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Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche sur la diversité culturelle au Québec avant 1940[1]. Son objectif premier est méthodologique : évaluer le potentiel d’une méthode basée sur deux éléments novateurs dans le traitement que nous faisons des données de recensements et d’état civil : (1) ces données sont jumelées afin de maximiser l’information disponible et permettre d’examiner la question de l’exogamie dans le cadre des histoires familiales ; (2) les mariages protestants ont été dépouillés et considérés au même titre que les mariages catholiques, permettant ainsi de créer des liens inédits entre ces ensembles de données. La comparaison des mariages mixtes et non mixtes porte notamment sur la reproduction différentielle, l’identité culturelle des enfants ainsi que leur mobilité géographique.

Nous ne voyons pas l’intégration comme un processus linéaire et continu, ce qui explique que nous considérions ici les mariages mixtes comme une modalité particulière de la dynamique des échanges entre communautés culturelles[2]. Au-delà d’une mesure sommaire de ce phénomène, notre questionnement se concentre sur les enfants des couples exogames, dont l’identité culturelle n’est pas définie d’emblée et dont la trajectoire (mariage et mobilité géographique, par exemple) pourrait différer de celle des enfants de couples endogames. Ce travail porte donc au fond sur les diverses façons dont les nouveaux arrivants s’insèrent dans la société d’accueil, telles que Berry (1997) les a définies : l’assimilation, l’intégration, la séparation et la marginalisation. Dans l’analyse de ces différents scénarios, il est important de prendre en compte les occasions de contact et les relations de pouvoir entre les groupes (Sam et Berry, 2006).

Le texte s’amorce avec un rappel des principaux jalons ayant façonné l’histoire du Québec avant 1900, du point de vue de sa diversité et des enjeux de l’intégration. Nous expliquons ensuite comment nous avons identifié les couples exogames (sur la base de la religion et/ou de l’origine ethnique) à l’aide des données nominatives de recensement et constitué un groupe comparable de couples endogames afin de les jumeler aux données du fichier de population BALSAC. Ce fichier contient les informations tirées des actes de mariage de l’ensemble du Québec et des liens généalogiques qui les unissent pour la période allant du début de la colonisation française jusqu’à l’époque contemporaine. Nous présentons ensuite quelques résultats préliminaires d’analyses comparées portant sur les enfants des couples endogames et exogames en fonction de leurs caractéristiques respectives. Ce travail s’effectue sur deux régions dont l’histoire et la culture présentent des contrastes importants, la ville de Québec en 1871 et la Gaspésie en 1881 : leur niveau de diversité est assez élevé pour qu’il y ait des possibilités significatives d’interaction entre communautés culturelles.

Immigration et diversité culturelle entre 1760 et 1900

Quand la Nouvelle-France devient colonie britannique en 1763, la population établie dans la vallée du Saint-Laurent compte approximativement 70 000 personnes, dont quelques milliers d’Autochtones. La grande majorité est canadienne-française, pour la plupart des descendants des 3 500 colons français établis avant 1680 (Charbonneau et collab., 1987). Plusieurs Acadiens déportés des provinces maritimes en 1755 ont aussi trouvé refuge au Canada.

On connaît relativement peu de choses sur la période subséquente d’immigration, essentiellement américaine et britannique, d’une part à cause de la piètre qualité des registres protestants et, d’autre part, à cause de la difficulté à retracer le parcours de ces groupes aux contours incertains (en provenance des États-Unis, par exemple, mais aux origines britanniques diverses). Il y a peu de nouveaux arrivants durant les cinquante années qui suivent la Conquête, et la plupart s’établissent à Québec ou à Montréal. Les cantons de l’Est, l’Outaouais, la Gaspésie et la rive sud de Montréal s’ouvrent au peuplement européen avec l’arrivée des Loyalistes, puis avec les vagues d’immigrants venus d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse après 1815, parfois via les États-Unis et très certainement avec les encouragements du gouvernement britannique. Les Irlandais comptent pour la majorité de ces immigrants et les deux tiers d’entre eux sont catholiques. L’immigration dans l’est du Québec (Gaspésie et côte Nord) s’est faite de façon plus spontanée et en relation avec l’économie des provinces maritimes. Les immigrants sont surtout des pêcheurs des îles Anglo-Normandes (Français protestants), du sud-ouest de l’Angleterre et de Terre-Neuve, ainsi que des fermiers écossais et irlandais. En 1851, les Canadiens français, concentrés dans la vallée du Saint-Laurent et entourés du « cordon britannique » qu’a si bien décrit le géographe Raoul Blanchard (1960), ne comptent plus que pour les trois quarts de la population québécoise.

