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Depuis une dizaine d’années, l’effectif des jeunes a diminué dans plusieurs régions du Québec et, d’après les projections, l’exode des jeunes des milieux ruraux va se poursuivre, sinon s’accélérer (Statistique Canada, 2002). Au Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ), le phénomène de l’émigration des jeunes a pris de l’ampleur entre 1996 et 2001, exacerbant les effets de la baisse de la natalité. En 1971, la cohorte des 5-14 ans comprenait au total 69 895 jeunes en comparaison de 35 520 en 2001, ce qui constitue une diminution des cohortes quinquennales de près de 50 % en 30 ans (tableau 1). Pour chaque période décennale, le groupe des 5-14 ans, devenus les 15-24 ans, a connu une migration notable, phénomène qui s’est accentué au cours de la période 1991-2001.

Tableau 1

Évolution de six cohortes de 5-14 ans au Saguenay–Lac-Saint-Jean, 1971 à 2001

Évolution de six cohortes de 5-14 ans au Saguenay–Lac-Saint-Jean, 1971 à 2001
Sources : Statistique Canada, 1971 à 2001; compilations spéciales réalisées pour la Direction des ressources humaines Canada; 2001 : no 95F0486XCB01001 au catalogue.

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Pour les communautés des régions ressources du Québec, la question de la place des jeunes et de leur poids démographique est liée à celle de leur développement à long terme. Lorsque des jeunes quittent leur milieu d’origine, leur communauté est privée de talents qui pourraient contribuer à la développer (Gauthier, 1997a; Ley et al., 1996).

Les jeunes qui ont l’intention de quitter les régions rurales diffèrent-ils de ceux qui veulent y demeurer ? Qui sont ces adolescents qui deviennent de moins en moins intéressés à vivre auprès de leur famille au terme de leurs études secondaires ? Dans quelle mesure des facteurs comme la prise de conscience de la rareté des emplois offerts dans leur région ou une mésentente avec leurs parents jouent-ils un rôle ? Quelle est la part respective des attitudes face à la quête d’un avenir meilleur et des facteurs psychologiques dans la gestation de l’intention de migrer chez les jeunes ? Pour s’en faire une idée, il faut connaître les caractéristiques individuelles des jeunes avant leur départ (Dupuy et al., 2000). Étudier l’intention de migrer permet de mettre en lumière des faits relatifs au moment et au contexte de la décision même de migrer (De Jong et al., 1996).

Selon Pollard et ses collaborateurs (1990), l’émigration rurale n’est pas un événement fortuit mais un processus sélectif. Les jeunes migrants ne sont pas un échantillon aléatoire de la population totale de jeunes ruraux et doivent donc avoir, avant leur départ, des caractéristiques différentes de celles des non-migrants. D’ailleurs, l’âge, le genre et des aspirations scolaires élevées ont maintes fois été liés à la sélectivité du processus migratoire (Gauthier, 1997b; Pollard et al., 1990). Des comparaisons effectuées auprès de 2637 jeunes Américains ayant terminé leurs études secondaires dans des milieux ruraux ont révélé que ceux qui ont migré six ans plus tard avaient des parents plus instruits, suivaient des programmes débouchant sur des études post-secondaires et jouissaient d’habiletés cognitives supérieures (Pollard et al., 1990).

Comme le font remarquer Assogba et Fréchette, étudier la migration des jeunes, c’est parler de mouvements de population, mais aussi de dynamiques individuelles : « Lorsqu’il a migré ou cherche à le faire, l’acteur social est une personne individuelle et sociale intentionnelle qui s’inscrit dans un processus psychologique et social » (1997 : 235). Pour Gauthier (1997a), la migration est intimement associée au processus de socialisation, parce que quitter sa région et son lieu de naissance est à la fois un moyen et une condition d’accès aux apprentissages formels et informels nécessaires à diverses inscriptions dans le monde contemporain. Il importe donc de circonscrire les facteurs psychologiques et sociaux qui enclenchent le processus migratoire. Cette information pourra aider les décideurs à cerner les facteurs associés aux modèles de migration des jeunes issus des régions périphériques et contribuer à la définition de politiques locales propres à endiguer le départ des jeunes les plus scolarisés, que les élites locales se représentent parfois comme un exode des cerveaux.

Parmi les multiples influences qui pèsent sur la migration des jeunes, la littérature met en évidence les facteurs reliés aux aspirations professionnelles. Selon certains auteurs, en milieu rural, les jeunes filles n’ont pas les mêmes aspirations professionnelles que les jeunes garçons et sont plus enclines à quitter leur milieu d’origine pour atteindre leurs objectifs (Andres et al., 1999). Lorsque le milieu n’offre pas aux jeunes les conditions propices à la poursuite de leurs études et de leur formation professionnelle, la migration peut apparaître pour eux comme un impératif (Gauthier, 1997a). Les jeunes femmes sont spécialement portées à citer les occasions de travail offertes par les grandes villes parmi leurs motifs de migration (Roy, 1992).

