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Le numérique a apporté un bouleversement des équilibres entre musique enregistrée et musique live : d'abord en venant défaire le modèle économique basé sur la vente de supports, puis en amenant le live, historiquement assigné au rôle de promotion, à concurrencer le disque comme pivot central de l'industrie, et comme source de revenus première pour les artistes. Bien que remis en cause, l'équilibre n'en restait pas moins une division en deux branches d'activités distinctes (Guibert, 2020). Mais, ce bouleversement est redoublé par la captation vidéo et le streaming. Le numérique n'offre plus uniquement un canal de diffusion secondaire ou un espace de stockage a posteriori de la performance live. Avec les plateformes qui sont aujourd'hui à la croisée des chemins entre réseau social et fournisseur de contenus, comme Facebook, YouTube, Instagram ou Twitch, il en devient le lieu d'apparition, de diffusion et de stockage potentiel. Le hic et nunc de Walter Benjamin est désormais en ligne : le lieu de l'unicité de l'existence de l'œuvre d'art se déplace aussi sur les plateformes numériques, qui se font dans le même temps le lieu de conservation des reproductions. La plateforme, envisagée ici comme le lieu qui organise la relation entre des producteurs de biens, de services ou de contenus, d’un côté, et des consommateurs, de l’autre (O'Reilly, 2011), devient l'espace-temps du live. La plateforme est un espace de mise en relation technique, mais également de construction de récits qui structurent les activités qui y prennent place (Helmond, 2015). Elle agit comme un dispositif qui oriente et détermine les activités qu'elle permet (Agamben, 2006). Par cette réactualisation infomédiatisée, le live, musical ou non, au sens de « en direct », retrouve une valeur centrale après avoir été relégué, notamment par les plateformes de streaming musical, au rang d'archaïsme face à la logique de stock et l'accessibilité aux contenus.

Le présent texte s'inscrit dans le prolongement des réflexions et premiers résultats d'un travail en cours basé sur l'étude du réagencement entre logiques de stock et logiques de flux dans les espaces médiatiques dans lesquels circulent les contenus musicaux. La situation particulière de l'année 2020 a mis sur le devant de la scène le livestream, à savoir la diffusion en direct d'un flux, audio ou vidéo, sans postproduction, et redonné de l'intérêt à la dimension éphémère de l'instantané. Cette réactivation de l'unicité du hic et nunc repositionne le direct comme source de valeur et facteur différenciant dans l'offre éditoriale de musique en ligne.

Question de recherche et méthodologie

À travers une observation des initiatives mises en œuvre au cours de l'année 2020, il s'agit d'identifier des premiers éléments pour une typologie des modalités de livestream, qui prenne en compte à la fois le processus de création des contenus et leurs modalités de stockage, les modalités et les formes d'interaction autour de ces contenus et les modèles économiques liés. Dans une approche sémiologique, l'analyse qualitative menée s'articule autour de l'identification des modalités d'énonciation éditoriale (Jeanneret et Souchier, 2005). Celle-ci s'est portée sur trois faisceaux d'utilisation du livestream pour la diffusion de performance musicale. Un exemple a été choisi pour chacun des faisceaux, afin de spécifier pour chacun les trois entrées énoncées (type de contenus, interactions spécifiques et modèle économique), et envisager les types de diffuseurs spécifiques. Les trois exemples retenus sont, du plus proche du concert classique au plus hybride : la diffusion de concerts payants en livestream, la diffusion des concerts à la maison du chanteur M sur YouTube et les modalités de diffusion de lives sur la plateforme Twitch. Les deux premiers exemples font l'objet d'une analyse contrastive permettant de spécifier leurs différences. Puisque Twitch a la particularité de placer le livestream au cœur même de son offre, l'analyse proposée est plus développée. Il s'agit d'exposer la façon dont la plateforme organise ses contenus, comment ceux-ci sont classés, et donc recherchables/trouvables par les utilisateurs.

Enfin, ces éléments nous permettent de renverser le questionnement initial, en ne posant plus la question de savoir ce que le numérique fait au live, mais aussi in fine, ce que le live fait au numérique et notamment comment celui-ci, en faisant évoluer les formats, vient s'insérer dans l'offre de contenus comme facteur différenciant, marquant par là une reconfiguration possible des rapports entre musique enregistrée et musique live.

Le livestream, éléments de définition

La retransmission de concerts de musique en direct est un format classique, quoique marginal, dans l'histoire des médias radiophoniques et surtout télévisuels. Sur Internet, c'est un format relativement récent et qui a surtout été mobilisé, par les artistes amateurs ou en développement, comme un outil de communication/promotion supplémentaire ou comme une possibilité de contourner les contraintes liées à la réalisation de concerts, notamment amplifiées, dans les petits lieux de diffusion (petites salles, cafés-concerts, etc.).