La population n’est pas demeurée pour autant imperméable aux échanges entre les groupes. Les perturbations liées à la Conquête (1759-1765) et aux Rébellions de 1837-1838 ont causé des mouvements de masse (milice, travail migrant, colons) et un mélange des populations. Mais le principal changement survient peu après, alors que le territoire seigneurial peut de moins en moins absorber une population canadienne-française en plein essor. Aidée en cela par le développement des axes de communication, la majorité canadienne-française essaime le long des vallées, des routes et des chemins de fer menant aux usines de la Nouvelle-Angleterre, ainsi que dans toutes les directions vers les arrière-pays, où elle se mêle aux colons britanniques. Ce mouvement va être suivi d’un important déplacement vers les villes, en particulier Montréal, qui devient alors la métropole industrielle du Canada (Courville, 1996 ; Courville et Howard, 2008 ; Dugas, 1990 ; Ramirez et Otis, 2001 ; Roby, 1990). Aucunement aléatoires, ces mouvements de population suggèrent une géographie complexe de colonisation et de rencontres entre différents groupes.

Qualifiée d’entrée de jeu d’exploratoire, notre étude porte, nous l’avons dit, sur deux régions contrastées possédant chacune sa propre histoire : la Gaspésie et la ville de Québec. Dans les années 1870, la population d’origine autre que française atteint 30 à 40 % dans chacune de ces régions (figure 1), soit une proportion assez importante pour parler de diversité culturelle et pour susciter des occasions d’échange entre les groupes. D’autres régions frontalières comme l’Outaouais ou l’Estrie présentent beaucoup d’intérêt à cet égard, mais le manque de sources et la difficulté à suivre les mouvements de population d’un côté et de l’autre des frontières rendent leur étude extrêmement difficile d’un point de vue méthodologique[3].

La Gaspésie est une région éloignée[4] située dans l’est du Québec. Le peuplement européen s’y est amorcé au milieu du xviiie siècle avec les Acadiens fuyant la déportation imposée par les Britanniques en 1755 (Desjardins et collab., 1999). Ils ont été rejoints quelques décennies plus tard par les Loyalistes, des anglophones qui désiraient demeurer sujets de l’Empire britannique après la Déclaration d’indépendance des États-Unis. Le peuplement européen n’a cependant pris de l’ampleur qu’au xixe siècle, lorsque l’industrie maritime, les pêcheries et les forêts ont commencé à attirer les colons britanniques, des protestants français des îles Anglo-Normandes et, plus tard, des Canadiens français du bas Saint-Laurent. En 1881, la population compte 43 900 personnes, dont seulement 2 % d’immigrants. Les Canadiens français sont les plus récemment arrivés et la population francophone est elle-même diversifiée, tandis que les communautés non francophones sont déjà bien établies dans la région (figure 1a).

Figure 1A

Immigration et caractéristiques socioculturelles de la population dans les régions à l’étude

Immigration et caractéristiques socioculturelles de la population dans les régions à l’étude

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Figure 1B

Immigration et caractéristiques socioculturelles de la population dans les régions à l’étude (suite)

Immigration et caractéristiques socioculturelles de la population dans les régions à l’étude (suite)
Sources : Recensements du Canada, données publiées pour les deux premiers graphiques ; fichier des micro-données pour Québec en 1871 et la Gaspésie en 1881. Le fichier de 1871 provient du PHSVQ et le second provient des données colligées par les Mormons, corrigées par l’équipe de Lisa Dillon et retravaillées par les auteures

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Fondée au début du xviie siècle, la ville de Québec était au milieu du xviiie siècle la plaque tournante du transport de marchandises, le coeur et l’âme religieuse de la culture canadienne-française. Point d’entrée d’une majorité d’immigrants partis d’Angleterre vers l’Amérique du Nord, la ville accueille les nouveaux arrivants, même si tous ne s’y installent pas. La population d’origine anglaise passe de moins de 9 000 en 1805 à près de 60 000 en 1861. Le déclin de l’industrie du transport et des forêts, couplé à l’essor de Montréal comme capitale industrielle du Canada, a entraîné ensuite une stagnation de la population de Québec, particulièrement de sa composante britannique (Fortin et Marcoux, 2008 ; St-Hilaire et Marcoux, 2004). En 1871, la ville abrite 60 000 personnes et près d’un habitant sur cinq est immigrant (anglophone dans presque tous les cas) ; un habitant sur trois est d’origine britannique et les deux tiers d’entre eux sont irlandais et catholiques (figure 1)[5].

