qu’on doit faire des traitements quotidiennement et qu’elle doit prendre des médicaments avant les repas. Autrement, elle est complètement normale. Elle se bagarre avec ses soeurs, joue à l’extérieur, sort les poubelles. Vous savez, les choses normales que font les enfants.

Les parents prennent parfois l’un ou l’autre aspect physique de l’enfant comme point de mire, aspect non associé à la maladie ; ou encore d’autres problèmes physiques indépendants de la fibrose kystique. Or, avec l’évolution de la maladie, ces stratégies sont plus difficilement mises en pratique. Lorsqu’un enfant est très affaibli et nécessite un apport constant d’oxygène, le choix d’un attribut physique sur un autre ou la mise en saillance de ses activités ne parvient plus à insuffler un sentiment de normalité au sein de la famille. Le travail de soin n’est plus intégré aux activités normales de la famille. Lorsque les traitements en physiothérapie augmentent et que les soins intraveineux, les cathéters et le matériel nécessaire à l’apport d’oxygène apparaissent à domicile, le besoin de normalité est supplanté par celui d’une efficacité thérapeutique accrue. Les parents misent sur le jour présent et délaissent toute projection d’un avenir qu’ils ne parviennent plus à esquisser tant la réalité des faits les ramènent à l’immédiateté d’une situation qu’ils ne contrôlent pas.

Toutefois, lorsque les différentes stratégies portaient fruit, la fratrie (enfant malade et enfants bien portants) fonctionnait comme toute fratrie au sein d’une famille. Les parents assuraient alors leur rôle auprès de tous les enfants, dans l’égalité. Les périodes calmes (de normalité) vécues entre les épisodes aigus de la maladie rendaient compte de dynamiques ordinaires entre enfants. Les enfants bien portants pouvaient chercher et cherchaient l’attention parentale, réclamant différentes ressources comme le font toutes les fratries dans une relative compétition. Toutefois, comme en témoigne la figure 3, ces mêmes enfants hésitaient à le faire lors des périodes où le frère ou la soeur malade voyait son état se détériorer.

Figure 3

Fratrie bien portante (fbp) des enfants avec fk

Fratrie bien portante (fbp) des enfants avec fk

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Lorsque le frère ou la soeur malade se porte bien, la fratrie est animée par les mêmes désirs que ceux qui habitent les fratries de manière générale et nul n’envisage d’abdiquer ses droits ou ses prérogatives. Les disputes verbales et physiques sont présentes comme dans toute famille. Ces comportements ne découlent pas seulement d’une absence d’évènements liés à la maladie. Ils résultent aussi de comment les parents gèrent la vie de famille et abordent la maladie de leur enfant. Ils découlent aussi des perceptions qu’aura la fratrie bien portante de l’état de santé du frère ou de la soeur malade et de la fibrose kystique en tant que maladie.

Lorsque l’enfant atteint de fibrose kystique se porte relativement bien, la fratrie associe la maladie à une condition qui appelle une certaine attention, sans plus :

Elle est comme tout le monde à l’exception de ces enzymes qu’elle doit prendre aux repas.

La plupart du temps j’oublie qu’elle l’a, car tout devient routinier. Les traitements matinaux sont comme normaux. Je ne la vois pas comme l’ayant [cette maladie]. Je l’oublie.

Par contre, lorsque l’état du frère ou de la soeur se dégrade et que les complications médicales s’installent, lorsque la fibrose kystique devient une maladie chronique évolutive sans guérison possible et agissant sur l’espérance de vie [le discours est différent] :

Je sais qu’ils ne trouveront jamais de traitement. Les poumons se remplissent et tu meurs. Elle ne sera jamais mieux. Elle a la fibrose kystique. Elle ne sera jamais mieux.

