Article body

Après avoir publié la première édition de son ouvrage en 2004, le professeur Vincent Karim, professeur et chercheur de la Faculté de sciences politiques et de droit de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), fait paraître en 2011 la seconde édition, revue et augmentée.

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec en 1994, l’importance et l’application des règles du contrat d’entreprise ou de service ont augmenté de façon exponentielle. Plusieurs de ces dispositions étaient de droit nouveau lors de l’entrée en vigueur du Code civil en 1994. Le flot de jurisprudence depuis la première édition de l’ouvrage du professeur Karim et la réflexion qu’il a généré, autant dans la doctrine que devant les tribunaux, justifiaient à eux seuls la parution, sept ans plus tard, d’une nouvelle édition, revue et augmentée.

Comme il l’avait fait dans son ouvrage en deux tomes sur les obligations, le professeur Karim se sert de la méthode exégétique pour analyser chaque article du Code civil. C’est la méthode qui avait été employée, au cours des années 50, dans le Traité de droit civil du Québec, souvent désigné sous le nom de « Collection Trudel », publié lui aussi chez Wilson & Lafleur. Ce traité avait connu à l’époque une grande diffusion. Si nous le comparons avec l’ouvrage du professeur Karim, nous constatons néanmoins que les temps ont changé. À l’époque, les ouvrages de la collection Trudel se référaient souvent au droit français, ce qui est moins le cas aujourd’hui, car, une abondante doctrine québécoise a vu le jour depuis, et le droit du Québec a ainsi développé son autonomie. Le Code civil n’est plus présenté selon un plan emprunté au Code civil français, comme c’était le cas autrefois dans le Code civil du Bas Canada.

L’analyse de chaque article par le professeur Karim, comporte les éléments suivants : le texte de l’article du Code civil et les sources, c’est-à-dire l’évolution législative, du Code civil du Bas Canada au Code civil du Québec, en passant par le projet de loi no 125. Viennent ensuite les commentaires et les références à la jurisprudence. Le tout est complété par les renvois aux autres dispositions du Code civil, et il y a, lorsque le contexte le justifie dans le cas de certains articles, des références aux lois pertinentes du Québec ou du Canada.

Cette méthode de présentation a, bien sûr, le mérite de permettre un repérage rapide et facile. Par contre, l’analyse qui en résulte risque parfois d’être morcelée. Les enchaînements et les synthèses sont plus difficiles. L’insertion de certains sujets, qui ont certes leur importance, sans être du droit civil proprement dit, peut parfois sembler être une digression. Mentionnons, à titre d’exemple, les règles des appels d’offres et du Bureau des soumissions déposées du Québec (BSDQ) en vertu de l’article 2098 du Code civil. La méthode de l’analyse article par article oblige souvent l’auteur à concentrer la substance de ses commentaires dans l’analyse du premier d’une série d’articles, au début d’un chapitre ou d’une section. En conséquence, il n’est pas toujours facile de déterminer l’article du Code civil avec lequel l’insertion d’explications ou de lois complémentaires est le plus logique pour compléter et faciliter la compréhension de l’ensemble de la matière. La compréhension plus aisée du lecteur de l’analyse de chacune des dispositions du Code civil, spécialement dans le cas des utilisateurs du volume comme ouvrage de référence, rend nécessaire de répéter souvent certaines explications d’un article à l’autre. À noter que le livre du professeur Karim présente une analyse exhaustive du contrat d’entreprise ou de service, mais qu’il ne constitue pas un exposé complet du droit de la construction, ce que n’a jamais prétendu d’ailleurs le professeur Karim.

Outre qu’il traite du contrat d’entreprise ou de service (art. 2098-2129 C.c.Q.), le professeur Karim aborde aussi partiellement les sûretés applicables au domaine de la construction, soit les hypothèques légales de la construction. Le droit des sûretés étant en soi un système, en faire un exposé et une explication fragmentaires relève du défi. Constatons toutefois que la principale utilité de l’hypothèque légale est d’exister en temps opportun, pour conférer aux parties une garantie telle que le propriétaire de l’immeuble amélioré et les autres créanciers ont avantage à la faire disparaître en payant aux entrepreneurs et aux sous-traitants ce qui leur est dû. Rares sont les créanciers qui accomplissent tout le processus des recours hypothécaires découlant de leur hypothèque légale en obtenant le délaissement de l’immeuble à la construction duquel ils ont participé pour le faire vendre ou le prendre en paiement. En cas de faillite, l’hypothèque légale valablement constituée oblige un syndic de faillite à en reconnaître l’existence et les effets ; la plupart du temps, il paie le créancier en rachetant sa part. Son utilité tient donc davantage du respect des formalités et des délais requis pour la constituer et la rendre opposable, si le client débiteur est en défaut ou devient insolvable. C’est par son existence qu’elle est utile, plus que par l’exercice des droits hypothécaires eux-mêmes. L’auteur a par ailleurs bien fait d’annexer dans son ouvrage des modèles illustrant différents actes de procédure relativement à l’hypothèque légale : avis ou dénonciation, préavis d’exercice. Il facilite ainsi la compréhension des mécanismes de l’hypothèque légale de la construction, compréhension qui aurait été beaucoup plus difficile et abstraite en l’absence de ces formulaires.

La richesse des explications fournies et de la jurisprudence citée au regard des différentes dispositions du Code civil introduisant un chapitre ou une section du Code est incontestable. Il s’agit en fait de véritables exposés doctrinaux. Toutefois, certains domaines impliquant des questions mixtes de fait et de droit, comme les hypothèques légales, les vices cachés ou malfaçons, constituent des sources continuelles et intarissables de décisions judiciaires. Ces recours concernent des cas d’espèce. La maîtrise des principes de droit permettant d’apprécier et de statuer sur chaque cas est plus utile que la consultation d’un répertoire touffu de jurisprudence. Nous suggérerions donc à l’auteur un certain élagage pour alléger les « bas de page ». En effet, certaines notes infrapaginales (par exemple, la note 2108, à la page 513) comportent plusieurs dizaines de références. Ces notes pourraient être ventilées de façon à indiquer les distinctions des faits particuliers à chacune d’elles. L’auteur pourrait dès lors, dans certains cas, ne citer préférablement que des décisions des tribunaux supérieurs. À notre avis, une note infrapaginale trop touffue risque d’embrouiller le lecteur ou le praticien et de lui faire perdre du temps plutôt que de l’éclairer. C’est donc dire que plusieurs de ces notes pourraient avoir avantage à être divisées, pour se référer de façon plus précise à des faits particuliers.

Malgré ce commentaire, nous estimons que l’ouvrage du professeur Karim est une oeuvre utile et bien documentée. Comme le disait en 1941 le juge Gérard Trudel, dans l’avant-propos du premier tome de la collection portant officieusement son nom, ce livre « tend à rendre service », non pas en donnant une réponse à tout, ce qui est impossible, mais en suscitant et en alimentant la réflexion des praticiens et des étudiants, tout en développant leur aptitude à se faire leur propre opinion.

En raison des riches développements doctrinaux qu’il contient, cet ouvrage pourrait devenir, après certains aménagements et remaniements, un véritable traité. Tous ceux qui s’intéressent au contrat d’entreprise ou de service et aux contrats de construction seront bien avisés de lui réserver une place dans leur bibliothèque.