La façon dont les jeunes perçoivent leur communauté est aussi une dimension cruciale de l’intention de migrer (Roy, 1997). S’ils jugent leur communauté inapte à créer les conditions économiques favorables à leur avenir, certains individus rechercheront ailleurs une vie meilleure (Pollard et al., 1990). Par contre, soulignent Elder et ses collaborateurs (1996), à la suite de Hummon (1992), Salamon (1992) et Stinner et al. (1992), les liens avec la famille et l’« église » (la paroisse, pour ce qui est du Québec), institutions importantes en milieu rural, ainsi que les liens d’amitié peuvent influer directement sur l’attachement des jeunes à leur région. Il s’ensuit qu’une faible participation communautaire ou des liens ténus avec la famille ou la paroisse risquent, à l’instar des aspirations scolaires élevées, d’accroître la probabilité que le jeune aille s’établir hors de sa communauté d’origine (Elder et al., 1996).

Le statut socioéconomique des parents jouerait également un rôle important dans le comportement migratoire des jeunes, notamment en milieu rural (Elder et al., 1996); il peut par exemple influencer le moment où le jeune quitte le foyer (Aquilino, 1991). Selon Elder et ses collaborateurs (1996), pour élucider le rôle des facteurs sociaux et comportementaux dans le processus décisionnel menant à la migration, il faut clarifier la relation entre le désir d’enracinement des jeunes, d’une part, et leurs comportements actuels et ce qu’ils projettent de faire à la fin de leurs études, d’autre part. L’identification de comportements spécifiquement associés à l’intention de migrer pourrait permettre d’agir en amont, en élaborant des stratégies axées sur les facteurs qui prédisposent un jeune à quitter son lieu de naissance ou son milieu d’origine.

Une première enquête sur la migration régionale des élèves du SLSJ a été menée en 1997 (les résultats ont été publiés dans Gaudreault et al., 2002). La présente étude, issue d’une nouvelle enquête réalisée en 2002, poursuit l’investigation des facteurs qui y sont associés. Il s’agit, plus particulièrement, de saisir la relation entre les intentions migratoires des jeunes et leur perception et leur attachement à l’égard de leur famille, de leurs amis et de leur communauté, leurs aspirations professionnelles et le statut socioéconomique de leurs parents. Il s’agit aussi d’approfondir le rôle des comportements à risque en regard de la migration et d’éclairer la culture des jeunes, qui reste méconnue et mal comprise des leaders, voire des chercheurs (LeBlanc et al., 2003; Gaudreault et al., 2002).

Démarche méthodologique

Un échantillon stratifié selon l’âge a été tiré de la liste des élèves du secondaire par le ministère de l’Éducation. Au total, 1901 élèves de la 1re à la 5e secondaire de toutes les institutions publiques et privées du SLSJ ont accepté de répondre en classe à un questionnaire autoadministré (taux de réponse de 82,6 %). L’erreur d’estimation d’une proportion est relativement faible; par exemple, pour une proportion de 30 %, elle est estimée à 2,1 % au seuil de 95 %.

L’objectif principal de l’enquête régionale de 2002 (intitulée « Les jeunes du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Qui sont-ils ? Que font-ils ? ») était de documenter les habitudes de vie de la population étudiante des écoles secondaires du SLSJ ainsi que la fréquence de divers comportements et conditions présentant un risque pour sa santé, son épanouissement et sa réussite scolaire. Le questionnaire, de 202 questions, visait en outre à mieux circonscrire le phénomène de l’enracinement des jeunes dans leur communauté. Il incluait ainsi de nouvelles questions qui les invitaient à formuler leurs perceptions et justifications concernant leur vision de l’avenir, leur confiance en l’avenir de la région, leur intention de migrer, leurs aspirations professionnelles, les programmes d’études qui les attirent et, enfin, le rôle, l’influence et le soutien de leurs pairs. Comme pour l’enquête de 1997, la question « Si tu avais le choix, où préférerais-tu vivre après tes études ? » a été mise au centre des analyses, qui visaient à mettre en évidence les facteurs qui y sont reliés.

L’annexe 1 présente les dimensions et déterminants explorés dans l’enquête de 2002. De nouvelles questions ont permis d’approfondir des aspects déjà abordés en 1997. Pour la dimension culturelle, elles concernent l’importance des activités religieuses et de la participation communautaire de même que la perception de la communauté et l’intérêt et l’attachement qu’elle suscite. Pour les dimensions scolaire et professionnelle, elles ont trait à la satisfaction à l’égard des études et à leur importance, ainsi qu’aux aspirations professionnelles. Pour les dimensions économique et familiale, elles portent sur l’insécurité alimentaire et sur la nature des relations familiales. Pour la dimension réseau social, elles touchent la perception des relations sociales, particulièrement l’importance et l’influence des amis. Finalement, de nouvelles problématiques ont été incluses, notamment les jeux de hasard, les habitudes alimentaires et le sommeil.