Tout comme dans mes études menées auprès d’enfants atteints de cancer, les expériences pivots reliées à la maladie et à sa trajectoire teintent les perceptions individuelles de la maladie et de soi, les savoirs et les comportements. Dans nos recherches, nous devons être attentifs aux effets de la maladie sur l’enfant malade, la fratrie bien portante et les parents, tout comme nous devons penser cette maladie dans une perspective historique à la fois cyclique et progressive (Bluebond-Langner 1996). La portée de la maladie sur la famille tout entière ou sur l’un ou l’autre membre ne se résume pas à quelques traits comportementaux. Le cadre d’interaction familiale instauré par les parents est en cela une dimension clé à prendre en compte. Nous ne devons jamais perdre de vue les fondements sociaux de l’expérience de la maladie dans notre quête de données probantes en soins palliatifs et notre volonté de bonifier la pratique par la recherche. L’étude des éléments favorables ou délétères [à la maladie], leurs causes et leurs traitements doit prendre en compte le caractère social de la maladie, les liens et les interactions entre individus qui auront forcément une influence sur les comportements et les compréhensions ou savoirs constitués. C’est dans cette perspective que j’aborde maintenant la prise de décision, les soins et les traitements.

La prise de décision, les soins et les traitements

Tout au long de la trajectoire d’une maladie chronique grave limitant l’espérance de vie, les parents doivent prendre des décisions difficiles. Lorsqu’un enfant atteint de cancer ne répond pas aux traitements de premier choix et que toute perspective de guérison s’éloigne, comment les parents en viennent-ils à décider si leur enfant doit prendre part ou non à un essai clinique de type Phase I/II[1], ou tenter un autre type de traitement plus agressif, ou encore délaisser le mode curatif pour tendre vers des soins de confort, centrés sur les symptômes et non plus sur la maladie ?

Avec la collaboration d’Ann Goldman, responsable de l’équipe de soins des symptômes du Great Ormond Street Hospital de Londres (Royaume-Uni) et de Jean Belasco, neuro-oncologue à l’hôpital pédiatrique de Philadelphia (États-Unis), nous voulions justement répondre à cette question. Nous souhaitions élaborer un modèle de prise de décision à partir de données empiriques, un modèle qui tienne compte des pratiques des individus tout au long de l’évolution de la maladie, en temps réel, plutôt qu’en rétrospection (approche souvent privilégiée dans les études sur la prise de décision) où les gens rendent compte de leur décision après le décès de l’enfant. Dans cette étude, nous avons écarté les postulats à l’effet que les parents sont pensés comme des receveurs d’information qu’ils ordonnent en fonction des risques et bénéfices (pour l’enfant) ou encore selon des principes éthiques.

Nous avons cumulé 739 heures d’interactions (verbatim) enregistrées sur bande sonore puis transcrites. Ces interactions comprennent des rencontres soignants-familles, des tournées médicales, des échanges informels (par exemple le bavardage de corridor, les repas familiaux) et des entretiens et échanges avec des parents, patients et professionnels de la santé. Nous avons aussi recueilli les synthèses des dossiers médicaux. Malgré la différence entre les systèmes de santé des États-Unis et du Royaume-Uni, la présence ou l’absence d’une équipe de soins des symptômes (inexistante aux États-Unis) et la diversité des croyances et pratiques religieuses chez les parents, leur niveau d’éducation, les identités ethniques et raciales, les parents choisissent de poursuivre les traitements qui ont une visée curative. Seulement 6 des 34 familles (4 aux États-Unis et 2 au Royaume-Uni) ont renoncé aux traitements à visée curative une fois l’échec des traitements initiaux constaté.

Aucun parent (17 aux États-Unis, 17 au Royaume-Uni) ne choisit d’interrompre les traitements à visée curative, les traitements des symptômes ou des thérapies d’appoint. Et parmi 25 enfants décédés au cours de l’étude (11 aux États-Unis, 14 au Royaume-Uni), 11 d’entre eux (6 aux États-Unis, 5 au Royaume-Uni) ont reçu des traitements à visée curative dans leur dernier mois de vie. Aucun parent ne refuse les opiacés ou autres médicaments pouvant alléger la douleur de leur enfant, et tous les parents acceptent les soins d’appoint ou de symptômes. Tous sont demeurés en lien avec l’oncologue de leur enfant, poursuivant les discussions sur son état. Tous ont poursuivi ou acquiescé aux examens cliniques même lorsque les traitements à visée curative étaient arrêtés. Deux enfants (américains) ont subi un examen médical au scanneur à la demande des parents dans les dernières 24 heures de vie (Bluebond-Langner et al. 2007).