En 2011 se produisent deux événements qui marquent les prémisses du livestream : YouTube lance la fonctionnalité sur sa plateforme, mais uniquement pour quelques partenaires privilégiés. La même année apparaît Twitch, qui se construit sur le livestream de jeux vidéo, à savoir la retransmission en direct de parties. L'audience de la plateforme suit le développement fort des jeux vidéo massivement multijoueurs en ligne. Twitch est rachetée en 2014 par Amazon. Tout de suite après, Mixcloud se lance dans le livestream audio. Les réseaux sociaux numériques vont suivre, comme Twitter qui rachète en 2015 Periscope, application de livestream dédiée au partage du quotidien. Facebook introduit sur sa plateforme, ainsi que sur Instagram, la fonctionnalité en 2016, pour tenter de limiter la concurrence liée au format vidéo de Snapchat, qui attend 2018 pour lancer la fonction live.

Le streaming, c'est la lecture, en simultané de sa diffusion, d'un flux audio ou vidéo. Cette technique de diffusion s'oppose au téléchargement, qui suppose de télécharger l'intégralité des données d'un fichier sur l'appareil d'écoute avant de pouvoir le lire. Le livestream, c'est donc la diffusion d'un flux en direct. Ainsi, dans le streaming, seules la lecture et la diffusion du flux sont simultanées. Le contenu diffusé, qu'il s'agisse d'un film, d'un morceau de musique ou d'un extrait de concert, a été préalablement tourné, enregistré, capté et est passé par les différents processus de montage et de calibrage propres à chaque industrie culturelle. Avec le livestream, la création, la lecture et la diffusion du flux sont simultanées. Il s’agit de l’une des caractéristiques importantes du livestream.

À côté de la dimension technique, le livestream peut aussi se définir par des modalités spécifiques d'inclusion du public. Lors d'un concert en présentiel, ce dernier dispose d'une capacité limitée d'intervention sur les contenus et le déroulement même de la performance. Il peut signifier son adhésion ou sa désapprobation, par son attitude corporelle (se lever, danser, quitter la salle...), par son attitude sonore (chanter, applaudir, huer, crier...), mais l'interaction n'est pas individualisée, sinon à la marge. Lors d'une diffusion en livestream, cette individualisation peut être renforcée et tendre vers le dialogue direct, via le chat, ou clavardage. Plus le format de la diffusion est hybride, mélangeant exécution d'œuvres musicales et temps d'échanges, et plus cette individualisation est rendue possible. Le live n'est plus uniquement un spectacle auquel assister, mais un moment auquel participer. Par les modifications qu'il permet dans la nature même de ce qui constitue un concert, le livestream apporte la possibilité d'une plus grande horizontalité dans le rapport entre l'artiste et son public.

À partir de l'offre actuelle de livestream, il est possible d’identifier trois types de services qui conditionnent en partie une dé-verticalisation du rapport artiste-public :

  • des outils de diffusion spécifiquement dédiés au livestream : solutions techniques s'insérant dans des systèmes existants, en marque blanche ou non, par exemple sur le site Internet d'une salle de concert ;

  • des plateformes dont l'agentivité se situe entre le partage de contenu et le réseau social, dont le livestream n'est qu'une fonctionnalité possible, et qui n'était pas présente le plus souvent à la création de la plateforme ;

  • des plateformes dont l'agentivité se situe entre le partage de contenu et le réseau social et dont le livestream est la fonctionnalité principale.

Les cas d'études retenus illustrent chacun un de ces types de services. Le streaming payant pour le premier, YouTube pour le second et Twitch pour le troisième. À partir des trois cas d'étude retenus, trois grandes entrées ont été définies pour analyser les propositions de ces services :

  • la création des contenus. L'absence de montage/postproduction produit une logique qui diffère de celle amenée par les réseaux sociaux numériques de partage de contenus « classiques », qui encouragent à produire, même pour les amateurs, des contenus travaillés, pensés et montés comme des contenus professionnels. Les possibilités d'intervention a posteriori sur ce qui a été diffusé sont très faibles voire inexistantes ;

  • les interactions rendues possibles par les fonctionnalités de type réseaux sociaux numériques qui accueillent les diffusions en livestream. Les discussions et les feedbacks sont instantanés et centralisés au même endroit. L'espace du live est celui qui accueille les réactions et critiques, mais aussi les échanges directs entre la ou les artistes et le public qui assiste au concert ;

  • le modèle économique. Il peut être de trois types, en fonction de la plateforme utilisée : le paiement d'un billet d'entrée au livestream, la monétisation publicitaire de la diffusion (et de ses rediffusions), le pourboire/abonnement (pourboires).

Livestream et confinement

Le confinement lié à la pandémie de la COVID-19, la fermeture consécutive des lieux culturels et la rupture du lien physique permise par le concert, semblent avoir suscité, tant du point de vue des artistes que des publics, un besoin accru de « garder le contact ». Dans cette logique, le livestream, par la spécificité du « direct », semble avoir été une forme adéquate pour permettre une interactivité re-mediée (et même renforcée) selon de nouvelles modalités. Le live est aussi un moyen de ne pas vivre uniquement comme un producteur de contenus pour des plateformes de mise à disposition. Confinés, les publics ont augmenté leur consultation de contenus culturels en ligne, comme le souligne l'étude réalisée par le ministère de la Culture, à partir des résultats d’une enquête sur les pratiques culturelles pendant le premier confinement de mars à mai 2020 (Jonchery et Lombardo, 2020). Notamment, le visionnage de vidéos sur Internet a fortement augmenté. Les deux tiers de la population s’y sont ainsi adonnés pendant le confinement en 2020, contre la moitié en 2018, avec une hausse très sensible chez les plus de 60 ans, réduisant l'écart entre générations sur le recours aux ressources numériques culturelles.

