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En Ontario, on observe un engouement soutenu pour la stratégie de ville créative, cette approche qui fait de la culture un levier de développement économique. Actuellement, la ville créative reçoit bonne presse, et se retrouve sur les lèvres de plusieurs acteurs influents du monde municipal, de la province comme d’un peu partout au pays. La popularité de la ville créative dépasse maintenant les grands centres métropolitains et les territoires urbains et, à toutes fins utiles, la formulation d’une politique culturelle est devenue une solution aux défis du développement économique local. L’Ontario Rural Council figure désormais parmi les convertis et propose à ses membres de rassembler les ingrédients qui feront de leur communauté des villes créatives et disposées à relever les défis de la nouvelle économie.

Cet article a pour objectif de mettre en perspective les différents modes de circulation et de diffusion de la ville créative comme hypothèse de développement économique local. Nous souhaitons ainsi mettre en relief le parcours de cette idée, sa popularisation et son enracinement dans le tissu politique et culturel du nord de l’Ontario. La formulation de politiques culturelles locales et la mise en oeuvre des plans inspirés de cette approche semblent être une source de confusion pour les autorités municipales, et une source de frustration pour les acteurs des communautés artistiques locales. Au moyen du cas de la Ville du Grand Sudbury, nous mettrons en relief l’impact de l’apparition de la ville créative sur les rapports entre la ville et la communauté artistique. Le cas de Sudbury illustre l’aliénation des artistes de la gouvernance culturelle locale. Mais, surtout, il met en évidence la créativité managériale à l’oeuvre dans la création de l’horizontalité culturelle, comme principe de gestion locale de la culture, un principe bien décevant à l’examen des attentes que la ville créative peut générer auprès des artistes.

La planification culturelle locale en Ontario : des ressources patrimoniales à la ville créative

Depuis 1975, les villes ontariennes jouent un rôle prépondérant dans la mise en oeuvre de la politique culturelle provinciale, et ce, en raison de l’entrée en vigueur de la Loi sur le patrimoine (L.R.O. 1990, chap. O.18) qui confère aux municipalités des responsabilités en matière de préservation du patrimoine archéologique et du patrimoine historique bâti. Constitué par la ville, le comité municipal du patrimoine (CMP) est chargé de conseiller les élus municipaux et de se prononcer sur la valeur patrimoniale d’un site ou d’un bâtiment situés dans les limites du territoire de la localité. Ainsi, ces comités locaux sont les instruments de la mise en oeuvre de la politique culturelle provinciale. En retour, la Commission provinciale des biens culturels (CBC), également constituée par la Loi sur patrimoine en 1975, a la responsabilité de recevoir et d’examiner les décisions du CMP. Elle peut recevoir, par ailleurs, des demandes d’abrogation de désignation patrimoniale. Des révisions de la loi provinciale, en 2005, ont eu pour objectif d’introduire la notion de patrimoine intangible afin d’appuyer les arguments en faveur de la mise au registre provincial d’un site local. À la Loi sur le patrimoine de l’Ontario s’ajoute, en 1981, la politique ontarienne des musées communautaires, qui précise les normes de conservation et d’administration du patrimoine culturel au niveau local. En somme, depuis la création du ministère des Affaires culturelles de l’Ontario, en 1974, les municipalités sont d’importants acteurs de la mise en oeuvre de la politique culturelle provinciale dont la conservation, la promotion et la protection du patrimoine sont les principaux objectifs.

Pour sa part, et jusqu’à tout récemment, la dimension artistique, voire créative, de la planification culturelle locale n’a pas joui d’un soutien équivalent à celui qui était accordé à la dimension patrimoniale de la culture locale et dont le soutien était et demeure facilité par la politique patrimoniale de la province. Autrement dit, le leadership de la formulation d’une politique qui tienne compte des publics de l’art et des artistes locaux était le monopole des collectifs d’artistes locaux, notamment des conseils des arts locaux. Considérant le flou culturel local, plusieurs initiatives et plusieurs énoncés de politique culturelle ont été formulés au cours des années 1980 et 1990 sous l’impulsion des revendications répétées des artistes et associations d’artistes. À titre d’exemple, les premières politiques culturelles locales de Thunder Bay et de Sault-Sainte-Marie au début des années 1990 sont représentatives de ces politiques mises de l’avant par les artistes de la communauté et destinées à soutenir les arts et la programmation culturelle locale.