Afin de repérer les facteurs associés à l’intention de migrer des jeunes, nous avons successivement intégré 215 facteurs concernant les diverses dimensions de leur vie dans des analyses discriminantes unidimensionnelles; 37 de ces facteurs ont été retenus et intégrés à l’analyse multidimensionnelle finale. Pour décrire l’effet de chacun des facteurs discriminants sur l’intention de migrer, nous avons calculé la probabilité qu’un jeune désire quitter sa région selon que ces facteurs sont présents ou non pour lui au moyen de rapports des cotes (RC). On pourra se référer à l’article déjà cité (Gaudreault et al., 2002) pour connaître plus en détail les étapes de ces analyses discriminantes en cascade.

Résultats

En premier lieu, on observe que plus de quatre filles sur dix (41,3 %) et près de trois garçons sur dix (29,8 %) ont l’intention de quitter le SLSJ une fois leurs études terminées (figure 1). Outre l’importance du genre (RC = 1,61), l’analyse discriminante visant à identifier des groupes à risque a montré que l’intention de migrer est associée au fait que les élèves fréquentent ou non la cinquième année du secondaire (RC = 2,95), qu’ils appartiennent ou non au secteur socio-sanitaire Le Norois (dont le pôle urbain est la ville d’Alma) (RC = 2,29) et qu’ils étudient ou non au secteur régulier (RC = 1,95). La recension de la littérature et l’évidence d’une dynamique différente entre les filles et les garçons quant à l’intention de migrer ont justifié la réalisation d’analyses discriminantes distinctes pour chaque sexe.

Facteurs associés à l’intention de migrer des filles

L’analyse multidimensionnelle finale a fait ressortir 13 facteurs permettant de discriminer les filles selon leur intention de migrer; sept relèvent de la dimension « psychosociale et culturelle », deux de la dimension « famille », deux de la dimension « sommeil », un de la dimension « scolaire et professionnelle » et un de la dimension « école ». Sur plus de deux cents facteurs considérés, ces 13 facteurs permettent le meilleur classement possible des filles en fonction de leur intention de migrer.

Selon la corrélation avec la première fonction discriminante (tableau 2), les 13 facteurs significatifs sont, en ordre décroissant, le désir de vivre dans une grande ville dans 15 ans (0,49), penser que l’avancement est impossible dans sa région (– 0,44), le degré d’ambition (0,28)[1], l’heure du coucher pendant la semaine (0,24), se sentir chez soi dans sa municipalité (– 0,22), la scolarité du père (0,22), se sentir chez soi au SLSJ mais non dans sa municipalité de résidence (– 0,21), l’indice d’habiletés cognitives (0,21)[2], la satisfaction à l’égard de sa vie familiale (0,17), concevoir l’école comme une façon d’apprendre à fonctionner en société (0,16), l’absence de motivation à la source de l’incertitude quant au choix de carrière (0,15), envisager le recours au culturisme pour améliorer son apparence corporelle (0,05) et l’indice d’insomnie (0,04)[3]. Ensemble, ces facteurs classent correctement 66,9 % des jeunes filles, ce qui est un résultat significativement supérieur au hasard estimé par le critère de chance proportionnelle, dont la valeur est de 44,0 %. Ce modèle permet de classer correctement deux tiers des filles qui désirent migrer (66,1 %) ou, à l’opposé, demeurer au SLSJ (66,4 %) à la fin de leurs études, et trois quarts (75,0 %) de celles qui sont indifférentes à l’endroit où elles vivront après leurs études.

Figure 1

Intention de migrer selon le sexe

Intention de migrer selon le sexe

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Tableau 2

Intention de migrer des filles. Analyse discriminante pour l’identification des facteurs prédictifs

Intention de migrer des filles. Analyse discriminante pour l’identification des facteurs prédictifs
a

Le modèle obtenu avec la procédure « stepwise » retient deux fonctions discriminantes; le lambda de Wilks est de 0,58 (p < 0,001).

b

Le critère de chance proportionnelle est de 44,0 %.

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De façon plus spécifique (tableau 3), une jeune fille risque dix fois plus d’avoir l’intention de migrer si, en semaine, elle se met au lit après 23 h 30 (RC = 9,73), huit fois plus si elle est entièrement d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas d’avancement possible au SLSJ (RC = 7,89), quatre fois plus si elle se voit vivre dans une grande ville dans 15 ans (RC = 4,08), trois fois plus si elle ne se sent pas chez elle ailleurs au SLSJ (RC = 3,24), si elle croit que chacun devrait s’efforcer d’être le meilleur dans ses entreprises (RC = 2,77), si son père est allé à l’université (RC = 2,77), si elle est insatisfaite de sa vie familiale (RC = 2,76) et si son indice d’habiletés cognitives est élevé (RC = 2,57), et deux fois plus si elle ne se sent pas chez elle dans sa municipalité (RC = 1,99) et si sa raison d’aller à l’école est d’apprendre à fonctionner dans la société (RC = 1,86).

