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Introduction

Cet article porte sur la dynamique de la participation des femmes au marché du travail après l’arrivée d’un enfant. On recense très peu d’études portant sur ce thème au Canada alors qu’il a pris une importance croissante au cours des dernières années. En effet, la description et l’analyse du temps passé à la maison par les mères après la naissance de leur enfant demeure d’actualité, plusieurs experts ayant suggéré que le temps passé par les parents auprès de leurs enfants en bas âge jouait un rôle critique pour le développement émotionnel, cognitif et social de ces derniers (Roberts, 2002; Lefebvre et Merrigan, 1998). L’intérêt suscité par cette problématique tient également à d’autres raisons. Des retraits prolongés du marché de l’emploi suite à la naissance d’un enfant peuvent entraîner des pertes d’entrées de revenus importantes pour les femmes et leur famille, de même qu’un plus grand « coût » de prise en charge de l’enfant. Il a de plus été démontré que les absences du marché du travail exercent des effets négatifs à long terme sur les salaires et les possibilités d’avancement (Phipps, Burton et Lethbridge, 2001; Drolet, 2002). La reprise plus rapide d’un emploi après la naissance d’un enfant peut donc avoir d’importantes conséquences sur les retours d’investissement en capital humain des mères. Enfin, la poursuite de la hausse de la participation des mères de jeunes enfants au marché du travail est considérée depuis quelques années comme un des leviers d’action politique possibles afin de faire face à la baisse de la main d’oeuvre anticipée et d’assurer la viabilité des systèmes de protection sociale menacés par le vieillissement de la population (Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, 2006).

En raison, principalement, d’un manque de données longitudinales comprenant des informations détaillées sur la vie professionnelle et la vie familiale des femmes, il existe peu de recherches quantitatives au Canada sur les transitions professionnelles vécues à la suite d’une naissance[1]. Celles qui ont été réalisées jusqu’à maintenant ont apporté un certain nombre de connaissances sur le sujet, en particulier sur la probabilité de retour à l’emploi des femmes qui, restées actives presque jusqu’à la fin de leur grossesse, ont donné naissance à un enfant en 1993 ou 1994 (Marshall, 1999), et la probabilité de retour à l’emploi des femmes qui ont bénéficié de prestations de maternité en vertu du programme gouvernemental national de congé parental entre 1995 et 1998 (DRHC, 2001). On sait ainsi que parmi les mères du premier groupe, environ 60 % ont repris un emploi dans les six mois suivant la naissance de leur enfant, tandis que 30 % de celles du deuxième groupe ont fait de même six mois après la naissance et environ 90 % après dix-huit mois. Ces études révèlent également que ce processus est influencé par de nombreux facteurs. Notamment, les femmes célibataires ou celles dont le mari ne travaillait pas à temps plein sont plus susceptibles de reprendre rapidement un emploi après la naissance de leur enfant. La scolarité et l’expérience de travail accroissent aussi la probabilité d’un retour hâtif sur le marché du travail. Enfin, les politiques publiques jouent un rôle important dans la vitesse de retour à l’emploi des mères. Marshall (1999) a ainsi montré que les mères ayant travaillé durant les trois derniers mois précédant l’accouchement et qui n’avaient pas touché par la suite de prestations de maternité sont retournées plus rapidement au travail que leurs consoeurs qui en avaient bénéficié.

Le présent article a pour objectif d’approfondir les connaissances à propos du rythme d’entrée ou de retour dans le marché du travail des Canadiennes après l’arrivée d’un enfant, et des facteurs qui l’influencent. Notre analyse se distingue des études canadiennes antérieures à plusieurs égards. En s’intéressant à une période très récente qui s’échelonne de 1994 à 2003, elle permet d’abord d’examiner les répercussions sur les comportements de retour à l’emploi des mères des réformes successives qui ont affecté en 1997 et 2000 les règles d’admissibilité et la durée des prestations de maternité offertes dans le cadre du programme national de prestations parentales. L’utilisation des données recueillies dans le cadre de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) permet également d’inclure dans l’analyse l’ensemble des femmes ayant donné naissance à un enfant durant cette période, et donc de prendre en compte les mères qui n’avaient pas participé au marché du travail pendant une assez longue période avant la naissance.

L’élargissement de la population étudiée est important puisque les décisions d’emploi prises par les mères, qu’elles aient participé récemment au marché du travail ou non, sont intimement associées au développement des politiques liées à la garde des enfants et au soutien du revenu familial; l’examen parmi l’ensemble des mères des facteurs qui prolongent ou diminuent le temps passé hors du marché du travail peut par conséquent rendre plus pertinent le déploiement et l’évaluation de politiques publiques conçues pour soutenir au premier chef la participation des mères au marché du travail.

Enfin, un autre aspect de notre recherche qui n’a pas été exploré jusqu’à maintenant dans le contexte canadien porte sur la modalité du retour à l’emploi après l’arrivée d’un enfant selon qu’il se fait à plein temps ou à temps partiel. Le travail à temps partiel représente la forme d’emploi atypique la plus importante au Canada et touche plus particulièrement les femmes. Parmi l’ensemble des femmes occupant un emploi en mai 2006, plus de 26 % travaillaient à temps partiel, comparativement à seulement 10 % des hommes (Statistique Canada, 2006a). On peut se demander jusqu’à quel point ce mode d’organisation du travail résulte de la dynamique d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale qu’adoptent les femmes durant la période qui suit la naissance d’un enfant. La prise en compte de cette dimension s’avère importante puisque les caractéristiques de l’emploi occupé sont susceptibles d’influencer directement la dynamique de conciliation famille/travail des femmes. C’est en tout cas ce que laisse supposer une étude pénétrante menée sur ce sujet dans les pays scandinaves. Celle-ci montre en effet que la possibilité de travailler à temps partiel après l’arrivée d’un enfant permet aux femmes de (re)trouver un lien rapide avec le marché du travail et de faire face à la nécessité économique de maintenir un niveau de vie convenable, tout en leur permettant de conserver une disponibilité pour la prise en charge des enfants (Ronsen et Sundstrom, 2002).

Ces thèmes constituent la trame de fond de cet article. Après avoir présenté notre stratégie de recherche, nous dressons dans un premier temps un portrait du calendrier et de l’intensité d’insertion ou de réinsertion des femmes dans le marché du travail à partir du moment où elles ont donné naissance à un enfant. Dans un deuxième temps, nous cherchons à cerner les facteurs associés aux variations observées dans le rythme d’insertion ou de réinsertion des mères dans un emploi à plein temps ou à temps partiel. Dans les deux cas, l’étude s’appuie sur une application de la méthode de l’analyse des transitions.

Stratégie de recherche

Recension des écrits et hypothèses

Contrairement à la situation canadienne, les recherches internationales qui ont traité des mouvements d’insertion ou de réinsertion des femmes dans la vie active après la naissance d’un enfant et les facteurs susceptibles d’influencer ces transitions foisonnent[2]. L’examen de ces travaux montre tout d’abord que ce processus varie, parfois fortement, à travers les pays étudiés bien que des divergences entre les périodes étudiées et les méthodologies utilisées rendent les comparaisons difficiles. Ainsi, les femmes auraient tendance à se retirer du marché du travail de manière prolongée après la naissance de leur enfant en Italie, en Allemagne et en France notamment. Muszinska (2004) a montré que la durée médiane de séjour à la maison des mères italiennes après la naissance de leur premier enfant dépassait trois ans, tandis que Gustaffson et al. (1996) signalent que 62 % des mères allemandes n’avaient toujours pas réinséré le marché du travail dix-huit mois après cet événement. Pailhé et Solaz (2007) révèlent pour leur part que moins d’un tiers des mères françaises avaient repris un emploi un an après la naissance, et que seulement la moitié d’entre elles environ étaient retournées travailler après deux ans d’arrêt.