En Ontario, c’est à Toronto, en 2000, qu’on trouve un important point tournant dans la planification culturelle locale. En effet, le conseil municipal de la métropole ontarienne met sur pied un plan destiné à faire de Toronto une capitale culturelle mondiale (Jeannotte, 2007 : 10). Intitulée The Culture Plan for the Creative City (2003), la planification culturelle proposée et votée par le conseil municipal de la Ville Reine épouse les thèses développées par Florida (2002), annonçant par le fait même un nouvel âge de la planification culturelle locale. L’année 2006 sera déclarée l’année de la créativité, et le document annonce l’avènement d’une véritable renaissance culturelle pour la capitale ontarienne. Aux dires des promoteurs de ce plan de 10 ans, les initiatives qui seront mises de l’avant sont audacieuses et incluent : le développement d’un corridor culturel sur l’avenue University, la construction de nouveaux appareils culturels, l’embellissement de la ville, la promotion du patrimoine bâti, le soutien aux artistes ainsi que des initiatives destinées à élargir les publics de la culture (Ibid. : 5). Dans son plan de développement local de 2003, intitulé 20/20, Ottawa ira de l’avant en suggérant des pistes d’avenir pour la planification culturelle, en s’inspirant également de la thèse de la ville créative (Jeannotte, 2007 : 11). L’enthousiasme pour les arts et la culture est moins impressionnant pour des environnements métropolitains comme Toronto, qu’il ne le serait pour des localités excentrées, voire rurales. En Ontario, pourtant, la stratégie de ville créative fera des adeptes au sein de villes qui n’ont rien de très comparable à la démographie et à l’histoire des agglomérations abordées par l’étude de Florida (2002). Il s’agit ainsi, pour nous, de tenter de saisir ce qui a habilité le passage de cette stratégie vers des milieux plus inusités pour une telle approche.

Le parcours d’une idée : de Glasgow au nord de l’Ontario, en passant par Memphis

Pratique discursive, la théorisation dans le champ du développement local annonce différentes façons de produire et de consommer le territoire local. Rendue possible par l’existence d’un espace de dialogue entre chercheurs et praticiens, la popularisation des savoirs experts a contribué à créer des effets de mode et un appétit soutenu pour certaines conceptualisations prometteuses des disciplines du territoire. Ainsi, est-il monnaie courante de retrouver une appropriation des savoirs académiques dans les discours des praticiens, voire de constater leur mise en oeuvre dans la formulation de stratégies de développement local.

Théorie dernier cri, la ville créative (Florida, 2002) reçoit une audience attentive parmi les décideurs et praticiens du développement des régions éloignées et des localités rurales. Avant d’être popularisée en Amérique du Nord par Florida, la notion de ville créative trouve ses origines outre-Atlantique, plus particulièrement en GrandeBretagne. Au canada la popularité du développement économique local par la culture ne sera que renforcée par les réseaux et think tanks culturels relayant l’idée, qui fera son chemin auprès des différents paliers de gouvernement.

Glasgow, capitale culturelle

Au début des années 1980, l’Union européenne s’investit davantage dans le champ culturel et le programme des Capitales culturelles est mis sur pied afin de célébrer les villes des pays membres et, du coup, de participer aux efforts de construction européenne (Garcia, 2005). En 1983, le programme européen est mis en branle et la ville d’Athènes sera la première à être désignée Capitale culturelle européenne pour l’année 1985. La désignation de capitale culturelle européenne consiste notamment à faire la promotion de la ville dans le cadre d’une programmation spéciale rassemblant une série d’événements se déroulant sur une année entière. Si leur ville est désignée capitale culturelle, après avoir été mise en candidature, les autorités municipales peuvent obtenir un financement couvrant jusqu’à 60?% de la programmation culturelle prévue pour l’année de désignation, pour un maximum de 1,5 million d’euros en 2007 (Commission européenne, 2008).

Après Athènes, Florence, Berlin et Paris, la désignation de Glasgow comme capitale culturelle de 1990 annonce un point tournant dans les motifs de participation et dans les usages du programme européen (Miles et Paddison, 2005 ; Reason et Garcia, 2007 ; Miles, 2005). Pour la première fois, la revitalisation urbaine est mentionnée comme motivation pour l’obtention de la désignation d’une capitale culturelle européenne. Glasgow devient en quelque sorte une fenêtre d’opportunité pour la concrétisation et la mise en oeuvre d’une revitalisation urbaine axée sur le culturel, idée qui planait déjà en Angleterre chez Myerscough (1988). Le foisonnement culturel de la planification des événements de 1990 assurera une certaine pérennité intellectuelle à cette logique de requalification des zones urbaines. En 1994, l’expérience de Glasgow devient un point de repère pour Landry et Bianchini qui y organiseront un atelier afin d’explorer le potentiel d’application de la stratégie, en plus d’en faire un essai de théorisation dont on retrouve l’héritage dans l’ouvrage The Creative City, publié par le think tank DEMOS en 1995.