Stratégie méthodologique

L’étude des mariages mixtes, et plus particulièrement des enfants issus de mariages mixtes, repose sur une stratégie mettant à profit le jumelage de deux types de sources : les recensements et les actes de mariage. Les couples exogames ont été identifiés à partir des micro-données de recensement, puis jumelés aux actes de mariages catholiques et protestants contenus dans BALSAC. Comme les liens généalogiques ont été établis entre ces mariages, il est possible de connaître la trajectoire des enfants de ces couples lorsque ces derniers se sont mariés au Québec. À des fins de comparaison, une procédure semblable a été appliquée à un échantillon de couples endogames identifiés dans le recensement. Quelques travaux ont déjà été réalisés à partir du jumelage entre données de recensement et registres d’état civil[6], mais c’est la première fois, à notre connaissance, qu’un jumelage systématique est tenté en s’appuyant sur des procédures automatisées et en incluant les registres protestants.

Données du recensement

Les données manuscrites des recensements, recueillies de manière systématique au Canada depuis 1852, ont permis de définir les contours des groupes ethno-religieux utilisés dans cette étude. Les recensements canadiens se démarquent par la richesse des détails sur la diversité culturelle : on y trouve des informations sur la religion et le pays de naissance depuis 1852, sur l’origine ethnique depuis 1871[7], et sur la langue et l’année d’immigration depuis 1901. À cause des nombreux recoupements entre religion, langue et origine ethnique dans le contexte québécois, aucune variable ne peut à elle seule définir l’identité culturelle, mais la plupart des grandes communautés peuvent être cernées à l’aide d’une combinaison de deux de ces caractéristiques. Les groupes retenus ici sont les catholiques d’origine française (FC), les Irlandais catholiques (IC), les catholiques d’autres origines (AC), les protestants d’origine britannique (BP) et les protestants d’autres origines (AP). Cette définition, qui s’appuie sur la réalité de la société québécoise de l’époque, comme l’ont montré Olson et Thornton dans le cas de Montréal (Olson et Thornton, 2011), permet de rendre compte de la quasi-totalité de la population tout en garantissant des effectifs suffisants pour les analyses.

Pour les besoins de cette étude, nous avons utilisé le recensement de 1871 pour la ville de Québec et celui de 1881 pour la Gaspésie. Dans les deux cas, ce sont les premiers recensements manuscrits disponibles en version numérisée et qui contiennent des renseignements sur l’origine ethnique et la religion de chaque individu[8]. Quoique les deux recensements soient séparés par une décennie, ils sont quand même assez rapprochés pour être comparables. De plus, il est préférable dans le cas de Québec de se référer au recensement de 1871 puisque la population y est plus diversifiée que plus tard au xixe siècle.

Dans les deux cas, les données de recensement révèlent que 66 % de la population était d’origine française en 1871 ou en 1881 (figure 1a). La Gaspésie compte une plus grande proportion de protestants (19 %) que la ville de Québec (13 %), cette dernière étant déjà en processus de déperdition de sa composante anglophone. En revanche, les Irlandais catholiques sont beaucoup plus nombreux à Québec qu’en Gaspésie (17 % contre 7 %).

Nous avons identifié 803 couples mixtes en Gaspésie, soit 13 % de tous les couples mariés, et 687 à Québec, soit 8 % de tous les couples recensés (tableau 1). La répartition des mariages selon les groupes ethniques et religieux correspond à ce que nous connaissons de la composition religieuse et ethnique des deux régions : 19 % des couples endogames en Gaspésie sont protestants, comparativement à 13 % à Québec. La mixité religieuse (catholique-protestant) est plus fréquente à Québec, tandis que la mixité ethnique au sein de mariages catholiques ou protestants est plus fréquente en Gaspésie (tableau 2). Dans les deux cas, cela tient probablement au fait que ces groupes constituent une plus petite fraction de la population totale. Le plus grand nombre de mariages ethniquement mixtes chez les protestants de Gaspésie découle en bonne partie de la présence d’une population de marchands protestants français originaires des îles Anglo-Normandes.