Au contraire, la durée du retrait du marché du travail des mères après la naissance de leur enfant paraît plutôt courte aux États-Unis et dans les pays scandinaves. On a ainsi montré qu’un an après avoir donné naissance à un enfant, seulement deux mères américaines sur dix n’avaient pas encore regagné le marché de l’emploi (Berger et Walfogel, 2004; Hoffert et Curtin, 2006). En Suède, Gustaffson et al. (1996) rapportent qu’à peine le tiers des mères demeurent encore à la maison un an et demi après la naissance de leur enfant. De ce que l’on sait actuellement des mères canadiennes à ce sujet (cf. introduction), ces dernières auraient des comportements de retour sur le marché du travail après une naissance similaires aux mères américaines et scandinaves.

En cherchant à faire ressortir les différences ou, au contraire, les similitudes au plan international ou infranational dans l’insertion ou la réinsertion des femmes dans le marché du travail après la naissance d’un enfant, les études menées à ce jour révèlent en outre que de nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer ces transitions. Les auteurs qui se sont penchés sur cette question ont en premier lieu souligné l’importance des « coûts d’opportunité » associés à la décision des mères de participer (ou non) au marché du travail suite à la naissance de leur enfant. En économie, le coût d’opportunité désigne le coût d’une activité estimé en termes d’opportunités non-réalisées (et les avantages qui auraient pu être retirés de ces opportunités), ou encore la valeur de la meilleure option non-réalisée. Plus trivialement, c’est la mesure des avantages auxquels on renonce en affectant le temps disponible à un usage donné (Bryant, 1990). Pour ce qui nous concerne, le coût d’opportunité de travailler est équivalent à la valeur du temps passé à la maison, tandis que le coût d’opportunité de rester à la maison représente le manque à gagner, actuel et futur, causé par l’arrêt de travail. Sur la base du calcul de ces deux coûts, l’insertion ou la réinsertion dans le marché du travail après la naissance se justifiera seulement à partir du moment où le coût d’opportunité pour la mère de rester à la maison surpasse le coût d’opportunité de participer au marché du travail (Joesch, 1994).

L’évaluation des coûts à la base de cette décision prise par la mère s’avère intimement liée à ses caractéristiques individuelles et familiales. D’abord, le coût d’opportunité de rester à la maison est intimement lié au stock de capital humain accumulé avant la naissance de l’enfant. Il existe deux principaux types de capital humain : la formation et l’expérience en milieu de travail, et l’éducation. Le niveau accumulé pour chacun d’eux sert à estimer par approximation la valeur des gains futurs liés à la participation au marché du travail. On suppose en effet qu’une mère ayant un capital humain élevé aura plus de chances d’avoir de bonnes perspectives de carrière en termes d’avancement et de revenus et, de ce fait, retournera plus rapidement sur le marché du travail afin de profiter des meilleures possibilités d’emploi (voir, entre autres, Mincer et Ofek, 1982). Dans l’ensemble, les résultats empiriques associés à la vérification de cette hypothèse vont unanimement dans le sens attendu.

D’autres auteurs ont également suggéré que l’âge de la mère au moment de la naissance pouvait être source de pénalités potentielles pour sa carrière en cas d’arrêt de travail prolongé. Ainsi, les femmes qui sont jeunes au moment de la naissance de leur enfant et qui ont devant elles une plus longue vie professionnelle que les mères plus âgées, devraient avoir un rythme plus rapide de retour sur le marché du travail après la naissance. À partir de données provenant de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la Suède, Gustafsson et al. (1996) ont observé à ce sujet que les mères plus âgées avaient tendance, comparativement aux plus jeunes, à rester plus longtemps à la maison après la naissance de leur enfant. Selon eux, une des raisons possibles de l’explication tient au fait que les mères âgées ont en général des carrières mieux établies leur permettant de s’éloigner plus librement et facilement du marché du travail pour un temps.

Les pertes financières plus immédiates sont ensuite fréquemment invoquées dans les coûts d’opportunité liés à la décision des femmes de ne pas travailler suite à l’arrivée d’un enfant. Ainsi, celles qui bénéficient de niveaux élevés de revenus avant la naissance devraient être enclines à retourner plus rapidement dans la vie active par rapport à celles ayant des revenus plus faibles. Toutefois, les femmes qui profitent de revenus de remplacement permettant de couvrir, en partie ou en totalité, les coûts financiers liés à l’arrivée d’un enfant, devraient retourner sur le marché du travail moins rapidement que celles qui n’en disposent pas. Plusieurs travaux ont montré que les mères bénéficiant de prestations de maternité offertes par l’employeur ou par le biais de programmes gouvernementaux étaient susceptibles de demeurer plus longtemps à la maison comparées à leurs consoeurs qui n’en recevaient pas ou plus (Ronsen et Sundstrom, 2002; Hofferth et Curtin, 2006; Ondrich et al., 2003).

Parmi les mères qui ont occupé un emploi durant les mois qui ont précédé la naissance, le statut d’emploi revêt également une valeur d’importance variable dans le coût d’opportunité de demeurer à la maison après la naissance d’un enfant. En particulier, le fait d’être une travailleuse autonome plutôt que salariée entraîne généralement au Canada une double perte financière lors d’une interruption de travail découlant d’une naissance. D’une part, ces femmes peuvent être dans l’obligation d’engager quelqu’un pour les remplacer durant leur absence, ce qui peut se révéler à la fois coûteux et difficile. D’autre part, elles ne peuvent toucher de prestations de maternité puisque les règles d’admissibilité au programme fédéral de prestations parentales les excluent d’office[3].

La situation familiale de la mère influence aussi grandement la valeur du coût d’opportunité de participer au marché du travail, autrement dit la valeur du temps passé à la maison après la naissance. Cette dernière n’est sans doute pas identique pour les premières naissances et les naissances suivantes, les familles – surtout les mères – ayant habituellement à faire face à des charges domestiques et parentales plus élevées au fur et à mesure qu’elles s’agrandissent. Selon cette hypothèse, l’élévation du rang de naissance de l’enfant né devrait donc être associée à une augmentation du temps passé par les mères à la maison. Toutefois, l’arrivée d’un enfant supplémentaire augmente les besoins financiers de la famille et par conséquent la nécessité pour la mère d’intégrer ou de réintégrer rapidement la vie professionnelle pour pouvoir y subvenir. Bref, le rang d’arrivée d’un enfant additionnel comporte des implications assez ambiguës et les recherches empiriques réalisées à ce jour corroborent ce constat (pour une revue, voir Brewster et Rindfuss, 2000). Au contraire, la présence d’un conjoint, possédant de surcroît des revenus élevés, devrait ralentir la transition des mères vers le marché du travail après la naissance. En effet, on peut supposer que les revenus apportés par le conjoint diminuent la dépendance de la mère aux gains d’emploi pour assurer un niveau de vie familial acceptable.