Les présupposés de la ville créative, comme stratégie de développement économique et local, s’appuient sur les principes d’une économie de l’innovation. Inaugurant l’ouvrage, le passage suivant illustre bien la nature de la problématisation avancée par les tenants de la ville créative :

British city economies are in structural crisis, and the recession of the 1990s has exposed the fact that the crisis is even deeper than once supposed; it affects not only the manufacturing sector, long seen as a source of weakness but also a whole swathes of the producer services. Hardly any part of the urban economy, any more, is completely free from the threat of overseas competition and offshoring. Business services and software, just as much as engineering, can be relocated in South India or the Pearl River Delta. This fact prompts the drastic question : What, if anything, could now provide the basis for urban economic revival? (Landry et Bianchini, 1995 : préface)

Selon Landry et Bianchini (1995), les économies urbaines fondées sur l’emploi dans le secteur des services ne sont pas plus à l’abri de la délocalisation de la production que ne le sont les économies industrielles et manufacturières. Partant du postulat schumpeterien de l’importance de la créativité et de l’entrepreneur dans la création de la richesse, les auteurs nous invitent à considérer la culture comme un avantage stratégique dans l’arrimage entre territoire urbain, travailleurs et compétitivité économique. Les auteurs ne manquent pas de faire état des forces culturelles de certaines villes européennes. À l’examen de villes comme Bologne, Londres ou Barcelone, ils suggèrent que le design urbain, la qualité de l’architecture, la richesse des événements culturels et le caractère cosmopolite des villes seraient les gages non seulement d’une rétention, mais aussi d’une attraction du talent.

Le Memphis Manifesto

En sol américain, la stratégie de développement économique portée par la culture passe d’un examen de la ville créative à un examen plus poussé de ses citoyens présumés : la classe créative. Outil principal de la diffusion et pièce maîtresse du succès de la thèse de la ville créative en Amérique du Nord, la publication en 2002 de The Rise of the Creative Class poursuit l’exploration des fondements du développement économique basé sur des stratégies culturelles. Florida (2002), l’auteur du fameux ouvrage en question, affirme que le succès des pratiques de développement local dépend de leur capacité à attirer une classe de travailleurs créatifs, associés en bonne partie aux emplois des créneaux de la nouvelle économie. Autrement dit, il s’agit ici encore une fois de pouvoir générer un environnement propice à l’attraction et à la rétention des travailleurs de la nouvelle classe créative. Génératrice de richesses et forte de sa capacité d’innover, cette classe créative serait particulièrement attirée par les arts et par un mode de vie bohémien, dimensions sur lesquelles les localités seraient incitées à capitaliser pour attirer ces travailleurs et entrepreneurs. Cette stratégie trouve son enracinement dans le paradigme de l’économie du savoir, qui postule la prédominance des nouvelles technologies de l’information (Castells, 1997, 1998 ; Unesco, 2005) et la reconfiguration du social en réseaux comme conditions d’un changement économique structurel majeur. Répondant désormais à la règle des « trois T » (technologie, talent et tolérance) (Florida, 2002 : 249), le développement local se doit de mobiliser les leviers permettant de produire une qualité de vie incomparable afin d’avoir un avantage concurrentiel permettant en conséquence d’attirer un maximum de travailleurs qualifiés et instruits.

À Memphis, en avril et mai 2003, les tenants de cette approche organisent un événement qui se veut être le fer de lance de la stratégie aux États-Unis et au Canada. Cet événement, dont le nom est fort évocateur (Memphis Manifesto Summit), est révélateur de la conscience historique de ses organisateurs qui ont rassemblé au passage des gestionnaires et intervenants de plus de 40 villes nord-américaines. Le manifeste jette les bases des grandes valeurs du développement urbain qui doivent faciliter la rencontre entre un urbanisme soucieux de l’esthétique et l’ethos entrepreneurial libéral. Cultiver et récompenser la créativité, investir dans « l’écosystème créatif », célébrer la diversité, favoriser la créativité, valoriser la culture du risque, être authentique, investir et bâtir dans des milieux de qualité, enlever les freins à la créativité, devenir responsable du destin de sa collectivité et s’assurer du droit de la créativité de tous sont les éléments de la formule proposée par Florida et mise de l’avant dans le manifeste en question.

Les multiples injonctions de cette théorie ne laissent pas indifférent. Selon Shearmur (2006), la théorie de Florida n’est pas politiquement neutre et a des airs profondément élitistes, qui laissent envisager une gouvernance urbaine destinée à la régulation des « aristocrates mobiles du savoir », population dont la survie, l’attraction et la rétention dépendent d’un « écosystème » culturel riche, varié et cosmopolite. Shearmur estime que, malgré même le manque de vérification empirique et les ambitions démesurées de cette approche qui se veut une théorie générale, la stratégie n’en est pas moins mise en oeuvre dans plusieurs villes nord-américaines.