Facteurs associés à l’intention de migrer des garçons

Dans le cas des garçons, l’analyse discriminante multidimensionnelle a porté sur 37 facteurs retenus lors des analyses unidimensionnelles. Quatre dimensions ont été exclues à l’étape des analyses unidimensionnelles (réseau social, consommation d’alcool, consommation de drogues et activités délinquantes), et les 14 facteurs retenus pour l’analyse finale proviennent de huit dimensions : psychosociale et culturelle, scolaire et professionnelle, économique, famille, loisirs, événements préoccupants, consommation de tabac et jeux de hasard.

Les 14 facteurs dotés d’un pouvoir discriminant chez les garçons (tableau 4) sont, en ordre décroissant, désirer vivre dans une grande ville dans 15 ans (0,51), l’intérêt pour l’avenir de la région (0,28), des aspirations scolaires réalistes (0,27), penser que l’avancement est impossible dans la région (– 0,26), fréquenter un camp dans le bois (0,23), avoir une mère qui travaille à temps plein (0,22), avoir déjà parié dans sa vie (0,22), avoir des parents qui crient ou s’insultent entre eux (0,20), vivre dans un ménage qui connaît l’insécurité alimentaire (– 0,18), désirer vivre en banlieue dans 15 ans (0,17), avoir vécu plusieurs événements préoccupants (0,15)[4], la scolarité du père (0,13), avoir déjà essayé de fumer (0,13) et penser que les grandes villes rapprochent des services (– 0,12).

Tableau 3

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des filles

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des filles

Tableau 3 (continuation)

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des filles
a

Il est possible que la somme des proportions présentées sur chacune des lignes ne corresponde pas à 100 %, en raison des arrondissements.

b

Il s’agit du rapport des cotes (RC), fourni avec, entre parenthèses, les intervalles de confiance à 95 %. Le RC est établi selon la formule suivante : (E) = [C/B]f/[C/B]r, où f est le facteur de risque considéré et r, le groupe de référence.

c

Il s’agit du rapport des cotes (RC), fourni avec, entre parenthèses, les intervalles de confiance à 95 %. Le RC est établi selon la formule suivante : (F) = [D/B]f/[D/B]r, où f est le facteur de risque considéré et r, le groupe de référence.

d

Il s’agit du groupe de référence pour le calcul du rapport des cotes (RC).

e

Seuls les facteurs pour lesquels l’intervalle de confiance est statistiquement significatif sont décrits au long. Pris individuellement, ce facteur n’est pas significatif, tout en ayant contribué au classement global des sujets.

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Tableau 4

Intention de migrer des garçons. Analyse discriminante pour l’identification des facteurs prédictifs

Intention de migrer des garçons. Analyse discriminante pour l’identification des facteurs prédictifs
a

Le modèle obtenu avec la procédure « stepwise » retient deux fonctions discriminantes; le lambda de Wilks est de 0,51 (p < 0,001).

b

Le critère de chance proportionnelle est de 45,5 %.

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Au total, 66,4 % des garçons fréquentant les écoles secondaires du SLSJ sont classés correctement par ces 14 facteurs alors que le hasard n’aurait permis d’en classer correctement que 45,5 %. Le modèle des garçons est davantage performant que celui des filles pour classer correctement ceux qui ont l’intention de migrer une fois leurs études terminées (79,4 %). Il est cependant moins efficace pour classer correctement les garçons qui comptent demeurer dans la région après leurs études (61,8 %) et encore moins pour ceux qui sont indifférents à leur lieu futur de résidence (51,0 %).

En particulier, le fait de désirer vivre dans une grande ville dans 15 ans (RC = 6,62) et celui de n’être guère ou aucunement intéressé par l’avenir de la région (RC = 6,33) multiplient par environ six fois la probabilité qu’un garçon souhaite vivre ailleurs qu’au SLSJ une fois ses études achevées (tableau 5). Par ailleurs, onze des quatorze facteurs discriminants accroissent de deux à quatre fois chacun la chance qu’un garçon ait l’intention de migrer hors du SLSJ une fois ses études terminées : avoir vécu deux événements préoccupants ou plus (RC = 1,55), avoir déjà essayé de fumer (RC = 1,72), être entièrement d’accord avec l’idée que les grandes villes permettent d’être plus près des services (RC = 1,99), avoir un père qui a fréquenté l’université (RC = 2,01), désirer vivre en banlieue dans 15 ans (RC = 2,08), avoir une mère qui travaille à temps plein (RC = 2,13), avoir des parents qui jamais ne crient ou ne s’insultent entre eux (RC = 2,34), avoir déjà fait des paris (RC = 2,43), être entièrement d’accord avec l’idée que l’avancement est impossible au SLSJ (RC = 3,43), ne pas avoir connu l’insécurité alimentaire (RC = 3,62) et avoir des aspirations scolaires de niveau universitaire (RC = 4,13).

