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Problématique et présentation de la recherche

Contexte et pertinence

Les sociétés modernes ont des attentes élevées envers l’école, notamment en ce qui concerne son rôle dans l’actualisation de l’égalité des chances pour diverses populations plus vulnérables (Crahay, 2000). Au Québec, la question de la réussite scolaire des immigrants se pose avec une acuité toute particulière, tant à cause de nos résultats plutôt problématiques pour l’ensemble des élèves que de l’importance de l’immigration, et surtout de l’intégration des immigrants, dans notre développement futur (Lapointe, Archambault et Chouinard, 2008 ; Ministère des Relations avec les Citoyens et de l’Immigration, 2004). Dès 1998, lors de la publication de la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 1998), mettait de l’avant l’égalité des chances, corollaire de l’équité et de la non-discrimination, comme premier principe d’action. Il affirmait également que ce concept ne se limitait pas à l’accessibilité aux services éducatifs, mais comprenait aussi des mesures compensatoires pour tous les élèves qui en ont besoin.

Cependant au milieu des années 1990, les données disponibles conduisaient à une évaluation assez optimiste de la performance des élèves allophones : celle-ci semblait équivalente ou légèrement supérieure à celles des élèves francophones. Cette vision s’appuyait sur des analyses où on ne distinguait pas les élèves allophones selon leur ancienneté d’implantation et où on les comparait aux élèves anglophones et francophones, regroupés la plupart du temps. De même, les recherches étaient souvent limitées aux seuls élèves recevant des mesures de soutien à l’apprentissage de la langue française ou encore basées sur les résultats aux examens de la fin du secondaire, sans tenir compte de l’abandon scolaire précoce chez certains groupes. Enfin, ces études ne distinguaient pas les élèves selon leur groupe linguistique ou leur origine ethnique (MEQ, 1994 et 1996 ; Mc Andrew, 2001).

Pour répondre à ces lacunes, un partenariat a été développé en 2003 entre le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et l’équipe de chercheurs signataires du présent article afin de mener diverses études sur la réussite scolaire de sous-groupes particuliers au sein des élèves issus de l’immigration. La première (Mc Andrew et Ledent, 2006a ; Mc Andrew et Ledent, 2006b, Mc Andrew et Ledent, 2009) portait sur l’expérience scolaire des jeunes Noirs inscrits pour la première fois dans une école secondaire entre 1994 et 1996. La seconde (Ledent, Murdoch et McAndrew, 2010 ; Mc Andrew, Ledent, Murdoch et Ben Salah, 2009) s’intéressait aux élèves qui n’avaient pas comme langue d’usage à la maison la langue de scolarisation majoritaire (soit le français à Montréal), dans le cadre d’une comparaison avec Toronto et Vancouver. La présente recherche, plus vaste (Mc Andrew, Ledent et Murdoch, 2011) s’inscrit dans la foulée de ces initiatives, entre autres en ce qui concerne la démarche méthodologique qui a été développée au fur et à mesure de ces collaborations.

Objectifs et principales composantes

L’étude vise d’abord à effectuer un bilan du cheminement scolaire ainsi que de la participation et de la performance dans diverses matières des cohortes des élèves québécois de première et de deuxième générations dans les deux secteurs linguistiques, et qui ont commencé leur secondaire en 1998 ou en 1999[1]. Les résultats de ce groupe-cible, constitué des élèves nés à l’étranger ou dont au moins un parent est né à l’étranger, sont comparés à ceux des élèves de troisième génération ou plus, soit les élèves dont les deux parents sont nés au Canada. Le second objectif est de mieux comprendre les facteurs qui influencent ces phénomènes à partir des informations sur les élèves et les écoles, disponibles dans les bases de données ministérielles[2]. Ces facteurs sont les caractéristiques ethnoculturelles, linguistiques et sociodémographiques des élèves, ainsi que diverses variables liées à leur processus de scolarisation et aux écoles qu’ils fréquentent.

Nous avons, dans un premier temps, produit un ensemble de tableaux descriptifs portant sur ces données ainsi que sur divers indicateurs relatifs au cheminement et à la performance scolaires. Les résultats sont ventilés selon sept grandes régions d’origine des élèves ou de leur famille[3], utilisées ici comme approximation de leurs caractéristiques ethnoculturelles, leurs caractéristiques linguistiques (soit le rapport qu’ils entretiennent avec la langue de scolarisation comme langue maternelle ou langue d’usage) ainsi que leur statut générationnel. Dans un deuxième temps, nous avons effectué une analyse de régression multivariée ayant comme variable dépendante l’obtention d’un diplôme secondaire, sept ans après l’entrée au secondaire, chez les élèves déjà présents dans le système scolaire québécois en secondaire 1. Dans le cadre de cet article, nous nous penchons seulement sur les données descriptives dans le secteur français et nous nous intéressons uniquement aux indicateurs relatifs au cheminement scolaire. De plus, nous n’abordons les différences entre les groupes que sous l’angle des régions d’origine et du statut générationnel.