Si les effets de cette situation exceptionnelle restent encore largement à étudier, trois temps se dégagent cependant de l'utilisation du livestream en 2020, lesquels se caractérisent par une évolution marquée à la fois par des évolutions sur le plan artistique, sur la dimension technique et sur les modèles économiques :

  • un premier temps, pendant le premier confinement (mars-mai 2020), marqué par les initiatives spontanées des artistes, qui se sont emparés des outils à leur disposition, en l'occurrence les réseaux sociaux numériques de partage de contenus ;

  • un second temps, à partir du déconfinement de mai 2020 et durant le temps court de réouverture des lieux culturels puis de fermeture, mais uniquement aux publics. Ce temps a pu être mis à profit par les artistes, mais également par les salles de spectacle pour structurer une offre professionnalisée, à la fois dans la conception des contenus et dans les moyens techniques alloués. Cette phase s'est caractérisée par une offre gratuite.

  • un troisième temps, à partir de l'été 2020 et renforcé au second confinement (octobre 2020), qui a vu à la fois augmenter l'offre de livestream payant réalisé avec des outils ad hoc, ainsi que le nombre de prestataires techniques. La base de données professionnelle du Centre national de la musique relève une hausse de 30 % du nombre d'entreprises spécialisées dans le service de livestream sur l'année 2020.

Contenus : transposition en ligne et nouveaux formats

Les concerts payants en livestream observés pendant 2020, sur la plateforme Shotgun ou via une billetterie classique, bien qu'étoffés de fonctionnalités supplémentaires, s'apparentent, en termes de forme, à des retransmissions télévisées. Ils bénéficient d'une qualité visuelle et sonore plus ou moins élevée et sont augmentés de quelques contenus « bonus ». L'organisation des contenus sur la plateforme se limite à une présentation de la programmation sous forme de calendrier, à l'instar d'un site de billetterie ou de la section « programmation » du site d'une salle de spectacles. Ces diffusions en livestream payant sont venues répondre, dans l'urgence, à une situation ponctuelle, à savoir les contraintes liées au confinement. Elles ont été avant tout réalisées par les artistes professionnels, les producteurs de spectacles et les gestionnaires des salles de concert. D’ailleurs, les confinements successifs ont accéléré l’équipement des salles en matériel de diffusion. Il s'agira d'observer à l'avenir les agencements potentiels proposés par les salles de spectacle entre présentiel et livestream. Une double proposition sera-t-elle systématiquement proposée ? Dans quelle mesure le livestream viendra reconfigurer la chronologie du spectacle vivant, notamment sur les utilisations secondaires ? Le présentiel pourrait être appelé à devenir une forme réservée aux artistes les plus populaires et économiquement rentables et les nombreux artistes allant des amateurs aux émergents cantonnés aux flux de lives en ligne.

Comme expliqué précédemment, le premier confinement a d'abord été synonyme d'investissement du livestream via des initiatives individuelles d'artistes souhaitant garder le contact avec leurs publics. Nous avons choisi de considérer le recours au livestream du chanteur M sur YouTube, placé dans le sillon de l'initiative #ensembleàlamaison/#togetherathome. Son compte officiel compte, début 2021, douze séances. La première s'est déroulée le 16 mars 2020, une semaine à peine après le début du confinement. Les séances suivantes ont eu lieu le 21 mars, le 26 mars, le 2 avril, le 9 avril, le 19 avril, le 2 mai, le 14 mai, le 28 mai et le 21 juin. Deux séances supplémentaires ont été ajoutées les 3 et 21 décembre 2020. L'essentiel des diffusions s'est donc concentré sur le premier confinement.

Le chanteur, qui est aussi réalisateur artistique et arrangeur, dispose d'un matériel à domicile permettant des retransmissions d'une qualité sonore et visuelle correcte, mais c'est la dimension d'intimité qui est mise en avant. La proposition se veut être une porte ouverte, en musique, sur la maison et la vie de l'artiste, qui convie d'autres artistes ou met en scène sa famille sur scène. Les soucis techniques éventuels, problèmes de son et d'image, intervenus surtout dans les premières tentatives, ne sont pas vécus par les internautes comme problématiques, mais comme une garantie d'authenticité et de transparence.