Tableau 1

Couples mariés selon l’appartenance culturelle des époux, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Couples mariés selon l’appartenance culturelle des époux, Gaspésie 1881 et Québec 1871

FC : franco-catholiques ; IC : irlandais catholiques ; AC : autres catholiques ; BP : britanniques protestants ; AP : autres protestants

Sources : Fichiers de micro-données des recensements de 1881 pour la Gaspésie et de 1871 pour la ville de Québec

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Tableau 2

Couples exogames selon le type d’exogamie, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Couples exogames selon le type d’exogamie, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Source : Fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec. Les totaux diffèrent du tableau 1 parce que seuls les couples retenus pour le jumelage sont inclus ici

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Le fichier BALSAC et le jumelage avec les données du recensement

Fondé il y a une quarantaine d’années par Gérard Bouchard et son équipe à l’Université du Québec à Chicoutimi, le Projet BALSAC vise à construire une base de données démographiques couvrant toutes les régions du Québec depuis les débuts de la colonisation jusqu’aux années récentes. Les données du fichier proviennent des actes d’état civil du Québec, principalement des actes de mariage[9]. En septembre 2010, plus de 1,9 million d’actes figuraient dans la base de données, cette dernière constituant ainsi un registre presque complet des mariages catholiques jusqu’en 1960. Le fichier BALSAC contient des données sur près de 4 millions d’individus — dont 80 % peuvent être reliés à leurs parents — et sur 2,5 millions de familles, reconstituées sur la base de ces mariages.

Les informations concernant les mariages non catholiques pour la même période ne sont pas complètes et sont dispersées dans plusieurs petites paroisses. Alors que les actes de mariages catholiques comprennent presque toujours le nom des parents des conjoints (ou celui du conjoint précédent dans les cas de remariage), le nom des parents n’est connu en moyenne que pour 23 % des hommes et 30 % des femmes dans le cas des mariages non catholiques, ce qui constitue un obstacle majeur au jumelage. En effet, le jumelage des actes concernant les membres d’une même famille repose essentiellement sur la comparaison des informations nominatives des sujets d’actes ; sans celles-ci, les jumelages sont presque impossibles à effectuer. Cette situation lacunaire a justifié la décision des responsables du fichier BALSAC de n’intégrer qu’une partie des actes non catholiques, c’est-à-dire environ le cinquième jusqu’à maintenant[10]. Pour les besoins de notre étude, toutefois, tous les mariages non catholiques célébrés en Gaspésie et à Québec avant 1920 ont été dépouillés et intégrés au fichier. La date de 1920 a été retenue afin de disposer d’une période suffisamment longue pour observer le mariage des enfants des couples étudiés. L’ensemble qui en découle est loin d’être aussi exhaustif que dans le cas des mariages catholiques, qui touchent l’ensemble du Québec, mais il constitue néanmoins une base pour cette première tentative de jumelage avec les couples identifiés au recensement et leurs enfants mariés dans la même région.

Les résultats présentés ici proviennent d’un projet pilote qui vise à développer des outils informatisés qui serviront plus généralement à jumeler des données de recensement au fichier BALSAC. La démarche utilisée est largement inspirée des procédures de jumelage en vigueur au Projet BALSAC, lesquelles misent sur la comparaison d’attributs individuels (données nominatives) et contextuels (structure familiale et information résidentielle)[11]. Le point de départ de la procédure de jumelage est l’ensemble des couples exogames observés en Gaspésie en 1881 et à Québec en 1871, de même que les deux échantillons correspondants de couples endogames[12] (tableau 3). Puisque nous ne disposons pas de variable « relation avec le chef de ménage » dans les recensements de 1871 et de 1881 (variable introduite en 1891 seulement), les critères suivants ont été utilisés afin d’identifier les familles au sein des ménages devant être jumelés : 1) les deux premiers membres du ménage devaient être un homme et une femme et devaient être mariés ; 2) les autres membres du ménage étaient considérés comme les enfants du couple si a) leur nom de famille était le même que celui du père présumé b) leur âge était compatible avec celui de la mère présumée (différence minimale de 15 ans) et c) ils étaient célibataires.

Tableau 3

Couples mariés de l’échantillon selon l’appartenance culturelle des époux, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Couples mariés de l’échantillon selon l’appartenance culturelle des époux, Gaspésie 1881 et Québec 1871

FC : franco-catholiques ; IC : irlandais catholiques ; AC : autres catholiques ; BP : britanniques protestants ; AP : autres protestants.

Source : Fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Une fois ces familles identifiées, l’étape suivante a consisté à établir la liste des correspondances possibles dans le fichier BALSAC en identifiant les familles susceptibles d’avoir été recensées en 1871 ou en 1881. Des unités nominatives de comparaison (UNC) ont ensuite été définies pour chaque ensemble de données, soit le recensement et le fichier BALSAC (figure 2). Le jumelage des actes de mariage au sein du fichier BALSAC est basé sur des UNC comprenant quatre éléments nominatifs, soit le prénom et le nom de famille de chaque conjoint. Toutefois, comme seul le nom de femme mariée d’une femme figure au recensement, cette procédure a dû être adaptée et le prénom des enfants recensés dans le ménage a été utilisé comme quatrième élément de l’UNC. Il y a donc autant de combinaisons possibles qu’il y a d’enfants dans la famille. On a aussi utilisé une combinaison de trois éléments, le nom et prénom du conjoint et le prénom de la conjointe, cette combinaison étant évidemment la seule possible pour les couples sans enfant au recensement. Chaque UNC a ensuite été comparée aux données dans BALSAC. Pour être valide, une association recensement-BALSAC devait contenir au moins un élément identique ; sur cette base, une liste de couplages potentiels avec les familles de BALSAC a alors été établie.