Tableau 5

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des garçons

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des garçons

Tableau 5 (continuation)

Facteurs discriminants a de l’intention de migrer des garçons
a

Il est possible que la somme des proportions présentées sur chacune des lignes ne corresponde pas à 100 % en raison des arrondissements.

b

Il s’agit du rapport des cotes (RC), fourni avec, entre parenthèses, les intervalles de confiance à 95 %. Le RC est établi selon la formule suivante : (E) = [C/B]f/[C/B]r, où f est le facteur de risque considéré et r, le groupe de référence.

c

Il s’agit du rapport des cotes (RC), fourni avec, entre parenthèses, les intervalles de confiance à 95 %. Le RC est établi selon la formule suivante : (F) = [D/B]f/[D/B]r, où f est le facteur de risque considéré et r, le groupe de référence.

d

Il s’agit du groupe de référence pour le calcul du rapport des cotes (RC).

e

Seuls les facteurs pour lesquels l’intervalle de confiance est statistiquement significatif sont décrits au long. Pris individuellement, ce facteur n’est pas significatif, tout en ayant contribué au classement global des sujets.

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Discussion

Ces résultats confirment une grande tendance rapportée dans la littérature scientifique (LeBlanc et al., 2003; Gaudreault et al., 2002; Roy, 1997; Seyfrit, 1986; Murray et al., 1983), à savoir que les filles ont plus souvent l’intention de migrer que les garçons. Pour Glendinning et al. (2003), le genre influence le sentiment des jeunes à l’égard de leur communauté, et par suite leur comportement migratoire. Selon Murray et al. (1983), la vie en milieu rural convient davantage aux jeunes garçons, qui seraient plus enclins à demeurer dans leur communauté.

Il est possible que le marché local de l’emploi corresponde mieux aux aspirations professionnelles des garçons du SLSJ. À titre d’exemple, en 2002, 28 % d’entre eux comptaient se diriger vers le secteur des métiers, du transport et de la machinerie, qui représente environ 20 % des emplois du marché local. Or, plus de deux filles sur trois (67,7 %) optent toujours pour des domaines dits traditionnels (santé, sciences sociales, enseignement, administration publique, arts et culture), qui fournissent quelque 17 % des emplois présentement occupés au SLSJ (Blackburn et al., 2004).

Même si les jeunes obtenaient l’emploi souhaité au sein de leur collectivité, Roy (1997) estime que quatre jeunes sur dix seraient toujours disposés à s’exiler vers les grands centres. Certains auteurs ont d’ailleurs observé qu’un développement économique rapide ou la croissance de l’emploi local n’influent pas de manière significative sur la probabilité de migrer des jeunes ruraux (Pollard et al., 1990; Seyfrit, 1986). Les jeunes seraient si empressés à migrer après leurs études secondaires que la question économique jouerait un rôle négligeable dans leur décision de partir (Garasky, 2002; Beale, 1973, et Murdock et al., 1984, cités dans Seyfrit, 1986).

Malgré ce qui vient d’être dit, les élèves du secteur sociosanitaire Le Norois étaient moins nombreux à avoir l’intention de migrer que les autres élèves du SLSJ. La présence dans leur communauté, entre 1998 et 2000, du plus grand chantier en Amérique du Nord, c’est-à-dire la construction d’un complexe industriel de 2,2 milliards de dollars par la multinationale Alcan, semble être associée chez eux à un plus grand désir d’enracinement. Il faut toutefois souligner que l’enquête régionale de 1997 avait révélé que les élèves de ce secteur se démarquaient des autres élèves du SLSJ en ce qu’ils visaient moins souvent des études de niveau universitaire (Perron et al., 1999). Le cégep d’Alma offre notamment des programmes en adéquation avec le marché du travail local, lequel est davantage axé sur les secteurs primaire et secondaire.

Pour terminer, nos résultats montrent que les jeunes qui comptent migrer après leurs études sont plus nombreux à penser que l’avancement est impossible au SLSJ, d’une part, et que les garçons qui comptent migrer n’ont qu’un faible intérêt pour l’avenir du SLSJ et sont plus souvent d’avis que les grandes villes rapprochent des services, d’autre part. Ces résultats confirment donc la perception plus négative qu’entretiennent les futurs migrants par rapport aux possibilités d’emploi et quant à l’accès aux services offerts par leur région (Roy, 1997; Elder et al., 1996).

À la différence de notre précédente étude (Gaudreault et al., 2002), celle-ci a fait ressortir, lors des analyses multivariées, une corrélation entre le degré d’avancement des adolescents dans leurs études secondaires et leur intention de migrer. Ces résultats concordent avec des données récentes sur la région de Charlevoix (Gaudreault et al., 2004). Il apparaît également que, par rapport aux élèves inscrits en formation professionnelle ou en cheminement particulier, les élèves du secteur régulier entendent plus souvent vivre ailleurs qu’au SLSJ après leurs études.