Au moment du diagnostic et à chaque épisode de la maladie, l’oncologue propose une série d’options orientées « cancer » (dans une perspective curative) et une série d’options « non-cancer » (davantage dans une perspective d’allègement des symptômes). Au moment de la première rechute, les parents sont déjà familiers avec cette pratique. Ils ne sont pas décontenancés par les choix proposés ou par les décisions qu’ils doivent prendre en fonction d’un certain type d’information à leur disposition. Tout comme lors du diagnostic initial, un ensemble de traitements (à visée curative, allègement des symptômes, thérapies d’appoint et examens supplémentaires) leur est offert. Progressivement, les parents apprennent à participer au processus de recherche et d’évaluation des différents traitements à visée curative, orientés vers l’allègement des symptômes ou de soutien.

Chercher un traitement au cancer, échanger avec l’oncologue de son enfant, engager des examens médicaux, des soins centrés sur les symptômes ou des thérapies d’appoint deviennent partie constituante du rôle parental. Les parents souhaitent autant les traitements à visée curative que la prise en charge des symptômes et les soins d’appoint. Ce n’est pas une question de choisir une option plutôt qu’une autre. Ces voies ne sont pas mutuellement exclusives pour les parents.

La quête de traitements à visée curative ou d’autres interventions s’inscrit dans une continuité du rôle parental, tout comme les nuits sans sommeil, les longues journées et les nombreux moments passés à l’hôpital. Ils témoignent des multiples facettes d’être parent : prendre des décisions, prendre soin, protéger, plaider en faveur d’autrui. L’expérience de la maladie façonne l’identité parentale. Leur responsabilité comme parent devient celle de maintenir toutes les options accessibles, de ne fermer aucune porte. Comme le donne à voir le témoignage d’une mère, choisir une orientation à visée curative n’est pas synonyme d’attentes de guérison. À la seconde rechute de son enfant, elle optait à nouveau pour un traitement orienté « cancer » même si les chances de guérison étaient minimes :

J’étais incertaine de la portée [bénéfique] du Busulfan, mais je voulais tenter quelque chose qui pourrait s’avérer le miracle inattendu et l’oncologue [de l’enfant] voulait vraiment le tenter. C’était une décision mutuelle. Cela me semble mieux. Ça n’a pas marché. Et je ne lui en veux pas. Et je ne suis pas responsable. On a juste essayé quelque chose qui était là et qui aurait pu marcher. [Il y a] tous ces traitements qu’il pouvait prendre, mais vraiment rien, c’est ça la situation ; il n’y a pas de guérison possible.

Si l’oncologue n’évalue pas à zéro la chance de succès d’un nouveau traitement à visée curative, celui-ci devient une voie possible pour le parent. Prolonger la vie de l’enfant, pouvoir passer plus de temps avec lui est un facteur de poids lors du choix d’un type de traitement sur un autre. Un enfant avait quitté l’hôpital pour un centre hospitalier où une nouvelle transplantation était promise. Cette transplantation n’a pas eu lieu en raison d’une infection imprévue. De retour à l’hôpital initial et à un traitement à visée curative, la mère dira :

Je n’ai aucun regret [d’avoir tenté une deuxième transplantation]. Si j’étais restée ici [première institution], il serait mort. Au moins, il a vécu de Noël jusqu’à maintenant (4,5 mois) et peut-être qu’il sera avec nous encore plus longtemps.

Les parents négocient et cherchent à gagner du temps. Ils choisissent des traitements même si les chances de réussite sont minimes, car le but à atteindre n’a pas de prix.

Considérant les avancées médicales pour les enfants atteints de maladies graves et la presse qui leur fait écho, alors que nous gardons à l’esprit le sens d’être parent, il devient difficile d’imaginer qu’un parent puisse refuser un traitement à visée curative même lorsqu’on lui aura dit que les chances de succès sont nulles. Les parents poursuivront leur quête d’une solution. Une communication et des explications améliorées, l’honnêteté et la confiance sont, sans aucun doute, des éléments essentiels [dans ce processus]. Et même si nous tenons compte de ces dimensions dans le cadre d’un programme de soins palliatifs, les parents poursuivront leur quête de soins et de traitements.