Figure 2

Stratégie de jumelage des familles tirées des recensements à celles tirées du fichier BALSAC

Stratégie de jumelage des familles tirées des recensements à celles tirées du fichier BALSAC

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Par la suite, la comparaison basée sur cette liste a pris en compte des variables complémentaires et un score a été attribué à chaque couplage potentiel. Les variables suivantes se sont donc ajoutées aux UNC : lieu de résidence et âge au recensement, lieu et date du mariage, lieu de résidence des conjoints et de leurs parents dans BALSAC. L’objectif a été de tirer parti au maximum des renseignements disponibles dans chacune des sources de données. Le score attribué à chaque élément de comparaison a été pondéré en fonction de sa fiabilité et de sa capacité à discriminer les candidats ; par exemple, en effectuant des tests, nous avons établi que la concordance logique des dates est plus importante que la similarité des prénoms des enfants. Les scores ont été additionnés pour obtenir un score global.

À cette étape, les familles sélectionnées dans BALSAC ont été classées selon leur score et la décision finale de jumelage a été prise par observation directe d’une personne préposée au jumelage (à la main !). Cette personne disposait de renseignements additionnels provenant des deux sources de données, par exemple des informations sur les mariages précédents ou sur la profession du conjoint. En moyenne, la partie manuelle de ce processus prend moins de trois minutes. Dans la plupart des cas, le score seul a été suffisant pour prendre une décision et 80 % des couplages ont été effectués avec le candidat présentant le score le plus élevé.

Nous présentons dans les sections suivantes des résultats concernant le processus de jumelage entre les couples recensés et les mariages s’y rapportant dans BALSAC, ainsi que les résultats des premières analyses portant sur les enfants de ces couples. Il est important de se rappeler que les renseignements concernant l’origine ethnique et la religion ne sont disponibles que dans le recensement, tandis que les caractéristiques des mariages (date, confession, paroisse) ne figurent que dans le fichier BALSAC. L’information disponible au recensement permet de calculer le nombre d’enfants résidant avec le couple au moment du recensement, tandis que le fichier BALSAC révèle le nombre d’enfants mariés au Québec ou dans la région (mariages protestants). Nous projetons, lors d’une étape ultérieure, de relier les informations concernant les enfants recensés avec leur propre mariage dans BALSAC.

Résultats du jumelage

Le tableau 4 rapporte les taux de jumelage obtenus à la suite de la procédure décrite plus haut. Ces taux sont élevés : 90 % des couples sélectionnés dans le recensement ont pu être jumelés à un mariage du fichier BALSAC dans le cas de la Gaspésie en 1881 et 67 % dans le cas de la ville de Québec en 1871. Deux facteurs peuvent expliquer le chiffre plus élevé observé en Gaspésie : 1) l’exode de la population de la ville de Québec, à la fin du xixe siècle, qui réduit les possibilités de jumelage, surtout chez les protestants mais aussi chez les Québécois ayant émigré vers les États-Unis ou ailleurs au Canada ; 2) l’éloignement relatif de la Gaspésie, qui augmente vraisemblablement la propension à s’y établir de façon permanente.

Tableau 4

Taux de jumelage avec le fichier BALSAC selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Taux de jumelage avec le fichier BALSAC selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Source : Fichier BALSAC ; les caractéristiques des couples sont tirées des fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Fait peu surprenant lorsqu’on considère les lacunes des archives sur les mariages protestants, le taux de jumelage atteint un sommet pour les couples endogames catholiques, soit 96 % des couples recensés en Gaspésie en 1881 et 76 % des couples recensés à Québec en 1871. Les couples catholiques impliquant deux conjoints d’origine ethnique différente ont été jumelés à peu près dans les mêmes proportions (91 % et 73 %). À l’autre extrême, moins de 50 % des couples recensés à Québec et impliquant au moins un protestant ont pu être jumelés dans BALSAC, ce qui confirme l’impact de l’exode de la population anglophone, les limites des sources protestantes et, probablement, la plus grande difficulté à jumeler les données relatives à un espace urbain plutôt qu’à l’ensemble d’une région. Le taux de jumelage des couples gaspésiens impliquant un protestant est plus faible que celui des couples catholiques, mais bien plus élevé que celui obtenu à Québec. Ce résultat n’est pas étranger au fait qu’entre 1851 et 1911, la population protestante de Québec est passée de 22 % de la population totale à seulement 6 % ; en Gaspésie, l’évolution a été de 25 % à 16 %.

