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Les ouvrages traitant des droits et obligations des entrepreneurs généraux envers leurs clients sont relativement nombreux, mais les ouvrages consacrés principalement aux droits des sous-traitants le sont moins. Pourtant, un entrepreneur général qui réalise un projet de construction, le fait la plupart du temps par l’intermédiaire de sous-traitants, car, sans la participation de ces derniers, l’industrie de la construction serait difficilement viable. Un entrepreneur ne peut retenir de façon permanente les services d’ouvriers spécialisés dans toutes les disciplines ; il retient plutôt leurs services selon les besoins de l’accomplissement d’un travail spécifique. Selon l’article 2101 du Code civil du Québec, l’entrepreneur général s’engage bien envers son client à réaliser un ouvrage et à en garantir la qualité, mais l’exécution des travaux doit s’accomplir le plus souvent par l’intermédiaire des sous-traitants, dont les services sont retenus par l’entrepreneur général. Ces sous-traitants n’ont généralement pas de liens contractuels avec le propriétaire, mais ce dernier risque néanmoins de subir les conséquences du défaut de l’entrepreneur général de les payer ; ils peuvent inscrire une hypothèque légale de la construction, même si le propriétaire a transmis les montants prévus à l’entrepreneur général. Souvent, ce dernier assume la planification des travaux et le respect des échéanciers et vérifie leur bonne exécution, dont il est responsable envers le client. Toutefois, il n’accomplit lui-même aucun travail de construction proprement dit. Il préfère « faire faire » plutôt que de tout faire lui-même, ce que les contraintes techniques et économiques ne lui permettent pas. Sans les sous-traitants, les entrepreneurs généraux pourraient donc difficilement remplir leurs obligations.

L’ouvrage fouillé d’Andréanne Sansoucy est le bienvenu. Avocate praticienne à Montréal, ayant oeuvré au sein d’une importante entreprise de construction, elle est donc très crédible. Il s’agit de la publication de son mémoire de maîtrise, réalisé sous la direction de la professeure Élise Charpentier. Ce mémoire a remporté le prix du Concours de rédaction juridique de deuxième cycle de la Chaire de notariat de l’Université de Montréal, en 2010.

L’ouvrage adopte un plan classique en deux parties. Après avoir expliqué, dans un chapitre préliminaire, l’existence de la sous-traitance, son importance et les règles qui s’y appliquent, l’auteure aborde, dans la première partie, les règles de la protection légale des créances des sous-traitants : l’hypothèque légale, la dénonciation et les limites de cette protection légale, limites qu’il faut savoir pallier, ce qui est abordé dans la seconde partie. Dans cette dernière, intitulée « Les mécanismes de protection utilisés par la pratique », l’auteure aborde les mécanismes à caractère conventionnel, destinés à protéger les sous-traitants, tels les cautionnements, et ceux qui sont utilisés pour protéger les propriétaires, telles la retenue ou l’assurance de titres.

Nous apprécions la minutie avec laquelle le sujet est traité. Il est abordé de façon détaillée et approfondie. Le lecteur y trouvera de nombreuses références, faisant état de la doctrine, tant québécoise que canadienne sur le sujet, rendant un tribut à tous les auteurs qui ont abordé la question. L’ouvrage se réfère aussi de façon exhaustive à la législation québécoise et à celle des provinces de common law. Enfin, on relève quelques renvois à la législation française, portant sur la sous-traitance, ce qui pourrait inspirer éventuellement le législateur québécois, car, depuis l’entrée en vigueur du Code civil de 1994, l’importance du contrat d’entreprise a évolué de façon très notable, et il pourra devenir indispensable de mieux établir les règles de la sous-traitance, l’article 2101 C.c.Q. qui y est actuellement consacré étant fort laconique.

L’ouvrage conclut en affirmant que le régime de protection des créances des sous-traitants, quoique perfectible, fonctionne et que, s’il est bien compris et utilisé, il peut protéger équitablement les propriétaires et les sous-traitants, d’autant plus que des garanties conventionnelles, subsidiaires au système legal, peuvent exister, par exemple, les cautionnements, et les assurances de titres, dont un projet de règlement concernant la pratique notariale sur le sujet.

La publication du mémoire de maîtrise d’Andréanne Sansoucy sera très utile aux donneurs d’ouvrage, aux professionnels de la construction, architectes ou ingénieurs, et aux entrepreneurs. Ce petit volume comporte 92 pages de texte, par ailleurs très denses et d’abondantes références législatives, jurisprudentielles et doctrinales. Il sera utile aux avocats et aux notaires travaillant dans le domaine du droit de la construction, qui auraient avantage à le posséder dans leur bibliothèque. Nous ne pouvons qu’en féliciter l’auteure.