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Publié par les Presses de l’Université du Québec sous la direction de Juan-Luis Klein et Régis Guillaume, cet ouvrage rend hommage au professeur Claude Manzagol, décédé en 2008. Comme les éditeurs le constatent, C. Manzagol « a été un formidable lien entre les écoles géographiques française et nord-américaine » (p. 2). Ce lien pertinent et fructueux est également reflété par le spectre des contributions du livre, qui va au-delà du caractère de mélanges habituels. Il cherche davantage à fournir un état de l’art des courants conceptuels et écoles de pensée qui ont marqué la géographique économique des dernières décennies, et à discuter les tendances et débats actuels dans cette discipline, avant d’aboutir à un plaidoyer pour une nouvelle approche socioéconomique.

L’ouvrage est structuré en sept chapitres (cinq provenant d’auteurs basés au Québec, deux d’auteurs ayant une affiliation en France), dont un texte inédit (30 pages) de Claude Manzagol, ainsi publié post mortem. Dans le premier chapitre, Régis Guillaume présente une synthèse bien réussie de l’évolution qu’a connue la géographie économique au tournant des années 1980 et discute de son écho dans la littérature francophone (tab. 1.2, p. 14). Il n’est pas le seul à regretter qu’une grande partie des travaux maintiennent des approches plutôt descriptives, théoriquement déficientes et souvent déconnectées des débats internationaux. Faisant preuve des mérites de l’auteur, comblant justement ces déficits, le chapitre suivant, de Claude Manzagol, porte sur les complexes nord-américains de biotechnologie et présente la notion des systèmes d’innovation territoriaux (SIR). En étudiant la mondialisation dans le secteur aéronautique, pour leur part, Guy Jalabert et Jean-Marc Zuliani rendent hommage pas seulement à l’un des ouvrages centraux de Manzagol (La Mondialisation : données, mécanismes, enjeux, 2003), mais également à des travaux antérieurs focalisant sur des systèmes de production postfordistes et sur les enjeux spatiaux de la sous-traitance internationale. Le chapitre IV, rédigé par Richard Shearmur, fournit un regard critique sur le rôle des espaces métropolitains dans la performance économique et remet en question l’importance, vraisemblablement surévaluée, des services à forte intensité de connaissances (SFIC). Suit un texte de David Doloreux et Yannik Melançon, appliquant le concept des SIR à l’apport des politiques publiques et des organisations de soutien à un secteur en difficulté (l’industrie maritime au Québec). Laurent Terral et Laurent Proulhac focalisent sur les services liés à la consommation des ménages et étudient « l’économie résidentielle » de la France (chap. VI). Finalement, Juan-Luis Klein et Mathieu Roy résument les courants théoriques ayant marqué la géographie économique à partir des années 1960, avant de revenir à l’objectif ambitieux de l’ouvrage : plaider pour une nouvelle géographie économique qui suit une approche multiscalaire et qui développe une nouvelle sensibilité à la dimension socioéconomique, y compris aux nouvelles formes d’économie sociale et solidaire qu’on trouve surtout dans des contextes locaux d’après-crise.

L’ouvrage représente un complément plus que bienvenu à l’offre d’introductions francophones à la géographie économique qui est – depuis l’exception du manuel de Géneau de Lamarlière et Staszak, paru en 2000 – visiblement déficitaire en termes de références théoriques.