Au-delà des coûts d’opportunité, d’autres auteurs ont avancé que les préférences pour des styles de vie particuliers et un attrait plus ou moins grand pour son travail constituaient d’importants déterminants associés à la décision d’entrer ou de retourner dans le marché du travail (voir, entre autres, Hakim, 2000). Certaines femmes peuvent en effet avoir une inclination plus grande pour la vie professionnelle plutôt que domestique et seraient donc plus susceptibles de réintégrer rapidement le marché du travail après la naissance d’un enfant. Bien que n’étant pas observable, cet « attachement » peut être mesuré indirectement à travers la présence au travail durant les mois précédant la naissance et, s’il y a lieu, jusque tard pendant la grossesse, de même que par un nombre habituellement élevé d’heures de travail effectuées avant la naissance (Desai et Waite, 1991; Ellingstaer et Ronsen, 1996; Hofferth et Curtin, 2006).

Jusqu’à maintenant, nous avons considéré les facteurs sur lesquels les mères ont une certaine emprise quant à leurs propres choix. Toutefois, elles sont aussi susceptibles d’être restreintes dans leur décision de s’insérer ou de se réinsérer dans l’activité par des éléments qui sont hors de leur contrôle, tel le contexte économique dans lequel elles évoluent. Une situation économique difficile marquée par une offre d’emplois moins élevée aura tendance à allonger la période de temps passé à la maison par les mères après une naissance (Hofferth et Curtin, 2006). Des éléments du contexte institutionnel paraissent de même être intimement liés au rythme d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail après la naissance de leur enfant. De fait, plusieurs études comparatives internationales envisagent les différences observées entre pays comme autant de réponses différentes face aux contraintes et aux contextes institutionnels particuliers (Gustaffson et al., 2000; Uunk et al., 2005; Vlasblom et Schippers, 2006). Les mères peuvent ainsi voir leur décision de participer au marché du travail après la naissance de leur enfant être encouragée ou au contraire freinée en fonction des politiques publiques déployées, particulièrement en matière de services de garde à la petite enfance et de congés de maternité. À ce chapitre, des travaux ont mis en évidence une relation positive entre, d’une part, la mise sur pied de programmes de congés de maternité – ou leur bonification en terme de durée des prestations accordées – et, d’autre part, la durée de temps passée à la maison et la vitesse de retour à l’emploi après la naissance d’un enfant (Berger et Waldfogel, 1998; Ondrich et al., 1999; Hofferth et Curtin, 2006). D’autres, enfin, ont montré que le risque de retour des mères sur le marché du travail augmentait en rapport avec le nombre de places disponibles dans les services de garde existant sur leur territoire de résidence (Ronsen et Sundstrom, 2002; Uunk et al., 2005).

Source de données et échantillon d’analyse

Les données sur lesquelles s’appuient nos analyses proviennent de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR), une enquête longitudinale prospective (de type « panel ») démarrée par Statistique Canada en 1993. La population couverte par l’EDTR comprend les Canadiens et Canadiennes âgés de seize ans et plus vivant dans des ménages privés dans les dix provinces du pays. Cette enquête constitue la seule source de données représentative de la population canadienne qui contient à la fois des informations biographiques sur la vie familiale et reproductive des répondants ainsi que des informations longitudinales détaillées sur le travail et le revenu de chacun des membres d’un même ménage. L’EDTR a permis de connaître la chronologie de l’ensemble des unions et des naissances que les répondants ont connues durant chacune des six années de suivi, ainsi que la chronologie de leurs épisodes d’emploi, des absences enregistrées au cours d’un épisode d’emploi et des épisodes sans emploi. Le premier panel a débuté en 1993 et s’est poursuivi jusqu’en 1998. D’autres panels ont été introduits en 1996, 1999 et 2002. Chacun d’eux permet de suivre environ 15 000 ménages et 31 000 individus.

Nous nous intéressons ici aux risques qu’ont les femmes d’insérer ou de réinsérer le marché du travail à partir du moment de la naissance d’un enfant. À des fins d’analyse, nous avons tout d’abord retenu l’ensemble des naissances survenues durant les panels démarrés en 1993, 1996 et 1999[4]. Les naissances de mères adolescentes (moins de 18 ans au moment de la naissance), de même que les naissances multiples ont été par la suite exclues de l’échantillon[5]. Étant donné que les femmes sont interrogées annuellement et fournissent des informations rétrospectives à propos de l’année précédant l’entrevue, seules les naissances survenues à partir de la deuxième année de chacun des panels ont été conservées afin de pouvoir disposer d’informations détaillées concernant la participation des femmes au marché du travail durant la grossesse. L’échantillon final retenu, pondéré à des fins de représentativité[6], compte 3096 femmes qui ont donné naissance à 3650 enfants au cours de la période d’observation.

Méthodes et variables

Les mouvements d’entrée ou de retour dans le marché du travail des mères sont analysés en deux étapes à l’aide de la méthode d’analyse des transitions (aussi appelée analyse de survie; voir Allison, 1995; Cleves, Gould et Giuterrez, 2004). Cette méthode permet d’examiner le rythme de transition d’un état à l’autre (dans ce cas-ci, le passage du non emploi à l’emploi) et d’identifier les facteurs qui l’influencent. Nous présentons dans un premier temps les courbes de survie tirées des tables d’extinction estimées afin de décrire le processus à l’étude. Les tables d’extinction permettent d’établir, pour chaque durée donnée depuis la naissance, la probabilité qu’ont les répondantes de (re)prendre un emploi en rapportant le nombre de celles qui vivent l’événement à celui des répondantes qui sont toujours exposées au risque de le connaître, c’est-à-dire celles qui n’ont pas encore (re)pris un emploi et qui sont toujours susceptibles de le faire. Le nombre de répondantes exposées au risque de connaître une telle transition est réévalué à chaque instant, il exclut donc les cas censurés au fur et à mesure qu’ils surgissent, autrement dit lorsque le suivi du panel dans lequel ils se trouvent se termine.

Dans un deuxième temps, nous présentons les résultats des régressions semi-paramétriques à risque proportionnel (ou régressions de Cox) menées en vue d’estimer de façon simultanée l’effet net de plusieurs facteurs sur les chances des répondants de vivre la transition étudiée[7]. Ces modèles de régression sont généralement définis comme suit :

Dans cette équation, le risque h(t) d’intégrer ou de réintégrer le marché du travail pour les femmes ayant donné naissance à un enfant se décompose en deux parties. La première composante h0(t) représente la fonction de transition de base et el’exponentielle du produit du vecteur des facteurs explicatifs et du vecteur des coefficients qui sont associés à chacun d’entre eux. Les régressions de Cox sont largement utilisées en recherche sociale car contrairement aux modèles de régression paramétrique, elles n’impliquent pas d’avoir à spécifier la fonction de transition de base, autrement dit à définir le lien entre le taux de transition (h0) et la durée d’exposition au risque (t), lien souvent difficile à spécifier de prime abord. Elles impliquent en outre que la durée d’exposition a le même effet sur chaque femme (hypothèse de proportionnalité) et ont l’avantage de permettre la modélisation de variables ayant des valeurs qui se modifient dans le temps.

