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Problématique

Dans le domaine de la réadaptation des délinquants, il est de plus en plus reconnu que les mesures de réhabilitation ont un effet plus grand sur la réduction de la récidive que les mesures de punition criminelle sans traitement (Andrews et Bonta, 2003). Au cours des dernières décennies, plusieurs méta-analyses ont été réalisées afin d’identifier les caractéristiques des programmes d’intervention efficaces auprès des délinquants et celles-ci appuient ce constat (Lipsey 1989 ; 1992 ; 1995 ; Lipsey et Wilson, 1998 ; Latimer et al., 2003). De même, il a été démontré que des programmes d’intervention en probation bien adaptés aux caractéristiques des contrevenants et bien appliqués permettaient d’obtenir des résultats positifs (Andrews et al., 1990 ; Amstrong, 1991 ; Gendreau et al., 2000 ; Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 2000 ; Moore, 2004). Cette perspective d’intervention différentielle correspond à une compréhension de la délinquance juvénile comme étant un phénomène complexe nécessitant des stratégies diversifiées et adaptées aux spécificités des jeunes contrevenants (Palmer, 1994 ; LeBlanc et al., 1998 ; Lipsey et Wilson, 1998).

Les programmes de probation intensive ont été créés dans cette perspective d’intervention différentielle. Par exemple, pour qu’un suivi soit possible dans la communauté, le jeune contrevenant doit, entre autres, être capable de développer des comportements sociaux plus adaptés (Andrews et Bonta, 1998), nécessiter moins de contrôle externe et être réceptif à l’intervention (Amstrong 1991 ; Petersilla et Turner, 1993).

Dans cette même optique, la documentation scientifique portant sur les programmes de traitement efficaces chez les délinquants (Andrews et al., 1990 ; Dowden et Andrews, 1999 ; Gendreau et al., 2000) a appuyé les principes de classification du risque proposés par Andrews, Bonta et Hoge (1990). Ainsi, les programmes de probation intensive qui ont eu le plus d’influence sur la récidive étaient ceux destinés aux adolescents présentant de hauts risques de récidive (principe du risque), ayant une intensité suffisante, ciblant plus particulièrement les risques et besoins liés aux facteurs criminogènes (principe des besoins), et appariant les caractéristiques du programme et celles des contrevenants sur le plan de leurs styles d’apprentissage et de leurs habiletés cognitives (principe de réceptivité).

La centration sur les risques et besoins liés aux facteurs criminogènes est un élément central des programmes de traitement efficaces. Certains facteurs criminogènes sont apparus plus importants dans les méta--analyses qui portent sur l’efficacité des traitements auprès des délinquants : le maintien des liens avec des pairs délinquants ou déviants ; des difficultés d’intégration du marché de l’emploi, de l’école ou des loisirs prosociaux ; des liens dysfonctionnels avec la famille ; de faibles habiletés sociales ; le maintien d’attitudes favorables aux comportements antisociaux (Lipsey 1989 ; 1992 ; 1995 ; Lipsey et Wilson, 1998 ; Latimer et al. 2003 ; Andrews et Bonta, 2003). Si, comme le suggèrent Andrews et Bonta (2003), l’acte délinquant se produit et se reproduit pour répondre aux besoins de l’individu dans une dynamique d’évaluation de coûts et bénéfices, un des enjeux centraux des traitements de réadaptation pour délinquants est de les soutenir dans leur réinsertion dans des activités prosociales de telle sorte que les pertes associées à la récidive excèdent les gains provenant du maintien de leur trajectoire délinquante.

Plusieurs autres recommandations émanent de la documentation scientifique relativement aux éléments des programmes d’intervention les plus efficaces auprès des délinquants juvéniles (Gendreau, Goggin et Fulton, 2000 ; Latessa et Allen, 1999 ; Latimer et al., 2003). À titre d’exemple, ces traitements ont plusieurs des caractéristiques suivantes : une composante cognitivo-comportementale ciblant les besoins liés aux facteurs criminogènes ; un enseignement de nouvelles habiletés prosociales ; les contingences du programme et les stratégies d’intervention ciblant les comportements à modifier sont appliquées d’une façon à la fois ferme et juste ; les renforcements positifs excèdent les punitions dans un ratio 4 pour 1 ; des intervenants compétents et bien formés, qui manifestent une sensibilité relationnelle et qui sont accessibles ; une intégration des délinquants dans des activités prosociales, etc.

Finalement, il importe d’apporter une nuance quant aux études portant sur l’efficacité des suivis probatoires intensifs. Selon Pertersilia et Turner (1992), les critères de sélection des sujets (à haut risque de récidive) ainsi que l’intensité du suivi augmentent la probabilité qu’il y ait une nouvelle prise en défaut des délinquants. La gestion des manquements aux conditions de la probation est donc un élément important et la prise en défaut des jeunes peut être considérée comme un indicateur d’efficacité d’un programme de probation intensive.

Le programme de probation intensive du CJM-IU

Pour son programme de probation intensive, le Centre jeunesse de Montréal s’est appuyé sur les principaux éléments, précédemment présentés et mis en exergue par la documentation scientifique, en tant que déterminants de l’efficacité des programmes de réadaptation destinés aux délinquants. Sa mise en place fut inspirée en grande partie des travaux d’Armstrong et Altschuler (1992) et de ceux de Petersilla (1990). De même, les concepteurs ont pris appui sur des expériences tentées au Québec (Piché, 1995 ; Piché et Fréchette, 1996 ; Laplante, 1997 ; Poitras, Piché et Piché, 1998), au Canada (Leschied et Cunningham, 2001) et aux États-Unis (Gendreau et al., 2000). Les principales composantes du programme sont présentées par Laporte (1997).