Ces résultats accréditent l’idée que la mobilité augmente avec les aspirations scolaires (Kodrzycki, 2001; Roy, 1997; Pollard et al., 1990). Selon certains auteurs, les aspirations scolaires élevées des jeunes sont en opposition avec leur désir de vivre auprès de leur famille ou de demeurer dans leur communauté. Les jeunes dont la réussite scolaire est moindre porteraient un regard plus positif sur leur communauté et seraient ainsi moins susceptibles de poursuivre leurs études en dehors de leur milieu d’origine (Elder et al., 1996). Dans la mesure où la probabilité qu’un jeune entame des études postsecondaires est liée positivement au degré d’instruction de ses parents, et où les régions ressources comptent un nombre plus limité de programmes d’études postsecondaires que les régions métropolitaines, il est permis de penser que les jeunes dont les parents sont plus scolarisés ont une probabilité plus élevée de migrer à l’extérieur de leur région afin de poursuivre leurs études. Conformément à la littérature sur la migration des jeunes ruraux (Gaudreault et al., 2002; Mulder et Clark, 2000; Elder et al., 1996), nos résultats montrent que la scolarité du père est un facteur discriminant eu égard à l’intention de migrer des adolescents du SLSJ. Les parents dont la scolarité est plus élevée insisteraient davantage sur l’importance de l’instruction. En offrant au jeune le soutien nécessaire pour qu’il réussisse au plus haut niveau, ils installeraient un climat l’incitant à se rendre le plus loin possible (Pollard et al., 1990).

Selon certains auteurs, les aspirations professionnelles des filles des communautés rurales sont plus élevées que celles des garçons, et les filles les plus douées choisissent rarement de demeurer dans leur communauté (Andres et al., 1999; Elder et al., 1996). Alors que les garçons qui ont l’intention de migrer hors du SLSJ envisagent plus nettement de faire des études supérieures et ont plus souvent une mère active à temps plein que les garçons qui entendent y demeurer, les filles qui songent à migrer sont caractérisées par un indice d’habiletés cognitives élevé et la conviction d’être excellentes dans ce qu’elles entreprennent. Elles sont aussi plus nombreuses à affirmer qu’elles vont à l’école pour apprendre à fonctionner dans la société. Ces résultats peuvent dénoter, en regard de l’intention de migrer, des aspirations plus ou moins rationalisées et des attitudes plus passives ou actives selon que l’on est garçon ou fille. On peut penser que les filles qui envisagent de migrer sont particulièrement engagées dans un projet scolaire soutenant leurs aspirations, plus centrées sur la réalisation de leurs objectifs, alors que les garçons ont plutôt une attitude pragmatique, liée par exemple à l’espoir de revenus supérieurs.

Au total, ces analyses prises dans leur ensemble réaffirment l’influence prééminente des facteurs associés à la scolarisation sur la migration.

Le statut socioéconomique des parents influencerait également le comportement migratoire des jeunes (Elder et al., 1996; Pollard et al., 1990). Par exemple, les familles aux prises avec un stress socioéconomique n’offriraient pas un milieu propice au sentiment d’indépendance nécessaire à la prise de distance par rapport au milieu d’origine (Conger et al., 1992). Nos données indiquent que, chez les garçons, le fait d’avoir vécu de l’insécurité alimentaire augmente considérablement la probabilité de demeurer dans le giron familial. Il est intéressant de noter à cet égard que, selon Blackwell et McLaughlin (1999), la pauvreté familiale serait plus préjudiciable aux garçons qu’aux filles des milieux ruraux.

En outre, comme l’ont avancé Mullet et ses collaborateurs (2002), les facteurs affectifs peuvent influencer beaucoup l’intention de migrer chez les jeunes. Notamment, l’absence de crainte serait plus déterminante que l’existence d’une motivation. D’autre part, les garçons qui comptent vivre à l’extérieur du SLSJ après leurs études sont beaucoup plus nombreux à vivre dans un ménage exempt de cris ou d’insultes entre les parents que ceux qui veulent rester au SLSJ. Il faut noter au surplus que les filles qui ont l’intention de migrer hors du SLSJ sont significativement plus nombreuses à être insatisfaites de leur vie familiale. Les conflits au sein de la famille semblent donc constituer une importante dimension dans le désir d’émigration. Les adolescentes qui s’identifient davantage à leurs parents et celles qui sont plus proches de leur parenté seraient plus enclines à s’établir près de leur famille (Elder et al., 1996). Selon Glendinning et ses collaborateurs (2003), la perception des aspects négatifs inhérents à la vie dans une communauté rurale a plus d’impact sur l’adaptation des filles et conséquemment sur leur intention de migrer. Nos résultats montrent que les filles qui ont l’intention de migrer hors du SLSJ sont significativement plus nombreuses à ne pas se sentir chez elles dans leur municipalité et dans leur région d’appartenance que celles qui comptent y demeurer après leurs études.