Les facteurs inclus dans l’analyse sont ceux qui, d’après les études recensées, semblent influencer le comportement professionnel des mères durant cette période et pour lesquels des variables sont disponibles dans l’enquête. Les premières variables à être introduites dans les modèles de régression se rapportent aux caractéristiques de la participation de la mère au marché du travail avant la naissance de son enfant, ainsi qu’à celles liées à sa situation familiale. Les variables relatives au premier groupe sont : le fait d’avoir travaillé (ou non) durant l’année précédant la naissance et plus spécifiquement durant la grossesse, de même que, s’il y a lieu, le type de travail (employée ou travailleuse autonome) et le régime d’emploi (temps plein ou temps partiel) du dernier emploi occupé durant l’année précédant la naissance. Nous avons également inclus le nombre d’années d’expérience de travail (jamais travaillé; entre 0 et 1; entre 2 et 4; entre 5 et 9; 10 et plus). Quant au deuxième groupe, il est constitué du rang de l’enfant né de la mère (rang 1; rang 2; rang 3 et plus) et de la situation conjugale (avec ou sans conjoint) de cette dernière.

Nous avons inclus de même des variables qui rendent compte de l’âge de la mère (moins de 20 ans; 20-24 ans; 25-29 ans; 30-34 ans; 35 ans et plus), de son revenu annuel net (moins de 5 000 dollars; de 5 000 à 10 000 dollars; de 10 000 à 20 000 dollars; plus de 20 000 dollars) et celui de son conjoint (aucun conjoint; moins de 10 000 dollars; de 10 000 à 20 000 dollars; de 20 000 à 35 000 dollars; plus de 35 000 dollars)[8], de sa scolarité (moins d’un diplôme secondaire; diplôme secondaire obtenu; diplôme post-secondaire non universitaire obtenu; diplôme universitaire obtenu), de son lieu de résidence (provinces de l’Atlantique; Québec; Ontario; provinces de l’Ouest), de sa fréquentation scolaire (ou non) durant l’année précédant la naissance, de son statut (ou non) de minorité visible ou d’immigrant, et de la période durant laquelle a eu lieu la naissance (1994-1996; 1997-1998; 1999-2000; 2001-2003). Il est à noter que la catégorisation de cette dernière variable est liée aux réformes successives qui ont affecté les règles d’admissibilité et la durée des prestations de maternité offertes dans le cadre du programme national de prestations parentales. À partir de janvier 1997, les femmes devaient désormais avoir travaillé un plus grand nombre d’heures au cours de l’année précédant la naissance (700 heures comparativement à 300 auparavant) pour y être admissibles. Elles bénéficiaient alors de prestations pour une durée maximale de vingt-cinq semaines. En janvier 2001, la durée des prestations a été prolongée à un an maximum, sans toutefois que des modifications majeures à l’admissibilité soient apportées[9].

Enfin, nous avons intégré dans les modèles de régression une variable qui précise lesquelles parmi les mères ayant travaillé au cours de l’année précédant la naissance de leur enfant reçoivent une prestation de maternité. Pour chacune des mères, la valeur que prend cette variable peut changer au cours de la période d’observation, soit en fonction du moment où la mère commence ou cesse de recevoir de telles prestations. De plus, on distingue le fait de cesser de recevoir des prestations du fait de n’en avoir jamais reçu depuis la naissance de l’enfant.

Parmi la totalité des variables identifiées précédemment, seules la dernière mentionnée et la situation conjugale de la mère ont des valeurs qui sont susceptibles de varier au cours du temps. Les autres variables ont des valeurs fixes, c’est-à-dire observées au moment de la naissance de l’enfant.

Résultats

Courbes de survie

La figure 1 présente la courbe de survie établie pour caractériser le mouvement d’insertion ou de réinsertion des femmes dans le marché du travail suivant la naissance d’un enfant. Celui-ci montre tout d’abord que 84 % des femmes n’avaient pas repris le travail un mois après la naissance de leur enfant et 78 % après trois mois. Durant cette période, une rupture importante de la cadence d’insertion ou de réinsertion dans l’activité peut être observée. Particulièrement élevé au cours du premier mois suivant la naissance, le rythme ralentit fortement par la suite. Ce changement est sans doute attribuable au comportement des mères qui sont travailleuses autonomes puisque les mères qui (ré)insèrent le marché du travail durant le premier mois proviennent en très grande majorité de ce groupe.

Par la suite, six mois après la naissance de leur enfant, près des deux tiers des femmes n’avaient pas encore réintégré le marché de l’emploi; cette proportion passe à 36 % après un an et à 27 % après deux ans. Dans l’ensemble, ces résultats initiaux s’apparentent en partie à ceux déjà obtenus par Berger et Waldfogel (2004) auprès d’un échantillon de femmes américaines ayant donné naissance à un enfant entre la fin des années 1980 et la fin des années 1990. Sur la base d’analyses semblables à celles-ci, il a en effet été observé que, six mois après la naissance d’un enfant, 63 % des femmes américaines n’avaient toujours pas repris un emploi, et que cette probabilité s’établit à 45 % après un an. Les Canadiennes semblent donc concilier responsabilités professionnelles et responsabilités parentales aussi rapidement, sinon davantage, que leurs homologues américaines bien que nous aurions pu, a priori, penser le contraire. En effet, les politiques publiques en matière de congé de maternité sont nettement plus favorables au Canada qu’elles ne le sont aux États-Unis[10].

Figure 1

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant (Estimation de Kaplan-Meier)

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant (Estimation de Kaplan-Meier)
Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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Toutefois, la probabilité qu’une femme prenne ou reprenne un emploi au cours des deux années suivant la naissance d’un enfant diffère énormément en fonction de son degré de participation au marché du travail avant la naissance. La figure 2 permet de voir à titre d’exemple que moins de 1 % des femmes n’ayant pas travaillé durant l’année qui a précédé la naissance ont (ré)inséré le marché du travail un mois après la naissance de l’enfant. Cette proportion augmente lentement par la suite et atteint 6 % six mois après la naissance, 15 % après un an, et 25 % après deux ans. Au contraire, les femmes ayant travaillé durant l’année précédant la naissance de leur enfant sont nombreuses à reprendre rapidement leur activité professionnelle : 26 % d’entre elles avaient déjà effectué cette transition trois mois après la naissance de leur enfant, 46 % au terme de six mois, 77 % après un an et 87 % après deux ans. Quoique la proportion cumulée de mères qui participent au marché du travail croisse avec le temps pour toutes les femmes, celles ayant travaillé durant l’année précédant la naissance de leur enfant sont à la fois nettement plus nombreuses et plus enclines à investir rapidement le marché du travail.