Le livestream est un prolongement logique de la proposition initiale de YouTube, à savoir l'hébergement de contenus vidéos. Le direct se développe fortement depuis le confinement et semble vouloir s'installer dans la durée. Un onglet « en direct » est désormais accessible, dès la page d'accueil, pour recenser les diffusions en live des chaînes suivies par l'utilisateur. Mais, ces contenus sont en concurrence avec les millions de vidéos déjà présentes. Les diffusions en live interrogent les formats produits par les youtubeurs. La chaîne de production sur YouTube s'est professionnalisée, pour atteindre des standards de qualité d'écriture, d'image, de son, de montage et de postproduction de plus en plus élevés. L'instantanéité et l'absence de montage et de postproduction des diffusions en direct introduit une logique de flux dans une plateforme dédiée aux contenus de stock et définit de nouveaux standards de formats et de qualité de production. Également, nous avons remarqué que le recours à YouTube pour livestreamer a été une option plutôt privilégiée par les artistes bénéficiant d'une notoriété déjà établie. Leur chaîne est identifiée, leur fanbase déjà présente. Il aurait été plus difficile, ou moins efficace, d'aller investir une nouvelle plateforme et d'y faire migrer leur audience.

Interactions : recréer la salle de concert en ligne

Certaines plateformes, comme Shotgun, ont développé des fonctionnalités sociales autour du live, mais celles-ci sont toujours tournées vers les interactions entre participants: réactions, commentaires, discussions via les chats. Le feedback sonore et visuel direct de la foule d'un concert devient une quantité de commentaires ou de types d’émoticônes partagés. Mais, ces réactions n'influent pas sur le contenu même de la performance. Ce sont les interactions dans la salle de concert qui doivent être recrées, sans remettre en cause le format même du concert. L'offre de livestream payant s'est principalement limitée, pendant la période du confinement, à une diffusion en ligne de concerts empêchés par les fermetures des salles. Il s'agissait de continuer à proposer des événements, mais sur le modèle classique du live : une entrée payante pour accéder à une performance donnée. Si le livestream s'installe durablement comme une extension des propositions de concert, les fonctionnalités permettant d'augmenter l'interactivité pourraient être développées et systématisées.

Sur YouTube, les interactions lors des concerts à la maison de M sont limitées à des réactions aux commentaires partagés en direct, qui occasionnent des prises de parole entre les morceaux joués moins formatées que dans un concert classique. La forme du concert se rapproche d'une performance dans une petite salle de diffusion, où la taille de la jauge et les moyens techniques limités favorisent la proximité et, donc, potentiellement des échanges directs entre l'artiste et son public, dont la séparation dans l'espace n'est pas nécessairement matérialisée par une estrade ou un éclairage. Cela ne détourne pas pour autant complètement la forme de l'échange et les rôles assignés (jouer un concert/écouter un concert), mais peut modifier, à la marge, les contenus et le déroulement du live.

Modèle économique

Si Shotgun s'apparente plus à une professionnalisation d'une offre se rapprochant de ce que peut proposer un service comme Boiler Room (qui a initialement construit son offre sur l'idée d'une caméra fixe dans les clubs pour offrir une fenêtre sur l'underground électro), les concerts physiques transposés en livestream reproduisent le modèle économique du live en présentiel. Il faut s'acquitter d'un droit d'entrée pour accéder au concert, comme avec une billetterie classique. Considérant les concerts de M Pokora à La Seine musicale le 8 décembre 2020 et celui de Jenifer à l'Olympia le 13 décembre, il est possible de remarquer que l'offre de billetterie proposait deux catégories : premium et VIP (les tarifs sont issus des sites Internet de billetterie ou des organisateurs, salles ou producteurs de spectacles). Pour M Pokora, le ticket premium à 24,99 € incluait le droit d’entrée, ainsi que la possibilité de choisir parmi quatre angles de caméras et enfin d'avoir un court échange en direct. Le billet VIP, à 49,99 €, incluait, en plus, un accès aux coulisses, avant et après le concert, la possibilité de voter pour le titre de rappel, ainsi qu'un t-shirt de collection. Pour Jenifer, les billets, incluant les mêmes accès que ceux de M Pokora, mais à un tarif différent, proposaient également l'accès à des contenus exclusifs (les minutes d'avant la montée sur scène pour le billet premium à 19,99 €, et une visite des coulisses de l’Olympia avec l’artiste de même qu'une chanson interprétée en acoustique pour le billet VIP à 24,99 €. Ces événements ont une durée de vie limitée au temps du concert. Ils ne sont ni stockés ni disponibles en rediffusion (replay). Les utilisations secondaires potentielles ne sont pas exploitées immédiatement.

Sur YouTube, les concerts en livestream reprennent le modèle économique de la plateforme. Si le concert est gratuit, le direct et la rediffusion sont monétisés par la publicité. Les revenus liés sont donc prolongés tant que la vidéo est accessible en ligne. À l'issue des directs, les lives sont disponibles en rediffusion, à la demande, puisqu'ils sont stockés de façon permanente sur le compte officiel de M. La plateforme laisse le choix aux créateurs de choisir ce qui reste consultable en ligne. Les lives et leurs rediffusions sont donc considérés comme n'importe quel autre contenu diffusé sur la plateforme.