Les variables utilisées dans l’analyse

En plus des variables liées aux caractéristiques ethnoculturelles et linguistiques, nous avons dressé le profil du groupe-cible, de ses sous-groupes ainsi que du groupe-contrôle à partir de onze grandes variables. Un premier groupe porte sur les caractéristiques sociodémographiques de ces élèves, soit leur sexe, leur répartition à l’échelle du Québec, leur lieu de naissance (Québec ou hors Québec) ainsi que le statut socioéconomique de leur famille. Pour l’indice de statut socioéconomique de la famille, il est important de signaler que l’on ne possède pas d’indicateurs liés aux élèves dans les bases de données ministérielles. Il s’agit donc d’une approximation basée sur des indicateurs liés au code postal de l’élève utilisés par le MELS dans la construction de l’indice de milieu socioéconomique des écoles[4]. Quant à la variable de répartition régionale, elle s’appuie sur l’adresse de l’école, mais les régions sont définies à partir des territoires des directions régionales du MELS.

Le deuxième groupe de caractéristiques est lié au processus de scolarisation qu’ont connu ces élèves avant ou au cours de leur scolarité secondaire. Quatre variables sont considérées : le niveau d’entrée dans le système scolaire, l’âge à l’arrivée au secondaire, le fait d’avoir reçu du soutien linguistique au cours de ses études secondaires, et enfin le fait d’avoir été identifié, à un moment ou l’autre de sa scolarité, comme élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). En ce qui concerne le niveau d’entrée, on distingue trois cas types : les élèves qui étaient déjà présents au primaire, les élèves qui ont intégré le secondaire en secondaire 1 et ceux qui l’ont fait en cours de scolarité. Pour l’âge d’arrivée au secondaire, les élèves qui ont un profil normal (soit 12 ans pour le secondaire 1 et un an de plus pour les niveaux subséquents) sont opposés à ceux qui ont une ou deux années de retard. Finalement, dans le cas de la variable de soutien linguistique, il est important de signaler que celle-ci signale ici une situation de vulnérabilité plutôt que la mesure de l’impact de l’intervention. En effet, les élèves qui sont dans ce cas de figure n’ont généralement pas bénéficié de soutien linguistique au primaire parce qu’ils n’étaient pas présents à ce niveau ou, s’ils en ont bénéficié, en ont encore besoin au secondaire.

Un dernier groupe de variables porte sur les caractéristiques des écoles fréquentées par ces élèves, soit leur appartenance au réseau privé ou public[5], la proportion d’élèves du groupe-cible qu’on y trouve et, enfin, pour les écoles publiques, leur classification comme bénéficiant d’un soutien supplémentaire des autorités ministérielles dans le cadre du programme Agir autrement visant les écoles de milieu défavorisé au Québec. Les seuils de concentration d’élèves du groupe-cible sont basés sur la classification généralement utilisée divisant les écoles en quatre catégories : faible, moyenne, forte et très forte. Quant aux écoles de milieu défavorisé, ce sont celles qui s’inscrivent dans les rangs déciles 8, 9 et 10 de l’indicateur ci-dessus mentionné[6].

Le cheminement scolaire des élèves est appréhendé grâce à cinq indicateurs : le retard scolaire accumulé deux ans après l’entrée en secondaire, le taux d’obtention d’un diplôme secondaire de la cohorte de départ selon divers horizons temporels, le taux cumulatif d’obtention d’un diplôme dans les réseaux public et privé, le secteur d’obtention du diplôme et, enfin, l’estimation des taux de décrochage net.

Dans le premier cas, pour des raisons de commodité, les analyses sont limitées aux élèves qui étaient déjà présents dans le système scolaire québécois en secondaire 1. Le retard est donc mesuré en fonction de leur présence ou non en secondaire 3. Cependant, pour les taux d’obtention d’un diplôme, étant donné l’intérêt porté à la problématique particulière des élèves arrivés en cours de scolarité, l’ensemble de la cohorte est pris en compte. Le taux d’obtention d’un diplôme secondaire au moment prévu est donc défini comme étant de cinq ans après l’entrée pour les élèves déjà présents en secondaire 1 et respectivement quatre ans, trois ans, deux ans et un an après l’entrée pour les élèves ayant intégré le système scolaire en secondaire 2, 3, 4 et 5.

En ce qui concerne l’estimation des taux de décrochage nets, elle tient compte d’un ensemble de phénomènes importants chez les élèves issus de l’immigration, soit l’obtention tardive d’un diplôme (trois ans plus tard que le moment prévu), les taux de départ du Québec[7] et le fait que certains élèves étaient encore inscrits en 2007-2008 à l’éducation des adultes sans avoir obtenu de diplôme.

Présentation et discussion des résultats

Profil des élèves issus de l’immigration : tendances générales et différences selon la région d’origine et la génération

Caractéristiques ethnoculturelles et linguistiques

Le groupe-cible se compose de 24 099 élèves de première ou de deuxième générations, soit 15,2 % des effectifs totaux des cohortes étudiées au secteur français. Deux sous-groupes représentent ensemble plus du tiers du groupe-cible, soit les élèves originaires des Antilles et de l’Afrique subsaharienne (4 847, soit 20,1 %) et de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (3 715, soit 15,4 %). Les autres sous-groupes ont des effectifs nettement moins importants, soit 2 792 pour l’Amérique centrale et du Sud (11,6 %), 1 589 pour l’Asie du Sud-Est (6,6 %), 996 pour l’Asie de l’Est (4,1 %) et 995 pour les élèves de l’Asie du Sud (4,1 %). Un dernier tiers regroupe les autres régions, soit 7 751 élèves (32,2 %).

