Article body

INTRODUCTION

Au niveau mondial, les défis concernant la santé des enfants connaissent aujourd’hui une certaine polarisation selon le contexte socio-économique. Ainsi, tandis que dans les pays à revenu élevé la plus importante charge de morbidité est représentée par l’asthme et les maladies congénitales, dans les pays à faible revenu, ce sont principalement les maladies infectieuses qui constituent les premières causes de morbidité des enfants (Institute for Health Metrics and Evaluation, 2017). Ce sont aussi les plus fréquentes causes de recours aux services de santé dans les pays en développement et parmi les principales maladies potentiellement mortelles chez les jeunes enfants (Troeger et collab. 2017 ; Organisation mondiale de la santé, 2017).

Cela est surtout le cas en Afrique subsaharienne où, malgré les progrès des dernières décennies, les maladies infectieuses restent toujours un des principaux fardeaux de morbidité et mortalité chez l’enfant. Cela a par ailleurs empêché l’atteinte de la cible 4 des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000 pour 2015 (Liu et collab. 2012 ; Mbugua et collab. 2014).

Selon de récentes estimations, parmi les maladies infectieuses, les maladies diarrhéiques constituent un des fardeaux les plus lourds. Au Sénégal par exemple, les maladies diarrhéiques étaient responsables en 2017 de 22,2 % des années perdues en incapacité dans le calcul de l’espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI) chez les enfants de 1 à 4 ans et de 8,3 % chez ceux de 5 à 9 ans (Institute for Health Metrics and Evaluation, 2017). Ce type d’infections connaît des schémas de transmission différents entre villes et milieux ruraux d’Afrique (Osborn, 1998 ; Troeger et collab. 2017). Une croissance urbaine rapide et parfois non contrôlée conduit souvent à la promiscuité spatiale et à des infrastructures sanitaires déficientes, favorisant la propagation des microbes (Bukenya et Nwokolo, 1990 ; Girma et collab. 2008 ; Woldemicael, 2011). Dans les bidonvilles d’Afrique subsaharienne, où ces facteurs sont exacerbés, intervient aussi le faible niveau socio-économique des populations qui y résident. Ainsi, cette synergie entre un environnement défavorable et un contexte social difficile creuse les inégalités en termes de santé.

Les conditions favorisant la transmission des maladies diarrhéiques sont multiples et la recherche a identifié, en plus des caractéristiques individuelles, des facteurs économiques, comportementaux et les enjeux liés aux conditions d’assainissement. Pourtant, l’estimation du rôle de chacune de ces sphères dans la survenue des maladies diarrhéiques est actuellement limitée par les coûts élevés associés aux études à grande échelle ou par les biais induits par l’utilisation de données agrégées, qui empêche toute inférence causale au niveau individuel (Morgenstern, 1982).

Dans ce contexte, la présente recherche étudie le rôle de l’environnement immédiat du ménage et du quartier, s’intéressant en particulier à l’accès à l’eau et au niveau de salubrité, comme potentiels déterminants de la morbidité diarrhéique chez les enfants de 2 à 10 ans vivant à Dakar, la capitale du Sénégal.

L’objectif de l’étude est double. D’une part, elle vise à circonscrire le réseau de facteurs pouvant favoriser une infection, au niveau de l’individu, du ménage et du quartier. Dans ce contexte, en plus des facteurs environnementaux en général et des problèmes liés à l’assainissement en particulier, nous avons considéré des facteurs socio-économiques tels que le niveau d’éducation des parents et le revenu du ménage (Mosley et Chen, 1984 ; Palloni, 2006). Nous avons aussi choisi de contrôler nos données en fonction de l’âge et du sexe des enfants, variables qui peuvent également avoir un impact sur la transmission des maladies infectieuses (Green, 1992 ; Simon et collab. 2015). L’étude propose de comprendre les interdépendances et les mécanismes d’action de ces différents facteurs, tout comme les perceptions des familles concernant leur environnement immédiat et leurs stratégies face aux défis de santé.

D’autre part, elle propose d’analyser de façon critique les indicateurs relatifs à l’environnement en général et à l’assainissement en particulier, afin de mieux capter l’impact de l’environnement sur les maladies diarrhéiques. Certaines questions concernent la capacité de ces indicateurs à décrire de façon adéquate les conditions de vie réelles de populations (United Nations Human Settlements Program, 2006). Puisque le plus souvent, ces indicateurs dichotomisent les installations d’eau et d’assainissement des ménages en « améliorées » et « non améliorées », ils confèrent souvent une image trop optimiste de la qualité et de l’accessibilité de ces installations. Dans ce contexte, se baser uniquement sur ces indicateurs risquerait de créer une image impropre des risques sanitaires supplémentaires encourus par certaines catégories de population. Il y a donc lieu d’aller au-delà de ces indicateurs statistiques couramment utilisés, pour relever, par le biais des méthodes mixtes, des éléments qui seraient difficiles (sinon impossibles) à observer en se basant uniquement sur des données quantitatives.

Du point de vue épistémologique, la présente recherche s’apparente à une approche pragmatiste, où les affirmations sont basées sur de l’investigation dirigée plutôt que sur des postulats. Cela conduit, de façon raisonnée, à adopter une perspective méthodologique multiple (Scott et Briggs, 2009 cité par Small, 2011). Ainsi, l’étude s’inscrit, du point de vue méthodologique, dans la catégorie des recherches à méthodes mixtes, combinant la modélisation statistique avec des données qualitatives collectées par entretiens semi-directifs.

L’étude s’intéresse donc à la ville de Dakar, une des plus importantes villes d’Afrique de l’Ouest, moteur économique du pays qui attire des entreprises et des travailleurs de tout le pays et de la sous-région (United Nations Economic Commission for Africa, 2017). Cette dynamique contribue à un taux de croissance démographique élevé et Dakar concentre aujourd’hui près du quart de la population totale du Sénégal (Service régional de la statistique et de la démographie de Dakar, 2009). Cette rapide croissance urbaine et cette forte densité de population ont pour conséquence un environnement fondamentalement différent de celui du reste du pays, mais aussi très hétérogène au sein de la ville, selon les quartiers. Ainsi, les facteurs environnementaux pouvant avoir un impact sur les maladies diarrhéiques chez l’enfant peuvent ne pas influencer toutes les catégories de la population dans la même mesure ou de la même manière.

La région dakaroise est constituée de quatre départements (figure 1). Le plus peuplé, Dakar, compte presque 40 % des habitants de la région, suivi par Pikine, avec environ 35 %, puis Rufisque avec presque 13 % et Guédiawaye avec environ 12 % de la population.

Figure 1

Les départements de Dakar

Les départements de Dakar
Source : adapté depuis Lalou, 2008

-> See the list of figures

Du point de vue climatique, la région de Dakar se caractérise par un climat tropical avec deux saisons : une courte saison des pluies entre juin et octobre et une longue saison sèche le reste de l’année (Service régional de la statistique et de la démographie de Dakar, 2009). Au cours des dernières décennies, les précipitations durant la saison des pluies ont été relativement plus abondantes, montrant une tendance générale à la hausse et conduisant à des inondations récurrentes à Dakar ces dernières années (Diop et Sagna, 2011 ; Diop et collab. 2016). Cette augmentation de la pluviométrie favorise déjà, en soi, la transmission des maladies infectieuses et contribue aux défis sanitaires auxquels la ville doit faire face.