Les réseaux et la dissémination stratégique : des think tanks aux politiques publiques

Alors que l’économie est à l’heure de l’innovation, de l’information et de la créativité, toute politique de croissance et de développement économique serait intimement liée à la capacité, voire au potentiel dont dispose une collectivité pour attirer et retenir les ressources humaines de la nouvelle économie. Or, c’est précisément parce qu’elle prétend pouvoir remédier à ce problème de taille que l’approche de la ville créative attire tout particulièrement l’attention des stratèges du développement local. Les thèses de la ville créative doivent d’abord leur transfert du milieu universitaire au monde de la pratique à l’existence de chercheurs qui oeuvrent entre le milieu universitaire et la pratique en services-conseils. Il en découle une véritable « communauté épistémique » (Haas, 1989, 1992), logée entre le milieu universitaire et le milieu professionnel et participant à la diffusion du savoir académique ou disciplinaire sous forme de solutions, disponibles aux gestionnaires et décideurs locaux. Circulant au sein de réseaux de recherche et des consultants culturels du secteur privé, la reconstruction du discours de la ville créative en un ensemble de stratégies de développement relèverait alors d’un véritable effet think tanks enraciné dans la sphère du développement local. La diffusion de la stratégie des villes créatives a également été relayée par les pratiques d’apprentissage organisationnel, de veille stratégique et de développement professionnel ayant cours au sein des organisations du secteur public.

Au Canada, plusieurs réseaux prônant la stratégie de développement ont vu le jour, dont le Réseau canadien des villes créatives qui est certainement le porte-parole le plus en vue avec une centaine de villes membres. Mais au-delà des réseaux, les programmes gouvernementaux sont également d’importants vecteurs de diffusion pour cette conception du développement local. À l’instar de l’Union européenne et de l’Organisation des États américains en 1997, le gouvernement du Canada a développé Capitales culturelles du Canada, en 2002, une initiative destinée à solidifier les rapports fédéraux-municipaux dans le domaine des arts et de la culture. Capitales culturelles du Canada est un des six volets du programme fédéral de consolidation des arts et du patrimoine au Canada, dont l’objectif consiste à favoriser la valorisation des arts et du patrimoine au sein des collectivités canadiennes (Patrimoine Canada, 2006 : 120). À la suite d’une désignation comme capitale culturelle, le ministère du Patrimoine octroie une subvention financière unique, et pour un an seulement, allant de 500 000 $ à 2 000 000 $ afin de permettre aux municipalités récipiendaires d’organiser une année de célébrations culturelles et de formuler une politique culturelle municipale en guise de legs durable. En 2005, une évaluation du volet Capitales culturelles du Canada faisait remarquer un certain nombre de problèmes de conception. L’évaluation soulignait notamment quelques inquiétudes liées à la viabilité des projets locaux de réseautage ainsi qu’aux délais insuffisants, au niveau local, pour la mise en oeuvre des projets lors de l’année de désignation, ce qui explique les nombreux recours aux gestionnaires de projets et organisations de services-conseils. De plus, le rapport notait également une surreprésentation des communautés rurales et, bien curieusement, un déclin marqué dans le nombre de mises en candidature au cours des dernières années (Patrimoine Canada, 2005). Contrairement au programme européen dont il est inspiré, le pendant canadien fonctionne sur le principe d’une désignation annuelle annoncée dans des délais trop serrés pour l’organisation des activités mais, surtout, il est destiné à favoriser la formulation de politiques culturelles au sein de communautés rurales et excentrées.

Cette inclination pour le développement culturel loin des grands centres urbains se retrouve également dans la réémergence d’une volonté d’appuyer l’action culturelle artistique en Ontario. En 2003, le ministère de la Culture de l’Ontario a mis sur pied un groupe de travail afin d’étudier les enjeux de la planification culturelle locale rendus saillants par le mouvement de la ville créative. De 2005 à 2007, près de 1800 leaders du monde municipal de l’Ontario ont participé à une dizaine de forums organisés par le Ministère. Ces séances de discussions ont mené à la formation d’un partenariat provincial dirigé par le Ministère et rassemblant des agences culturelles, des leaders du monde municipal et des organisations associatives culturelles. Voulant soutenir l’effort de planification culturelle locale, le Ministère s’est engagé à mettre des conseillers en politique ainsi que des trousses d’information à la disposition des villes, pour les appuyer dans la démarche et dans les étapes de formulation d’un plan d’ensemble. En outre, le partenariat de planification culturelle locale prévoit des ressources financières et logistiques pour favoriser l’échange sur les stratégies et les meilleures pratiques de développement culturel.

L’éventail des ressources de planification offertes aux villes ontariennes est révélateur du tournant tendanciel suggéré par le Ministère et dont l’objectif énoncé du partenariat de planification culturelle ne saurait être plus évocateur : « The Municipal Cultural Planning Partnership defines municipal cultural planning as : The strategic and integrated planning and use of cultural resources for economic and community development » (Municipal Cultural Planning, 2008). Ainsi, le partenariat est un nouvel espace de légitimation et de dissémination des stratégies de planification culturelle, destiné à créer un environnement stimulant pour les nouveaux professionnels du savoir. Les séances d’information, la documentation et l’expertise qui circule dans les événements et communications, dans le cadre du partenariat, ne manquent pas de faire référence aux travaux de Florida (2002) et de Landry et Bianchini (1995). La documentation produite par le Ministère prône notamment les partenariats, l’intégration horizontale de la culture dans l’ensemble des départements et plans des villes, ainsi que le réseautage auprès de la communauté locale des affaires, et ce, tout particulièrement en ce qui concerne la gouvernance locale de la culture (Ministère de la Culture de l’Ontario, 2007). De plus, le Ministère suggère le cultural mapping, pratique d’identification géographique des sites et ressources culturelles locales. Le cultural mapping consiste en une spatialisation de la culture destinée à repérer les secteurs qui seraient des espaces fertiles pour une intervention culturelle en vue de combler les exigences et attentes de la classe créative.