Ces élèves présentent également un profil diversifié sur le plan des caractéristiques linguistiques. Plus de 47 % des élèves sont locuteurs du français, dont 35,4 % comme langue maternelle et 12,3 % comme langue principale d’usage à la maison. C’est une tendance qui reflète en partie l’augmentation de la proportion d’immigrants parlant français au sein des flux migratoires récents. Notons toutefois que les élèves qui ont le français comme langue maternelle sont plus souvent de seconde génération (58 %) que de première (42 %), ce qui semble illustrer une intégration linguistique significative à plus long terme d’élèves dont les familles étaient allophones. Cependant, avec 15 561 élèves, le sous-groupe de langue maternelle autre continue de représenter la majorité des effectifs. Comme on pouvait s’y attendre, les variations inter-groupes à cet égard sont importantes. Près d’un élève sur deux parmi ceux issus de l’immigration et originaires des Antilles et de l’Afrique subsaharienne utilise le français comme langue maternelle (45,9 %), et un sur trois comme langue principale d’usage à la maison (33,7 %), alors que seulement une infime minorité des élèves originaires de l’Asie du Sud ont le français soit comme langue maternelle (4,2 %), soit comme langue d’usage à la maison (2,3 %).

On compte au sein du groupe-cible 58,6 % d’élèves nés hors Canada et 41,4 % d’élèves nés au Canada. Les différences intergroupes, qui reflètent l’historique des vagues migratoires successives, sont à cet égard marquées. À un extrême du continuum, près d’un élève sur deux originaire des Antilles et de l’Afrique subsaharienne est né au Canada (46,9 %), alors que chez les élèves originaires de l’Asie du Sud, ce n’est le cas que d’un peu plus d’un élève sur dix (11,8 %).

On peut mettre en parallèle les caractéristiques linguistiques et l’ancienneté d’implantation des élèves et de leur famille. En effet, 64,4 % des élèves de langue maternelle française sont nés au Canada, alors que ce n’est le cas que de 26,3 % des élèves de langue maternelle et de langue d’usage autre. Cependant, il est possible que l’ancienneté d’implantation influence les caractéristiques linguistiques (entre autres, l’adoption du français comme langue maternelle ou langue d’usage) plutôt que l’inverse.

Caractéristiques sociodémographiques

On ne note pas de différence, en ce qui concerne le poids respectif des garçons et des filles entre le groupe-cible et le groupe-contrôle. Mais chez certains sous-groupes, entre autres chez les élèves originaires de l’Asie du Sud, le déficit des filles par rapport aux garçons est plus marqué (45 % vs 55 %). Il faudrait se pencher sur les causes de ce phénomène, entre autres comprendre s’il est lié à des dynamiques dans le pays d’origine ou lors de la migration ou, au contraire, à une scolarité écourtée chez les filles dans le pays d’accueil.

Notre recherche confirme également que la présence d’élèves issus de l’immigration dans le système éducatif secondaire demeure largement un phénomène montréalais. En effet, 65 % des élèves de ce groupe-cible fréquentent une école située dans la région administrative de Montréal. Cependant, on note une présence significative dans d’autres régions administratives. C’est le cas particulièrement de la grande couronne : plus de 20 % des élèves de première et de deuxième générations fréquentent une école située à Laval/Laurentides/Lanaudière (10,5 %) ou en Montérégie (11,4 %). Comme on pouvait s’y attendre, il existe d’importantes différences entre les sous-groupes. Les élèves originaires de l’Asie du Sud fréquentent une école montréalaise à 92,9 %, alors que ceux l’Asie de l’Est ne le font qu’à 60,1 % avec une présence très significative en Montérégie. Les caractéristiques linguistiques semblent également influencer la répartition régionale des élèves du groupe-cible. En effet, les élèves de langue maternelle française ne fréquentent une école de Montréal qu’à 47,3 %, alors ceux qui sont à la fois de langue maternelle et de langue d’usage autre le font à 75,7 %.

Finalement il faut signaler que dans l’ensemble les familles des élèves du groupe-cible sont davantage polarisées sur le plan socioéconomique que celles de troisième génération ou plus (tableau 1). En effet, si l’on ne note pas de différence marquée dans la proportion d’élèves dont l’indice de milieu socioéconomique est fort (26,8 % contre 28,7 %), ces familles sont nettement surreprésentées parmi les familles dont l’indice de statut socioéconomique est faible (39 % contre 29,4 % et sous-représentées parmi les familles dont l’indice est moyen (34,3 % contre 41,9 %).

Ces tendances d’ensemble cachent cependant d’importantes différences entre les sous-groupes. En effet, quatre sous-groupes sont très clairement défavorisés, soit les familles originaires de l’Asie du Sud, des Antilles et de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie du Sud-Est et de l’Amérique centrale et du Sud, avec des pourcentages d’indice de statut socioéconomique faible variant de 67 % à 44,6 % et, conséquemment, une sous-représentation plus ou moins marquée dans les indices fort et moyen. À l’inverse, deux sous-groupes ont clairement un profil aussi favorable que l’ensemble des familles de troisième génération et plus, soit celui de l’Asie de l’Est (33,6 %, indice de milieu socioéconomique fort) et de l’Europe de l’Est (33,3 % indice de statut socioéconomique fort). Finalement, un seul sous-groupe correspond au profil global de légère bipolarisation, celui de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Tableau 1

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : répartition selon l’indice de statut socioéconomique de la famille

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : répartition selon l’indice de statut socioéconomique de la famille

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Par ailleurs avec près de 10 points de pourcentage d’écart, les élèves nés à l’étranger sont nettement plus défavorisés (43,2 %) que les élèves nés au Canada (33 %).