DONNÉES ET MÉTHODES

L’étude vise à approfondir la connaissance des facteurs de risque de survenue des maladies diarrhéiques chez l’enfant, avec un accent particulier sur les facteurs environnementaux liés aux infrastructures d’assainissement au sein du ménage et dans le quartier. Cela soulève plusieurs questions, notamment celles liées à la qualité de l’information disponible et aux possibilités existantes de dépouillement et d’analyse des données.

D’une part, l’assainissement est un concept pluridimensionnel qui ne se prête pas facilement à une analyse purement statistique. Les différents contextes économiques et socio-culturels font que les stratégies adoptées par les ménages et individus varient d’une unité à l’autre, voire même au sein d’un même ménage (Dos Santos et LeGrand, 2007).

D’autre part, mesurer le contexte environnemental général dans le cadre des recherches empiriques portant sur la santé urbaine s’avère souvent difficile (Dunn et Cummins, 2007). Concernant plus spécifiquement l’accès à l’eau et l’assainissement, considérés comme principaux déterminants environnementaux des maladies diarrhéiques, Heller (1999) attire l’attention sur le fait que les statistiques officielles ne révèlent pas, dans de nombreux cas, la situation réelle de la population, ni en termes de couverture des infrastructures d’assainissement, ni en termes de qualité et fiabilité de ces infrastructures. Ainsi, si les données quantitatives peuvent donner un premier aperçu des conditions de vie dans les ménages d’Afrique subsaharienne, une dépendance trop importante vis-à-vis des indicateurs statistiques de couverture couramment disponibles risque de conduire à d’importants biais de mesure et erreurs dans les conclusions des analyses y ayant recours.

Figure 2

Cadre analytique

Cadre analytique

Note : Par « exposition », nous nous référons au contact spécifique de l’individu avec des agents pathogènes entériques. Par « vulnérabilité », nous nous référons à la susceptibilité d’un individu à tomber malade, comparé à un autre individu et compte tenu d’un certain niveau d’exposition.

-> See the list of figures

Compte tenu de ces deux aspects, la recherche présentée ici a adopté une approche de méthodes mixtes avec triangulation et a été menée en deux étapes (Morgan, 1998, cité par Bryman, 2004). Ainsi, dans un premier temps, une enquête quantitative a été réalisée et les résultats de l’analyse statistique de cette enquête ont constitué une base pour la construction de l’instrument qualitatif.

Là où cela est possible et pertinent, les données recueillies par les deux méthodes ont été mises en relation sur la base d’un cadre analytique (figure 2). Les volets quantitatif et qualitatif concernent les mêmes thématiques générales, notamment les mécanismes d’action et d’interaction des déterminants environnementaux avec les dimensions comportementale et socio-économique. Ainsi, nous nous sommes penchés sur l’articulation entre les infrastructures d’assainissement présentes dans le quartier et les aménagements domestiques, ainsi que sur la manière dont l’environnement du quartier façonne les comportements individuels. Nous avons aussi analysé la façon dont les caractéristiques des mères et le revenu influencent leurs comportements en matière de santé et ainsi, les mesures de prévention au sein du ménage.

Les données quantitatives

L’étude utilise deux sources de données quantitatives provenant du projet « Paludisme et diversité de l’environnement urbain africain : un enjeu majeur pour la mise en place des thérapies à base d’artémisinine (ACT) » (ACTU-PALU), coordonné par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), en collaboration avec l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. La première source consiste en une enquête par questionnaire, menée entre septembre et décembre 2008 dans 50 quartiers de la région dakaroise, qui a recueilli des informations liées aux perceptions et conditions de vie de 2952 ménages échantillonnés, ainsi que les caractéristiques socio-démographiques de chaque membre du ménage. Elle a documenté également l’éventuelle occurrence d’un épisode diarrhéique dans les 15 jours précédant l’enquête chez les 7416 enfants de 2 à 10 ans de l’échantillon. Celui-ci a suivi un plan stratifié à trois degrés. Le premier, l’échantillonnage des unités primaires de sondage, s’est basé sur les districts de recensement (DR) ; les données ont fait l’objet d’une analyse en composantes principales suivie d’une classification, afin d’établir cinq typologies de quartiers et, ensuite, de sélectionner les quartiers (Lalou, 2008). Au sein de ceux-ci, les concessions ont été sélectionnées selon la méthode des itinéraires, avec un tirage au sort des points de départ sur une photo aérienne et sélection des concessions ou bâtiments sur le terrain en fonction d’un pas de tirage. Au troisième degré, dans les concessions, les ménages éligibles, qui devaient comprendre au moins un enfant âgé entre 2 et 10 ans, ont été tirés au sort.

Dans ces ménages, deux questionnaires ont été administrés. Le premier, portant sur le ménage et ses membres, renseignait sur les caractéristiques des membres du ménage et du logement, tandis que le deuxième se concentrait sur des questions liées à la perception du quartier, au capital social, à la santé et au soin des enfants. Ce dernier s’adressait à la femme (la mère biologique ou la tutrice) en charge du soin et de l’éducation d’un des enfants du ménage.

La deuxième source de données est celle de l’enquête ACTU-PALU qui a consisté en une enquête communautaire menée un an après l’enquête par questionnaire, dans les mêmes 50 quartiers et ayant comme objectif de documenter les caractéristiques de l’environnement, des infrastructures et des réseaux sociaux dans le quartier.

L’analyse quantitative

Cette structure hiérarchique des données (individu, ménage, quartier) nous a permis d’employer des modèles statistiques multi-niveaux, qui tiennent compte de la non-indépendance des observations au sein d’un même groupe. Dans une telle approche, l’inclusion de covariables aux trois niveaux d’observation permet de distinguer l’effet de chaque niveau. Pour estimer certains concepts multi-dimensionnels tels que le niveau de vie du ménage ou l’environnement domestique, nous avons préalablement procédé à une réduction de dimensions des variables par Analyse en classes latentes (ACL). Cette procédure permet d’utiliser des modèles statistiques parcimonieux et d’éviter ainsi les problèmes de surajustement liés à un nombre élevé de variables explicatives.

Ainsi, cinq variables latentes (trois au niveau du ménage et deux au niveau du quartier (voir annexes)) ont été estimées avec le package poLCA dans le logiciel d’analyse de données statistiques R (Linzer et Lewis, 2013 ; R Core Team, 2013). Le revenu du ménage, la seule variable latente avec plus de deux modalités, a été estimé en trois classes par le biais de la possession de biens de longue durée (Filmer et Pritchett, 1998). Nous avons utilisé des indicateurs de possession de radio, télévision, téléphone fixe, cuisinière à gaz ou électrique, salon, climatiseur, ordinateur, réfrigérateur, congélateur et voiture. La deuxième variable latente créée au niveau du ménage reprend la littératie en santé, un concept relativement nouveau en santé publique, qui se réfère aux capacités des individus à trouver, comprendre et utiliser des informations relatives à la santé (Castro-Sánchez et collab. 2016). Elle est estimée en deux classes, utilisant quatre indicateurs portant sur l’automédication, sur la compréhension de la posologie, ainsi que sur l’achat de médicaments chez les vendeurs ambulants/pharmacies par terre ou au marché. La troisième variable au niveau du ménage, également dichotomique, reprend les installations sanitaires (accès à l’eau, type de toilettes, évacuation des eaux usées et des déchets ménagers) et les matériaux utilisés pour les fenêtres et les murs du bâtiment. Au niveau du quartier, deux variables latentes dichotomiques mesurent l’assainissement (accès à l’eau, gestion des eaux usées et des ordures ménagères). La première mesure la couverture des services et la deuxième mesure leur qualité perçue. Ainsi, les deux variables latentes sont basées, l’une sur des indicateurs objectifs, l’autre sur des indicateurs subjectifs. Cela permet, compte tenu des limites des indicateurs de couverture qui ignorent souvent, dans les contextes en voie de développement, les soucis liés à la qualité et fiabilité de ces infrastructures (United Nations Human Settlements Program, 2006), d’avoir une image plus nuancée des infrastructures d’assainissement.