Dans l’enquête de 1997 (Gaudreault et al., 2002), l’intention de migrer était associée à des moeurs plus libérales chez les filles et à certains comportements à risque chez les garçons. Chez les jeunes ayant un faible désir d’enracinement, les filles jugeaient plus souvent acceptables des comportements tels que l’avortement, la consommation de drogues, l’homosexualité, la prostitution et le suicide, et les garçons avouaient plus souvent un niveau de consommation de drogues excessif. Dans l’enquête de 2002, les garçons désireux de migrer sont plus nombreux à avoir déjà essayé de fumer du tabac et à s’être adonnés à des jeux de hasard. Ce résultat tend à confirmer que l’intention de migrer est associée à une plus grande ouverture envers diverses expériences de vie, même délétères.

On observe d’autre part à l’adolescence une diminution de la durée du sommeil nocturne, principalement en raison d’un report progressif de l’heure du coucher (Laberge et al., 2001). Tandis que les parents abandonnent graduellement leur contrôle sur l’heure du coucher et essaient surtout de réveiller le jeune à temps pour les classes, les pairs exercent une influence grandissante sur l’horaire veille-sommeil du jeune. Les recherches sur le sommeil montrent que les élèves du secondaire qui se couchent le plus tard les jours d’école ont plus d’activités para-scolaires, regardent la télévision ou des films jusque tard dans la nuit et travaillent longuement dans des emplois à temps partiel (Carskadon, 2002). Comparées aux filles qui désirent demeurer au SLSJ une fois leurs études terminées, celles qui comptent migrer se mettent au lit plus tard durant la semaine. On peut penser que la liberté de se coucher à une heure plus tardive les jours de classe est le reflet d’une certaine liberté d’action, une prise de distance à l’égard du contrôle des parents, qui caractériserait ici davantage de jeunes filles ayant l’intention de migrer que de garçons.

Dans le même ordre d’idées, Garneau (2003) fait valoir qu’en quittant leur communauté d’origine, les jeunes étendent leur espace d’action et de réalisation à la province, voire au-delà, même s’ils ont le sentiment d’appartenir à un territoire plus restreint. D’après les théoriciens de la post-modernité, le processus d’individualisation repose sur un mécanisme de détachement vis-à-vis des relations sociales; les interactions au niveau local sont redéfinies dans un continuum espace-temps donné (Giddens, 1994). Eu égard à la problématique de la migration, cela pourrait impliquer que les individus plus disposés à partir sont moins attachés à leur statut social et à leur milieu d’origine et qu’ils font toujours plus de choix indépendants en ce qui à trait à leur identité, à leur groupe social et à leur style de vie (Molgat, 2002). Nos résultats vont dans ce sens, c’est-à-dire que l’intention de migrer n’est associée à aucun facteur relié au réseau social, dimension pourtant relativement bien couverte dans l’enquête. D’autre part, elle est associée à plusieurs facteurs qui renvoient à un détachement vis-à-vis de la région : les jeunes qui ont l’intention de migrer pensent notamment que l’avancement est impossible au SLSJ, les garçons éprouvent un certain désintérêt pour l’avenir de la région, les filles ne s’y sentent pas chez elles. Si la migration implique effectivement un détachement à l’égard du milieu d’origine, signe potentiel du sentiment identitaire, nos résultats vont dans le sens d’une distinction entre les garçons et les filles. En plus de faire les apprentissages formels dans les organisations dispensatrices de connaissances, les filles qui ont l’intention de migrer semblent davantage conscientes d’y faire ce que Gauthier (1997a) appelle les apprentissages des codes de la vie en société, apprentissages qui contribueront vraisemblablement à leur insertion dans une nouvelle communauté.

À l’instar de Jones (1999) et de Gauthier (1997a), on peut penser que la communauté et la famille, tantôt encouragent la migration des jeunes, tantôt incitent les jeunes à demeurer en région, même si ce n’est pas leur choix premier. Dans cet ordre d’idées, le niveau de scolarité, concrétisant des différences de classe sociale et un statut social élevé par l’intermédiaire d’un niveau d’instruction supérieur chez les parents, contribuerait à une vision élargie du monde et à un attachement moindre à la communauté (Mulder et Clark, 2000). Selon nos résultats, la scolarité du père serait propice à ce choix de vie qu’est la migration, aussi bien pour les garçons que pour les filles. Nos analyses multivariées, qui classent correctement deux filles sur trois et quatre garçons sur cinq parmi ceux qui entendent migrer après leurs études, montrent cependant que la démarche des garçons se fait dans un cadre différent. De façon évidente, ils visent un niveau scolaire plus élevé, proviennent de foyers vraisemblablement plus stables et vivent diverses expériences. Les filles s’inscrivent davantage en faux par rapport à leur famille ou à leur milieu et sont fortement désireuses de développer leur potentiel. Il y aurait donc des univers expérientiels différents chez les garçons et chez les filles (Assogba et Fréchette, 1997), mais les interactions entre leurs aspirations, leurs vulnérabilités et leurs rapports à la famille et à la communauté les mènent à une même résolution, celle de migrer.