Variables liées au processus de scolarisation

Près de huit élèves sur dix du groupe-cible ont fréquenté le primaire. C’est une proportion relativement élevée, même si, comme on pouvait s’y attendre, elle est inférieure à celle qui prévaut au sein du groupe des élèves de troisième génération ou plus (99,4 %). Quelque 22,3 % des élèves arrivent cependant au début du secondaire ou en cours de scolarité secondaire, ce qui pourrait laisser présager des difficultés importantes sur le plan du cheminement scolaire. Ici encore, les différences entre les sous-groupes sont importantes et correspondent assez étroitement à l’historique des flux migratoires. À un extrême du continuum, 90 % des élèves dont les familles sont originaires de l’Asie du Sud-Est ont fréquenté le primaire, alors que ce n’est le cas que de 49 % des élèves dont les familles sont originaires de l’Asie du Sud. Dans ce dernier groupe, 20,5 % des élèves sont arrivés en cours de scolarité. Le phénomène d’une entrée tardive (en secondaire 1 ou en cours de scolarité) touche essentiellement les élèves de première génération (36,7 %). À cet égard, le clivage n’est donc pas tant entre la première génération et la deuxième, d’une part, et la troisième génération ou plus, d’autre part, mais plutôt entre les élèves nés à l’étranger et les élèves nés au Canada.

Les élèves du groupe-cible ont aussi généralement accumulé plus de retard au primaire ou dans leur pays d’origine au moment où ils arrivent au secondaire que les élèves de troisième génération et plus ou l’ensemble des élèves. En effet, seulement deux élèves sur trois intègrent le secondaire à l’âge normal, alors que c’est le cas de quatre élèves sur cinq au sein des deux groupes de comparaison. La plupart du temps, il s’agit d’un retard d’un an qu’on peut lier, pour les élèves qui viennent du primaire québécois, à la fréquentation de la classe d’accueil. Cependant, 7,6 % des élèves ont deux ans et plus de retard et des analyses supplémentaires ont montré que, au sein de ce groupe, 3,1 % connaissent même trois ans ou plus de retard.

Le profil le plus favorable est celui des élèves originaires de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (73,8 % d’entre eux arrivent à l’âge normal au secondaire) et le moins favorable, celui des élèves originaires de l’Asie du Sud (44,1 % d’entre eux arrivent à l’âge normal au secondaire). Ce dernier groupe se caractérise également par l’importance des élèves présentant deux ans et plus de retard (un élève sur cinq). Cependant, les élèves originaires des Antilles et de l’Afrique subsaharienne sont également fortement représentés parmi les élèves ayant un important retard scolaire (11,3 %), alors que nous avons vu plus haut qu’ils sont parmi les sous-groupes le plus souvent nés au Canada. Il semble donc que l’on soit ici face à deux cas de figure : le retard des premiers est susceptible d’avoir été influencé par leur vécu pré-migratoire alors que celui des seconds peut relever de facteurs familiaux ou systémiques au sein de la société d’accueil. Par ailleurs, le retard scolaire à l’arrivée au secondaire touche davantage les élèves de première génération (43,8 %) que ceux qui sont nés au Canada (22 %).

La très grande majorité des élèves du groupe-cible n’ont pas reçu de soutien en français durant leur cheminement secondaire. Cette situation peut s’expliquer par deux facteurs : d’une part, l’importance des élèves ayant le français comme langue maternelle ou d’usage au sein de ce groupe et, d’autre part, le fait que les élèves de langue maternelle ou de langue d’usage autre qui ont intégré le système scolaire au primaire ont bénéficié de ce soutien à ce moment-là. Les 15 % restant sont donc, pour l’essentiel, composés d’élèves allophones ayant intégré le système scolaire au début ou en cours de scolarité secondaire. D’ailleurs, ce sont presque exclusivement des élèves de première génération qui ont reçu ces services, alors que le profil des élèves de deuxième génération est très similaire à celui des élèves de troisième génération ou plus.

Les différences entre les sous-groupes face à cette variable reflètent, d’une part, l’ancienneté d’implantation des sous-groupes des diverses communautés et, d’autre part, le statut plus ou moins important qu’y joue le français comme langue maternelle ou langue d’usage. Ainsi, à un extrême du continuum, on trouve les élèves dont les familles sont originaires de l’Asie du Sud-Est, d’implantation ancienne et largement francophiles où moins d’un élève sur dix a encore besoin de soutien linguistique au secondaire. À l’autre extrême, au sein du sous-groupe originaire de l’Asie du Sud, d’implantation récente et plus anglophile, plus d’un élève sur deux est dans ce cas de figure.

L’étude a aussi montré que les élèves du groupe-cible ne sont pas plus souvent identifiés comme étant EHDAA que les élèves de troisième génération ou plus (soit dans les deux cas un pourcentage oscillant autour de 24 %). Toutefois, la région d’origine induit d’importantes variations. Trois sous-groupes se démarquent particulièrement, et négativement, à cet égard, avec des taux d’identification EHDAA touchant un élève sur trois, et même davantage : les Antilles et l’Afrique subsaharienne (37,4 %), l’Asie du Sud (32,1 %) et l’Amérique centrale et du Sud (30,4 %). À l’inverse, les élèves originaires de l’Asie de l’Est et de l’Europe de l’Est sont nettement moins souvent identifiés comme présentant des problèmes d’apprentissage que l’ensemble des élèves. À première vue, il semble exister un lien entre l’indice de statut socioéconomique des familles (tableau 1) et la déclaration EHDAA. Cependant, d’autres phénomènes jouent probablement puisqu’au sein de ces trois sous-groupes, ce n’est pas le sous-groupe le plus défavorisé (les élèves originaires de l’Asie du Sud) qui connaît le taux d’identification EHDAA le plus élevé.