Ces variables latentes, ainsi que d’autres variables d’intérêt, ont par la suite constitué la partie explicative d’une régression logistique menée avec MLwiN (Rasbash et collab. 2009), sur trois niveaux (individu, ménage et quartier) avec un intercept aléatoire, afin d’identifier les facteurs associés à un épisode diarrhéique. Cette approche permet de distinguer le rôle de chaque niveau d’analyse, en estimant la variance liée à chacun d’entre eux. Ainsi, dans un modèle vide (sans variable explicative), le Coefficient de corrélation intraclasse (ICC) indique la proportion de la variance totale, pour la variable dépendante, qui est expliquée par la structure de groupement à chaque niveau.

L’analyse de la variance résiduelle au niveau du quartier permet d’identifier les deux unités qui s’éloignent le plus de leur valeur prédite et qui sont donc les moins bien expliquées par le modèle statistique. Ces unités sont les quartiers où le pourcentage d’enfants ayant subi un épisode diarrhéique était beaucoup plus bas ou beaucoup plus élevé que prédit statistiquement. Elles représentent donc des contextes d’un intérêt particulier, afin d’identifier des spécificités qui puissent expliquer leur situation. Ces spécificités, parfois difficiles à mesurer, sont souvent ignorées dans l’analyse quantitative du fait des limitations liées aux indicateurs statistiques courants (Heller, 1999).

Les données qualitatives

L’analyse des résidus du volet quantitatif a révélé Soprim 1 et Fith Mith comme les quartiers les moins bien expliqués du point de vue des maladies diarrhéiques. Tandis qu’à Soprim 1 (qui fait partie de l’arrondissement des Parcelles Assainies du département de Dakar) la modélisation statistique a prédit une incidence plus élevée que celle observée, à Fith Mith (dans l’arrondissement de Guédiawaye du département homonyme situé dans le Nord-Est de la région) l’incidence prédite était plus basse que celle observée.

Par conséquent, ces deux quartiers ont constitué la cible de l’analyse qualitative de l’étude. Ce volet qualitatif a consisté en sept entretiens semi-dirigés (voir tableau 1), ainsi qu’en la collecte de matériel photographique complémentaire, recueillis en août et septembre 2015.

Comme le but de ces entretiens était d’expliquer plus en profondeur les conditions de vie propres aux deux quartiers, ils ont été conçus de façon relativement serrée (Miles et collab. 2012). Ainsi, les thèmes d’intérêt étaient relativement bien tracés, mais dans le contexte d’une entrevue semi-structurée, avec un guide permettant d’approfondir certains aspects et laissant la place à l’émergence de nouvelles dimensions que l’enquête quantitative n’avait pas pu mettre en exergue. Le principal thème abordé, celui de la salubrité, a été complété par des thèmes liés au soin et à la santé des enfants. Ainsi, après la présentation des enquêteurs et du contexte du projet, les entretiens ont débuté par le volet quartier, sur des aspects généraux de vie, suivi par l’aspect salubrité (accès, fiabilité, coûts et satisfaction) et enfin par les relations qu’entretient l’interviewé avec ses voisins. Ensuite, le volet des comportements individuels de prophylaxie a été abordé (hygiène personnelle, des aliments et protection contre les vecteurs), pour entamer ensuite le volet concernant les enfants. Ici, les points d’intérêt étaient liés principalement aux soins de santé et aux caractéristiques des soignants de chaque enfant.

L’échantillon de personnes interviewées n’a pas été sélectionné avec un objectif de représentativité statistique, mais plutôt dans le but d’avoir des profils illustratifs ou contrastés, afin de couvrir une grande diversité de situations et d’apporter de nouveaux éléments aux thèmes d’intérêt (Dos Santos, 2011 ; Miles et collab. 2012). Notre objectif était donc de révéler les caractéristiques environnementales susceptibles d’avoir un impact sur les maladies diarrhéiques et d’arrêter le processus une fois la saturation de l’information essentielle atteinte. Notre décision a donc été guidée par le moment où ces informations ont été corroborées et que les nouveaux entretiens n’apportaient plus des renseignements essentiels.

Dans la mesure où l’étude concerne la santé des enfants dans la société sénégalaise, où ce sont les femmes qui sont principalement chargées des soins des enfants, nous nous sommes concentrés sur des femmes dans la sélection de profils, qu’elles soient mères ou pas (Buisson, 2012).

Tableau 1

Femmes interviewées

Femmes interviewées

Note : Les noms ont été modifiés.

-> See the list of tables

Les entretiens se sont déroulés en wolof (la langue prédominante dans la région de Dakar), avec le concours d’un sociologue sénégalais bilingue. Ils ont été, avec l’accord préalable des interviewées, enregistrés en format audio et ensuite traduits et transcrits en français. Afin de limiter le plus possible les biais de traduction, l’ensemble de ce travail a été réalisé par la même personne.

L’analyse qualitative

Le dépouillement de ces entretiens a été réalisé par analyse thématique, afin de rendre les discours bruts dans une forme plus adaptée pour répondre aux objectifs de l’étude (Guest et collab. 2012 ; Paillé et Mucchielli, 2012). Ainsi, le traitement des données a été réalisé avec le package RQDA en R, permettant de structurer et d’analyser les données qualitatives (Huang, 2018 ; R Core Team, 2013). Nous avons développé une matrice de concepts autour de deux axes principaux : le soin des enfants et l’environnement (notamment en ce qui concerne la salubrité). Cette matrice repose en grande partie sur le cadre analytique de base, avec quelques adaptations réalisées à la suite de la lecture initiale des transcriptions.

L’articulation entre le quantitatif et le qualitatif vise à créer une image complète du réseau de déterminants des maladies diarrhéiques chez l’enfant, avec un accent particulier sur les facteurs d’environnement et sur leurs interactions avec d’autres sphères de la vie (figure 2). Lorsque cela a été possible, nous avons procédé à la triangulation de ces deux types de sources de données, en comparant les résultats quantitatifs (et les hypothèses qui en découlaient) aux informations recueillies par entretien. L’objectif de cette démarche était d’aboutir à une représentation améliorée qui augmente la fiabilité et la validité des résultats et qui aide à contrôler les biais inhérents à chacune des deux approches (Randall et Koppenhaver, 2004).

RÉSULTATS

Les pages suivantes présentent les résultats de cette étude. Dans un premier temps, elles détaillent l’échantillon, pour ensuite présenter les déterminants d’un épisode diarrhéique (démographiques, socio-économiques, comportementaux et environnementaux), ainsi que le rôle relatif des facteurs d’environnement.