La distinction entre le livestream payant, transposition plus ou moins augmentée du concert en présentiel, et le livestream en accès direct sans billetterie, mène à se demander si le livestream peut être au live ce que le streaming a été à la musique enregistrée. Si le potentiel de court-circuit de la chaîne de valeur reste à affirmer, une segmentation des musiciens par niveau de notoriété pourrait s'opérer : le livestream payant serait réservé aux artistes professionnels ayant une notoriété suffisante. Les plateformes sans billetterie seraient investies par les artistes amateurs ou émergents et ne constitueraient pour les professionnels qu'un outil ponctuel de marketing. La phrase suivante peut être appliquée au livestream, écrite à propos de MySpace :

Ces plates-formes sont utilisées par les artistes notoires et signés comme un outil de communication et de marketing plus efficace, transparent et mieux ciblé que les outils existants. Elles permettent également à des artistes non-signés, à la notoriété inexistante ou très locale, de toucher un public plus large, avec succès dans certains ca.s. (Beuscart, 2007).

Le live redeviendrait un produit d'appel, non plus au service de la vente de supports de musique enregistrée, comme au XXe siècle, mais au service de la monétisation et de la notoriété. Un mouvement qui va dans le sens de la maîtrise, par les industries de la communication (informatique, télécommunications et web) de la production symbolique (Bullich et Schmitt, 2019).

Twitch, la salle de concert qui ne ferme jamais

En tant que plateforme de mise à disposition de flux vidéo, Twitch correspond à la définition d'une « architecture programmable conçue pour organiser les interactions entre usagers » (Dijck et al., 2018, p. 4). Pour comprendre ses spécificités, il faut donc à la fois s'intéresser à l'architecture et aux interactions.

Comme pour le jeu vidéo, qui est le domaine originel et premier de Twitch, le régime de proximité est un déterminant fort de la production musicale plateformisée (Coavoux, Roques, 2020). Cette notion de proximité vient se placer à l'encontre de la forme du live « classique ». Là où la scène devient un élément de mise à distance, limitant l'interactivité entre un artiste et son public, la plateforme devient le support d'un rapprochement possible, voire d'une intimité. Ce que ce rapprochement induit, c'est la construction d'un modèle de relation artiste/public basé sur l'authenticité, la spontanéité et la création de liens interpersonnels (Hochschild, 2017), matérialisé techniquement par la possibilité de discussion directe (chat) et l'absence de montage et de postproduction du flux vidéo, qui conserve ainsi son caractère d'authenticité, même en rediffusion. Ce dernier élément peut se rapprocher de la performance sur scène (sans montage), mais marque une différence avec le live enregistré, dont l'image et le son peuvent être retravaillés.

Toute personne se créant un compte sur Twitch peut devenir diffuseur. Les producteurs de musique (entendu au sens de producer, celui qui « fait des prods » et non de producteurphonographique ou de spectacles), les chanteurs et musiciens ont ainsi à leur disposition un outil de livestream. La diffusion peut se faire selon différents niveaux d'outillage et de compétences techniques : avec un simple smartphone, un ordinateur de bureau ou portable, avec ou sans matériel plus avancé (micros, caméras et interface audio). La diffusion peut se faire à partir de l'application téléchargée ou via un navigateur.

L'organisation des contenus

Pour l'utilisateur/spectateur, l'organisation de l'interface est simple. Une fois connecté, quatre grandes entrées sont proposées : Jeux, IRL, Musique, Esports. Fidèles au positionnement initial du site, deux de ces entrées concernent le jeu vidéo.

À l'intérieur de la partie « Musique », la possibilité est donnée de « Parcourir par genres populaires », montrant ainsi à la fois les genres populaires auprès des utilisateurs, mais aussi un système d'organisation des connaissances (SOC) par genre musical, reprenant les catégories des SOC épistémiques généralistes courants (Zacklad, 2013 et 2018), similaires à celles mobilisées par les plateformes de streaming et les radios musicales (Bigay, 2021-1). Twitch en fait apparaître 14 (exemples : Musique électronique, Musique dance, Hip Hop, Pop, Musiques du monde, Rock, RnB, Musique alternative, Rap, Acoustique, Musique soul, Blues, Classique, Musique country...). Ces catégories apparaissent sous forme de mots-clés cliquables, qui varient en fonction des habitudes de consultation. Ensuite, les streams musicaux s'affichent en vignettes selon quatre grandes entrées, dans une présentation graphique qui n'est pas sans rappeler celle de YouTube. Les suggestions s'affichent avec une image (vignette), le titre du stream, le nom du streamer, la catégorie dans laquelle il s'inscrit (musique) et un à quatre mots-clés : la langue du live (chinois, russe, anglais, espagnol, allemand, français, etc.), un ou deux mots-clés de genre musical, un mot-clé de qualification du performer (DJ, musicien, chanteur...). Ne sont mis en avant que les événements se déroulant au moment de la consultation. Aucun contenu « de stock » n'est proposé (pushed). Les catégories proposées mélangent de la recommandation personnalisée selon les habitudes de consultation (« Streams musicaux pour vous » et « Artistes suggérés ») et selon le type de contenus (« Spectacles et événements en live », « Productions musicales et discussions »).

