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The Anthropology of Conservation NGOs. Rethinking the Boundaries a pour objectif de présenter la diversité des organisations non gouvernementales (ONG/NGO) de conservation et les réalités contextuelles au sein desquelles elles opèrent. Ce livre propose une réflexion quant à la place et au rôle des recherches critiques en sciences sociales étudiant ces organisations et les dynamiques dans lesquelles elles s’insèrent. Cet ouvrage collectif est dirigé par Peter Bille Larsen et Dan Brockington, deux auteurs reconnus dans le champ des études de la conservation environnementale en anthropologie. Il regroupe neuf chapitres dans la première partie et sept courts textes dans une deuxième, qui discutent les textes de la première. Les contributions sont l’oeuvre de chercheurs connus dans le domaine ainsi que de praticiens engagés dans la conservation environnementale. The Anthropology of Conservation NGOs s’intéresse particulièrement aux enjeux liés à la place croissante qu’occupent les mécanismes du capitalisme dans l’organisation et le fonctionnement des ONG dans un contexte de néolibéralisation de la nature. Les auteurs cherchent à comprendre comment ces mécanismes influencent les ONG et les positions qu’elles adoptent.

L’approche particulière de cet ouvrage est de présenter les ONG comme des acteurs oeuvrant au sein d’espaces liminaux mouvants dans lesquels ils interagissent avec des communautés locales, la nature, l’État et le marché. Les ONG situées dans les marges se voient confrontées à des rapports sociaux complexes, marquant leur posture face à la conservation et leurs identités. Plus largement, l’ouvrage se fonde sur une approche d’économie politique et d’écologie.

Larsen et Brockington proposent une pratique renouvelée de l’anthropologie et, plus particulièrement, de l’ethnographie afin de comprendre plus finement les différentes configurations des ONG de conservation et leurs articulations ou leur rejet des systèmes économiques en place. Ils proposent aussi de poursuivre les comparaisons à plus grande échelle et les mises en commun d’exemples d’études d’ONG de conservation. Cette approche permettrait notamment de remettre en perspective la question des ONG de conservation au sein d’une lecture sur les ONG de développement en général.

Les chapitres de la première partie couvrent un vaste éventail d’études de cas, certains présentant des analyses théoriques éclairées par des exemples, alors que d’autres sont plutôt centrés sur les ethnographies. Le chapitre deux (Larsen) dresse une typologie des ONG de conservation. L’auteur y présente celles qui « font le bien » et refusent de s’allier avec le capitalisme, celles qui sont en phase avec les manoeuvres du néolibéralisme et ses idéologies et dont les actions peuvent être préjudiciables aux communautés locales, et celles qui adoptent une position pragmatique, souhaitant profiter des avantages que des alliances avec les entreprises et le marché peuvent offrir pour la conservation. Un exemple tiré de l’Amazonie péruvienne étaie cette réflexion théorique. Le chapitre de Holmes (chapitre sept) est en résonnance avec celui-ci, présentant le cas du secteur privé dans des aires protégées au Chili. Les autres chapitres abordent la construction et la négociation de la conservation par des ONG de conservation dans le cadre de rencontres formelles et de tables de concertation telles que le Congrès mondial de la conservation (MacDonald, chapitre quatre) et les tables sur le développement de l’huile de palme durable (Ruysschaert et Salles, chapitre cinq). Ces chapitres s’intéressent également aux perceptions des praticiens de la conservation (Blanchard et al., chapitre six).

Le chapitre de Redford (chapitre neuf), un praticien de la conservation, conclut cette première partie. Il offre une réflexion quant au rôle, aux apports et aux écueils des sciences sociales dans l’étude de la conservation et des ONG de conservation. Ce chapitre présente une critique bienvenue dans ce champ d’études et constitue certainement un apport important à cet ouvrage. Il permet d’introduire les contributions de la deuxième partie, rédigée principalement par des acteurs impliqués dans des ONG et la mise en oeuvre de la conservation. Parmi les commentaires proposés par les praticiens, celui de Cleary est virulent et intéressant, dénonçant des approches apolitiques et infructueuses de certains chercheurs de la conservation. C’est à l’honneur des directeurs de l’ouvrage d’avoir maintenu ces perspectives divergentes afin de nourrir les débats sur la conservation et les ONG. Un chapitre conclusif faisant le pont entre les commentaires des praticiens de la seconde partie et les propositions de la première aurait toutefois bonifié l’ouvrage.

The Anthropology of Conservation NGOs est d’intérêt pour les anthropologues travaillant sur la conservation environnementale, notamment par son souci de présenter différentes échelles d’études et d’analyses. Il permet aussi de faire le point sur les transformations qui secouent ce secteur et d’en saisir la portée, surtout grâce aux réflexions des praticiens et à leurs critiques, la partie la plus intéressante de l’ouvrage, permettant de repenser les façons de faire de la discipline anthropologique.