Dans la collecte de données, pour les concepts et thèmes centraux de cette recherche, nous avons opté pour lobtention d’informations à la fois quantitatives et qualitatives. Leur traitement a donc été fait tant par modélisation statistique que par analyse de discours. Par conséquent et pour respecter cette approche adoptée lors de la collecte des données, les résultats quantitatifs et qualitatifs sont traités de façon intégrée plutôt que distincte et, en complément des résultats statistiques, les principaux aspects issus des entretiens y seront rajoutés. Les aspects qualitatifs constituent des informations plus approfondies et des explications possibles sur les conditions de vie particulières dans les quartiers concernés par l’enquête qualitative. Cette articulation entre les deux volets a comme avantage de mieux illustrer leur complémentarité dans cette recherche.

Caractéristiques de l’échantillon ACTU-PALU

L’échantillon était composé à 49 % de garçons et à 51 % de filles. L’âge médian des enfants était de 5 ans, tandis que l’âge moyen était de 5,6 ans (intervalle de confiance à 95 % : 5,5 – 5,7). L’âge médian de la mère/tutrice était de 34 ans, tandis que l’âge moyen était de 35,3 ans (intervalle de confiance à 95 % : 35,0 – 35,6). La plupart d’entre elles (52 %) étaient illettrées et la majorité étaient des femmes au foyer (51 %) ou employées (45 %). La catégorie « autres » (4 %) regroupe principalement des étudiantes ou apprenties, qui font de petits boulots ou sont aides-ménagères.

Concernant les cinq variables latentes créées, analysant les probabilités conditionnelles présentées en annexe, 75 % des ménages font partie de la catégorie estimée avoir un haut niveau de littératie en santé. À peine plus de la moitié des ménages (51 %) ont été estimés avoir accès à des aménagements améliorés (installations sanitaires et matériaux utilisés pour les fenêtres et les murs du bâtiment). Quant au niveau de vie au sein du ménage, seulement 6 % des ménages appartiennent à la catégorie estimée avoir un « niveau de vie élevé », la majorité (51 %) se situant dans la catégorie estimée « niveau moyen » et 43 % dans celle du « niveau bas ».

Au niveau du quartier, les deux variables latentes estiment la couverture et la qualité perçue des infrastructures d’assainissement. Concernant la couverture, la majorité des 50 quartiers (29 quartiers) a été estimée comme ayant une couverture complète, tandis que concernant la qualité perçue, elle a été estimée comme haute dans 30 quartiers. L’association entre ces deux variables latentes est significative à un seuil de 95 % et d’ampleur modérée (V de Cramer : 0,3 sur 1 degré de liberté).

En moyenne, 16 % des enfants (1151 sur les 7416) ont subi un épisode diarrhéique dans les 15 jours précédant l’enquête, 6160 n’en ayant présenté aucun et 105 enfants avec valeur manquante. Cependant, cette moyenne cache des écarts importants d’un quartier à l’autre, allant de 7 % à 28 %.

Déterminants des maladies diarrhéiques

Le tableau 2 reprend les effets fixes et aléatoires des régressions logistiques sur trois niveaux et dressent une image générale du réseau de déterminants des épisodes diarrhéiques chez les enfants. Chaque modèle rajoute successivement des variables relatives au niveau d’analyse directement supérieur. Ainsi, après le modèle vide (modèle 0), le modèle 1 ajoute des variables liées à l’individu (enfant et mère/tutrice), tandis que les modèles 2 et 3 rajoutent des variables relatives aux sphères domestiques et de voisinage, respectivement. Cette stratégie d’inclusion des variables permet d’établir des associations entre la variable d’intérêt et diverses covariables, ainsi que d’étudier, à la suite de l’ajout d’autres covariables, l’évolution de chaque déterminant. La grande stabilité des effets fixes témoigne de la robustesse des modèles et suggère que l’effet de chacun des déterminants est relativement indépendant des autres.

Tableau 2

Déterminants d’un épisode diarrhéique selon la modélisation statistique (rapports de cotes)

Déterminants d’un épisode diarrhéique selon la modélisation statistique (rapports de cotes)

Note : * p < 0,1 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01

-> See the list of tables

Facteurs démographiques

Concernant l’âge et le sexe de l’enfant, tout comme l’âge de la mère/tutrice, les effets suivent plus ou moins la ligne générale des études sur le sujet. Les données montrent l’absence d’association significative entre le sexe de l’enfant ou l’âge de la mère/tutrice et l’occurrence d’un épisode diarrhéique, et un effet protecteur pour l’âge de l’enfant (les enfants plus âgés étant généralement moins susceptibles aux maladies diarrhéiques), que les études associent généralement à l’adaptation du système immunitaire et à un changement des schémas d’exposition (Ngure et collab. 2013 ; Simon et collab. 2015).

Facteurs socio-économiques

Les facteurs socio-économiques (l’occupation et l’alphabétisation de la mère/tutrice, ainsi que le revenu du ménage) ont été utilisés comme variables de contrôle. En général, les deux derniers de ces aspects sont associés à de moindres risques de maladies infectieuses (Mosley et Chen, 1984). Cela dit, en Afrique subsaharienne, le rôle protecteur du niveau d’éducation de la mère serait moindre qu’ailleurs dans le monde. Une des explications possibles pour cela est liée au confiage des enfants à de tierces personnes appelées « nounous ». La forte migration liée au travail qui prévaut sur le continent africain favorise l’implication de tutrices secondaires ou de la famille étendue dans l’éducation des enfants (Delaunay et Enel, 2009 ; Hobcraft, 1993). Dans cette perspective, un niveau d’éducation maternelle plus élevé ne conduirait pas directement à une diminution des risques encourus par l’enfant, du fait que dans les familles à haut statut socio-économique, les enfants seraient, pour la plupart du temps, confiés à des « bonnes » ou « nounous ». Dès lors, la présence de ces bonnes interagirait avec le niveau d’éducation de la mère.

Les données ACTU-PALU ne suggèrent pas que l’alphabétisation ou le statut d’emploi de la mère/tutrice soient statistiquement associés à un changement dans le schéma des maladies diarrhéiques chez l’enfant, à l’exception de la catégorie « autre » de la variable « occupation ». Cette catégorie comprend principalement des étudiantes ou apprenties qui font des petits boulots ou sont aides-ménagères. Ainsi, les rapports de cote plus élevés (d’environ 50 %) de diarrhée associés peuvent en fait refléter une situation légèrement défavorisée sur le plan social et des occupations moins stables pour ces femmes.

Afin de creuser davantage la question des bonnes (ou « nounous » comme elles sont souvent appelées au Sénégal) et son impact potentiel sur la santé des enfants, nous avons abordé ce sujet lors des entretiens. Pour la plupart, les mères restaient bien les principales responsables de leurs enfants. Toutefois, les entretiens ont également montré que, du moins dans les familles que nous avons rencontrées, même si le fait d’employer une nounou semblait en effet être lié au revenu et au statut social de la famille, ce ne sont pas seulement les ménages les plus aisés qui font appel à une tutrice secondaire.