Le programme de probation intensive du CJM-IU visait en premier lieu à développer une alternative efficace aux placements de certains jeunes en institution (mise sous garde ouvertecontinue[2]) tout en offrant un niveau de protection pour la société comparable au placement en internat. Les jeunes admis dans ce programme étaient principalement des garçons, âgés de 14 à 17 ans, ayant commis des délits sans sévices graves, pour lesquels ils avaient déjà fait l’objet d’autres décisions et présentant un niveau élevé de risque de récidive, mais un niveau modéré de besoins. Ainsi, ils présentaient des problèmes d’adaptation sociale et personnelle graves nécessitant un contrôle, mais avaient aussi la capacité de développer des comportements plus adaptés socialement. Certains critères d’exclusion en lien avec des recommandations tirées de la documentation scientifique ont été considérés : parents criminellement actifs impliquant le jeune dans leurs activités criminelles ; mode de vie centré sur la consommation de drogue ; commission de délits avec sévices graves ; manifestation d’une déficience intellectuelle ou de problèmes de santé mentale qui rendent le jeune inapte à participer au programme et dont l’état n’a pas été stabilisé à l’aide d’un soutien thérapeutique accompagné ou non de médication. L’inclusion des parents dans l’intervention étant un élément central, les jeunes n’ayant pas dans la famille ou dans la famille élargie une personne pouvant communiquer avec des parents ne parlant pas français n’ont pas été retenus.

Afin de garantir l’intégrité du programme, les quatre intervenants ont reçu chacun, au cours des quatre premières années d’existence de celui-ci, plus de 1500 heures de formation sur l’utilisation d’outils d’évaluation clinique et à des approches d’intervention en lien avec les objectifs du programme dans le cadre, entre autres, de comités de développement. De même, le moment, le type et la durée de l’intervention ont été consignés dans une base de données informatisée pour le suivi des jeunes (rendant ces informations accessibles en temps réel) et pour l’évaluation de l’intégrité du programme. Pour évaluer les besoins et risques liés aux facteurs criminogènes, les intervenants ont utilisé un ensemble de moyens, dont des tests standardisés tels que l’Inventaire des risques et des besoins liés aux facteurs criminogènes (The Youth Level of Service/Case Management Inventory) (Hoge et Andrews, 1994), l’Inventaire de personnalité de Jesness (MASPAQ ; LeBlanc) (Langelier et Levert, 1995), ainsi que des entrevues cliniques avec le sujet, sa famille et les ressources de sa communauté. Les intervenants avaient aussi à leur disposition une batterie d’instruments, présentés dans le rapport traitant de la première évaluation d’intégrité du programme (Paquette et Dionne, 1999). Conformément aux recommandations d’Andrews, Bonta et Hoge (1990), le jugement clinique des intervenants était prioritaire.

Le programme de probation intensive était en lien dans ses objectifs avec les autres programmes de ce type présentés dans la documentation (Altschuler et Armstrong, 2002) et ce, à plusieurs égards. Ainsi, un des premiers buts était d’intervenir sur-le-champ, dans le vécu quotidien des jeunes, au moment où ils sont à risque de récidiver, dans la rue, à l’école, dans la communauté et, ainsi, assurer une meilleure généralisation des acquis. Comme les interventions se font dans l’environnement naturel des jeunes, les gains sont alors plus susceptibles de se maintenir après la fin de la prise en charge. L’intervention était plus massive en début d’ordonnance et atteignait jusqu’à 100 heures au cours des quatre premiers mois. Un cadre de contingence était mis en place (minimum trois rencontres par semaine, couvre-feu vérifié, plan comportemental, plan de redressement et de dénonciation). Advenant un succès du processus, il y avait possibilité de révision de l’ordonnance ou encore maintien de la surveillance. Alors qu’au début de la probation, les intervenants étaient très présents, ils prenaient peu à peu une distance en s’ajustant aux capacités des ressources de la communauté et du milieu naturel du jeune d’assumer l’encadrement. Un autre but était de développer des alternatives comportementales prosociales et de faire vivre aux jeunes des succès en les aidant à réintégrer l’école, le travail, et des loisirs par lesquels ils peuvent se réaliser, en augmentant notamment le nombre de leurs amis non criminalisés. En plus d’être engagés dans des activités et loisirs prosociaux, ils ont été amenés à participer à des activités d’apprentissage de type cognitivo-comportemental inspirées du programme ART (Agression Replacement Training ; Goldstein, Glick, & Gibbs, 1998) portant sur la gestion de la colère, l’empathie et la résolution de problèmes. De même, les interventions visaient spécifiquement les erreurs de pensée de l’adolescent par des auto-observations fréquentes et des analyses fonctionnelles des excès et déficits dans une perspective cognitivo-comportementale (LeBlanc et al. 1998).

Un des aspects centraux de l’intervention visait l’engagement des parents, en leur redonnant un pouvoir qu’ils croyaient souvent perdu ou encore n’avoir jamais eu sur leur enfant. La communication familiale et l’utilisation des ressources de la communauté étaient au centre des préoccupations. Sur ce point, l’équipe s’est inspirée de la méthode d’intervention multisystémique (Hengeller et al., 1998 ; Leschied, Cunningham et Hawkins, 2000). Les parents ont été impliqués dès l’étape de l’évaluation et de la décision de choisir la probation intensive comme alternative à la garde ouverte continue. De même, ils étaient cogestionnaires du plan d’intervention et participaient à des rencontres hebdomadaires.