De plus, de manière assez surprenante, la différence entre les élèves de première et de deuxième générations à cet égard est peu marquée (soit respectivement 25,6 % et 23,9 %).

Caractéristiques des écoles fréquentées

Comme on peut le voir dans le tableau 2, les élèves du groupe-cible fréquentent davantage l’école privée que ceux du groupe-contrôle (23,5 % vs 17,8 %). Cette tendance peut s’expliquer, en partie, par la concentration de ces écoles à Montréal, où l’offre et la fréquentation de tels établissements sont supérieures à celles qui prévalent dans le reste de la province. En effet, si l’on compare les élèves de première et de deuxième générations aux élèves montréalais, et non à ceux de l’ensemble du Québec, le hiatus est minime, soit des taux respectifs de 23,5 % et de 25,9 %. De plus, comme pour d’autres caractéristiques, les différences entre les sous-groupes sont marquées. Les élèves originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et dans une moindre mesure ceux de l’Europe de l’Est, se caractérisent par des taux de fréquentation de l’école privée supérieurs à la moyenne, alors que ce phénomène est marginal (3,1 %) chez les élèves originaires de l’Asie du Sud, et dans une moindre mesure chez ceux qui sont originaires de l’Amérique centrale et du Sud (13,8 %).

Le hiatus entre première et deuxième générations à cet égard est également évident. Plus d’un élève sur trois de deuxième génération est à l’école privée, alors que c’est le cas de moins d’un élève sur cinq chez les élèves nés à l’étranger. Au-delà des différences de statut socioéconomique, cette tendance est probablement influencée par l’impossibilité de se présenter aux examens d’entrée des établissements privés qui ont souvent lieu près d’un an avant la date projetée de fréquentation, ainsi qu’à la difficulté de ces examens, entre autres pour les non-francophones.

Lorsqu’ils fréquentent une école publique, les élèves de première et deuxième générations le font plus souvent dans un milieu socioéconomiquement faible (35,1 %) que ceux de la troisième génération ou plus (tableau 2). Conséquemment, ces élèves sont moins représentés dans les écoles des déciles du rang socioéconomique correspondant à un milieu favorisé (17,7 %) ou moyen (23,7 %). Cependant, ce phénomène est d’abord et avant tout le fait des élèves nés à l’étranger (40 % dans les écoles de rangs déciles 8 à 10), alors que les élèves de deuxième génération ont un profil similaire, bien qu’un peu plus défavorable, à celui des élèves de troisième génération ou plus.

En ce qui concerne les différences liées à la région d’origine, les élèves originaires de l’Asie du Sud et, dans une moindre mesure, ceux originaires des Antilles et de l’Afrique subsaharienne et de l’Amérique centrale et du sud se trouvent de façon disproportionnée dans des écoles de milieu défavorisé, ce qui est nettement moins fréquent chez les élèves originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, de l’Asie de l’Est et surtout de l’Europe de l’Est. Du fait de la définition de ces deux indicateurs, il existe un lien entre le statut socioéconomique des familles et le rang de milieu socioéconomique de l’école que fréquentent leurs enfants (voir tableau 1).

Tableau 2

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : répartition selon le type d’école fréquentée et selon le rang de milieu socioéconomique de l’école publique fréquentée

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : répartition selon le type d’école fréquentée et selon le rang de milieu socioéconomique de l’école publique fréquentée

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Par ailleurs, la majorité des élèves de première et de deuxième générations fréquentent une école où la proportion de leur groupe est inférieure à 50 % et, conséquemment, une école où les élèves de troisième génération ou plus sont majoritaires. Ce profil est plus positif que ce que la rumeur publique, qui insiste souvent sur les phénomènes de concentration ethnique, ne laisse augurer. Cependant, il est très différent de celui des élèves de troisième génération ou plus qui, vivant de manière beaucoup plus marquée en région, se trouvent massivement dans des écoles où la présence des élèves issus de l’immigration est inférieure à 25 %[8].

Quant aux élèves qui fréquentent une école où la proportion du groupe-cible dépasse les 50 %, ils le font plus souvent dans une école à haute densité (25,2 %) que dans une école à très haute densité (18 %). Ce dernier cas nous intéresse ici particulièrement. En effet, d’une part, une telle situation limite significativement les contacts des élèves issus de l’immigration avec leurs pairs d’implantation plus ancienne et, d’autre part, elle est susceptible d’avoir des conséquences négatives, sinon sur le cheminement scolaire des élèves, du moins sur leur intégration linguistique ainsi que sur la complexité de la tâche de leurs enseignants.

Il existe également d’importantes différences entre les sous-groupes définis par la région d’origine. Près d’un élève sur deux dont la famille est originaire de l’Asie du Sud fréquente en effet une école à très haute densité d’élèves issus de l’immigration, alors que c’est le cas d’un élève sur quatre dans les familles originaires de l’Asie du Sud-Est, de l’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Finalement, signalons que les élèves de première génération, avec des taux de fréquentation d’une école à très haute densité d’élèves issus de l’immigration de 22,7 %, sont nettement plus concentrés que ceux de deuxième génération.