Ainsi, dans les familles qui n’emploient pas de nounou, la famille étendue participe aux soins des enfants et parmi les femmes du logement, « celles qui sont présentes » (Bintou) prennent en charge tous les enfants. Au contraire, dans les familles qui emploient une nounou, celle-ci prenait en charge la majorité des tâches liées aux enfants, comme nous a expliqué Khadija, une nounou vivant avec la famille qui l’emploie, à Soprim 1. Khadija était âgée de 19 ans au moment de l’entretien, elle avait terminé ses études primaires et par la suite, elle a eu son propre enfant, une fillette âgée alors d’un an et demi. Depuis qu’elle vivait avec la famille pour laquelle elle travaillait, elle avait laissé sa fille avec sa famille dans son village d’origine.

Khadija : C’est moi qui m’en occupe ou bien sa mère…
Enquêteur : D’accord… quand vous vous occupez des enfants, que faites-vous en gros ?
Khadija : Je m’occupe de faire le linge pour le plus petit… quand je balaie, il vient vers moi, me parle, rit. Je le dorlote… et tu sais qu’avec les enfants il faut jouer avec eux…

Il semble que ce soit une pratique assez répandue d’employer une bonne, qui serait alors chargée de certaines tâches ménagères et de la garde des enfants. Même si les familles ne peuvent pas se permettre une telle aide rémunérée, le dicton selon lequel « il faut tout un village pour élever un enfant » reste valable, du moins dans les familles interrogées pour cette étude. Ainsi, les membres de la famille proche ou élargie, vivant dans le même logement que l’enfant, participent tous aux soins de celui-ci.

Si l’on considère le niveau de vie du ménage, nos résultats confirment de façon générale ceux déjà publiés sur ce sujet, dans la mesure où vivre dans un ménage moins riche entraîne des risques supplémentaires pour la santé des enfants. Comparativement aux ménages « riches », les deux autres catégories sont associées à une augmentation de la probabilité des épisodes diarrhéiques. Cependant, cette relation n’est statistiquement significative que pour les ménages les plus pauvres.

Facteurs comportementaux

La littératie en santé au niveau du ménage a été explorée par le biais d’une variable latente dans l’analyse quantitative afin d’examiner si les connaissances, les attitudes et les pratiques médicales et de santé des parents étaient associées à une réduction de l’infection chez l’enfant. Dans les deux modèles qui incluent cette variable latente, elle a un impact statistiquement significatif, avec une faible littératie en santé associée à des probabilités plus élevées, de 26 % et 25 % respectivement, d’épisodes diarrhéiques chez les enfants.

Les entretiens ont abordé les aspects liés au traitement et à la conservation de l’eau de boisson, le stockage des ordures ménagères, ainsi que le traitement des fruits et légumes consommés par la famille. Ce dernier aspect a pourtant été retiré du guide après les premiers entretiens car les personnes interrogées avaient tendance à donner des réponses socialement désirables sur cet aspect particulier, insistant sur le fait qu’ils savaient qu’il fallait laver les fruits et les légumes avant de les consommer et que, par conséquent, le faisaient toujours.

Concernant l’eau à boire, les deux aspects les plus souvent mentionnés étaient une teinte rougeâtre de l’eau et des dépôts qui se formaient au fond du récipient de conservation. Dans ce contexte, la plupart des participants ont déclaré employer deux stratégies, souvent conjointement, pour améliorer la qualité de l’eau jugée non conforme à la consommation. La première était de laisser l’eau décanter dans un récipient, tandis que la deuxième consistait à verser quelques gouttes d’eau de javel dans l’eau stockée : « on attend jusqu’à ce qu’elle ait une coloration beaucoup plus claire pour pouvoir l’utiliser […] ensuite on sépare des résidus. […] On y met des gouttes d’eau de javel pour que ça soit plus potable… s’il y a ces trucs dans l’eau ce n’est pas bon… » (Fatoumatou).

Les entretiens ont aussi permis de souligner que les comportements individuels étaient fortement influencés par les conditions environnementales. Ainsi, une famille qui ne jugeait pas la qualité de l’eau satisfaisante était plus susceptible de la traiter avant de la boire qu’une famille qui considérait que la qualité des infrastructures était adéquate. Dans cette perspective, les personnes interrogées associaient l’aspect de l’eau à sa potabilité. Ainsi, l’absence de couleur ou d’odeur conduisait les individus à la considérer comme microbiologiquement propre et ils étaient alors plus enclins à la boire sans traitement préalable.

Facteurs environnementaux

Les installations sanitaires et les aménagements de l’habitat ont un impact significatif sur l’occurrence d’un épisode diarrhéique. Ainsi, les enfants vivant dans des maisons dotées d’aménagements non améliorés étaient 21 % plus susceptibles que ceux vivant dans des maisons mieux équipées, d’avoir vécu un épisode de diarrhée. Cependant, lorsqu’on examine ces infrastructures de salubrité au niveau du quartier, ni leur couverture, ni leur qualité perçue ne semblent avoir d’incidence sur les risques de maladie chez les enfants.

Abordant cet aspect plus en profondeur, les entretiens ont révélé certains aspects inattendus qu’il aurait été difficile, voire impossible, de capter avec une approche purement statistique et qui pourraient expliquer cette différence apparente entre l’impact des facteurs environnementaux au niveau du ménage et au niveau du quartier.

L’accès à l’eau

Parmi les personnes que nous avons interrogées dans le cadre du volet qualitatif, six des sept ménages avaient l’eau courante dans le logement ou la résidence et un seul ménage devait acheter de l’eau, faute d’eau courante. Ce dernier avait été déconnecté à cause de factures impayées et l’enquêtée y résidant achetait de l’eau à des voisins ou leur avait demandé de lui donner de l’eau gratuitement. Pour ce ménage, le coût était dissuasif et ils ont dû réduire leurs besoins pour pouvoir acheter de l’eau.

Malgré la grande couverture des infrastructures d’accès à l’eau, la grande majorité des répondants, dans les deux quartiers visités, se sont plaints de la qualité de l’eau (les problèmes les plus fréquemment mentionnés étaient la couleur rougeâtre et les dépôts). De plus, certaines personnes interrogées se sont également plaintes de coupures d’eau parfois longues : « ces derniers temps, il y a eu une coupure pendant 2 jours » (Aminata). Ces coupures obligent souvent les personnes affectées à trouver d’autres sources d’eau :

Fatoumatou : quand vous êtes arrivés, il n’y avait pas d’eau.
Enquêteur : est ce que les coupures durent ici ?
Binta : des fois oui, des fois non…
Enquêteur : et comment faites-vous en cas de longues coupures d’eau ?
Binta : en cas de coupures… tu ne sais pas où aller si ce n’est qu’aller vers les pompes publiques et là-bas aussi l’eau est rougeâtre…
[…]
Enquêteur : d’accord. Et l’eau que vous recueillez au niveau des pompes, est-ce que pouvez l’utiliser pour la boisson ?
Binta : non…
Enquêteur : et quelle eau allez-vous boire donc ?
Binta : nous avons des réserves d’eau que l’on recueille chaque jour dans ces bidons-là et on s’en sert pour la boisson.