Afin de garantir une intensité à l’intervention, l’organisation des tâches s’est faite selon le principe du travail en cellule, impliquant quatre intervenants qui, de façon complémentaire, assuraient une disponibilité de 8 à 23 h, sept jours par semaine. En dehors de ces heures, des ententes avaient été prises avec les services d’urgence sociale et les polices de quartier. Cette organisation du travail a permis de concentrer les interventions au moment où les jeunes sont le plus à risque de récidiver, soit la période allant de la fin des classes ou du travail au couvre-feu.

Évaluation de conformité, évaluation d’impact

Après quatre années d’existence et deux évaluations de conformité de type formatif (Paquette et Dionne, 1999 ; Paquette, 2001), les conditions ont été mises en place afin de permettre l’évaluation d’impact du programme de probation intensive du CJM-IU. Les deux auteurs du présent article se sont vu attribuer une aide financière d’organismes subventionnaires québécois à cette fin. Le présent article se limite aux données issues de sources officielles[3].

Le devis de recherche a été réalisé en considération de la raison d’être du programme dans la mesure où celui-ci a été conçu en tant qu’alternative à la garde ouverte continue. En effet, au moment de recevoir leur sentence, certains jeunes contrevenants et leur famille se sont vu offrir la possibilité de s’engager dans le programme de probation intensive s’ils répondaient à certains critères. Il fut donc logique de choisir, pour les besoins de comparaison, un groupe composé de jeunes mis sous garde ouverte continue. Le groupe contrôle était composé de jeunes suivis en probation régulière qui avaient toutefois reçu une ordonnance d’une durée équivalente à celle reçue par les jeunes en probation intensive.

En considération des groupes sélectionnés dans le cadre du projet de recherche visant à évaluer l’impact du programme de probation intensive, il est possible d’avancer trois hypothèses. La première hypothèse tend à valider la justesse des procédures d’évaluation et des éléments qui ont guidé le juge à ordonner que les jeunes soient placés en garde ouverte continue (les jeunes suivis en probation intensive ont, au départ, été orientés vers cette mesure). Sur ce point, il est prévu que les jeunes mis sous garde ouverte continue auront un profil criminel plus important (sur le plan de la densité et du polymorphisme de leurs délits) lorsque comparés aux jeunes suivis en probation régulière pour une durée d’un an. La deuxième hypothèse vise à vérifier si le suivi en probation intensive a mené à un plus grand nombre de manquements aux conditions de l’ordonnance, conformément aux observations de Petersilia et Turner (1992), et ce, comparativement aux deux autres mesures légales. Finalement, la -troisième hypothèse postule que, dans l’année suivant la fin de la mesure, les jeunes suivis en probation intensive récidiveront dans une moins grande proportion en comparaison aux jeunes mis sous garde ouverte continue. À tout le moins, il est attendu que ces deux programmes ont une efficacité comparable, la probation intensive étant pensée comme une alternative à la mise sous garde ouverte continue. D’un autre point de vue, une conclusion relative à l’efficacité du suivi probatoire intensif pourrait se faire si un taux différentiel de non-récidive (3 à 10 %), comparable à ce qui est observé dans la documentation pour les traitements de ce type, était observé (à titre d’exemple : Gendreau et al., 2000).

Méthodologie

Les participants

L’échantillon global de l’étude est constitué de 99 contrevenants adolescents du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire (n = 99) : un sous-groupe expérimental de 21 jeunes suivis en probation intensive (n = 21) ; un sous-groupe de 38 adolescents mis sous garde ouverte continue (n = 38) ; et un sous-groupe de 40 suivis en probation régulière (n = 40). Le contexte légal régissant les interventions évaluées dans la présente recherche n’ont pas permis de procéder à une assignation aléatoire des jeunes dans chacun des groupes. L’affectation a été faite par le CJM-IU selon des procédures internes et la nature de l’ordonnance émise par le tribunal. Tous les jeunes qui ont été suivis dans le programme de probation intensive, à la suite de l’évaluation de l’intégrité de celui-ci (Paquette et Dionne, 1999), ont été recrutés afin de participer à la recherche. Alors que l’ensemble des jeunes mis en garde ouverte continue au cours de la première année de la recherche ont été pressentis, le recrutement des jeunes ayant une ordonnance de probation régulière a été plus sélectif. Seuls les jeunes ayant une ordonnance d’une durée équivalente à celle des jeunes placés en probation intensive, soit au moins un an, ont été retenus. Ils ne représentaient qu’environ 5 % de cette population au moment de la recherche, car la plupart des jeunes à qui on avait ordonné une telle durée de probation avaient fait aussi l’objet d’autres mesures légales complémentaires. Il fut donc nécessaire de dépouiller près de 800 dossiers pour obtenir un nombre suffisant de jeunes dans ce groupe. La presque totalité des répondants pressentis ont accepté de participer à la recherche. L’âge moyen de l’ensemble des jeunes lors de la mesure imposée était de 16,4 ans (é. t. = 1,1). La moyenne d’âge des sujets du sous-groupe probation intensive est de 16,8 ans (é. t. = 1), celle des individus en garde ouverte continue est de 16,24 ans (é. t. = 1,1) et celle des jeunes en probation régulière est de 16,4 ans (é. t. = 1,3). La différence d’âge entre les trois groupes n’est pas significative sur le plan statistique. Ces jeunes ont majoritairement été recrutés entre mai 2000 et novembre 2001. Ils avaient été trouvés coupables de délits criminels et avaient fait l’objet d’une ordonnance par un juge en vertu de la Loi canadienne sur les jeunes contrevenants.