Le taux de succès ne varie pas de façon significative selon l’âge des conjoints (données non présentées ici), mais il tend à être plus élevé pour les couples ayant au moins un enfant recensé (tableau 5). Cette variation s’accorde avec le fait que les données sur les enfants ont été utilisées dans la procédure de jumelage, améliorant ainsi les chances que le couple ait pu être retracé dans le fichier BALSAC au moment du mariage d’un enfant.

Tableau 5

Taux de jumelage selon la présence (ou non) d’un enfant du couple au recensement, Gaspésie 1881 et ville de Québec 1871

Taux de jumelage selon la présence (ou non) d’un enfant du couple au recensement, Gaspésie 1881 et ville de Québec 1871
Source : Fichier BALSAC ; les caractéristiques des couples sont tirées des fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Les enfants de couples exogames

Parmi les questions qui nous intéressent figurent celle de savoir si les couples endogames ont laissé davantage de descendants dans la population que les couples exogames (reproduction différentielle) et celle de savoir à quel groupe les enfants de couples exogames se sont identifiés d’un point de vue culturel. Le recensement ne comportant pas de question directe sur la fécondité, le nombre d’enfants de moins de 5 ans a été rapporté au nombre de leurs mères âgées de 15 à 50 ans afin d’obtenir une mesure indirecte de la fécondité. Comme on s’y attendait, le nombre d’enfants de moins de 5 ans recensés dans les deux régions à l’étude n’est pas significativement différent entre les couples exogames et endogames (figure 3). Au Québec, la baisse de la fécondité s’amorce à peine dans les années 1870 chez les protestants et une région comme la Gaspésie en 1881 est peu susceptible d’être déjà touchée (Gauvreau et collab., 2007). Un écart significatif dans le nombre moyen d’enfants sépare toutefois les deux régions, vraisemblablement à cause d’un taux de mortalité infantile beaucoup plus élevé à Québec, témoignage de la lourde pénalité urbaine exercée par les mauvaises conditions de vie et les risques accrus de contagion (Thornton et Olson, 2001). Ainsi, on peut s’attendre à trouver moins d’enfants mariés issus de couples recensés à Québec, mais peu de différence entre couples endogames et exogames d’un même lieu.

Figure 3

Nombre moyen d’enfants de moins de 5 ans par femme mariée âgée de 15 à 50 ans au recensement selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Nombre moyen d’enfants de moins de 5 ans par femme mariée âgée de 15 à 50 ans au recensement selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Sources : Fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec. Seuls les couples jumelés dans BALSAC sont pris en compte ici

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Les résultats du tableau 6 confirment la différence attendue dans le nombre d’enfants mariés à Québec et en Gaspésie, mais suggèrent l’existence de différences additionnelles suivant la religion des parents. Le plus grand nombre d’enfants mariés est attribuable aux couples endogames catholiques, respectivement 5,1 en Gaspésie et 3,6 à Québec, suivis de très près par les couples catholiques dont les conjoints sont d’origine ethnique différente (4,7 et 3,4). Viennent ensuite les couples catholiques-protestants (3,3 et 2,7), peut-être parce que le mariage de plusieurs de leurs enfants a été célébré dans la confession catholique, alors que les couples protestants (endogames et exogames) ont le moins d’enfants mariés repérés dans BALSAC. Le fait de disposer des mariages protestants uniquement pour les régions à l’étude — alors qu’on possède les mariages catholiques pour tout le Québec — ainsi que la grande difficulté à jumeler entre eux ces mariages expliquent en partie un tel résultat.

Tableau 6

Nombre moyen d’enfants mariés et nombre moyen d’enfants mariés dans la région selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Nombre moyen d’enfants mariés et nombre moyen d’enfants mariés dans la région selon le type de couple, Gaspésie 1881 et Québec 1871

a Seulement 15 couples-parents à Québec dans cette catégorie.

b Seulement 24 et 7 couples-parents respectivement en Gaspésie et à Québec dans cette catégorie.