Dans ce contexte, bien que la grande majorité des ménages disposent officiellement d’eau courante (ou d’une source d’eau améliorée), ils sont souvent obligés de recourir à des sources d’eau alternatives, dû au manque de fiabilité de leurs sources d’eau principales. Cela soulève des questions importantes quant à la pertinence d’estimer l’accès à l’eau uniquement via la couverture du réseau de distribution d’eau dans les zones urbaines des pays en développement. Ainsi, utiliser cet indicateur pour étudier la relation entre les maladies diarrhéiques et l’accès à l’eau de la population risque d’apporter un biais, car cela indiquerait potentiellement une relation entre une source d’eau améliorée, mais peu fiable et la survenue de la maladie. Pourtant, la source d’eau est généralement mesurée uniquement en termes de source principale officielle, ignorant ainsi tous les problèmes liés à sa qualité et à sa fiabilité.

L’évacuation des eaux

Si des problèmes liés à l’accès et à la qualité de l’eau ont été mentionnés dans les deux quartiers, concernant l’évacuation des eaux, les avis ont été très polarisés d’un quartier à l’autre. Le fait que Fith Mith soit situé en bas d’une pente a plusieurs conséquences pour les habitants du quartier. Une première est liée aux inondations « nous avons une maison basse et à chaque fois ça inonde et l’eau rentre jusque dans nos chambres […] il y a même certaines familles qui ont déménagé à cause de ça » (Safiétou). Une deuxième, moins évidente, est liée à la salubrité et au fait que les habitants soient concernés non seulement par les conditions de salubrité de leur quartier, mais aussi par celles des quartiers avoisinants :

Aminata : Les eaux restent… tu sais, quand il pleut, les gens ouvrent leurs fosses […] afin que les eaux de pluie les fassent s’écouler et cela favorise la présence des moustiques ainsi que la saleté.

L’existence de cette pratique a été corroborée par plusieurs autres femmes interviewées dans le quartier, qui ont décrit les problèmes qu’elle engendre :

Enquêteur : Et qu’est-ce qui est à l’origine de ces stagnations d’eaux-là ?
Fatoumatou : Ah… quand il pleut, il y en a certains qui, dans leurs quartiers, déversent leurs eaux usées quand il pleut. Et cela se mélange aux eaux de pluie…
[…]
Binta : Les eaux des fosses, ce sont les canaux qui n’évacuent pas… les toilettes refoulent à chaque fois et on est fatigués.
Enquêteur : C’est-à-dire que ça refoule dans la maison quand les eaux n’évacuent pas correctement ?
Fatoumatou et Binta : Oui… toute la maison est pleine.
Enquêteur : Et comment faites-vous par rapport à cela ?
Fatoumatou et Binta : Aspirer manuellement l’eau, on prend des seaux pour sortir l’eau.
Binta : Tout le monde s’y met et tu n’as pas où les déverser, on interdit de déverser dans les rues…
Fatoumatou et Binta : On interdit maintenant de déverser dans les rues, de creuser aussi… on interdit tout cela maintenant…
Enquêteur : C’est parce qu’avant les gens creusaient et déversaient leurs eaux usées dans les rues ?
Fatoumatou et Binta : Voilà, maintenant personne ne le fait. Ce n’est pas bien du tout.

Mame, une autre participante, nous a expliqué la raison de la présence de nombreux sacs de sable, érigés comme digues ad hoc dans les rues du quartier et autour des entrées des maisons :

Enquêteur : Y a-t-il des stagnations d’eaux ici, quand il pleut ?
Mame : Oui, il y en a parce que l’eau qui vient des HLM (un quartier avoisinant) se trouvant en amont, derrière le Technopole, se déverse jusqu’ici et c’est pourquoi tu vois ces sacs de sable un peu partout érigés en guise de digues de protection. Les eaux rentrent jusque dans les maisons et même dans les chambres. Nous occupons un point bas aussi, les eaux des caniveaux refoulent, elles aussi et se déversent : au lieu de s’écouler dans le réseau, elles ressortent […] Les eaux devant s’écouler dans le circuit normal des caniveaux refoulent au niveau des toilettes des maisons et se mélangent avec les eaux de pluie. Ce qui fait que les maisons inondent et on est obligé de les aspirer.

Quand nous lui avons demandé si elle avait connaissance de personnes qui ouvrent leurs fosses septiques lors des pluies pour que les eaux puissent s’écouler, elle nous a répondu que « ce sont justement les gens des HLM qui le font ». Concernant le réseau de canalisation, officiellement présent dans le quartier, elle était largement insatisfaite de son fonctionnement :

Mame : Tout le quartier est canalisé, tout le monde est relié aux canalisations mais elles ne sont pas opérationnelles du tout. Des fois, elles ne peuvent plus évacuer. Dans ce cas, si tu ne fais pas appel à un déboucheur, tu risques de voir les eaux usées se déverser à l’intérieur de ta maison : elles vont refouler, il faut que tu les prennes de vitesse.
[…]
Mame : Si ce sont les fosses centrales qui sont bouchées, c’est l’ONAS (Office national de l’assainissement du Sénégal) qui doit venir pomper les eaux pour qu’elles évacuent parce qu’il y a un côté où c’est bouché mais ils ne réagissent pas quand on les appelle. Maintenant, pour être à l’aise tu fais ce qui t’arrange. Tu t’attaches les services d’un déboucheur que tu payes, il se charge de nettoyer, de curer, de dessabler et tout afin que ça puisse mieux évacuer essentiellement…

D’autres participantes ont mentionné des stratégies alternatives pour se débarrasser des eaux usées, dont notamment les déverser dans la rue :

Enquêteur : Que faites-vous des eaux usées après avoir fait la lessive ou la vaisselle ?
Safiétou : On les déverse dans la rue…
[…]
Enquêteur : Est-ce qu’il y a un endroit spécifique où déverser ces eaux usées ou bien vous le faites juste devant les maisons ?
Safiétou : Oui, on les déverse devant les maisons.

Il faut noter que cette pratique n’affecte pas prioritairement ceux qui l’adoptent, mais bien plus les habitants des maisons situées dans la proximité du dépotoir (qui peut parfois se situer ailleurs, surtout dans le cas des rues en pente, où l’eau s’écoule vers le bas de la pente). Par conséquent, bien que ces maisons soient reliées au réseau d’égouts, elles sont confrontées aux conséquences des déversements d’eaux usées.

Contrairement aux habitants de Fith Mith, aucune interviewée de Soprim 1 n’a mentionné de tels problèmes au sujet de l’évacuation des eaux. Soprim 1 est un quartier situé sur une pente descendant jusqu’au bord d’une niaye (étang). La niaye est juste à l’extérieur du quartier. Les habitants de Soprim 1 étaient largement satisfaits de la qualité de l’évacuation des eaux usées et n’ont pas déclaré avoir de problèmes de débordement : « ici, la canalisation ne connait pas de souci majeur… si ça bouche, c’est parce que c’est l’utilisateur qui l’a fait ou bien tu y jettes des trucs qui entravent l’évacuation des eaux… ou que les enfants jouent au football et font entrer le sable dans la canalisation » (Niouma). Au niveau des inondations aussi, Soprim 1 semble être peu ou pas du tout affecté et aucune des interviewées n’a connu des problèmes liés aux inondations, probablement dû au relief de ce quartier :

Coura : Il n’y a pas de problème ici…
Enquêteur : Vous n’avez pas de problèmes avec l’eau ? Elle s’écoule normalement en temps de pluie ?
Coura : Oui, elle s’écoule….