Notre étude sur la prise de décision démontre l’intérêt d’un modèle intégré de soins où les traitements à visée curative, d’allègement de symptômes et de soins de soutien s’entrecroisent tout au long de la trajectoire de la maladie. Un tel modèle est en résonnance avec les approches parentales et s’arrime aux progrès de la médecine pédiatrique, des soins palliatifs et des maisons de fin de vie.

Un nouveau programme de recherche

Tels que pratiqués ici, les soins palliatifs pédiatriques ne se limitent pas à un accompagnement des familles et des enfants en fin de vie, en fin de course de la maladie. Ils s’inscrivent plutôt dans l’esprit du Collège royal de pédiatrie et de santé des enfants, perspective selon laquelle [les soins palliatifs pédiatriques] consistent en une approche active des soins et des traitements destinés aux enfants atteints de maladies potentiellement mortelles qui ont une portée sur les conditions de vie. Les soins palliatifs sont de mise à tout moment de la trajectoire de la maladie, tant pour l’enfant malade que pour ses proches. Ces soins accompagnent les traitements à visée curative, [et sont] attentifs aux besoins physiques, émotionnels, sociaux et spirituels de l’enfant et de sa famille.

Les soins palliatifs pédiatriques sont un domaine émergeant où les besoins sont nombreux, en recherche, en pratique clinique et en offre de services. Mon travail ici au Centre Louis Dundas s’inscrit dans cette voie. Le programme de recherche développé comprend quatre thèmes principaux : 1) l’expérience de la maladie ; 2) la prise de décision ; 3) la prise en charge de la douleur et des symptômes ; et 4) l’accès aux services et leur prestation. Les matériaux empiriques générés par un tel programme sont utiles pour la pratique clinique et la formulation de politiques de soins. Ce travail est pensé dans une perspective multidisciplinaire de la recherche, de la pratique clinique et de la formation, perspective nourrie par des questions qui naissent du terrain [au chevet des patients]. À leur tour, ces questions alimentent les recherches de terrain et en laboratoire, générant des connaissances utiles pour la pratique clinique et les soins aux patients. La recherche en soins palliatifs doit être une quête multidisciplinaire – au même titre que les soins cliniques – où la médecine, les soins infirmiers, la psychologie, la physiologie et l’anthropologie sont ensemble mises à contribution pour la production de connaissances ancrées dans l’évidence, dans les données probantes.

Depuis cinq mois déjà, nous travaillons dans cette perspective multidisciplinaire selon les quatre thèmes du programme énoncé. Plus près de nous, les projets dans lesquels nous sommes présentement engagés, la proximité avec laquelle nous nous y investissons et le fait que nous partagions un même objectif d’intégration de la recherche et de la pratique clinique sont gages des orientations que je souhaite nous voir développer en soins palliatifs. C’est précisément pourquoi je suis maintenant à Bloomsbury, au Royaume-Uni, à l’Institute of Child Health et au Louis Dundas Centre for Children’s Palliative Care.

Conclusion

Il est peut-être plus facile de décrire les soins palliatifs que de les définir. Ils sont souvent présentés comme visant l’amélioration de la qualité de vie des enfants atteints de maladies qui limitent les conditions de vie ou la mettent en péril. Ce raccourci utilisé chez les soignants est insuffisant et réducteur dans d’autres contextes, notamment chez les décideurs politiques, car il masque la complexité d’une notion telle que « qualité de vie » et les spécificités de la quotidienneté des enfants et des familles concernés par la maladie et la mort. Je dirais même que les soins palliatifs existent lorsque les dimensions sociales, spirituelles et biologiques du patient sont reconnues comme constitutives d’un tout.

Les défis du prendre soin de ces enfants sont nombreux. Enfants, parents et soignants ne conjuguent pas seulement avec la douleur. Il y a également souffrance. Ces enfants doivent être guidés pour les décennies, les années, les mois ou peut-être même les jours qui sont leurs. Tels que conçus et étudiés, les soins palliatifs sont au service des enfants, des parents et des cliniciens, les soutenant dans leurs rôles respectifs. La sagesse et la compassion de ces derniers découlent de cette compréhension. J’espère contribuer aux fondements de cette compréhension, à titre d’anthropologue en soins palliatifs.