Les jeunes se sont vu offrir par les intervenants du CJM-IU la possi-bilité de participer librement à une recherche. Ceux-ci leur ont souligné l’indépendance du processus de la recherche et de leur cheminement au CJM-IU ainsi que leur liberté d’accepter ou de refuser d’y collaborer. Il leur a été expliqué qu’un professionnel de recherche les contacterait et que les informations communiquées aux chercheurs resteraient confidentielles, ne seraient pas révélées aux intervenants et qu’elles seraient dénominalisées lors de la compilation des données et de la communication des résultats de recherche. La durée de la recherche leur a été communiquée et, avec leur permission, les agents de recherche ont contacté leur famille ou leur référent social afin de s’assurer aussi de leur libre participation à la recherche. Les sujets qui ont accepté de participer ont signé un formulaire de consentement et se sont vu offrir un montant compensatoire de 10 à 15 $ pour couvrir les dépenses reliées à leur participation aux temps des mesures. Les procédures de la recherche ont été entérinées par un comité d’éthique et de la recherche.

Mesure et collecte des données

Les données ont été colligées en lien avec trois temps de mesure correspondant au cheminement des sujets avant et à la suite de leur prise en charge par le CJM-IU. Tout d’abord, les délits qui ont été commis et les ordonnances octroyées avant l’ordonnance faisant l’objet de la présente recherche ont été considérés (temps 1). La seconde collecte de données correspond aux délits commis pendant le suivi ou le placement (temps 2). Tous les délits commis dans l’année suivant la fin du placement ou du suivi ont été considérés pour le troisième temps de mesure (temps 3). Les données portant sur la délinquance officielle[4] ont été puisées à même le « service clientèle » du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire et le plumitif criminel et pénal de la Cour du Québec. Ces données ont été converties afin qu’elles puissent être utilisées à des fins de recherche.

Afin d’obtenir un portrait nuancé du profil criminel des jeunes répondants, différentes catégories de délits ont été créées. La classification utilisée dans le cadre des statistiques officielles sur la criminalité au Québec a été retenue. Le système DUC 2 (Déclaration uniforme de la criminalité ; ministère de la Sécurité publique, 2002) regroupe les délits en fonction des catégories suivantes : crimes contre la personne ; crimes contre la propriété ; infractions relatives aux drogues ; infractions relatives aux véhicules moteurs, et infractions « autres ». Parmi les crimes contre la personne, il y a les voies de faits, les menaces, les vols qualifiés, les agressions sexuelles, les harcèlements, les homicides. Parmi les infractions contre la propriété, on retrouve les introductions par effraction, les vols de plus de 5000 $, les vols inférieurs à 5000 $, les vols de véhicules moteurs, les crimes d’incendie, les possessions de biens volés, les fraudes et méfaits. Les infractions « autres » réfèrent aux infractions contre l’administration de la loi et de la justice, aux infractions relatives aux armes à feu, à la prostitution, aux actes contraires aux bonnes moeurs, aux appels indécents. Les infractions relatives aux drogues comprennent la vente et le trafic de drogues, la possession de drogues proscrites et autres. Les infractions relatives aux véhicules moteurs renvoient à la conduite avec facultés affaiblies, aux délits de fuite et autres infractions y référant. Pour les besoins de la présente étude, il était nécessaire d’ajouter les manquements aux conditions de l’ordonnance dans la catégorie « infractions contre la loi et la justice ». De même, dans les catégories « infractions contre la personne » et « infractions contre la propriété », les infractions d’ordre sexuel et les méfaits font l’objet d’une catégorie supplémentaire.

Des indices plus généraux relatifs aux délits ont aussi été calculés. Le premier réfère à la densité des délits, c’est-à-dire à leur nombre. Le second traite du polymorphisme, à savoir la variété de ceux-ci ou le nombre de catégories de délits commis par un même individu. Cet indice est codifié en considération de l’adaptation de la classification du DUC2 privilégiée dans la présente recherche.

Analyses statistiques

Afin de détecter la présence de différences entre les groupes quant au nombre total de délits (indice de densité) et leur variété (indice de polymorphisme), le test non paramétrique H de Kruskal-Wallis est privilégié, étant donné la taille des sous-échantillons et la distribution asymétrique des données. Une fois les différences identifiées, le test U de Mann-Whitney est utilisé afin d’effectuer les comparaisons a posteriori, le seuil de signification étant ajusté à l’aide de la correction de Bonferroni. Lorsque le nombre de délits de chaque catégorie est considéré, deux procédures d’analyse sont utilisées, soit une procédure traitant du nombre de délits de cette catégorie et l’autre tenant compte de la perpétration d’au moins un délit de ce type. Dans l’étude du nombre de délits, le test non paramétrique H de Kruskal-Wallis est privilégié, le test U de Mann-Whitney servant aux comparaisons a posteriori, et le seuil de signification est ajusté à l’aide de la correction de Bonferroni. Pour ce qui est de la perpétration d’un délit ou encore de la récidive proprement dite, aux temps 2 et 3, l’analyse privilégiée est la régression logistique. Ce type d’analyse permet, lors de la codification des données (codification binaire à un groupe de référence [indicator contrast coding]), de comparer la proportion de jeunes dans chaque groupe ayant commis au moins un délit de cette catégorie. Aux temps 2 et 3, il y a contrôle, dans les équations de régression logistique visant à prédire la récidive, du niveau initial de la variable étudiée afin de vérifier si les différences observées peuvent être attribuables aux différences de départ existant entre les groupes.

