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La revue internationale Cahiers de géographie du Québec a produit, dans sa livraison 168, volume 59, de décembre 2015, un numéro thématique sur des recherches en géographie humaine réalisées en Afrique ou par des Africains. Le dossier thématique que nous vous présentons aujourd’hui le complète. Il collige donc des articles que nous avons reçus dans le cadre d’un large appel pour des propositions de textes traitant des rapports entre l’environnement, le développement et les sociétés.

Les champs abordés dans ces textes traitent, dans l’ensemble, de la nécessité de considérer les points de vue des acteurs pour toutes les décisions qui concernent leurs territoires, dans le respect de leur culture et de la complexité de leurs rapports à l’environnement. Certains auteurs s’intéressent aux pressions comme s’il s’agissait de forces et en font leur point de départ pour aborder les questions environnementales et leurs incidences sur la structure socioéconomique de la société. D’autres mettent en évidence l’action sociétale que les hommes et les femmes entreprennent pour améliorer leurs rapports à l’environnement et la gestion responsable des ressources naturelles, ainsi que pour mettre en place les conditions de sécurité et d’équité sociale du vivre-ensemble.

Abdourahmane SÈNE et Claude CODJIA abordent le problème de l’aménagement du territoire et des inégalités sociospatiales au Sénégal. À partir du traitement et de l’analyse (incluant la modélisation et l’analyse en composante principale qui facilite l’explication) de données démographiques, socioéconomiques et d’infrastructures sociales des différentes régions sénégalaises, ils examinent les pratiques courantes d’aménagement par rapport à la question de la justice spatiale et en démontrent les effets significatifs sur la qualité et le niveau de vie des populations.

En réponse aux pressions et aux contraintes environnementales, les sociétés puisent souvent dans l’univers mental et spirituel des populations, ce qui permet une meilleure appropriation sociale de l’innovation. Le nouvel instrument adopté dans le cadre de la mise en valeur agricole par la Loi sur l’accession à la propriété foncière agricole (APFA) pour un accès à l’eau souterraine de la région saharienne d’Adrar en est une illustration. Sid-Ahmed BELLAL et ses collaborateurs montrent que l’obsolescence du système d’irrigation par les foggaras a été à l’origine de la modernisation de l’agriculture par les promoteurs agricoles. Les auteurs essaient de repérer les dynamiques contemporaines des relations entre milieux et sociétés susceptibles de compromettre l’avenir des oasis. Bien qu’un certain nombre d’indicateurs soient au coeur des transformations affectant ces espaces oasiens d’Adrar, à savoir le système d’exploitation du milieu, la pratique agricole, l’exploitation de la ressource en eau, l’occupation et l’aménagement de l’espace, pour les auteurs, la perte du savoir-faire dans la gestion traditionnelle hydraulique, ainsi que l’introduction de techniques modernes dans l’exploitation de l’eau ont déjà fortement perturbé l’écosystème oasien.

Ouafida BOUALLAG-AZOUI et Ewa BEREZOWSKA-AZZAG, pour leur part, mettent en évidence comment la réalisation d’équipements emblématiques peut servir de levier pour la régénération urbaine en proposant une démarche de construction d’un outil qui permet de vérifier et d’évaluer cet effet de levier. Inscrits au Plan stratégique de développement d’Alger, ces équipements sont imaginés comme des catalyseurs des mutations nécessaires à la régénération réforme des localités pour s’adapter aux nouveaux besoins du développement métropolitain. En raison des difficultés à déterminer les facteurs de succès ou d’échec d’une telle édification, en conjuguant les objectifs de métropolisation avec ceux de développement local, les auteurs proposent une démarche de construction d’un outil qui permet de vérifier et d’évaluer ledit effet de levier dans la perspective d’en optimiser les incidences positives après leur réalisation ou, le cas échéant, de remédier aux insuffisances avant la prise de décision relative à la localisation de ces équipements.

Enfin, Elias Pottek, Robert Kasisi et Thora Martina Herrmann nous plongent dans l’histoire récente de la République démocratique du Congo au centre de deux guerres, l’une interétatique et l’autre civile. Ils abordent un problème presque omniprésent en Afrique, celui de l’insécurité foncière et des conflits qui en découlent. Sur fond d’analyse géopolitique critique, les auteurs explorent les interactions entre des conflits fonciers à microéchelle et des conflits ethniques, civils et interétatiques, dans la région de l’Afrique centrale. Ils démontrent comment la violence des conflits fonciers au Nord Kivu a tendance à se propager, de leurs bases rurales aux plus hauts niveaux de la société politique.

Les différentes recherches présentées dans ce dossier complémentaire au numéro thématique mettent le projecteur sur d’autres thèmes actuels de recherche en géographie humaine. Il s’agit notamment de l’aménagement et du développement du territoire, de la gestion des ressources et de la justice sociale. Les auteurs ont su montrer que la compréhension du changement, comme le succès des interventions, requièrent la prise en compte à la fois des dimensions socioculturelles, historiques et géographiques.