Figure 2

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant en fonction du fait d’avoir ou non travaillé durant l’année précédant la naissance (Estimation de Kaplan-Meier)

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant en fonction du fait d’avoir ou non travaillé durant l’année précédant la naissance (Estimation de Kaplan-Meier)
Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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Par ailleurs, on remarque que dans les premiers mois suivant la naissance, les femmes semblent (ré)intégrer le marché du travail sensiblement au même rythme, peu importe qu’il s’agisse de leur premier, deuxième ou troisième enfant (figure 3). Ainsi, près de 30 % des mères avaient déjà (re)pris un emploi au moment où leur enfant a atteint l’âge de cinq mois et ce, quel que soit le rang de la naissance. L’absence d’écart est sans doute attribuable au comportement des mères n’ayant jamais reçu de prestations de maternité (travailleuses autonomes ou non), puisque les mères qui se (ré)insèrent dans l’emploi durant cette période se sont en très grande majorité retrouvées dans cette situation. On observe par la suite un léger écart en fonction du rang de naissance de l’enfant qui se creuse au fur et à mesure que celui-ci avance en âge. Au premier anniversaire de leur enfant, les mères d’un premier né ont alors (ré)inséré le marché du travail dans une plus grande proportion (71 %) que celles qui ont donné naissance à leur deuxième (61 %) ou troisième enfant (54 %). Deux ans après la naissance de leur enfant, près de 80 % des mères d’un premier enfant avaient (re)pris un emploi, tandis que les mères d’un deuxième et troisième enfant avaient (ré)intégré la vie active dans une proportion de 72 % et 63 % respectivement.

Figure 3

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant en fonction de son rang de naissance (Estimation de Kaplan-Meier)

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant en fonction de son rang de naissance (Estimation de Kaplan-Meier)
Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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La probabilité qu’une femme ne (re)prenne pas un emploi après la naissance de son enfant varie également en fonction de l’année de naissance de ce dernier. La figure 4 montre globalement que la participation des femmes au marché du travail suivant la naissance d’un enfant croît, et même s’accélère au cours de la période étudiée, soit entre 1994 et 2003, à une exception près. Pour les femmes ayant donné naissance à un enfant entre 2001 et 2003, on observe un ralentissement dans le rythme de retour à l’emploi au-delà de six mois après la naissance par rapport à celles ayant eu leur enfant au cours des années antérieures. On voit là sans doute l’effet de la réforme du Programme de prestations de maternité et parentales entrée en vigueur à partir de janvier 2001, date à partir de laquelle la durée maximale de prestations accordée aux mères est passée de six mois à un an. Un rattrapage s’effectue toutefois par la suite et les mères ayant donné naissance à leur enfant après 2001 sont aussi nombreuses à avoir (re)pris un emploi environ un an plus tard par rapport à celles ayant eu leur enfant en 1999 ou 2000. Enfin, la différence dans le rythme d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail observée durant les six premiers mois suivant la naissance de leur enfant à partir de 1997, comparativement à la période antérieure, pourrait s’expliquer par la mise en place de la précédente réforme du Programme de prestations de maternité et parentales, entrée en vigueur quant à elle à partir de janvier 1997. En effet, à partir de cette date un plus grand nombre d’heures travaillées (700 contre 300 auparavant) au cours de l’année précédant la naissance ont été exigées pour donner droit à des prestations de maternité. Il est donc possible qu’une plus grande fraction de mères ayant donné naissance à leur enfant après la réforme n’ont plus été admissibles pour obtenir ce type de ressources financières supplémentaires et, de ce fait, n’ont pas été en mesure de rester longtemps absentes du marché du travail comparées à leurs consoeurs ayant donné naissance à un enfant avant la réforme.

Figure 4

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant selon l’année de naissance de ce dernier

Proportion de mères qui ne sont pas entrées ou retournées dans le marché du travail après la naissance de leur enfant selon l’année de naissance de ce dernier
Source : Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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Régressions semi-paramétriques

Les premières résultats esquissés dans la section précédente ont montré que l’insertion ou la réinsertion des Canadiennes dans le marché du travail après l’arrivée d’un enfant variait sensiblement en fonction de leur participation (ou non) à l’activité professionnelle avant la naissance, du rang de l’enfant et du moment de la naissance de ce dernier. On peut se demander si ces effets perdurent une fois pris en compte l’effet simultané d’un ensemble de facteurs susceptibles d’influencer le rythme de cette transition. Les résultats des régressions de Cox permettent de faire apparaître les effets propres de chacun de ces facteurs.

(Ré)insertions dans le marché du travail

Ensemble des mères

Le premier modèle du tableau 1 présente l’effet des diverses variables sur les risques qu’ont les mères d’insérer ou de réinsérer le marché du travail après avoir donné naissance à un enfant. Les coefficients des régressions semi-paramétriques sont présentés dans le tableau sous leur forme exponentielle (rapports de risque). Lorsque le coefficient associé à une variable est plus grand que 1, cela signifie que cette variable accroît le risque de réinsertion; à l’inverse, un coefficient plus petit que 1 indique que la variable réduit ce risque. Comme les variables retenues sont entrées dans le modèle sous forme dichotomique ou polydichotomique, les rapports de risque s’interprètent en fonction de la catégorie de référence (omise de l’équation), à laquelle est attribuée la valeur 1. L’effet des variables dont la valeur, pour une mère, peut changer au fil du temps s’interprète de la même manière que l’effet d’une variable indépendante dont la valeur est fixe.

Plusieurs variables influencent de façon significative le rythme d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail, dont au premier chef le fait d’avoir (ou non) travaillé l’année précédant la naissance de leur enfant, le nombre d’années d’expérience de travail accumulées et le niveau de scolarité complétée. Confirmant ce qui a été observé lors de l’examen des courbes de survie, on constate tout d’abord que les chances de (re)prendre rapidement un emploi demeurent plus de quatre fois plus élevées (coefficient de 4,64) chez les femmes ayant travaillé au cours de l’année précédant la naissance comparativement à celles n’ayant pas travaillé durant cette période. Celles n’ayant jamais travaillé affichent par ailleurs un risque d’insertion dans le marché du travail à peu près deux fois plus faible (coefficient de 0,49) que leurs consoeurs qui ont travaillé, sans toutefois accumuler plus d’une année d’expérience de travail (catégorie de référence). À l’opposé, les femmes comptant plus de cinq années d’expérience de travail montrent un risque de retour au travail qui est environ de 50 % plus rapide que les femmes de la catégorie de référence. De même, les répondantes qui ont obtenu un diplôme d’études universitaires (ré)intègrent plus précocement le marché du travail par rapport à celles qui ont obtenu un diplôme secondaire. En effet, les mères détenant un grade universitaire ont 19 % plus de chances de s’insérer ou de se réinsérer dans la vie active comparativement à leurs consoeurs qui ont obtenu un diplôme secondaire. Si l’on interprète le niveau de scolarité complétée et le nombre d’années d’expérience de travail accumulées comme des mesures du capital humain amassé, ces résultats tendraient à montrer, comme dans d’autres études, que les mères s’étant investies davantage dans l’éducation et sur le plan professionnel sont les plus susceptibles de présenter des niveaux d’emplois élevés et de bénéficier de gains horaires supérieurs. De ce fait, elles rentabiliseraient leur investissement par un retour rapide au travail après une naissance.