Analyse des résultats

Délits antérieurs ou relatifs à l’ordonnance

Densité des délits

Lorsque le nombre de délits perpétrés avant l’ordonnance faisant l’objet de la présente recherche est considéré, il apparaît que les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue ont commis plus de délits que ceux suivis en probation régulière (H de K-W = 25,81, dl = 2), p < ,000). Aucune différence significative n’a été observée entre les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue. Ces résultats sont présentés dans le tableau 1.

Un autre indice du niveau de densité de l’activité délictuelle démontre que les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte se démarquent. En effet, la proportion des jeunes suivis en probation intensive (66,7 %) ou de ceux mis sous garde ouverte continue (78,9 %) ayant commis quatre délits ou plus est supérieure à celle observée pour les jeunes suivis en probation régulière (20 %). Cette différence de proportion est confirmée par une analyse de régression logistique (χ2 du modèle = 31,11 ; dl = 2 ; p < ,000) dans laquelle les différences de proportion entre les trois groupes ont été modélisées.

Polymorphisme des délits

Pour ce qui est de la variété des délits, des différences quant au nombre de catégories de délits sont identifiées entre les sous-groupes (H de K-W = 20,65 ; dl = 2 ; p < ,000). Ces résultats ainsi que les données s’y rapportant sont présentés au tableau 1.

Que ce soit en regard du nombre de délits d’une même catégorie ou de la commission d’au moins un délit de cette catégorie, les jeunes suivis en probation intensive ou mis sous garde ouverte continue se distinguent de ceux suivis en probation régulière pour trois genres de délits. Ainsi, les jeunes mis sous garde ouverte continue ont commis, avant d’être sous le coup de l’ordonnance, plus de délits contre la personne que ceux des deux autres groupes (H de K-W = 7,2 ; dl = 2 ; p = ,028). De même, une plus grande proportion des jeunes mis sous garde ouverte ont commis un délit de cette catégorie comparativement aux jeunes des deux autres groupes (χ2 du modèle = 8,7 ; dl = 2 ; p = ,013). Quant aux délits contre lapropriété et aux manquements aux conditions de l’ordonnance, les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue se démarquent des jeunes suivis en probation régulière, et ce, qu’il s’agisse du nombre de délits de chaque catégorie ou encore de la proportion de jeunes ayant commis au moins un délit, chaque catégorie considérée séparément. Les résultats de ces analyses ainsi que les données s’y rapportant sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 1

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits ayant été considérés lors de l’ordonnance faisant l’objet du placement

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits ayant été considérés lors de l’ordonnance faisant l’objet du placement

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisé à l'aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajust_ avec la correction de Bonferroni (* = p < ,017 ; ** = p < ,001).

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Délits pendant l’ordonnance

Densité des délits et récidive

Les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue ont commis plus de délits que ceux suivis en probation régulière (H de K-W = 12,67 (2) ; p = ,002). Aucune différence n’a été observée entre les jeunes suivis en probationintensive et ceux mis sous garde ouverte continue à ce sujet. Ces résultats sont présentés dans le tableau 3. Lorsque le pourcentage de jeunes ayant commis au moins deux délits lors de leur suivi est pris en compte, il apparaît que les jeunes suivis en probation intensive (76,2 %) (Exp. [B] = 5,95 ; p = ,003)[5] ont perpétré au moins deux délits dans une plus grande proportion comparativement aux jeunes suivis en probation régulière (35 %) (χ2 du modèle = 9,7 ; dl = 2 ; p = ,008).

Lorsqu’il y a compilation de la récidive pendant l’ordonnance (avoir commis au moins un délit quel qu’en soit le type), il apparaît que les jeunes suivis en probation intensive (90,5 %) ont récidivé dans une plus grande proportion (χ2 du modèle = 10,05 ; dl = 2 ; p = ,007) comparativement aux jeunes mis sous garde ouverte continue (63,2 %) (Exp. [B] = ,18 ; p = ,036) et aux jeunes suivis en probationrégulière (52,5 %) (Exp. [B] = ,116 ; p = ,008).

Tableau 2

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion des jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie ayant été considéré lors de l’ordonnance faisant l’objet du placement

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion des jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie ayant été considéré lors de l’ordonnance faisant l’objet du placement

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisés à l’aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajusté avec la correction de Bonferroni (* = p < ,017 ; ** = p < ,001).

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Polymorphisme des délits

Pour ce qui est de la variété des délits, des différences quant au nombre de catégories de délits sont identifiées parmi les sous-groupes (H de K-W = 11,03 (2) ; p = ,004). Les jeunes suivis en probation intensive ont commis une plus grande variété de délits comparativement à ceux des deux autres groupes. Ces résultats ainsi que les données s’y rapportant sont présentés dans le tableau 3.