Cheminement scolaire des élèves issus de l’immigration au secondaire

Retard scolaire accumulé deux ans après l’entrée au secondaire

Comme on peut le voir dans le tableau 3, dans l’ensemble, les élèves de première et de deuxième générations semblent progresser au sein du système scolaire de manière similaire à celle des élèves de troisième génération ou plus. En effet, on ne note pas de différence significative, du moins chez ceux qui ont intégré le système scolaire québécois au primaire et au début du secondaire 1[9], dans le taux de retard accumulé après deux ans chez ces élèves, qui touche environ un élève sur cinq, qu’il soit issu de l’immigration ou d’implantation plus ancienne. Le taux d’absence est cependant plus élevé chez les élèves de première et de deuxième générations que chez les autres, mais, à ce niveau, soit en secondaire 3, étant donné que l’obligation scolaire au Québec s’étend jusqu’à l’âge de 16 ans, cet indicateur est davantage susceptible d’indiquer un départ du Québec qu’un abandon pur et simple des études.

Tableau 3

Élèves de première et deuxième générations ayant intégré le système scolaire québécois au primaire ou en secondaire 1 selon la région d’origine : répartition selon le retard scolaire supplémentaire accumulé après deux ans

Élèves de première et deuxième générations ayant intégré le système scolaire québécois au primaire ou en secondaire 1 selon la région d’origine : répartition selon le retard scolaire supplémentaire accumulé après deux ans

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Cependant, il est clair que les divers sous-groupes ne vivent pas la même situation scolaire. Le profil des élèves originaires de l’Asie du Sud, des Antilles et de l’Afrique subsaharienne, et dans une moindre mesure, celui des élèves originaires d’Amérique centrale et du Sud, est nettement plus problématique que celui des autres. Dans les deux premiers cas, un élève sur trois accumule du retard supplémentaire deux ans après son entrée au secondaire, alors que c’est le cas d’un peu moins d’un élève sur quatre pour les élèves originaires d’Amérique centrale et du Sud.

Comme pour d’autres variables à l’étude, le statut générationnel semble également jouer un rôle dans la dynamique du retard scolaire au secondaire. Les élèves de deuxième génération (18,4 %) accumulent moins de retard que les élèves de première génération (22 %) deux ans après leur entrée en secondaire, et comme on pouvait s’y attendre sont moins souvent absents.

Taux d’obtention d’un diplôme secondaire selon divers horizons temporels

Comme on peut le constater dans le tableau 4A, les élèves du groupe-cible ont un taux d’obtention d’un diplôme secondaire plus faible que celui des élèves de troisième génération ou plus, et ce, quel que soit l’horizon temporel retenu. En effet, alors que 57 % des élèves de troisième génération ou plus obtiennent leur diplôme secondaire au moment prévu, ce n’est le cas que de 46,5 % des élèves de première et de deuxième générations. De plus, même si les élèves issus de l’immigration bénéficient légèrement davantage d’une scolarité prolongée (61,1 % de diplômés deux ans après le moment prévu), le hiatus avec les élèves de troisième génération ou plus demeure significatif (plus de 8 points de pourcentage). La situation problématique touche cependant essentiellement les élèves de première génération (tableau 4B). En effet, quel que soit l’horizon temporel retenu, les élèves de deuxième génération se comportent de façon tout à fait équivalente (et même dans certains cas supérieure) aux élèves de troisième génération ou plus. Ces résultats sont plausibles sur le plan psychopédagogique, mais il faut également tenir compte du fait que, comme pour d’autres variables, les résultats des élèves de première génération sont susceptibles d’être influencés par leur taux de départ du Québec (voir section sur le décrochage net).

Tableau 4a

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : taux d’obtention d’un diplôme secondaire selon divers horizons temporels

Élèves de première et deuxième générations selon la région d’origine : taux d’obtention d’un diplôme secondaire selon divers horizons temporels

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Tableau 4b

Élèves de première et deuxième générations selon la génération : taux d’obtention d’un diplôme secondaire selon divers horizons temporels

Élèves de première et deuxième générations selon la génération : taux d’obtention d’un diplôme secondaire selon divers horizons temporels

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Le tableau 4A montre également des différences majeures entre les sous-groupes selon la région d’origine dans l’obtention d’un diplôme secondaire. Quel que soit l’horizon temporel retenu, quatre sous-groupes, soit ceux des élèves originaires de l’Asie de l’Est, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est et de l’Asie du Sud-Est, se démarquent par leur taux d’obtention d’un diplôme supérieur ou équivalent à celui des élèves de troisième génération ou plus, alors que les élèves originaires d’Amérique centrale et du sud, des Antilles et de l’Afrique subsaharienne et surtout de l’Asie du Sud se positionnent nettement en arrière. Notons que ces trois sous-groupes, caractérisés par des indicateurs socioéconomiques moins favorables que les autres, avaient déjà tendance à accumuler davantage de retard deux ans après leur entrée au secondaire.

Taux cumulatif d’obtention d’un diplôme secondaire selon le réseau privé ou public

Les élèves du groupe-cible obtiennent bien davantage leur diplôme lorsqu’ils fréquentent le réseau privé (74,4 %) que le réseau public (57 %). Toutefois, il est intéressant de noter que le hiatus avec les élèves de troisième génération ou plus est légèrement plus marqué dans le réseau privé (plus de 12 points de pourcentage d’écart) que dans le réseau public (un peu moins de 9 points de pourcentage d’écart). C’est une tendance intéressante, qui pourrait révéler soit une différence dans la composition des élèves de troisième génération ou plus qui fréquentent les deux réseaux, soit un investissement tout particulier du réseau public auprès de ses clientèles immigrantes. De plus, la différence à cet égard n’oppose pas les élèves du groupe-cible à ceux du groupe-contrôle, mais l’ensemble des élèves nés au Canada à ceux qui sont nés à l’étranger. Les élèves de deuxième génération ont un profil d’obtention d’un diplôme secondaire assez similaire à celui des élèves de troisième génération ou plus, et ce, quel que soit le réseau scolaire fréquenté.