Lorsque un live en cours est cliqué, sa page s'ouvre, sur laquelle apparaissent le flux vidéo, le chat, les informations générales du compte diffuseur (nom, nombre de followers, mots-clés, liens vers d’autres réseaux sociaux) ainsi que les règles d'interaction de la chaîne. Si l'utilisateur clique sur le nom du compte diffuseur, il est alors rerouté vers la page du compte en question. Le live en cours s'affiche toujours dans l’en-tête de la page et les mêmes interactions sont accessibles. En plus, d’autres ongles apparaissent : « Accueil », « Bio », « Programme » (le programme remonte deux mois en arrière et va un an en avant), « Vidéo », « Chat ». Si sur la chaîne YouTube d'un artiste apparaissent les liens vers les autres réseaux sociaux de celui-ci, ils ne sont pas mis en avant, mais relégués dans le dernier onglet « À propos ». Sur Twitch, en revanche, ceux-ci sont mis en avant à la fois dans la une des biographies et celle des lives. La dimension Hub à partir duquel l'univers de l'artiste se déploie est ainsi matérialisée. Sur les plateformes de streaming, c'est le titre qui est au centre, renforcé par la logique de playlisting : le titre peut être déconnecté de l'artiste, de l'album, etc. Sur la plateforme de livestream, l'artiste est au centre de l'organisation des contenus. C'est un effet de la performance live, en direct : C’est le concert de l’artiste qui est écouté, pas un titre ou un album.

Pour ce qui est des contenus des directs, l'agentivité induite ou encouragée par Twitch, qui reste toujours la plateforme de référence pour les lives de jeux vidéo, met au centre la discussion et l'échange autour de l'action en train de se dérouler. Ainsi, comme les lives proposés par les rappeurs BigFlo et Olli, l’exécution de musique est annexe, ce n'est qu'une des possibilités. Les échanges et discussions directes avec les utilisateurs constituent l'essentiel de la retransmission, ponctués de freestyles ou de performances musicales. Le régime de proximité illustré ici est celui de la discussion entre amis, sur un canapé ou via un service de messagerie instantanée.

Ce type de contenu, à la durée de vie plus limitée (l'intérêt étant d'être de ceux qui discutent directement avec les artistes), amène un autre choix dans l'exploitation secondaire des lives : il n'y a pas de stockage sur le long terme. Les émissions sont visibles en rediffusion dans une période limitée.

Des performances hybrides

Si, comme pour le live, le livestream nécessite une rencontre entre un ou des musiciens et un public et un agencement particulier de conditions matérielles et culturelles (Baxter-Moore et Kitts, 2016), le livestream modifie les rapports entre les parties prenantes. À partir du live ou du compte du performer live, les interactions possibles, pour l'utilisateur/spectateur sont : regarder, chatter, suivre le compte, partager, signaler et s'abonner. Si la plupart des fonctionnalités sont celles qui se retrouvent sur tous les réseaux sociaux, deux retiennent cependant l'attention. Tout d'abord, la possibilité d'échanger directement avec l'artiste diffuseur, via le chat. Ce chat peut être réservé aux followers ou aux seuls comptes certifiés. En fonction du type de retransmission, celui-ci prend une place différente. On peut distinguer quatre niveaux d'utilisation du chat :

  • dans les lives de type « concert » ou soirée (Djs) : l'artiste réalise sa performance en direct et n'intervient pas sur le tchat. Ce dernier sert alors de fil d'échanges entre les spectateurs. Il s’agit d’une configuration proche du concert classique, en salle, où le public peut plus ou moins échanger autour de la performance. Les échanges avec le public se limitent aux interpellations possibles ou à l'animation menée par l'artiste ;

  • dans les lives de type intermédiaire, où la ou les artistes proposent un concert filmé en direct, mais utilisent le chat pour interagir. Un modérateur peut être présent pour filtrer ce qui sera repris, discuté ou répondu par les musiciens diffuseurs ;

  • dans les lives où la performance musicale est entièrement, ou en grande partie déterminée par l'échange (par exemple le format populaire de « jukebox live », où le ou les musicien(s) joue(nt) en direct les morceaux suggérés par le public). Le chat devient le point de départ du contenu du concert ;

  • dans les lives où la performance musicale n'est pas ou plus le cœur même de la diffusion, le concert se transforme en une discussion directe entre le, la ou les artistes et le public, qui peut être ponctuée d’exécution musicale.

Ces quatre niveaux d'utilisation du chat définissent deux grandes catégories d'interactivité : la première s'apparente au live classique, sur scène, où le public peut avoir, à la marge une discussion directe ou une influence sur le déroulement du concert. La deuxième catégorie, quant à elle, pose l'interaction au centre de la performance. Au sein de cette deuxième catégorie, où le contenu du live est déterminé par l'interaction avec le public, se distingue tout d'abord ce qui relève d'une forme spécifique de concert mais pré-existante au numérique, à savoir le fait de jouer « à la demande ». Ce sont les personnes qui assistent au concert, et le contenu de leurs interactions avec le, la ou les artistes qui déterminent tout ou une partie de la performance.