Le discours sur la ville créative et l’enthousiasme des politiciens pour cette stratégie laissent croire que les liens entre la culture et la ville constituent un nouveau champ d’action publique à investir. Or, le nouveau discours de la planification culturelle tend à occulter le riche héritage de la récréologie, dont les liens avec la programmation et la planification culturelle locale remontent à plus de 30 ans. En Ontario seulement, mentionnons la contribution du département de récréologie de l’Université de Waterloo qui, depuis 1968, participe à la formation et au développement professionnels de même qu’à la professionnalisation des intervenants locaux en planification culturelle. Cette tradition est ainsi aliénée par la logique de la ville créative, et à en croire un rapport de 2004 du ministère de la Culture de l’Ontario, la planification culturelle serait un domaine d’une grande complexité qui souffrirait notamment d’un manque de documentation et d’uniformité. En 2005, un autre rapport commandé par le Ministère poursuit avec les mêmes constats. Le traitement très synchrone de la planification culturelle véhiculé dans ces deux rapports fait tabula rasa en occultant l’importance du traitement professionnel de la planification?/?programmation culturelle à laquelle on s’attend de la tradition récréologique.

Malgré tout, la ville créative est bien accueillie et son influence est confirmée par le traitement que lui accordent certaines organisations associatives ontariennes. D’une part, pour l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO), la mise à l’ordre du jour de la planification culturelle et le foisonnement des formulations de nouvelles politiques culturelles représentent une certaine fenêtre d’opportunité permettant notamment de faire valoir, voire de légitimer, toute l’importance du fait français dans la vitalité des communautés ontariennes. D’autre part, l’AFMO (2007) fait appel à la discipline et à l’organisation de ses membres, car les projets de politiques culturelles formelles se multiplient très rapidement dans la province et le tout est parfois mené de façon expéditive, laissant ainsi craindre une faible participation des intervenants culturels francophones. Du côté de l’Ontario Rural Council (ORC), la stratégie de ville créative et son application contextuelle dans le cadre des partenariats de planification culturelle municipale de l’Ontario sont très bien accueillies. L’ORC est très actif dans la démarche et fait la promotion de cette stratégie de développement économique par la culture auprès de ses membres. Ainsi, nous observons un véritable virage dans la mise en oeuvre des stratégies de ville créative. Au-delà des métropoles et des grands pôles industriels de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, la ville créative apparaît comme une solution de développement pour les communautés rurales et excentrées.

Les nouveaux territoires de la ville créative : le cas de Sudbury

Les années qui suivront la mise en place du volet Capitales culturelles du Canada en 2002 seront particulièrement riches en projets culturels. En Ontario, le partenariat de planification culturelle locale développé par le ministère de la Culture sera le vecteur d’une dissémination accrue de l’approche de ville créative. Dans le nord de l’Ontario, la désignation de Thunder Bay (environ 110 000 hab.) comme Capitale culturelle du Canada en 2005 aura un important impact sur la planification culturelle dans le nord de l’Ontario. Précipités par les événements liés à cette désignation, les dirigeants de la ville feront appel à des consultants culturels de Toronto pour planifier leur politique culturelle, mettant ainsi fin à une politique culturelle formulée par la communauté en 1991 et révisée en 1998. Les villes de North Bay, Hearst, Timmins, Sault-Sainte-Marie et Sudbury convergeront toutes vers un exercice de formulation de politiques culturelles et de planification inspirées des thèses de la ville créative, qui gagne en légitimité en vertu de l’expérience de Thunder Bay et des campagnes de promotion menées dès 2003 par le ministère de la Culture de l’Ontario. Le tout mettra fin à une forme de gouvernance culturelle locale, menée par les revendications des artistes et des conseils des arts, et développée au cours des 30 dernières années dans le nord de la province.