Que ce soit en regard du nombre de délits d’une même catégorie ou de la commission d’au moins un délit de cette catégorie, les jeunes suivis en probation intensivecontinue se distinguent de ceux suivis en probation régulière pour deux genres de délits. Les jeunes suivis en probation intensive ont commis plus de délits relatifs aux drogues (H de K-W = 7,3 ; dl = 2 ; p = ,026) et de manquements aux conditions de leur ordonnance (H de K-W = 13,88 ; dl = 2 ; p = ,001), au cours de leur ordonnance, en comparaison des jeunes suivis en probation régulière. Les jeunes suivis en probation intensive ont aussi fait un manquement aux conditions de leur ordonnance dans une plus grande proportion (χ2 du modèle = 13,08 ; dl = 2 ; p = ,001) comparativement aux jeunes mis sous garde ouverte continue (Exp. [B] = ,145 ; p = ,017) ou suivis en probation régulière (Exp. [B] = ,078 ; p = ,002). Les résultats de ces analyses ainsi que les données s’y rapportant sont présentés dans le tableau 4.

Délits commis dans l’année suivant la fin de l’ordonnance

Densité des délits et récidive

Au cours de la période d’une année suivant la fin de l’ordonnance ayant fait l’objet de la présente recherche, les jeunes mis sous garde ouverte continue ont commis plus de délits comparativement à ceux suivis en probation régulière (H de K-W = 7,08 ; dl = 2 ; p = ,02). Aucune différence n’a été détectée entre les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue sur ce point. Par contre, des différences notables sont observées quant à la proportion de jeunes qui n’ont commis aucun délit dans cette période d’une année. Le pourcentage de jeunes suivis en probation intensive n’ayant aucune récidive, selon les données officielles, est de 76,2 %, alors qu’il est de 47,4 % pour les jeunes mis sous garde ouverte continue et de 75 % pour les jeunes suivis en probation régulière. Une équation de régression logistique (χ2 du modèle = 8,01 ; dl = 2 ; p = ,018) démontre que les jeunes mis sous garde ouverte continue ont une plus grande probabilité de récidive -comparativement à ceux suivis en probation intensive (Exp. [B] = 3,56 ; p < ,05) ou en probation régulière (Exp. [B] = 3,33 ; p < ,05). Afin de vérifier si les antécédents (temps 1) en termes de manquements, de densité et de variété des délits ajoutaient au modèle de prédiction de la récidive, des équations de régression logistique supplémentaires ont été programmées. Outre la variable traitant du nombre de délits, qui change légèrement le seuil de signification (p < ,057), la différence de proportion quant à la récidive observée entre les jeunes suivis en probation intensive et ceux mis sous garde ouverte continue demeure. Toutefois, cette différence, relativement à la proportion des jeunes ayant récidivé à la suite de la probation régulière et de la mise sous garde ouverte continue, n’est plus significative lorsque ces variables sont contrôlées.

Tableau 3

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits au cours de l’ordonnance

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits au cours de l’ordonnance

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisés à l’aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajusté avec la correction de Bonferroni (* = p < ,017 ; ** = p < ,001).

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Tableau 4

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion de jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie au cours de l’ordonnance

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion de jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie au cours de l’ordonnance

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisés à l’aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajusté avec la correction de Bonferroni (* = p < ,017 ; ** = p. < ,001).

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Polymorphisme des délits

Pour ce qui est de la variété des délits, une différence quant au nombre de catégories de délits est notée entre les groupes des jeunes mis sous garde ouverte continue et ceux suivis en probation régulière (H de K-W = 7,08 (2) ; p. = ,02). Ces résultats ainsi que les données relatives s’y rapportant sont présentés dans le tableau 5.

Les jeunes mis sous garde ouverte continue ont aussi commis plus de manquements aux conditions de leur ordonnance que ceux suivis en probation régulière (H de K-W = 12,85 ; dl = 2 ; p = 002). Cette observation est confirmée par une analyse portant sur la réalisation d’au moins un manquement (χ2 du modèle = 12,85 ; dl = 2 ; p < ,01). Toutefois, il importe de noter sur ce point que les jeunes suivis en probation intensive ont réalisé un manquement dans une moins grande proportion que ceux mis sous garde ouverte continue (Exp. [B] = ,26 ; p < ,05). Cette différence de proportion, ainsi que celle observée entre les jeunes mis sousgarde ouverte et ceux suivis en probation régulière, se maintient même lorsqu’il y a contrôle dans l’équation de régression des manquements observés au début de la mesure légale (temps 1). Ces résultats ainsi que les données s’y rapportant sont présentés dans le tableau 6.

Tableau 5

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits commis dans l’année suivant la fin de l’ordonnance

Statistiques relatives à la densité et à la variété des délits commis dans l’année suivant la fin de l’ordonnance

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisés à l’aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajusté avec la correction de Bonferroni (* = p < ,017 ; ** = p < ,001).

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Tableau 6

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion de jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie dans l’année suivant la fin de l’ordonnance

Statistiques relatives à chaque catégorie de délits et à la proportion de jeunes ayant commis au moins un délit de chaque catégorie dans l’année suivant la fin de l’ordonnance

Notes : Les contrastes a posteriori ont été réalisés à l’aide du test U de Mann-Whitney, le seuil de signification est ajusté avec la correction de Bonferroni (* = p. < ,017 ; ** = p. < ,001).