Source : Fichier BALSAC pour les enfants mariés ; les caractéristiques des couples sont tirées des fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Afin de surmonter ce problème, on a refait le calcul du nombre d’enfants mariés en le limitant à la seule région étudiée afin de disposer d’une base comparable pour les mariages catholiques et protestants (2e et 4e colonnes du tableau 6). On constate alors la vigueur de la reproduction utile[13] régionale au sein des communautés catholiques, qu’elles soient ethniquement mixtes ou non, ainsi que le nombre élevé de mariages d’enfants de couples exogames catholiques-protestants. Moins d’enfants de couples protestants se sont mariés dans la région où résidaient leurs parents en 1871 ou en 1881. Dans tous les cas (sauf un où les effectifs sont peu nombreux), le nombre d’enfants mariés régionalement est plus élevé en Gaspésie, témoignant ainsi d’une dynamique différente et de circonstances propres à la ville de Québec à la fin du xixe siècle.

Pour tenter de cerner l’identité culturelle des enfants de couples exogames, nous avons utilisé les déclarations de religion contenues dans le recensement. L’information relative à l’origine ethnique ne peut être utilisée de la même façon, puisque celle-ci est définie d’emblée en fonction de l’origine ethnique du père. On cherchait à savoir, par exemple, si les enfants s’identifiaient davantage à la religion de la mère, réputée jouer un plus grand rôle dans la transmission des valeurs religieuses, ou s’ils s’identifiaient davantage à celle du groupe dominant, soit les catholiques. Les chiffres du tableau 7 suggèrent en quelque sorte un mélange de ces deux tendances. Au sein des couples exogames, les enfants sont majoritairement déclarés catholiques au recensement lorsqu’il s’agit de la religion maternelle, cela autant à Québec (29 cas sur 43) qu’en Gaspésie (71 cas sur 102). Dans la situation où la mère est protestante, le bilan de la religion des enfants est partagé entre catholicisme et protestantisme. La ville de Québec se distingue dans tous les cas avec un nombre plus élevé de familles où la religion n’est pas la même pour tous les enfants[14]. Même si la pression exercée sur les couples exogames par l’Église catholique était très forte à l’époque, on voit qu’il n’est pas rare que les enfants aient été recensés comme protestants.

Tableau 7

Religion déclarée au recensement parmi les enfants de couples exogames catholique-protestant ayant au moins deux enfants, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Religion déclarée au recensement parmi les enfants de couples exogames catholique-protestant ayant au moins deux enfants, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Sources : Fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec. Seuls les couples ayant au moins deux enfants recensés sont pris en compte ici

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La confession des mariages d’enfants repérés dans BALSAC fournit une autre réponse à cette question, partielle cependant à cause des limites des sources protestantes (tableau 8). Si l’on part du principe que tous les mariages protestants des deux régions à l’étude jusqu’en 1920 ont été pris en compte, on constate que la communauté catholique était bel et bien en mesure de faire des gains auprès de la communauté protestante. En effet, tous les enfants de couples endogames catholiques dont le mariage a été retracé dans BALSAC se sont mariés dans la confession catholique et c’est aussi le cas de la presque totalité des enfants de couples catholiques-protestants (93 % et 96 %). Rappelons que ces derniers chiffres concernent une moyenne de 3,3 enfants mariés par couple en Gaspésie et 2,7 à Québec, soit un nombre non négligeable d’enfants au total. Le faible pourcentage de mariages catholiques chez les enfants de couples protestants endogames en Gaspésie (18 %) semble indiquer que la communauté protestante était davantage en mesure de se maintenir et de reproduire sa population dans cette région.

Tableau 8

Pourcentage d’enfants mariés dans la confession catholique selon le type de couple formé par leurs parents, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Pourcentage d’enfants mariés dans la confession catholique selon le type de couple formé par leurs parents, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Source : Fichier BALSAC pour les enfants mariés ; les caractéristiques des couples sont tirées des fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Cherchant à pousser un peu plus loin cette réflexion quant à la capacité d’une communauté de se maintenir à l’échelle régionale, nous avons comparé le lieu de mariage des enfants à la région où résidaient leurs parents en 1881 ou 1871. La comparaison vaut seulement pour les couples catholiques, puisque les mariages protestants d’enfants sont presque impossibles à localiser au-delà des deux régions à l’étude[15]. Les résultats doivent aussi être interprétés avec prudence car le mariage a généralement lieu dans la paroisse de la femme, ce qui ne signifie pas toujours que le couple s’établit à cet endroit. Ceci dit, le pourcentage d’enfants mariés dans la région où ils résident en 1881 (Gaspésie) ou en 1871 (Québec) n’est pas très différent entre couples catholiques endogames ou exogames du point de vue ethnique (tableau 9). Les enfants de couples catholiques ethniquement mixtes sont même un peu plus nombreux à se marier en Gaspésie (82 %) que les enfants de couples complètement endogames (69 %). À Québec, les pourcentages d’enfants mariés dans la ville sont similaires pour les deux catégories de couples, soit 76 % et 79 %. De manière générale, ces chiffres suggèrent que la mobilité géographique interne au Québec touchait de 20 à 30 % des enfants dont le mariage a été repéré dans le fichier BALSAC, même dans une région éloignée comme la Gaspésie. Des groupes minoritaires comme les Irlandais en Gaspésie ne semblent pas davantage touchés par ce phénomène que la majorité canadienne-française. Il est difficile toutefois de savoir si les attributs culturels des minorités sont conservés à plus long terme.