De 1967 à 1999 : du développement culturel au militantisme culturel

Située dans le Nord-Est ontarien, localisée à 400 km au nord de Toronto et à 600 km à l’est d’Ottawa, la ville du Grand Sudbury comptait environ 160 000 âmes en 2001. Sudbury est un grand centre minier canadien et est réputée pour être la Capitale mondiale du nickel. Comme pour beaucoup de localités ontariennes, les célébrations du centenaire de la Confédération canadienne de 1967 constituent pour Sudbury un point tournant à partir duquel on reconnaît l’essor de nombreuses institutions culturelles. Ainsi, en 1967, l’Art Gallery of Sudbury est fondée sous l’impulsion des célébrations du centenaire. Du même élan, le projet d’un théâtre (Sudbury Theatre Centre) prend racine la même année, dans la communauté, pour se concrétiser en 1971. En 1974, le Sudbury Arts Council sera fondé et restera, jusqu’à ce jour, un des principaux acteurs de la vitalité culturelle de la communauté. De plus, la communauté francophone du nord de l’Ontario participera activement à l’essor culturel de la ville et de la région. En 1971, elle fondera le Théâtre du Nouvel-Ontario, à Sudbury. En 1972, la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario verra le jour et sera le moteur de plusieurs grandes institutions culturelles de la région, dont les Éditions Prise de parole et le festival de la Nuit sur l’étang de Sudbury qui contribue au rayonnement des artistes de la région depuis 1973. Ainsi, la fin des années 1960 et le début de la décennie 1970 représentent une période d’essor culturel et de développement institutionnel qui se caractérise notamment par l’importance du leadership communautaire.

Tout au long des années 1980 et 1990, une conscience renouvelée de l’importance du patrimoine local s’installe. Plusieurs projets de patrimonialisation voient le jour, dont le projet de préservation du site industriel des silos du Moulin à fleur, important site patrimonial pour la communauté francophone de la ville. Au début des années 1980, la ville et la Corporation de développement économique de Sudbury contribuent à la concrétisation d’un important projet de valorisation du patrimoine minier. Considérant la trop grande dépendance de la ville à l’égard de l’économie minière, plusieurs décideurs locaux voient, dans la culture, une occasion tout indiquée pour la diversification économique de la région. C’est ainsi que Science Nord, un important centre de science et d’interprétation du patrimoine minier, naît de ces efforts en 1984. En somme, la gouvernance culturelle d’alors se caractérise par l’importance du leadership des créateurs locaux et par une volonté accrue au sein des autorités municipales de favoriser le secteur culturel pour son potentiel de création d’emploi et de diversification économique. Autrement dit, c’est la valeur économique de l’emploi culturel qui est alors recherchée.

Les attentes des créateurs entre 1999 et 2003 : une politique culturelle, des espaces de diffusion

Pour le Conseil des arts de Sudbury, l’année 1998 annonce une période de vaches maigres puisque le Conseil des arts de l’Ontario retire la subvention ordinaire qu’elle octroyait au conseil local en raison de compressions financières dans la culture. Cette crise financière rendra saillante la stagnation des investissements municipaux en culture, qui s’élevaient à 214 000 $ en 1999, soit environ 2,30 $ per capita. Afin de surmonter ces obstacles, le Conseil des arts de Sudbury sera un acteur plus actif dans le lobbying culturel, un rôle qui s’ajoutera à ses responsabilités, plus traditionnellement associées au développement professionnel des artistes et à l’enrichissement de la programmation culturelle locale.

En 2000, le vent tourne et la Ville invite le Conseil des arts de Sudbury ainsi que bon nombre d’intervenants locaux du secteur culturel à penser aux grandes lignes d’une politique culturelle. Parmi les points les plus importants à mettre de l’avant et sur lesquels les parties s’entendent, on trouve la création d’un centre culturel qui favoriserait notamment les arts visuels et les arts de la scène. Un tel centre culturel serait bénéfique pour la communauté. Il faciliterait la diffusion, la répétition, l’entreposage des instruments et biens culturels, l’enseignement culturel et le contact communautaire. Toutefois, en raison de la fusion des municipalités environnantes, en 2001, le projet est mis sur la glace pour permettre aux citoyens et aux associations artistiques des villes avoisinantes de faire valoir leurs aspirations. Cette année-là, le comité de transition de la ville aborde les enjeux culturels, sans pour autant aller de l’avant avec des engagements bonifiés et satisfaisants pour la communauté artistique de Sudbury. En 2003, retour à la case départ : une grogne est perceptible au sein de la communauté qui se sent trahie. Ainsi, Will Morin, alors président du Conseil des arts, lance un appel à la mobilisation :

With the amount of money spent to hire consultant and conduct feasibility studies on the need for an arts centre, […] the city could have surely built the facility by now. This is a call to the city and city council, to recognize their role in this. [...] If you eliminate art, you eliminate culture and if you eliminate culture, you eliminate us (Stradiotto, 2003 : A11).

Quand la planification culturelle se spatialise et dynamise l’économie : Sudbury ville créative

Malgré le mécontentement de la communauté culturelle à l’égard des autorités de la ville, 2003 est une année de changements qui annonce l’émergence d’une nouvelle façon d’aborder la culture. En effet, en 2003, la Société de développement économique du Grand Sudbury élabore un plan stratégique de développement économique dont l’échéance est fixée à 2015. La stratégie de ville créative compte déjà de nombreux adeptes au sein de la Société de développement et un des cinq éléments ciblés comme moteurs de développement économique révèle déjà certaines couleurs  :

Engine 2 : A city for the creative, curious and adventuresome. Greater Sudbury will become an attractive “people” place that welcomes and encourages talented individuals of diverse cultural backgrounds and lifestyles. The under 35 generation will experience Sudbury as a “youth-friendly” city with a dynamic urban environment (Société de développement économique du Grand Sudbury, 2003 : 3).