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Dans la mesure où les manquements apparaissent être un élément important caractérisant la récidive des jeunes mis sous garde ouverte continue, il est apparu nécessaire de conduire une analyse supplémentaire afin d’explorer la question. Cette analyse traite uniquement de la récidive que l’on peut qualifier de « criminelle » dans la mesure où les manquements aux conditions de l’ordonnance en sont exclus. Aucune différence entre les groupes, d’un point de vue statistique, n’est identifiée. Il en ressort que 36,8 % des jeunes mis sous garde ouverte continue ont fait une récidive « criminelle » alors que c’est le cas pour 23,8 % des adolescents suivis en probation intensive et 25 % de ceux suivis en probation régulière.

Discussion des résultats

Les contingences associées à l’évaluation du programme de probation intensive ont déterminé la constitution du devis expérimental. Plus précisément, il est apparu important d’avoir un groupe contrôle composé de jeunes délinquants suivis dans la communauté, quoique moins intensivement, et un groupe de comparaison composé de délinquants placés dans la modalité de réadaptation de laquelle la probation intensive est une alternative. Il faut rappeler qu’il n’était pas possible d’un point de vue légal de procéder à une assignation aléatoire des sujets dans chacun des groupes. Les ordonnances sont déterminées par les juges du Tribunal de la jeunesse selon un impératif de protection de la société et afin de répondre aux besoins spécifiques des jeunes en tenant compte des circonstances pouvant expliquer le comportement [art. 3 (1) (c), LJC]. Le Centre jeunesse de la région fait, par le biais d’un intervenant qu’il désigne, des recommandations dans un rapport prédécisionnel.

Dans un premier temps, il est apparu nécessaire de vérifier si la référence dans chacune des modalités de réadaptation suivait une logique de protection de la société. La première hypothèse s’est, en ce sens, avérée. Il a été démontré que les jeunes contrevenants mis en garde ouverte continue (ce qui inclut les jeunes suivis en probation intensive) avaient un profil criminel plus grave que celui des jeunes suivis en probation régulière qui ont reçu une ordonnance d’une année. Cette première étape est d’autant plus importante qu’une étude a démontré qu’il n’y avait pas de distinction pour ce qui est du profil des délinquants référés dans chacune de ces modalités au CJM-IU (LeBlanc, 1994). De même, il a été établi que les adolescents suivis en probation intensive avait un profil distinct de celui des jeunes suivis en probation régulière tout en ne différant pas, outre une exception, de celui des contrevenants mis sous garde ouverte continue. En effet, les jeunes mis sous garde ouverte continue ont commis une ou des infractions contre la personne dans une plus grande proportion comparativement à ceux placés dans les deux autres modalités de suivi. Ce constat appuierait l’impératif relatif à la protection de la société dans les prises de décision du système judiciaire juvénile.

La deuxième hypothèse traitant des bénéfices associés à un suivi plus intensif dans la communauté est aussi appuyée dans la mesure où la surveillance accrue des contrevenants suivis en probation intensive a mené, possiblement, à un nombre plus élevé de dénonciations de la part des intervenants. Cette interprétation du nombre plus élevé de manquements aux conditions légales est conforme à ce qui est rapporté dans la documentation scientifique au sujet des programmes de probation intensive (Gendreau et al., 2000). Il est possible de considérer ces manquements, alors que les contrevenants sont sous le coup de la loi, comme des occasions ou des leviers d’intervention qui permettent de renforcer les contingences du cadre d’intervention. Les intervenants peuvent utiliser ces événements de telle sorte qu’un placement de courte durée, en garde fermée ou en garde ouverte continue ou discontinue, serve d’arrêt d’agir et de contingence soutenant les efforts de réinsertion du jeune. Cette logique d’intervention est conforme aux visées du programme de probation intensive et à un suivi en milieu naturel, dans la communauté.

La troisième hypothèse, celle traitant de l’efficacité du programme de probation intensive comme alternative à la mise sous garde ouverte continue, est, elle aussi, apparue confirmée. Le taux de récidive un an après la fin de l’ordonnance appuie ce constat. Il était souhaité que les jeunes en probation intensive aient un niveau de récidive équivalent à ceux placés sous garde ouverte continue. Cette attente de résultat a été dépassée dans la mesure où le taux de récidive est appuyé par une différence statistique de proportion entre les adolescents suivis dans ces deux modalités et ce, à la faveur du groupe suivi en probation intensive. Les analyses de régression logistique tenant compte de l’impact potentiel du passé criminel au moment de la prise en charge des jeunes contrevenants par le CJM-IU confirment, elles aussi, la stabilité de cette différence de proportion.

Toutefois, la prépondérance des manquements en tant qu’éléments de la récidive suivant la fin de l’ordonnance chez les jeunes en garde ouverte continue permet de préciser ce résultat. Une partie de la différence de proportion entre les groupes quant à la récidive serait attribuable aux manquements aux conditions de l’ordonnance. Ainsi, cette différence ne tient plus lorsqu’il est question de la délinquance criminelle qui exclut, dans sa définition, les manquements. Cela peut s’expliquer par le fait qu’un suivi probatoire est fréquemment ordonné à la suite d’une mise sous garde ouverte, ce qui aurait augmenté la probabilité pour ces jeunes de faire l’objet de dénonciations pour manquements aux conditions de cette ordonnance. Par ailleurs, les données relatives à la récidive des contrevenants suivis en probation intensive ou en probation régulière impliquent qu’ils ne peuvent avoir fait de manquements sans avoir préalablement reçu une ordonnance à la suite d’une récidive criminelle.