Pourtant, les entretiens ont soulevé le fait que la niaye, qui se trouve en dehors des limites du quartier, affecte significativement les conditions environnementales pour les habitants de Soprim 1. Ainsi, tous les habitants se sont plaints de la présence de la zone humide qu’elle constitue : « c’est un quartier calme et propre… le seul problème ce sont les moustiques » (Niouma). Ce résultat témoigne, lui aussi, du fait que les conditions de vie d’un quartier sont souvent en relation avec la situation des autres quartiers et ces interdépendances sont souvent difficiles à cerner dans une approche purement quantitative.

Gestion des ordures

De manière générale, les enquêtées semblaient satisfaites de la gestion des ordures ménagères dans leur quartier. Pratiquement tous les ménages des répondantes bénéficiaient d’une collecte publique et la grande majorité d’entre elles ont déclaré que, même s’il y avait certains jours où le camion à ordures ne passait pas, elles étaient généralement satisfaites de la fréquence de passage. Cependant, le principal problème mentionné par quelques participantes réside dans les dépôts illégaux. Ainsi, il semble que certains endroits se soient transformés en lieux de décharge improvisés :

Mame : Derrière les HLM, ici à quelques 200 mètres se trouve le Technopole : c’est toute une zone d’eaux. Bon, tu passes par là pour aller vers la mer : il y a un dépotoir d’ordures. Les charretiers viennent ramasser les ordures des gens moyennant 100 frs la bassine ou 50 frs le seau ou encore le sac d’ordures à 200 frs et attendent la nuit pour aller les déverser là-bas près de la mer. Les chiens morts, les carcasses de moutons, les chats morts, les ordures, tout se déverse là-bas. C’est pour dire que nous sommes enclavés dans la saleté. Entre la technopole et le dépotoir là, c’est autre chose… […]
Enquêteur : d’accord… et est-ce que la benne à ordures passe pour récupérer les déchets ?
Mame : oui, elle passe recueillir les ordures en dehors de la période de grève. Durant l’hivernage, leur passage n’est pas régulier parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas où passer avec les eaux stagnantes ; ou bien, ils disent que les véhicules sont en panne. Et on peut rester facilement une semaine sans voir de camion-benne.
Enquêteur : et dans ce cas, comment faites-vous avec les ordures ?
Mame : on les amasse dans des sacs et on les met quelque part jusqu’à ce que viennent les voitures
Enquêteur : et cela ne favorise-t-il pas aussi la présence des mouches et… ?
Mame : vraiment, c’est autre chose… il y a même les vers qui s’y mêlent…

Cela dit, des trois infrastructures étudiées (accès à l’eau, évacuation de l’eau et gestion des ordures ménagères), c’est de la gestion des ordures que les personnes enquêtées se sont déclarées le plus satisfaites. Dans l’attente du passage du camion de ramassage, étant donné le passage régulier de ce dernier, la plupart des répondants ont déclaré stocker les ordures ménagères dans l’habitation, dans une poubelle avec couvercle qui était gardée dans un espace isolé du logement : « on les met dans la poubelle et on ferme bien… ou on les met dans un sachet qu’on noue bien pour éviter les mouches, on les met quelque part où c’est couvert… et on attend que la voiture vienne » (Khadija).

3.5. Le rôle du ménage et du quartier

En plus des déterminants potentiels considérés ci-dessus, le fait de vivre dans un certain ménage ou quartier peut avoir un impact sur le risque d’avoir une maladie, du fait d’autres facteurs qui ne sont pas pris en compte ou qui ne peuvent pas être mesurés. Bien que leur effet réel soit inconnu, la modélisation statistique en offre des estimations, notamment la corrélation intra-classe (ICC) et les coefficients de partition de variance (VPC), qui sont généralement calculés sur un modèle vide (sans variable explicative), sur base de la variance résiduelle. Le tableau 3 présente ces variances au niveau des ménages et des quartiers (avec les erreurs types entre parenthèses)[1] et le nombre d’unités à chaque niveau d’analyse par modèle.

Pour le modèle 0 (le modèle vide), les coefficients estimés sont donc de 0,01 et 0,23 respectivement au niveau du quartier et du ménage. Cela indique que 1 % de la variation dans les épisodes diarrhéiques se situe au niveau des quartiers et 23 % au niveau des ménages, tandis que de 77 % se situe au niveau de l’individu.

Tableau 3

Unités d’analyse et effets aléatoires pour chacun des trois niveaux

Unités d’analyse et effets aléatoires pour chacun des trois niveaux

-> See the list of tables

Cela indique que la plus grande part de variabilité dans la survenue des épisodes diarrhéiques se situe au niveau de l’enfant. Cela n’est pas surprenant, car en général, les effets du quartier sur l’occurrence d’un phénomène (ici un épisode diarrhéique) sont faibles par rapport à l’effet individuel (Diez Roux, 2001).

DISCUSSION

Les résultats de cette étude montrent, d’une part, que les déterminants des maladies diarrhéiques chez les enfants vivant en milieu urbain sénégalais appartiennent à différentes sphères de la vie et à différents niveaux d’analyse.

D’autre part, ils illustrent la manière dont la complémentarité des approches quantitative et qualitative permet de révéler certains aspects difficiles à évaluer par une approche purement quantitative. L’étude attire l’attention sur le fait que des indicateurs statistiques souvent utilisés pour mesurer l’accès à l’eau et la salubrité donnent, dans certains cas, une image biaisée ou incomplète des conditions de vie des populations concernées. De plus, la salubrité d’un quartier peut, quant à elle, être influencée par l’environnement et les comportements des populations résidant dans les quartiers avoisinants. Dans cette même perspective d’interdépendance, l’étude souligne aussi que, souvent, les comportements individuels en termes de santé sont fonction de l’environnement immédiat.

La présente étude se confronte à deux principales limites. La première concerne les données quantitatives, et plus particulièrement le caractère déclaratif des données, avec une période de rappel de 15 jours des épisodes diarrhéiques. Bien que cela soit l’approche la plus courante dans les enquêtes quantitatives, elle dépend du niveau de connaissances et de l’intérêt pour la santé de la personne enquêtée. Ces aspects peuvent, dans une certaine mesure, varier en fonction du statut socio-économique et des attitudes culturelles à l’égard de la maladie (Seigel et collab. 1996 ; Woldemicael, 2011). Cela dit, la diarrhée est un symptôme facilement observable par la personne en charge de l’enfant, ce qui limite fortement le risque de biais lié aux caractéristiques socio-économiques de la personne interrogée. Si une certaine sous-déclaration peut également être imputable à l’oubli, il n’y a pas de raisons de croire que ces oublis soient liés à des caractéristiques d’intérêt pour l’étude, mais plutôt à des aspects tels un âge très avancé ou la mémoire individuelle. Par conséquent, ces sous-déclarations ne sont pas susceptibles d’affecter différemment les divers groupes sociaux ou spatiaux et il y a donc peu de raison de croire qu’elles introduisent un biais dans les conclusions de l’étude.

Tenant compte de la durée écoulée entre le volet quantitatif et le volet qualitatif de cette étude (environ six ans), certaines évolutions en termes d’infrastructures ont eu lieu dans les quartiers étudiés. Dans ce contexte, nous avons inclus dans les entretiens le thème « aménagements récents », où nous avons aussi examiné leur impact, tel que perçu par le répondant. Cela nous a permis de retracer, au moins partiellement, ces changements et leurs effets au niveau des habitants concernés.