Pour ce qui est des variables liées à la situation familiale, seul le rang de l’enfant exerce une influence significative sur la propension des mères à (ré)intégrer plus ou moins rapidement le marché du travail. Comparées aux femmes qui ont eu un premier enfant, celles qui ont donné naissance à un deuxième enfant ont 19 % plus de chances de connaître une insertion ou réinsertion rapide; par contre, les femmes qui ont donné naissance à leur troisième enfant ne se distinguent pas des premières dans leur propension à (re)prendre un emploi. À première vue, ce résultat rejoint ceux d’analyses antérieures réalisées aux États-Unis et en Angleterre (Berger et Waldfogel, 2004; Dex et al., 1998), lesquelles laissent suggérer que l’arrivée d’un enfant supplémentaire accroît les besoins financiers de la famille et par conséquent la nécessité de retourner rapidement en activité pour pouvoir y subvenir. Il s’inscrit cependant en faux par rapport aux résultats tirés des courbes de survie qui laissent supposer un ralentissement dans le rythme d’insertion ou de réinsertion dans le marché du travail en fonction du rang de naissance de l’enfant. Nous reviendrons plus loin sur cette contradiction apparente lorsque nous examinerons la (re)prise d’emploi selon qu’elle s’effectue à temps plein ou à temps partiel.

Par ailleurs, les femmes qui ont donné naissance à un enfant durant les années 1999 et 2000 affichent globalement une propension plus grande à réintégrer un emploi (de 23 %) par rapport à celles qui ont donné naissance à un enfant entre 2001 et 2003. À l’instar de ce qui a été constaté lors de l’examen des courbes de survie, ce résultat semble refléter l’effet de la réforme du Programme national de prestations de maternité et parentales de janvier 2001, laquelle a permis à une plus grande proportion de mères de demeurer plus longtemps à la maison après la naissance de leur enfant.

En revanche, la prise en compte simultanée de l’ensemble des facteurs ne permet pas de montrer une différence statistiquement significative entre les femmes qui ont donné naissance à un enfant durant les années 1997 et 1998 comparées à celles qui ont donné naissance à un enfant entre 1994 et 1996. Ceci laisse supposer, finalement, l’absence d’effet de la réforme du Programme national de prestations de maternité et parentales de janvier 1997 sur la cadence de retour des mères sur le marché du travail.

Tableau 1

Impact de certaines caractéristiques sur les risques d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail (toutes les mères) : rapports de risque du modèle semi-paramétrique (Cox) a b

Impact de certaines caractéristiques sur les risques d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail (toutes les mères) : rapports de risque du modèle semi-paramétrique (Cox) a b

a La fréquentation scolaire durant l’année précédant la naissance, le statut d’immigrant et le statut de minorité visible ont également été inclus dans le modèle.

b Les coefficients présentés dans le tableau représentent exp(β) dans l’équation de régression du modèle de Cox. Les seuils de signification sont les suivants : *** p<0,001; ** p<0,01; * p<0,05.

c La catégorie de référence est inscrite en italique.

Source : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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L’âge de la mère au moment de la naissance de son enfant affecte également la vitesse de son insertion ou sa réinsertion dans le marché du travail. Comme supposé, les femmes plus jeunes ont plus de chances de s’intégrer ou de se réintégrer rapidement que leurs consoeurs plus âgées. Ainsi, les probabilités de retour rapide à l’emploi des mères de moins de vingt ans sont 69 % plus élevées comparativement à leurs consoeurs âgées de vingt-cinq à vingt-neuf ans, une fois contrôlé l’effet de leurs caractéristiques socio-économiques. Enfin, les autres variables incluses dans la régression n’exercent pas un effet significatif au plan statistique sur la vitesse d’insertion ou de réinsertion des mères dans la vie professionnelle.

Mères actives avant la naissance

Nous avons vu auparavant que le processus d’insertion ou de réinsertion des mères dans le marché du travail présente des divergences considérables en fonction du statut d’activité occupé durant l’année précédant la naissance. Or, il existe évidemment des variations importantes dans le degré et la nature de la participation au marché du travail des mères qui ont travaillé au cours des douze mois précédant la naissance. Par exemple, certaines peuvent avoir travaillé jusque tard durant la grossesse, d’autres auront été travailleuses autonomes plutôt que salariées, d’autres encore auront travaillé à temps partiel plutôt qu’à temps plein. Partant de ce constat, nous avons cru bon construire un modèle de régression incluant seulement les mères ayant participé au marché du travail durant l’année précédant la naissance, afin d’y intégrer les variables permettant de capturer l’hétérogénéité représentée par ces différentes situations[11]. Nous avons également jugé préférable d’introduire dans ce modèle, plutôt que dans celui regroupant l’ensemble des mères, une variable mesurant le fait de recevoir (ou non) des prestations de maternité. Cette décision découle avant tout des conditions d’admissibilité au programme de prestations de maternité qui font en sorte que les mères n’ayant pas travaillé durant l’année précédant la naissance ne peuvent pas de toute façon recevoir de prestations de maternité et ce, quelle que soit l’année de naissance de l’enfant entre 1994 et 2003.

Le premier modèle du tableau 2 présente, pour les mères ayant été actives au cours des douze mois précédant la naissance de leur enfant, l’effet de ces variables sur leurs risques de réintégrer un emploi suivant la naissance de ce dernier. On observe tout d’abord que le risque de retourner sur le marché du travail est près de trois fois plus élevé (coefficient de 2,92) chez les femmes ayant travaillé durant les trois derniers mois de leur grossesse comparativement à celles qui n’ont pas travaillé durant cette période. Ce dernier résultat concorde avec ceux de plusieurs études américaines (Joesch, 1994; Smith et al., 2001; Hofferth et Curtin, 2006) et rejoint l’idée que les femmes qui travaillent jusque tard dans la grossesse ont tendance à être attachées au marché du travail et à poursuivre un style de vie orienté vers la carrière professionnelle plutôt que vers la vie au foyer; elles sont donc plus enclines à réintégrer un emploi rapidement après une naissance.

On relève par ailleurs une différence très importante en ce qui a trait au type de travail effectué avant la naissance. Notamment, le fait pour une femme d’avoir été travailleuse autonome accroît de près de deux fois (coefficient de 1,96) le risque de retour rapide sur le marché du travail comparativement à celui d’avoir été employée salariée. Ce résultat n’est pas surprenant compte tenu de la particularité de cette situation professionnelle au Canada car, ainsi que nous l’avons déjà mentionné dans la première partie, les travailleuses autonomes subissent souvent une double perte financière lorsqu’elles cessent de travailler après une naissance.

De même, le fait de ne pas recevoir de prestations de maternité (que l’on en ait ou non reçu auparavant) augmente d’environ 50 % la probabilité de réintégrer rapidement le marché du travail. Ce résultat laisse supposer que l’indemnité offerte par le programme national de prestations de maternité est suffisante pour inciter les femmes qui en bénéficient à rester plus longtemps au foyer. Des résultats semblables ont été rapportés en Angleterre, dans les pays scandinaves et aux États-Unis (Ondrich et al., 1999; Ellingsaeter et Ronsen, 1996; Ronsen et Sundstrom, 2002; Berger et Waldfogel, 2004; Hofferth et Curtin, 2006).