En 2005, l’idée d’une politique culturelle locale et d’un soutien financier accru pour les artistes refait surface à Sudbury. Comme le veut la logique de ville créative, la culture serait un moyen, un outil du développement économique local et non sa propre finalité. C’est ainsi que la ville se prend à penser à la culture comme un instrument qui favoriserait le développement économique local en attirant une main-d’oeuvre qualifiée et multiculturelle (Block, 2006). L’offre culturelle devient ainsi la garantie d’un milieu hospitalier et idéal pour la classe créative. Mais aussi, Sudbury envisage d’établir des liens avec la communauté artistique afin de participer à la revitalisation du vieux coeur commercial de la ville, en déclin depuis la fin des années 1980. La Ville propose un plan de développement du centre-ville fondé sur le pouvoir transformateur des arts et de la culture : « In part, the idea behind the development of the new vision was to assist in achieving the goal of Engine #2. Downtown Sudbury was seen a natural place to develop a city for the creative, curious and adventuresome » (Société de développement économique du Grand Sudbury, 2005 : 2). Le plan de revitalisation du centre-ville prévoit une préservation du patrimoine bâti, un design soigné pour les éléments du mobilier urbain et un projet de planification culturelle qui pourrait prendre la forme d’une politique culturelle. En fait, ce plan crée des attentes et reste vague sur le type d’engagements auxquels les créateurs pourront se fier. En réalité, il ne s’agit pas tant d’aider les artistes à se maintenir et à se réaliser au coeur de la ville, que de faire intervenir la vitalité de la communauté des arts dans le cadre d’événements ponctuels dont la nature est encore incertaine. Par ailleurs, le plan laisse pressentir quelques initiatives de public art, faisant des artistes des outils de la revitalisation urbaine.

Pour la communauté artistique, cette annonce demeure tout ce qu’il y a de plus prometteur. Sur le plan politique, le discours de la ville créative a le mérite de réhabiliter la culture au plan économique. Dans une adresse publique en 2006, le président sortant du Conseil des arts de Sudbury exprime bien l’enthousiasme d’alors :

For many years, artists and arts organizations have been lobbying local politicians and bureaucrats to recognize the arts as a business and not just as a hobby for some. In the spring of 2005, the City of Greater Sudbury took the initiative to organize the first of many forums on municipal cultural planning, [...] (Sudbury Arts Council, 2006).

L’approche proposée par Florida donne à penser que l’antagonisme entre culture et économie marchande est dépassé et que les artistes sont réhabilités dans la gouvernance des affaires locales par leur impact présumé sur l’économie. La communauté artistique obtient ainsi une certaine forme de reconnaissance des autorités municipales, et plusieurs intervenants seront appelés à participer aux nombreux comités de développement local. Finalement, la ville de Sudbury doublera son financement aux institutions culturelles en 2005, faisant symboliquement et effectivement passer ce financement de 250 000 $ à 500 000 $. Aux yeux de certains, cette somme demeure insuffisante pour répondre aux ambitions de la Ville. De plus, proportionnellement à la population de Sudbury, ce montant (3,20 $ per capita) se situe sous la moyenne canadienne, établie à 13,50 $ per capita en 2001 (Saint-Pierre, 2005). La Ville suggérait pourtant qu’elle serait capable de dépasser la moyenne canadienne.

Une politique culturelle : de l’enthousiasme à l’horizontalité

Le 18 octobre 2006, le conseil municipal approuve un plan culturel pour la ville de Sudbury. Ce plan rassemble trois documents : une charte de la culture, une stratégie culturelle et une politique culturelle. La Charte des arts et de la culture est tout ce qu’il y a de plus symbolique et énonce une position globale de la Ville dans le secteur, en soulignant la fierté de la communauté et le potentiel économique des arts. La politique culturelle, pour sa part, a plutôt les traits d’un guide présentant les critères d’admissibilité et les dates limites pour le dépôt des candidatures au financement local. Il faut regarder du côté de la stratégie culturelle pour bien saisir les engagements et la direction culturelle que compte prendre la ville de Sudbury. Les objectifs de la stratégie sont très clairement économiques : devenir le meilleur centre de fourniture de services miniers du monde ; devenir une ville ouverte et créative ; devenir une des quatre destinations les plus populaires d’Ontario ; devenir un chef de file de l’innovation en santé ; et devenir un modèle d’écoindustrie et d’énergie renouvelable (Ville du Grand Sudbury, 2006). Pour ce faire, la Ville entend appuyer les arts, le patrimoine et le sentiment de fierté des citoyens de Sudbury. Le plan fait également mention d’une certaine demande pour une salle de performance d’une capacité de 700 à 1200 places afin d’accommoder les artistes de la région. La salle pourrait également loger des espaces de répétitions et des studios d’enregistrement. Ce projet très attendu par la communauté artistique ne se réalisera tout simplement pas. Après avoir tenté de pousser la Ville à tenir un référendum sur la question, après de nouveaux rapports d’expertise-conseil, le conseil municipal finira par rejeter, à l’automne 2008, la plus importante des propositions aux yeux de la communauté artistique.