Toujours en ce qui concerne les données qualitatives collectées en 2015, les entretiens ont été limités aux deux quartiers les moins bien captés par la modélisation statistique. Ce choix a été dicté principalement par des raisons logistiques et par l’objectif d’examiner le plus en profondeur possible les quartiers visités. Cela signifie que les résultats qualitatifs ne sont pas généralisables à l’ensemble de la région de Dakar. Cependant, ils fournissent une image plus approfondie des conditions de vie dans ces deux quartiers, des modalités de garde des enfants et des pratiques liées à la santé.

Un apport notable de la présente recherche est le fait d’intégrer les aspects comportementaux, socio-économiques et d’environnement du ménage, mais aussi du quartier. Alors que des programmes standardisés à grande échelle tels les Enquêtes démographiques et de santé (EDS) et les Multiple Indicator Cluster Surveys (MICS) fournissent des données pour étudier les effets de l’environnement à l’intérieur du logement (en particulier la présence d’une source d’eau potable améliorée et du type de toilette), peu d’études intègrent aussi des indicateurs relatifs au voisinage. Cependant, comme la présente étude le montre, les deux sphères de l’environnement ne devraient pas être traitées en ignorant l’une ou l’autre d’entre elles. En effet, les installations améliorées dans l’habitat offrent peu de protection si les infrastructures correspondantes ne sont pas présentes dans toute la zone ou si les ménages avoisinants ne sont pas également connectés à ces infrastructures. Pour aller encore plus loin dans l’analyse, comme l’a montré le cas de Fith Mith, l’assainissement dans un quartier peut aussi être influencé par les conditions d’autres quartiers, généralement adjacents, mais pas uniquement. Cette constatation attire l’attention sur le fait que les enquêtes portant sur les conditions de vie doivent, de préférence, prendre en compte à la fois données quantitatives et qualitatives. Si cela est difficile à réaliser, des études qualitatives exploratoires peuvent servir à mieux adapter les questionnaires au contexte local, afin de mieux capter ses caractéristiques.

Certaines questions ont été soulevées ces dernières années concernant la dichotomie « amélioré »/« non amélioré » dans l’analyse de l’accès à l’eau et de l’assainissement dans les pays en développement (Shaheed et collab. 2014 ; United Nations Human Settlements Program, 2006). La présente étude a permis de révéler certaines raisons pour lesquelles les sources d’eau et installations d’évacuation des eaux « améliorées » ne sont pas toujours fiables ou de qualité satisfaisante. La recherche qualitative a permis de dégager plusieurs éléments qui auraient été difficiles, voire impossibles à détecter à l’aide de statistiques uniquement. Ce faisant, la recherche a montré que certains des indicateurs statistiques couramment utilisés pour mesurer les conditions de vie dans les pays en développement peuvent en donner une image peu exacte et corrobore le fait que des analyses qualitatives plus approfondies seraient donc nécessaires pour comprendre avec plus de précision les facteurs de risque potentiels des maladies infectieuses. Ces analyses qualitatives pourraient aussi être conçues comme une étape exploratoire, qui contribue à la création de l’instrument quantitatif mieux adapté au contexte à l’étude.

En termes d’assainissement, l’analyse quantitative descriptive et les ICC ont montré que, si les effets relatifs du quartier sont assez limités (notamment par rapport au niveau individuel), leur effet absolu est également déterminé par le grand nombre d’enfants potentiellement affectés. Cela signifie que les interventions visant à améliorer l’assainissement peuvent jouer un rôle important dans la réduction du fardeau des soins de santé liés aux maladies infectieuses, car elles touchent un grand nombre de personnes.

CONCLUSIONS

La présente recherche utilise une analyse statistique à plusieurs niveaux avec des variables latentes, associée à une analyse qualitative de données obtenues par entretien. Cette approche permet de prendre en compte une multitude de facteurs appartenant à différentes sphères et sur différents niveaux d’analyse (individuel, ménage, quartier), qui sont susceptibles d’avoir un impact sur le risque d’infections diarrhéiques. L’étude s’intéresse plus particulièrement aux enfants vivant dans un contexte urbain, à savoir la ville de Dakar. Dans le contexte des pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, la promiscuité spatiale en milieu urbain, des densités élevées de population et les conditions de vie peu salubres ne sont que quelques-uns des facteurs qui rendent les enfants y vivant plus exposés que ceux du milieu rural (Mbugua et collab. 2014). En outre, la capitale sénégalaise se caractérise par un environnement spatial et socio-économique hétérogène et dynamique, ce qui soulève des défis supplémentaires en termes de prévention des maladies infectieuses.

D’un côté, l’analyse quantitative fournit un aperçu général des facteurs associés à la transmission des infections diarrhéiques. La robustesse des effets fixes témoigne d’une indépendance probable des déterminants qui ont donc, chacun, un impact propre sur ce type de maladies. Cela a des implications notamment en ce qui concerne l’élaboration de politiques publiques, puisqu’il serait donc possible de concentrer les investissements sur un aspect, sachant que cela conduira, en soi, à une diminution du fardeau des diarrhées chez l’enfant.

De l’autre côté, l’analyse qualitative souligne que les comportements liés à la santé au sein d’une famille dépendent souvent de l’environnement immédiat. Par exemple, le traitement appliqué à l’eau de boisson était généralement une fonction directe de sa potabilité perçue.

De plus, le cas des quartiers Fith Mith et Soprim 1 montre que les politiques publiques doivent prendre en compte non seulement la situation dans la zone considérée, mais celle des zones environnantes également. Soprim 1, par exemple, était touché par des moustiques provenant d’un étang situé juste à l’extérieur de ses frontières. De plus, dans des villes comme Dakar, où la saison des pluies est courte mais intense, des quantités abondantes d’eau de pluie (qui peuvent parfois se mélanger aux eaux usées) s’accumulent et provoquent des inondations. Fith Mith était affecté par les eaux usées qui s’écoulaient des fosses septiques ouvertes par les habitants des quartiers en amont. Il semble donc qu’une attention particulière doit être accordée aux zones et aux quartiers situés en aval d’une pente. De plus, il semble nécessaire de mener des campagnes d’éducation sanitaire auprès des ménages situés en haut des pentes, tout en veillant à améliorer la qualité des infrastructures d’assainissement, tant en amont qu’en aval.

La présente étude illustre comment une triangulation des deux approches, quantitative et qualitative, permet d’obtenir une image plus complète des conditions de vie et de pallier les sources de biais inhérentes à chacune de ces perspectives. Il s’agit ici principalement des lacunes des indicateurs statistiques pour les méthodes quantitatives et des défis de représentativité pour les méthodes qualitatives (Randall et Koppenhaver, 2004). L’étude montre aussi pourquoi cette double approche est d’autant plus nécessaire dans des contextes de données statistiques imparfaites, où les indicateurs couramment utilisés peuvent masquer des disparités importantes, qui seraient ignorées dans une perspective purement quantitative.

Les résultats de recherche sont donc renforcés, se corroborant ou se complétant mutuellement (Miles et collab. 2012). Ainsi, comme l’a souligné la présente recherche, il convient d’oeuvrer à une meilleure articulation entre données statistiques et données qualitatives. Ceci aiderait les autorités et responsables sanitaires des pays et des villes à mieux comprendre l’articulation complexe d’une grande diversité de déterminants des maladies infectieuses chez l’enfant.