Tableau 9

Pourcentage d’enfants mariés (mariages catholiques seulement) dans le lieu de résidence de leurs parents selon le type de couple formé par leurs parents, Gaspésie 1881 et Québec 1871

Pourcentage d’enfants mariés (mariages catholiques seulement) dans le lieu de résidence de leurs parents selon le type de couple formé par leurs parents, Gaspésie 1881 et Québec 1871
Source : Fichier BALSAC pour les enfants mariés ; les caractéristiques des couples sont tirées des fichiers de micro-données du recensement de 1881 pour la Gaspésie et du recensement de 1871 pour la ville de Québec

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Conclusion

Sur le plan méthodologique, le travail présenté ici montre qu’il est tout à fait possible de jumeler, de manière semi-automatisée, les informations disponibles dans les recensements à celles sur les mariages du fichier BALSAC. Bien plus, le temps pour le faire est relativement court (moins de trois minutes par jumelage). Même si les taux de jumelage sont moins élevés pour les mariages impliquant des protestants, les résultats obtenus pour ces derniers suggèrent qu’il est possible de pousser plus loin les analyses pour ce groupe, dans la mesure où les questions de recherche ont été définies par rapport à un lieu circonscrit où l’ensemble des mariages du groupe a été dépouillé. Cette situation impose certes des limites, mais elle n’est pas très différente des traditionnelles monographies de paroisse reposant sur les actes d’un lieu unique (paroisse ou région).

Les taux variables d’exogamie observés dans les deux régions sont en lien direct avec la composition de leur population respective et il est difficile de juger s’ils sont faibles ou élevés. Le niveau d’endogamie paraît cependant un peu plus élevé qu’on s’y attendrait pour des communautés relativement petites, peut-être parce que ces communautés étaient reconnues comme distinctes et qu’elles ont pu développer leurs propres institutions, par exemple leurs paroisses et leurs associations. Quoi qu’il en soit, les groupes minoritaires n’ont souvent d’autre choix que de franchir la barrière de l’origine ethnique, de la langue, ou même de la religion, cela en dépit de l’insistance des autorités religieuses, surtout catholiques. Il a été possible de vérifier l’existence d’un certain pouvoir d’attraction de la religion catholique face aux protestants, visible d’une part dans la religion déclarée des enfants de couples catholiques-protestants et d’autre part dans la confession du mariage d’un nombre élevé d’enfants de ces couples. Mais cette dernière situation ne résulte peut-être pas tant d’un choix que d’une obligation. La même chose ne peut pas être vérifiée pour l’origine ethnique en raison de la définition de cette dernière au recensement.

Des différences très nettes apparaissent entre la Gaspésie et la ville de Québec. Québec amorce en 1871 une période économique difficile qui entraînera un exode de sa population, exode plus marqué chez les anglophones. Moins de couples ont ainsi pu être jumelés et ceux qui l’ont été ont moins d’enfants mariés repérables dans le fichier BALSAC. En Gaspésie, la situation des communautés culturelles paraît plus stable, particulièrement dans le cas des protestants, qui semblent davantage en mesure de se maintenir (ségrégation résidentielle et mariages endogames). En Gaspésie, les enfants de couples catholiques endogames, malgré leur supériorité numérique, sont même davantage susceptibles de quitter la région. Cela pourrait être lié au fait qu’à l’extérieur de la région, les communautés sont principalement francophones et catholiques, ce qui laisse peu de débouchés aux membres de minorités désireux de partir.

Plusieurs analyses restent à faire pour mieux comprendre la dynamique des mariages mixtes et la reproduction des communautés culturelles minoritaires au sein des régions. Une façon de pousser plus loin la méthode présentée ici serait de jumeler à leur tour les couples formés par les mariages d’enfants répertoriés dans BALSAC à un recensement ultérieur, ceci afin d’en apprendre davantage sur la trajectoire à plus long terme de ces enfants.