Chez certains sous-groupes, la fréquentation de l’école privée favorise l’obtention d’un diplôme secondaire. C’est le cas, entre autres, des élèves originaires de l’Asie du Sud, qui obtiennent leur diplôme à 38,3 % dans le public et à 90,3 % dans le privé, ou encore des élèves originaires des Antilles et de l’Afrique subsaharienne qui obtiennent leur diplôme à 49,1 % dans le public et à 75,5 % dans le privé. Pour comprendre l’origine de ces différences surprenantes, il faudrait explorer de façon approfondie les caractéristiques des sous-groupes particuliers qui choisissent l’école privée au sein de ces communautés.

Secteur d’obtention du diplôme

Comme l’ensemble des élèves québécois, les élèves issus de l’immigration obtiennent massivement leur diplôme dans le cadre de la formation générale des jeunes. Ils fréquentent légèrement davantage le secteur des adultes, mais boudent nettement plus la formation professionnelle que les autres élèves. Dans le premier cas, cette légère surreprésentation résulte de la présence marquée de deux sous-groupes au sein du secteur des adultes, soit les élèves de l’Asie du Sud (22,9 %) et les élèves des Antilles et de l’Afrique subsaharienne (12,3 %).

Quant à la faiblesse de la popularité de la formation professionnelle, c’est une constante dans beaucoup d’études sur le profil des populations immigrantes au Canada. Elle est liée, en grande partie, aux attentes éducatives élevées des parents. Dans le cas des sous-groupes qui connaissent un taux d’échec significatif, on peut se demander, cependant, si cette tendance ne constitue pas un facteur aggravant.

Taux de décrochage net

Les analyses qui précèdent, basées sur le taux d’obtention d’un diplôme secondaire deux ans après la date prévue, pourraient laisser croire que le taux de décrochage chez les élèves de première et deuxième générations est bien plus élevé que celui qui prévaut chez ceux qui sont de troisième génération ou plus. Dans les faits, toutefois, cet indicateur néglige plusieurs réalités communes à l’ensemble des élèves ou spécifiques à ceux de première ou de deuxième générations, soit le fait que certains élèves obtiennent leur diplôme dans un horizon temporel encore plus étendu, quittent le Québec ou encore continuent leurs études secondaires dans le secteur de l’éducation aux adultes, même au-delà de la vingtaine. C’est ce qu’illustre le tableau 5 qui, contrairement aux analyses précédentes, se limite à la cohorte 1998-1999, afin d’être en mesure d’évaluer la situation sur l’horizon temporel le plus large possible (soit, dans le cas qui nous intéresse, jusqu’en 2007-2008).

On y voit ainsi que, si les élèves issus de l’immigration sont globalement moins diplômés que l’ensemble des élèves en juin 2005, lorsqu’on tient compte des autres phénomènes décrits plus haut et plus particulièrement de leurs taux de départ nettement plus élevés que celui des élèves de troisième génération ou plus, les différences de décrochage apparaissent minimes. En fait, dans les deux cas, c’est sensiblement un élève sur cinq qui a véritablement décroché en 2007-2008 (soit 21,7 % chez les élèves issus de l’immigration et 20,8 % chez les élèves de troisième génération ou plus).

Tableau 5

Élèves de première et deuxième générations ayant intégré le système scolaire québécois au primaire ou en secondaire 1 selon la région d’origine : estimation du taux de décrochage net (cohorte 1998-1999 seulement)

Élèves de première et deuxième générations ayant intégré le système scolaire québécois au primaire ou en secondaire 1 selon la région d’origine : estimation du taux de décrochage net (cohorte 1998-1999 seulement)
a

Nombre total d’élèves inférieur à 10

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L’ordre hiérarchique entre les sous-groupes est toutefois peu modifié par cette autre façon de considérer le cheminement scolaire. En effet, les sous-groupes qui ont un taux de décrochage net plus élevé que la moyenne, soit les élèves originaires de l’Asie du Sud, de l’Amérique centrale et du Sud, des Antilles et de l’Afrique subsaharienne, sont les mêmes qui connaissent un taux d’obtention d’un diplôme secondaire plus faible. De même, chez les sous-groupes extrêmement performants (Asie de l’Est et, dans une moindre mesure, Europe de l’Est) les taux de décrochage nets inférieurs à la moyenne en 2007-2008 vont de pair avec un taux d’obtention d’un diplôme secondaire élevé en juin 2005. Cependant, tous les sous-groupes défavorisés augmentent significativement leur performance, soit parce que leur faible taux d’obtention d’un diplôme secondaire en 2005 était influencé par leur départ du Québec (Asie du Sud), soit parce qu’ils manifestent une résilience remarquable dans le cadre de l’éducation aux adultes (Antilles et Afrique subsaharienne, Amérique centrale et du Sud).