Tableau 2

Impact de certaines caractéristiques sur les risques de retour des mères sur le marché du travail (mères ayant travaillé l’année précédant la naissance de leur enfant) : rapports de risque du modèle semi-paramétrique (Cox) a b

Impact de certaines caractéristiques sur les risques de retour des mères sur le marché du travail (mères ayant travaillé l’année précédant la naissance de leur enfant) : rapports de risque du modèle semi-paramétrique (Cox) a b

a Les variables présentées au tableau 1 ont également été incluses à l’exception de la variable de la participation au marché du travail durant l’année précédant la naissance.

b Les coefficients présentés dans le tableau représentent exp(β) dans l’équation de régression du modèle de Cox. Les seuils de signification sont les suivants : *** p<0,001; ** p<0,01; * p<0,05.

c La catégorie de référence est inscrite entre parenthèses.

Source : Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 1994-2003

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Enfin, le régime de travail (temps plein ou partiel) occupé avant la naissance ne semble pas a priori affecter la vitesse de retour sur le marché du travail des mères ayant travaillé au cours de l’année précédant la naissance.

À temps plein ou à temps partiel ?

Pour savoir dans quelle mesure les facteurs précédemment décrits affectent de manière différente la propension des mères à (ré)insérer le marché du travail à temps partiel ou à temps plein, nous avons repris chacun des modèles précédents, mais en les appliquant cette fois de façon séparée aux deux modalités de participation à l’emploi. Dans le cas de l’insertion ou la réinsertion dans un travail à temps partiel, les mères ont été exclues du groupe à risque à partir du moment où elles occupent un emploi à temps plein; ces cas sont alors considérés comme censurés. À l’inverse, les mères qui sont retournées travailler à temps partiel sont considérées comme censurées à partir du moment où elles prennent un emploi à temps partiel dans l’analyse des réinsertions à plein temps. Soulignons, cependant, que les coefficients rattachés à chacune des variables ne sont pas directement comparables d’un modèle à l’autre. Les résultats de ces analyses sont également présentés dans les tableaux 1 et 2 (2ème et 3ème colonnes). Afin d’éviter les redites, seuls les résultats montrant des divergences au regard des modèles initialement réalisés sont décrits dans les lignes qui suivent.

Ensemble des mères

Les deuxième et troisième modèles du tableau 1 présentent les effets respectifs que les diverses variables exercent sur les risques que l’ensemble des mères ont d’intégrer ou de réintégrer le marché du travail à temps partiel et à plein temps, peu importe qu’elles aient ou non travaillé au cours de l’année précédant la naissance. Les résultats révèlent tout d’abord que les mères ayant accumulé un plus grand nombre d’années d’expérience de travail ont toujours plus de chances d’insérer ou de réinsérer rapidement la vie professionnelle, mais seulement lorsqu’il s’agit d’un retour dans un emploi à plein temps. En effet, les mères ayant plus de deux années d’expérience de travail affichent un risque de retour au travail à temps plein qui est de 1,54 à 2,49 fois plus élevé que celui des femmes ayant déjà travaillé mais possédant moins de deux années d’expérience (catégorie de référence). Le retour rapide dans un emploi à plein temps des mères comptant une plus grande expérience de travail semble confirmer là encore leur plus grand attachement au marché du travail et traduire leur volonté de rentabiliser leur investissement en capital humain. Par ailleurs, le fait de ne jamais avoir connu d’expérience de travail avant la naissance d’un enfant exerce toujours un effet négatif sur la vitesse d’insertion dans l’emploi, reflétant sans doute des préférences particulières pour un style de vie orienté vers la vie au foyer par rapport aux autres femmes, mais le coefficient est statistiquement significatif seulement dans le cadre d’un emploi à temps partiel. Cette absence de signification statistique dans le cas de l’insertion à temps plein s’explique peut-être par les faibles effectifs de cette catégorie de mères, lesquels témoignent du fait que la maternité précédant l’insertion initiale dans le marché du travail est devenue une séquence du parcours de vie désormais de moins en moins souvent empruntée par les femmes (Ravanera et al., 1998).

Le rang du nouveau-né semble également influer de façon très différente sur la propension plus ou moins rapide de retour des mères dans un emploi à temps plein ou à temps partiel. Alors que le fait d’avoir un deuxième ou un troisième enfant, plutôt qu’un premier, augmente de manière significative le risque qu’ont les femmes de (re)prendre un emploi à plein partiel, le risque de retour dans un emploi à temps plein ne semble aucunement lié au rang de naissance de l’enfant. On peut interpréter ce résultat de deux manières. D’une part, on peut y voir l’importance pour certaines mères de contribuer le plus possible à subvenir aux besoins financiers accrus d’une famille nombreuse en effectuant un retour rapide sur le marché du travail après la naissance d’un enfant, en s’assurant néanmoins de conserver en parallèle du temps pour faire face aux tâches domestiques et parentales supplémentaires. D’autre part, il peut s’agir de mères n’ayant pas de contraintes financières et qui, engagées professionnellement, veulent tout de même rester actives. Il faudrait donc savoir si un tel comportement relève davantage du choix ou de la nécessité, comme l’ont souligné Pailhé et Solaz (2006) en observant des résultats semblables en France.

Plusieurs autres variables affectent de manière différente le retour des mères sur le marché du travail selon qu’il s’effectue à temps plein ou partiel. En particulier, le revenu du conjoint de la mère semble être un facteur clé de la modalité de retour choisie. Comparativement aux mères dont les conjoints disposent de faibles revenus (moins de 10 000 dollars), celles dont les conjoints bénéficient des revenus les plus élevés (plus de 35 000 dollars) ont 25 % moins de chances de prendre rapidement un emploi à plein temps; inversement, elles ont une probabilité plus grande (coefficient de 1,35) de le faire à temps partiel. Rejoignant plusieurs études qui ont montré que les femmes vivant en union n’agissent pas de façon isolée et que les couples établissent plutôt une stratégie commune de participation au marché du travail (Bernasco et al., 1998; Bernardi, 1999; Blossfeld et Drobnic, 2001; Martel, Laplante et Bernard, 2005), on peut supposer que les revenus apportés par le conjoint diminuent la dépendance de la mère aux gains de travail pour assurer un niveau de vie familial acceptable et lui permettent d’envisager dès lors un retour plus facile dans un emploi à temps partiel.

De même, les mères ayant des revenus élevés (plus de 20 000 dollars) ont 57 % plus de chances de (re)prendre rapidement un emploi à temps plein par rapport aux mères gagnant entre 10 000 et 20 000 dollars (catégorie de référence), et elles ont à l’opposé un risque environ deux fois moins élevé (coefficient de 0,54) d’intégrer ou de réintégrer le marché du travail à temps partiel. Les répondantes disposant des plus faibles revenus (moins de 10 000 dollars) affichent aussi une propension significativement moins élevée (de l’ordre de 30 %) d’insertion ou de réinsertion dans un emploi à temps plein par rapport à celles de la catégorie de référence. Somme toute, ces résultats vont dans le sens attendu des arguments liés à l’évaluation des coûts d’opportunité des mères de participer ou non au marché du travail après une naissance que nous avons exposés dans la première partie.

On observe, par ailleurs, que le risque d’insertion ou de réinsertion dans le marché du travail est nettement plus élevé chez les mères ayant donné naissance à leur enfant avant, plutôt qu’à partir de l’année 2001, mais seulement dans le cas où l’emploi (re)pris est à temps partiel. Enfin, alors que le fait de résider dans les provinces de l’Ouest diminue de manière significative le risque de reprendre un emploi à plein temps comparé au fait de résider au Québec, ce facteur a pour effet d’accroître le risque de retour des mères dans un emploi à temps partiel après la naissance d’un enfant.