L’attachement à la famille ou à la communauté peut être ressenti comme un empêchement à la migration (Elder et al., 1996). C’est alors un indice possible du choix des adolescents quant à leur lieu de résidence futur. Le désir de demeurer dans leur communauté, près de leur famille et de leurs amis, peut ainsi provoquer un dilemme chez ceux qui doivent partir pour atteindre leur but (Sarigiani et al., 1990; Ovando, 1984). Certains auteurs parlent à ce propos de préférences résidentielles contradictoires : on veut vivre près de sa famille mais on doit partir à la fin de ses études afin de trouver un emploi intéressant. Peuvent s’ensuivre des sentiments dépressifs et des frustrations face à l’avenir (Elder et al., 1996; Hektner, 1995).

Il paraît donc logique que, dans notre étude, ni la détresse psychologique ni le mal-être à l’école ne différencient les jeunes qui désirent quitter le SLSJ après leurs études et les jeunes qui veulent rester. Ce constat nous renvoie aux résultats de Silva et Neto (1993) : selon eux, le futur migrant risque davantage de se trouver parmi les adolescents pour qui il est possible de quitter amis, communauté et famille sans trop de heurts.

Ces résultats sont issus de la première phase de collecte des données d’une étude longitudinale en cours auprès d’une cohorte d’élèves des écoles secondaires du SLSJ. Bien que les réponses obtenues aient trait aux intentions des jeunes en matière de migration, les facteurs qui ressortent de leur analyse reflètent les principales tendances déjà observées chez les jeunes ruraux : la différence entre garçons et filles, les facteurs reliés à la scolarisation et le plus faible attachement des élèves désireux de quitter leur région. Un suivi longitudinal jusqu’au début de l’âge adulte devrait permettre d’observer la relation entre l’intention et le fait de migrer. Nous pourrons alors analyser plus complètement le rôle de l’attachement dans l’intention de migrer, comprendre mieux comment le choix de migrer prend forme au moment de l’adolescence, et hiérarchiser avec plus de certitude les facteurs associés à ce phénomène complexe qu’est la migration.

Conclusion

Au SLSJ, la migration des jeunes n’est pas un phénomène passager ou spontané, elle est bien inscrite dans la réalité régionale. Comme le souligne Gauthier (2003), la plupart des jeunes décident, non pas de quitter leur région, mais de poursuivre leurs études. Seulement, la réalité veut aussi qu’une faible proportion de jeunes reviennent s’établir dans leur milieu d’origine. En effet, les élèves du secondaire qui ont l’intention de migrer comptent majoritairement vivre dans une grande ville dans 15 ans. Or, migrer est nécessairement l’aboutissement d’un processus complexe. Une analyse transversale de l’intention de migrer doit donc cerner tous les facteurs susceptibles de jouer un rôle dans le déroulement du processus qui mène à la décision de migrer et aussi en saisir les possibles nuances entre les garçons et les filles.

Il semble ici que les futurs migrants diffèrent de ceux qui désirent demeurer au SLSJ par le fait que leur père a un niveau de scolarité élevé, qu’ils ont de fortes aspirations scolaires ou une forte estime de soi académique et qu’ils entretiennent une image plus négative de la situation économique régionale. En outre, l’intention de migrer semble être une démarche hautement différenciée selon le sexe. Elle est façonnée chez les garçons par la profession de la mère, un foyer empreint de sécurité et la présence d’événements préoccupants et de comportements à risque. Chez les filles, elle est associée au sentiment de ne pas se sentir chez soi au SLSJ, à l’insatisfaction à l’égard de sa vie familiale, à l’accumulation consciente de savoirs et d’outils lors du passage à l’école et à des habitudes de sommeil reflétant une certaine autonomie. On peut donc reconnaître, en substance, l’influence prépondérante des facteurs associés aux dimensions psychosociale et culturelle, et familiale et scolaire sur l’intention de migrer des adolescents du SLSJ.

En documentant les opinions, les aspirations et les comportements des jeunes lorsqu’ils en sont encore à l’intention de migrer, on réunit une information utile pour une intervention précoce. À cet égard, une initiative de choix pour les élus et les autres décideurs des régions consisterait à élaborer des plans d’action pour faire connaître aux jeunes les avantages liés à leur retour en région avant même qu’ils ne la quittent. La propension des jeunes migrants à revenir s’établir dans leur milieu d’origine serait en effet liée à l’image qu’ils en conservent (Roy, 1997). Même si la question économique semble ne constituer ici qu’un facteur plus ou moins important dans l’intention de migrer, l’emploi peut certainement être le gage d’un retour réussi dans la région (Côté, 1997). Il est dès lors impératif de transmettre aux adolescents toute l’information pertinente sur les possibilités d’emploi et les services offerts dans leur région, car un long séjour au collège ou à l’université à l’extérieur de cette dernière favorise assurément l’éclosion d’un nouveau réseau social et, par le fait même, l’apparition de débouchés professionnels souvent sans équivalent dans le milieu d’origine (Roy, 1997).

Seulement, les stratégies d’intervention ne doivent pas se limiter aux perspectives professionnelles, au risque de méconnaître une part significative des facteurs associés à la migration des jeunes des régions périphériques.