Ce qui peut apparaître comme une spécificité amenée par les plateformes de livestream qui, en termes d'agentivité, ajoutent à la diffusion de directs des fonctionnalités de type réseau social, c'est la forme déterminée par le quatrième niveau d'utilisation du chat. Dans celle-ci, l’exécution de musique, le fait de jouer en direct n'est plus l'élément principal de la diffusion. Le live devient un espace-temps où la discussion, ponctuée de performances musicales dessine le contour de la proximité. Le musicien entrepreneur, sur les réseaux socio-numériques, se fait musicien animateur de communauté. Et le live vient ajouter une dimension supplémentaire et donc des compétences nouvelles à acquérir ou à travailler. Le live vient prolonger la logique d'action de promotion socialisante à laquelle se livrent les musiciens, augmentant par là aussi l'incitation qui leur est faite d'adopter une posture d'entrepreneur de leur visibilité (Costantini, 2020).

Le modèle économique

Le modèle économique des shows diffusés en livestream repose sur deux axes. Le premier est celui qui a été popularisé par YouTube, dans une logique de stock à la demande, consiste en une monétisation publicitaire des lives et des rediffusion. Celle-ci peut passer par du partenariat ou du sponsoring pour du placement de produits dans les vidéos, ou par de la vente d'espace publicitaire classique (bandeau, pre-rolls, etc.). Mais la spécificité de Twitch, c'est d'intégrer dans la plateforme, donc dans l'espace même de diffusion des lives, les mécanismes de rémunération immédiate entre un auditeur et un créateur de contenus. Contrairement à la monétisation publicitaire, les transactions se font sans intermédiaire autre que la plateforme. Alors que YouTube ne propose que cette dernière et oblige les créateurs de contenus à passer par des plateformes extérieures (comme Tipeee) pour gérer les soutiens financiers directs.

Ces mécanismes sont de deux ordres : la possibilité de « tiper » (donner un pourboire) ou de payer un abonnement aux streamers. Ainsi, il est possible de faire un don ponctuel, ou de montrer son soutien de façon plus prononcée via un abonnement, qui propose, en fonction des streamers, différents niveaux de prix, donnant accès à différents avantages : contenus exclusifs, émoticônes exclusifs pour le chat, etc.

Avec la possibilité de « tiper », il y a un mécanisme proche du spectacle de rue ou du concert « au chapeau ». Le spectateur tombe plus ou moins par hasard sur le spectacle. Un élément visuel ou sonore retient son attention. Il s'arrête quelques instants pour écouter et regarder (sur un trottoir comme sur une page). Ce qu'il voit lui plaît, il met une pièce dans le chapeau (réel ou virtuel). Ce qu'il voit ne lui plait pas, il passe son chemin et change de compte ou de trottoir.

Livestream, logique de stock et logique de flux

La montée en puissance du livestream au cours de l'année 2020 vient également interroger, non plus ce que le numérique fait au live, mais, en miroir, ce que le live fait au numérique. Dans une lecture de la musique en régime numérique envisagée comme une recomposition entre logique de stock et logique de flux, la question de la place du live, du direct, apporte une dimension supplémentaire dans l'évolution des agencements médiatiques. En effet, si les premiers temps de la musique en régime numérique (époque du téléchargement et premières années du streaming) ont fait la part belle à la logique de stock, pouvant laisser penser une mort du média radio et de sa dépassée logique de flux, c'est bien plus à une convergence, dans leurs évolutions, entre médias historiquement de flux (radio) et initialement de stock (plateformes de streaming) à laquelle on assiste (Bigay, 2022). Les premiers opèrent un mouvement de relinéarisation à partir de stocks de documents délinéarisés. Les seconds, par leurs prolongements numériques, s’émancipent de la logique fermée d’antenne pour construire des écosystèmes où l’auditeur/internaute évolue plus librement (Glevarec, 2014).

Les plateformes de streaming musical se situent à mi-chemin entre deux techniques d'écoute musicale qui illustrent une logique de stock et une logique de flux : la collection de disques et la radio (Beuscart, Coavoux, Maillard, 2019). Les « médias » de stock (plateformes de streaming), ont réintroduit le flux, en copiant le modèle de la radio : au-delà de l'indexation des directs radios, propositions de flux ininterrompus de musique, comme la fonction « flow » de Deezer, éditorialisation mettant en avant non pas l'écoute à la demande, mais les différentes dimensions de la recommandation et donc la délégation du choix de la musique écoutée à un tiers (la plateforme ou les autres utilisateurs), le mix grandissant entre contenus musicaux et contenus non-musicaux. Dans le même temps, plusieurs radios, de service public comme privées, se sont inspirées des plateformes de streaming dans leurs prolongements numériques. FIP est en ce sens exemplaire, où le direct antenne n'est qu'une proposition mise au même niveau que les playlists par style musical. La playlist qui est le format archétypal de flux éditorialisé, constitutif de la radio et canonique du streaming (Bigay, 20212).