Le cas de la Ville du Grand Sudbury traduit toute la créativité avec laquelle une ville tente de mettre en oeuvre les thèses développées par Florida. Sudbury est une ville certes très « créative », car la réalisation des ambitieux plans culturels qu’elle s’était donnés a résulté en une créature administrative et managériale : l’horizontalité de la culture. Dans sa stratégie culturelle, on peut lire :

Pour être efficace, la stratégie artistique et culturelle de la Ville du Grand Sudbury doit être incluse, lorsque possible, dans d’autres plans et fonctions de la Ville, et particulièrement dans le Plan officiel, dans les stratégies de développement économique et de développement touristique, et dans la vision du centre-ville (Ville du Grand Sudbury, 2006).

On ne saurait énoncer plus clairement cette idée selon laquelle la culture est un outil, un moyen, et qu’elle ne devrait en aucun temps être envisagée comme une finalité en soi. En d’autres mots, la culture est devenue, au sens le plus réducteur, une solution qu’il suffirait de saupoudrer ici et là dans chacune des interventions de développement économique de la Ville. Cet éparpillement des arts, de la culture et du patrimoine est prohibitif en ce qu’il limite une véritable direction artistique et culturelle qui permettrait notamment à la ville de se surpasser et de devenir le joueur culturel qu’elle prétend vouloir être pour le nord de l’Ontario.

La ville créative : du discours politique aux déceptions

Le cas de Sudbury illustre bien les conséquences des grandes attentes qui ont été créées autour des projets inspirés de l’approche de Florida. Il nous semble que ce cas nous aura permis de faire l’esquisse de l’état des relations entre les artistes et les autorités municipales qui semblent se dégager des nombreuses expériences de la ville créative, passées ou à venir. Le discours sur la ville créative laisse espérer un jour nouveau pour les arts et la culture mais, en réalité, on assiste plutôt à une multiplication de tables de discussions, de plans et de politiques qui ne sont pas nécessairement assortis de mesures permettant de réaliser ces projets. Les acteurs de la communauté artistique sont noyés dans d’interminables consultations qui ne font que réitérer des promesses qui tardent à se concrétiser. Pourtant, la ville créative laissait entrevoir une action publique culturelle locale qui serait moins préoccupée par le patrimoine que par le soutien aux arts et aux créateurs.

Au mieux, et pour les fins de la revitalisation du mobilier urbain, les artistes seront-ils approchés dans le cadre de quelques projets de public art destinés à requalifier le centre-ville. Cependant, cette démarche ne fait pas l’unanimité dans la communauté artistique locale et nombreux sont les artistes à penser aux conséquences sociales et politiques de leur participation à de tels projets. Après tout, le public art est un acte planifié, destiné à embellir un espace urbain, qui relève d’une négociation entre les autorités municipales et les artistes intéressés. Certaines villes comme Sudbury sont réfractaires aux arts visuels et à la mise en place d’une politique de soutien systématique aux arts pour chacune des constructions publiques (Politique du 1% ou Percent for the arts). Elles sont toutefois très intéressées par de tels projets pour requalifier les espaces urbains en déclin. Il s’agit, après tout, de rendre le coeur de la ville acceptable et habitable pour la classe créative. Les projets d’art public comptent parmi les seules réalisations concrètes que peuvent soutenir les villes rurales et excentrées, dans le cadre de la logique de ville créative. Ces projets sont sans grandes conséquences à long terme pour les communautés artistiques locales, ne serait-ce que de contribuer au capital artistique d’un artiste le plus souvent déjà établi dans la région.

Loin de mettre en place une véritable vision et une direction culturelle pour les arts, les efforts se sont soldés par la création d’un nouvel objet managérial : l’horizontalité culturelle. Nouvel instrument de la gestion culturelle du local, l’horizontalité suppose la mise en place d’un inventaire culturel, une prise en considération de la culture dans tous les secteurs et un mode de coordination de l’effort culturel dans tous les secteurs d’activité de la ville. Très ironiquement, les premières discussions sur une politique culturelle à Sudbury voulaient élever les arts au rang des considérations économiques. Ainsi, les enjeux de la programmation culturelle locale sont passés des loisirs et du tourisme à une coordination diffuse et étendue dans l’ensemble de l’appareil institutionnel de la Ville. Autrement dit, la ville créative participe à l’érosion de la tradition récréologique au niveau local et, en retour, elle ne suggère pas d’arrangements institutionnels qui puissent garantir un véritable leadership culturel.