Ces constats ne diminuent cependant pas l’importance des résultats obtenus auprès du groupe de probation intensive lorsqu’ils sont considérés à la lumière des méta-analyses récentes traitant de l’efficacité des programmes destinés aux jeunes contrevenants (Lipsey, 1995 ; Lipsey et Wison, 1998 ; Latimer et al., 2003) ou encore, lorsque comparés aux résultats des plus importantes recherches menées au Québec auprès des délinquants (LeBlanc, 1983 ; 1985). En fait, certains auteurs, dont Lipsey et Wilson (1998), prétendent que si l’on prend comme paramètre de comparaison un taux de 50 % de récidive chez les jeunes délinquants non traités après un an d’application d’une mesure légale, les programmes les plus efficaces mènent à une récidive de 30 % et ont en ce sens une efficacité d’environ 40 % lorsque comparés au taux de base (20/50). Pour LeBlanc (2004), une réduction de 40 % de la récidive après l’inter-vention est la limite maximale de ce qui a été relevé actuellement. De même, il avait été observé au Québec que le programme de Bosco-ville avait une efficacité de 32 % (LeBlanc, 2004). Ainsi, lorsque les résultats de la présente recherche sont considérés selon de tels standards, le programme de probation intensive aurait une efficacité de 52 % (,262/,50) de réduction de la récidive et celui de probation régulière, de 50 % (,25/,50). De plus, lorsque le groupe suivi en probation intensive est comparé au groupe placé sous garde ouverte continue, le différentiel d’effi-cacité est de 28,8 % et le rapport de cote (odds ratio) démontre que les sujets de garde ouverte continue ont 3,6 fois plus de risques de récidiver.

Toutefois, lorsque seule la récidive criminelle est considérée, le différentiel d’efficacité du programme probation intensive apparaît être moindre (13 %) lorsque comparé à la mesure de garde ouverte continue. Le taux de non-récidive criminelle du groupe de probation intensive (76,2 %) demeure toutefois important lorsque comparé au critère de ,50. Cet indicateur de non-récidive criminelle appuierait aussi l’efficacité de la garde ouverte continue (26,4 %) d’une façon comparable et même supérieure à ce qui a été relevé dans les méta-analyses récentes, qui fixerait son efficacité aux environs de 10 % (LeBlanc, 2004). Il importe néanmoins de noter, à cet égard, que les recherches considérées dans les méta-analyses adoptent des définitions variables quant à la récidive.

Bien que la présente recherche ait porté sur un échantillon restreint de sujets, ce qui en limite nécessairement la puissance statistique, et que cela invite à réplication, il est intéressant de la situer en regard de l’ensemble du corpus scientifique traitant de l’efficacité des interventions destinées aux délinquants juvéniles. Par exemple, Latimer et al. (2003) recensent peu d’études (154), au cours des 50 dernières années, qui ont traité des délinquants de moins de 18 ans ; qui ont porté sur des délinquants ayant commis des actes passibles de poursuites dans le système adulte ; qui offrent la possibilité de faire des calculs statistiques ; qui ont au moins un groupe témoin ; et qui ont traité d’une intervention non conventionnelle. De ces études, seulement 12 ont été réalisées au Canada (8 %) et peu nombreuses sont celles qui ont traité de délinquants ayant un profil les rendant à risque élevé de récidive (27, mondialement). Il faut aussi rappeler que l’échantillon de la présente recherche est de beaucoup supérieur en nombre aux autres études québécoises qui ont publié leurs résultats sur ce mode d’intervention relativement avant-gardiste auprès des délinquants. De plus, il importe de noter que le nombre maximal de répondants a été recruté en considération du nombre de sujets acceptés dans le programme probation intensive et de la population délinquante disponible pour une telle recherche dans la plus grande ville du Québec, Montréal.

Un des éléments déterminant des résultats qui ont ici été mis en lumière est sûrement l’appui du programme de probation intensive sur plusieurs principes mis de l’avant dans les méta-analyses récentes (Lipsey et Wilson, 1998 ; Latimer et al., 2003). Ainsi, à titre d’exemples, des études ont été réalisées afin de vérifier l’intégrité du programme dans une perspective formative, les intervenants ont été supervisés au niveau clinique, ont reçu un nombre considérable d’heures de formation et ont oeuvré selon les principes de la cellule d’intervention. De même, il y a eu sélection de jeunes à haut risque de récidive, mais ayant tout de même une réceptivité au programme. Les principes d’intervention différentiels ont aussi déterminé la structure du programme : les plans de suivi ont été individualisés et adaptés afin de cibler les facteurs criminogènes des jeunes. Finalement, l’intervention dans la communauté s’est inspirée d’une approche familiale multisystémique assortie d’interventions cognitivo-comportementales auxquelles la famille a pris part et qui ont visé l’engagement du délinquant dans de nouvelles activités prosociales.

Les résultats de la présente recherche apportent donc un premier appui à un programme novateur d’intervention auprès des délinquants en centre jeunesse[6]. Plusieurs informations supplémentaires ont été colligées dans le cadre de l’évaluation de ce programme. Il importera de vérifier si elles convergent et appuient ce qui a été révélé par la délinquance dite « officielle ». De même, il faudrait observer si les effets de cette intervention se maintiendront à plus long terme, par exemple, deux ans après l’ordonnance. Finalement, il serait important d’étudier d’autres types de programme de suivi dans la communauté de contrevenants adolescents, qui appliqueraient une perspective d’intervention différentielle, et de vérifier s’ils obtiendraient des résultats similaires à ceux présentés ici.