Mères actives avant la naissance

Les deux dernières colonnes du tableau 2 présentent, pour les femmes ayant été actives au cours des douze mois précédant la naissance, les effets des variables liées à la nature de la participation à l’activité professionnelle et à la réception (ou non) de prestations de maternité sur les risques qu’ont ces femmes de réinsérer le marché du travail à temps partiel ou à temps plein. Lorsque l’on tient compte du mode de réinsertion, seule la variable liée au régime de travail du dernier emploi occupé durant l’année précédant la naissance laisse apparaître une différence notable par rapport aux résultats observés dans l’analyse, tout régime de retour confondu (voir modèle 1). En plus de devenir hautement significatifs, les coefficients associés à cette variable jouent de façon diamétralement opposée. Comparativement aux femmes ayant travaillé à temps plein avant la naissance de leur enfant, celles qui ont occupé un emploi à temps partiel ont presque cinq fois moins de chances (coefficient de 0,21) de retourner rapidement sur le marché du travail à plein temps et, inversement, près de cinq fois plus de chances (coefficient de 5,88) de le faire à temps partiel. Ce résultat corrobore ceux des recherches antérieures qui ont mis en lumière la persistance et la stabilité des comportements professionnels des mères en regard du régime de travail (Ondrich et al., 1999; Gustaffson et al., 2000; Ronsen et Sundstrom, 2002; Muszynska, 2004).

Conclusion

L’étude que nous avons menée visait à jeter un nouvel éclairage sur la dynamique de la participation des Canadiennes au marché du travail après la naissance d’un enfant, et des facteurs qui y sont associés. L’examen détaillé du rythme d’insertion ou de réinsertion dans le marché du travail a permis non seulement d’identifier les facteurs qui sont liés à une (re)prise d’emploi plus ou moins rapide, mais également de voir de quelle manière ces facteurs influencent le choix du régime d’emploi occupé après la naissance d’un enfant survenue entre 1994 et 2003.

Nous avons tout d’abord montré que les responsabilités professionnelles et parentales des femmes sont rapidement combinées après la naissance d’un enfant. En effet, ces dernières sont nombreuses – près des deux tiers – à avoir (re)pris un emploi avant que leur enfant ait atteint son premier anniversaire. Toutefois, on constate une polarisation nette du comportement professionnel des mères selon la participation ou non au marché du travail avant la naissance. Celles qui ont travaillé durant l’année précédant cet événement sont nettement plus nombreuses à reprendre leur activité professionnelle après la naissance de leur enfant par rapport à celles qui n’ont pas travaillé, et à le faire plus rapidement.

Nos résultats indiquent en outre que les mères qui possèdent une longue expérience de travail, qui ont complété des études universitaires, ainsi que celles ayant donné naissance à leur deuxième enfant ont tendance à retourner plus rapidement sur le marché du travail après la naissance. Au contraire, celles qui n’ont jamais connu l’expérience du marché du travail ont moins de chances de (re)prendre rapidement un emploi.

Par ailleurs, notre recherche semble confirmer d’un point de vue politique l’atteinte parallèle des principaux objectifs de la modification adoptée dans le Programme de prestations de maternité et parentales en 2001, soit de permettre à un plus grand nombre de mères de prendre soin de leur enfant plus longtemps tout en s’assurant de ne pas freiner leur participation au marché du travail. Jusqu’à six mois, la propension de (re)prise d’un emploi des mères qui ont donné naissance à un enfant durant les années 1999 et 2000 est la même que celle des mères qui ont eu leur enfant entre 2001 et 2003. C’est entre six et douze mois que les comportements des mères de ces deux groupes s’éloignent les uns des autres, ceci est dû au fait qu’un nombre non négligeable de mères admissibles à un congé rémunéré d’un an ont décidé de le prendre. Par la suite, les probabilités cumulées de (re)prise d’un emploi se rejoignent à partir du premier mois de l’année suivant l’accouchement.

L’effet d’autres caractéristiques liées à la participation au marché du travail ressort également lorsque l’on examine plus spécifiquement le retour à l’emploi des mères ayant travaillé durant l’année précédant la naissance de leur enfant. Ainsi, le fait d’avoir travaillé durant les trois derniers mois de la grossesse, d’être travailleuse autonome, de voir ses prestations de maternité cesser ou de n’en avoir jamais reçu accélère le retour des mères sur le marché du travail. À l’évidence, la dynamique de retour à la vie professionnelle de ces femmes dépend dans une large mesure de leurs conditions particulières d’emploi avant la naissance.

Enfin, nos analyses montrent que l’effet de certaines variables varie différemment selon que les femmes effectuent un retour à temps plein ou à temps partiel sur le marché du travail. C’est le cas notamment du rang de l’enfant né, de l’expérience de travail accumulée, du revenu de la femme et de son conjoint, de l’année de naissance de l’enfant, de la région de résidence et du régime de travail du dernier emploi occupé avant la naissance. Dans le contexte où le travail à temps partiel touche un nombre croissant de femmes au Canada, ces résultats illustrent la pertinence de prendre en compte le régime d’emploi dans l’analyse du comportement professionnel des femmes après l’arrivée d’un enfant. Ce dernier revêt clairement une diversité de formes qui traduisent les stratégies d’ajustement professionnel que les mères adoptent en fonction de leurs responsabilités personnelles et familiales. En ce sens, notre article souligne l’importance de mettre en place des politiques et programmes (d’origine publique ou privée) souples en matière de conciliation travail-famille qui tiennent compte de la diversité des configurations familiales existantes.

Néanmoins, il apparaît nécessaire de poursuivre les analyses afin d’explorer sur une plus longue période la dynamique de la participation des femmes à l’emploi après l’arrivée d’un enfant. Car si nos résultats indiquent que les femmes reprennent rapidement leur emploi après la naissance de leur enfant, rien ne garantit qu’elles maintiendront par la suite une participation continue au marché du travail. Les travaux de Gustafsson et collaborateurs (2000) ont montré que les femmes ayant donné naissance à un enfant et résidant dans différents pays d’Europe (Allemagne, Angleterre, Pays-Bas et Suède) connaissaient au cours des cinq années suivantes de multiples mouvements d’entrée et de sortie relativement au marché du travail. On peut se demander si les mêmes tendances s’observent au Canada.

Enfin, il faudrait trouver une façon de mesurer plus finement l’effet des conditions d’emploi et de conciliation travail-famille existantes dans les diverses provinces canadiennes. En plus d’ajouter une variable permettant de contrôler l’effet des aléas de la conjoncture économique, tel le taux de chômage régional, des termes d’interaction entre province de résidence et période de naissance de l’enfant pourraient être introduits afin de tenter de capter l’impact des politiques de conciliation travail-famille qui ont été mises en place au cours des dernières années dans les différentes provinces. Ainsi, plusieurs provinces (en particulier, le Québec) ont développé progressivement des services de garde à la petite enfance, et le déploiement et l’accessibilité de ces derniers semblent exercer un effet important sur le degré de participation des mères de jeunes enfants au marché du travail (Lefebvre et Merrigan, 2005; Statistique Canada, 2006b).