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Depuis longtemps, la question des dépendances, maintenant nommées couramment addictions, à l’alcool, aux drogues et à la cigarette est à l’agenda des chercheurs. Plus récemment, la question des dépendances sans substance, et parmi elles, la dépendance au jeu et ses conséquences individuelles, sociales et économiques s’est imposée comme un sujet de recherche important à fouiller. L’idée de consacrer un numéro de Criminologie au jeu pathologique a émergé en regard des recherches récentes entreprises par plusieurs chercheurs du Québec allant de la perception du jeu par les joueurs et de l’intervention auprès de joueurs excessifs jusqu’au lien possible avec d’autres conduites déviantes, notamment la criminalité.

Magali Dufour, Séverine Petit et Natacha Brunelle se sont attachées à mieux comprendre la relation entretenue par les adeptes de poker à leur jeu. Parmi les constats dégagés de leur recherche, il appert que ces joueurs se soucient peu du caractère légal ou non de cette activité qu’il voit comme étant supérieure aux autres jeux de hasard et d’argent. Marc Alain, Danny Dessureault et Natacha Brunelle ont, par ailleurs, confirmé le fait qu’il n’y avait pas de lien direct entre l’introduction d’activités légalisées de jeux de hasard et d’argent et une augmentation de la criminalité. De plus, contrairement aux hypothèses suggérées dans les écrits scientifiques recensés, les demandes d’aide ne fluctuent pas en fonction de l’arrivée de ces nouvelles opportunités de jeu. Frédéric Ouellet a comparé les trajectoires de rechute de joueurs excessifs et de jeunes délinquants. À l’aide d’informations autorévélées colligées à partir de la méthode des calendriers de récits de vie, l’auteur établit que ce sont les circonstances de vie tout autant que les caractéristiques individuelles qui doivent être prises en compte pour comprendre les rechutes des uns et des autres. Il conclut que les circonstances de vie sont souvent en lien avec les caractéristiques des individus. Tremblay et Ouellet, pour leur part, se sont intéressés à la trajectoire d’un ex-toxicomane qui offre des services de gestion financière aux personnes aux prises avec un problème aigu de dépendance, démarche qui est vue, par les auteurs, comme un processus de réhabilitation pour celui-ci.

Brunelle, Leclerc, Cousineau, Dufour et Gendron rendent compte d’une recherche portant sur près de 2  000 élèves du secondaire ayant pour but d’examiner les liens entre les habitudes de jeux et les conduites délinquantes. Il en ressort que la gravité des habitudes de jeux de hasard et d’argent est liée aux conduites déviantes, tant clandestines que manifestes, de ces élèves. Enfin, Benoît Gagnon présente les résultats d’une recherche qui porte sur les perceptions des joueurs quant à l’effet sur eux et sur autrui de la violence dans les jeux vidéo. En plus de mettre en évidence les incohérences du discours des joueurs qui utilisent plusieurs rationalisations pour justifier leur perception de l’effet de la violence, le chercheur observe le manque criant de recherches et l’absence de données robustes sur les effets des jeux vidéo, les représentations de la violence qui y sont associées ainsi que sur les comportements agressifs qui y sont potentiellement liés.

Ces articles présentent les résultats de la recherche actuellement en cours au Québec sur les jeux de hasard et d’argent dans une perspective et permettent d’avoir un aperçu des questions diversifiées et complexes encore à l’étude. Tous s’entendent pour dire que ce domaine de recherche n’en est qu’à ses balbutiements et que, pour porter réellement fruit, il doit de se poursuivre, se diversifier et s’approfondir.

Par jeu, on entend, dans ce numéro, non seulement les jeux de hasards et d’argent (le gambling) mais aussi la pratique intensive des jeux vidéo (gaming), et dans les deux cas, un intérêt particulier est porté à la pratique Internet du jeu, compte tenu de son accessibilité croissante et du nombre grandissant d’adeptes qui s’y adonnent de manière plus ou moins modérée.