Le déficit des élèves de la première génération face aux élèves de la deuxième constaté en matière d’obtention d’un diplôme secondaire deux ans après le moment prévu persiste lorsqu’on aborde le phénomène de la réussite scolaire sous l’angle du taux de décrochage net à plus long terme. Cependant, il est nettement moins marqué (différence d’un peu moins de 5 points de pourcentage). De plus, des analyses supplémentaires ont montré que ce taux relativement élevé chez les élèves de première génération est d’abord et avant tout le fait des élèves qui n’ont pas fait leurs études primaires au Québec (32,9 % vs 21,9 % chez les élèves arrivés au Québec avant le secondaire 1).

Conclusion

Cette étude permet de dégager plusieurs constats relatifs au profil et au cheminement scolaire des élèves issus de l’immigration et d’en faire ressortir quelques incidences sur le plan des politiques et des programmes scolaires. Tout d’abord, il apparaît clairement que ces élèves présentent plusieurs caractéristiques sociodémographiques et scolaires qui pourraient conduire à les considérer comme un groupe à risque relativement élevé d’échec scolaire. Il s’agit, entre autres, de leur profil socioéconomique nettement moins favorable que celui des élèves de troisième génération ou plus, de leur entrée souvent plus tardive au sein du système scolaire québécois, avec plus ou moins de retard accumulé, ainsi que de leur concentration dans des écoles de milieux défavorisés (cette dernière caractéristique étant toutefois modérée par leur fréquentation légèrement plus élevée de l’école privée que celle du groupe-contrôle). Par ailleurs, les différences intergroupes à cet égard sont importantes et bien que certains groupes cumulent plusieurs facteurs de risque (entre autres, ceux originaires de l’Asie du Sud et des Antilles et de l’Afrique subsaharienne), les profils sont relativement éclatés selon que l’on considère l’une ou l’autre des caractéristiques présentes dans les bases de données ministérielles.

Les données relatives à leur cheminement scolaire font cependant mentir, dans une large mesure, cette prédiction pessimiste. Certes, lorsqu’on considère les seuls taux d’obtention d’un diplôme secondaire, les élèves issus de l’immigration ont un profil moins favorable que ceux de troisième génération ou plus. Cependant, cette situation est, d’abord et avant tout, le fait des élèves nés à l’étranger, alors que leurs pairs nés au pays de parents immigrés présentent des indicateurs qui sont même plus favorables que ceux des élèves d’implantation plus ancienne. De plus, lorsqu’on prend en compte la propension plus forte des élèves issus de l’immigration à quitter la province durant la scolarité secondaire ainsi que leur persistance à fréquenter l’éducation aux adultes, les différences dans les taux de décrochage nets des élèves du groupe-cible et du groupe-contrôle se révèlent insignifiantes. La résilience des élèves issus de l’immigration se manifeste également par l’augmentation de leur taux d’obtention d’un diplôme secondaire lorsqu’ils bénéficient de deux ans supplémentaires pour obtenir leur diplôme. Ceci pointe vers la pertinence des approches actuelles où l’adéquation entre l’âge de l’élève et son niveau de classement est moins rigide que par le passé. De façon plus générale, on peut aussi considérer que les politiques et programmes mis en place pour soutenir les élèves issus de l’immigration, entre autres ceux qui sont nouvellement arrivés, jouent bien leur rôle.

Ce constat relativement positif cache cependant d’importantes variations liées à la région d’origine des élèves. Quel que soit l’indicateur de cheminement considéré, en effet, les élèves originaires de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, d’Europe de l’Est et surtout d’Asie de l’Est se classent systématiquement en tête du peloton, alors que leurs pairs originaires d’Amérique latine et du Sud, des Antilles et de l’Afrique subsaharienne et surtout de l’Asie du Sud demeurent à l’arrière[10]. Les difficultés vécues par ces élèves semblent étroitement liées à leurs caractéristiques de départ, souvent moins favorables, et ce, tout particulièrement en ce qui concerne le statut socioéconomique des familles et le profil des écoles qu’ils fréquentent (auxquels il faudrait ajouter, dans le cas des élèves d’Asie du Sud, leur compétence probablement moins poussée en français, qu’on peut déduire des pourcentages très faibles d’élèves qui ont cette langue comme langue d’usage). Cependant, les analyses de régressions réalisées dans le cadre de ce projet ont montré que les différences intra-groupes en matière de cheminement scolaire ne s’expliquent pas entièrement par ces phénomènes. On peut donc penser que d’autres facteurs jouent également un rôle. Dans le premier cas, diverses recherches qualitatives ont montré que les pratiques et valeurs éducatives ainsi que les stratégies et le rapport à la scolarité varient au sein des familles selon l’origine (Kanouté et Lafortune, 2011 ; Kanouté, Vatz-Laroussi, Rachédi et Doffouch, 2008 ; Tardif-Grenier, Archambault et Janosz, 2011 ; Vatz-Laaroussi, Kanouté et Rachédi, 2008). Dans le second cas, diverses études réalisées au Québec ou à l’étranger (Hermans, 2004 ; Potvin et Leclercq, 2011 ; Suárez-Orozco et collab., 2010 ;) ont indiqué que les attentes des enseignants, les processus d’évaluation ou de classement ou encore la représentation au sein des programmes ou du personnel scolaire peuvent favoriser ou défavoriser certains groupes.

Il est donc essentiel d’intensifier la recherche qualitative dans ce domaine afin de pouvoir, d’une part, soutenir les familles et les communautés pour qu’elles développent ou intensifient leurs caractéristiques favorables à la réussite des élèves et, d’autre part, lutter contre les obstacles à la réussite qui pourraient être générés par le fonctionnement même du système.