Alors que les plateformes de streaming pure player auraient pu, pour se différencier et marquer leur avantage concurrentiel, investir la dimension du live, en se positionnant comme hébergeur des livestreams des artistes présents dans leurs catalogues respectifs, elles se contentent (pour l'instant) de recenser les livestreams comme événements, au même titre que les concerts physiques, dans l'onglet « concerts » des pages artistes. Elles laissent le champ aux intermédiaires techniques pour des solutions ad hoc ou aux réseaux sociaux numériques. Amazon music, propriétaire de Twitch, intègre désormais le livestream à sa plateforme de streaming musical, se rapprochant ainsi des modèles 360° des plateformes asiatiques comme Xiami Music. Un modèle qui pourrait s'inscrire dans la continuité ou dans l'hybridation des modèles 360° artiste et 360° consommateur, renforçant encore plus le repositionnement du spectacle vivant au cœur de l’économie de la musique (Guibert et Sagot-Duvauroux, 2013). Doublées par les réseaux sociaux, les plateformes de streaming pure player, qui ne proposent que du contenu et de la recommandation, vont-elles rater la troisième étape de la courte histoire de la musique en ligne ? Après l'étape du stock, puis celle du flux, la réintroduction, avec le livestream, de la dimension éphémère de l'instantané, peut amener un retour en grâce du direct comme source de valeur et facteur différenciant dans l'offre éditoriale. Pour la musique live, il ne s'agit plus de rivaliser avec les médias de divertissement de masse (Baumol et Bowman, 1966), mais de prendre sa place comme partie prenante de ceux-ci. Le live doit ainsi suivre les évolutions des contextes économiques et sociaux apportées par le numérique, comme ce fut le cas avec la musique enregistrée (Frith, 2007).

Conclusion

Le livestream, qui a connu un développement rapide sous l'effet du confinement lié à la pandémie de la COVID-19, représente-t-il une tendance de fond, ou est-il dépendant pour son avenir de la fermeture conjoncturelle des lieux de concerts ? Une question qui ouvre des perspectives de recherche sur les modalités d'agencement entre concert en présentiel et livestream, et appelle à mener une enquête plus large pour spécifier des typologies des lives plus précises. Il conviendra également d'analyser l'impact de l'arrivée de nouveaux services, comme Facebook Live (payant). Ce qui se dessine semble plutôt reprendre un schéma classique de l'organisation de la filière musicale, avec une mise en adéquation des formats avec le degré de notoriété des artistes.

Le livestream gratuit, mais reprenant le format d'un concert, allant d'une diffusion simple à des degrés d'interaction réduits (commentaire, question/réponse très ponctuel), se pose pour les artistes ayant déjà une notoriété et une audience, comme une modalité supplémentaire intégrée à leur stratégie de communication. Celle-ci se construit à côté des concerts physiques, comme une application de la logique freemium/premium au spectacle. Le live redevient un produit d'appel, pour lui-même, pour l'artiste et son univers, symbolique et matériel.

Le livestream hybride, qui mixe diffusion et interactions, est pour l'instant, à quelques exceptions près, plutôt utilisé par les artistes amateurs ou en développement. Dans celui-ci, l'exécution de musique n'est qu'un des contenus possibles des diffusions. Le live se voit ainsi influencé, dans ses formats, par la production et l'échange de contenus sur les réseaux sociaux. Tout en venant compléter l'offre de petits lieux de concert où se produire, contrainte par une législation sur la gestion sonore plus drastique depuis le décret 2017-1244 du 17 août 2017[1], cette dynamique peut accentuer la tendance à envisager les créateurs comme des producteurs de contenus pour les plateformes du web.

Enfin, le livestream payant, conçu sur le modèle du payperview, qui vient en complémentarité ou en prolongement d'événements physiques, est mobilisé par les salles et les producteurs de spectacles afin de toucher des publics éloignés ou contraints, tout en étant créateur de valeur. Dans cette dernière situation, qui superpose live physique et livestream, une modification des audiences potentielles s'opère. Il n'y a plus uniquement une audience physique, présente à l'événement, et une audience distante qui suit celui-ci, via les réseaux sociaux (Bennett, 2014). Se créé alors une troisième audience, intermédiaire, qui n'est pas présente physiquement, mais qui assiste au concert en direct. C'est d'ailleurs la notion même de présence qui doit être réexaminée. Quelles sont les modalités de présence d'un public distant, mais qui assiste en direct à un concert, et qui dispose potentiellement d'outils d'interaction avec l'artiste, avec le public présent physiquement, avec le public présent en livestream et avec l'audience distante non connectée au livestream (comme Akius qui propose en plus du chat, d'afficher quelques secondes en vignette sur l'écran du live la caméra des spectateurs) ? La solution de livestream choisie pour diffuser en ligne le concert, de la simple retransmission à la proposition d'un événement interactif mobilisant les fonctionnalités de réseau social d'une plateforme ou d'un outil ad hoc, détermine en partie les réponses à ces questions. Les modalités d'inclusion de ce public non présent représentent un champ d'étude à investir.