Article body

Introduction

La criminalistique semble de nos jours une discipline dont les grandes lignes sont inscrites dans la culture populaire en raison de sa présence récurrente dans la fiction policière des deux dernières décennies (Borisova, Courvoisier et Bécue, 2016 ; Cole et Porter, 2017). Il serait ainsi tentant de croire que les acteurs du domaine de la sécurité et de la justice sont facilement en mesure de la définir et d’en percevoir les enjeux. Pourtant, même si les fondements de la science forensique remontent à plus d’un siècle, il semblerait que la conception même de la discipline souffre toujours d’une absence de consensus dans les milieux judiciaire et de la recherche (Delémont et Tanner, 2015). Alors que certains chercheurs réitèrent la scientificité du travail des services d’identité judiciaire responsables de l’intervention sur les scènes de crime et la diversité de leurs rôles au sein des organisations policières (Crispino, 2008 ; Ribaux et al., 2010 ; Roux, Talbot-Wright, Robertson, Crispino et Ribaux, 2015), de nombreux patrouilleurs, enquêteurs et techniciens en scène de crime restreindraient plutôt l’investigation de la scène de crime à une tâche mécanique de collecte de traces (Fraser, 2000 ; Ludwig, Fraser et Williams, 2012 ; Tilley et Ford, 1996 ; Williams, 2004). Mais qu’en est-il des membres des états-majors policiers (directeurs, directeurs adjoints) et des autres officiers supérieurs (capitaine, inspecteur) ? Bien qu’il soit reconnu que les dirigeants policiers ont un rôle majeur dans le développement et la mise en oeuvre de l’exploitation des traces matérielles dans les corps policiers en raison de leurs fonctions de planificateur stratégique, de gestionnaire financier et de superviseur (Bitzer, Albertini, Lock, Ribaux et Delémont, 2015 ; Guéniat, 2019 ; Rossy et Ribaux, 2014), force est de constater que la littérature empirique semble avoir généralement ignoré leurs perceptions – entre autres leurs attentes envers les services d’identité judiciaire et leur représentation du travail effectué. L’objectif de la présente étude est par conséquent de déterminer par l’entremise d’entretiens semi-dirigés quelles sont les compétences et attitudes attendues des techniciens en identité judiciaire par les dirigeants des services de police québécois et de comprendre comment ces derniers conçoivent le travail d’investigation scientifique de la scène de crime.

La profession de technicien en scène de crime

Les techniciens en scène de crime (ou techniciens en identité judiciaire)[2] ont avant tout pour rôle de repérer les traces matérielles sur une scène de crime, d’évaluer leur pertinence en lien avec l’affaire criminelle d’intérêt et d’exploiter l’information qu’elles véhiculent sur la source et l’activité à leur origine (Ribaux, 2014 ; Ribaux et Margot, 2007). Alternant traditionnellement entre les rôles d’investigateur et d’évaluateur (Jackson, Jones, Booth, Champod et Evett, 2006), ils mettent à profit des processus inférentiels, heuristiques et sémiotiques dans le but de reconstruire un événement à partir des traces retrouvées et d’évaluer la valeur de ces dernières (Crispino, 2006 ; Margot, 2014 ; Schuliar et Crispino, 2015). En revanche, l’extension de l’exploitation des traces matérielles à une approche proactive de l’action de sécurité tend à diversifier les missions des techniciens en scène de crime. Ces derniers ont désormais un rôle implicite dans l’exploitation du renseignement criminel en participant à la détection et au suivi de phénomènes criminels ainsi qu’à l’alimentation des bases de données de traces matérielles. En tant que premiers intervenants, les techniciens en identité judiciaire jouent également un rôle important dans la prise en charge des victimes d’actes criminels. Ils incarnent la réponse policière à laquelle s’attendent les victimes, participant ainsi à la réassurance de la population après la commission d’un délit et à l’éducation des citoyens sur les dispositifs de sécurité envisageables (Baechler, Cartier, Schucany et Guéniat, 2015 ; Ribaux, 2014).

Pour tenir efficacement ces rôles, les techniciens en scène de crime mettent à profit toute une série de compétences et d’aptitudes. Kelty, Julian et Robertson (2011) ont recensé sept attributs par lesquels certains techniciens en scène de crime se démarquent et sont reconnus par leurs pairs comme étant les plus performants au sein de leur unité. Les habiletés cognitives (par ex. : capacité à formuler, modifier et confronter des hypothèses), les connaissances (par ex. : savoirs scientifiques et policiers), l’expérience (par ex. : expérience au sein du continuum du processus judiciaire), l’attitude face au travail (par ex. : intérêt pour la profession), les compétences en communication (par ex. : capacité à collaborer), le comportement professionnel (par ex. : crédibilité et impartialité) et l’approche de la vie (par ex. : créativité et innovation) semblent être des caractéristiques essentielles à la profession de technicien en identité judiciaire. Wilson-Kovacs (2014) ajoute à ces compétences la capacité à anticiper les étapes subséquentes du processus judiciaire. Enfin, en considérant les rôles étendus des techniciens en scène de crime mentionnés précédemment, la capacité à communiquer utilement avec les victimes et la connaissance des tactiques délinquantes apparaissent également comme des compétences inhérentes à la profession (Baechler et al., 2015).

Au Québec, les membres des services d’identité judiciaire sont des policiers de formation et de carrière ayant travaillé à titre de patrouilleur pour ensuite suivre une formation spécialisée obligatoire de 38 jours donnée par le Collège canadien de police (Collège canadien de police, 2018). Cette formation leur permet entre autres d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la fixation et à l’investigation des scènes d’incidents, à la détection, au prélèvement et à l’analyse de divers types de traces ainsi qu’à la présentation d’éléments de preuve devant les tribunaux.

Même s’il est vrai que les techniciens en identité judiciaire ont traditionnellement été associés à la structure policière plutôt qu’à la communauté scientifique (Harrison, 2006), notamment en raison de leur présence majoritairement au sein des corps de police plutôt que dans les laboratoires forensiques, certains chercheurs soutiennent que le travail d’investigation de la scène de crime devrait être considéré comme partie intégrante d’une conception holistique de la criminalistique. Étant parmi les premiers intervenants de la chaîne, les techniciens en scènes de crime possèdent un pouvoir discrétionnaire important sur les stratégies de recherche et de collecte de traces, leur conférant ainsi une responsabilité accrue. De plus, la scène de crime étant de nature éphémère, la qualité de l’intervention sur la scène de crime est déterminante pour l’ensemble des informations qui seront ensuite disponibles à des fins d’enquête et de renseignement (Crispino, 2008 ; Ribaux et al., 2010 ; Ribaux, Walsh et Margot, 2006 ; Roux et al., 2015).

Toutefois, si en Amérique du Nord, deux rapports américains et un rapport canadien dénoncent la culture d’isolement des différentes disciplines qui composent la criminalistique et appellent à un investissement académique en appui de la pratique, ils tendent à renforcer une conception de la criminalistique axée sur les analyses en laboratoire et la présentation de preuves au tribunal (Committee on Identifying the Needs of the Forensic Science Community, 2009 ; Pollanen, Bowes, VanLaerhoven et Wallace, 2012 ; Roux, Crispino et Ribaux, 2012 ; Roux et al., 2015 ; The President’s Council of Advisors on Science and Technology, 2016). De manière similaire, Raymond et Julian (2015) soulignent qu’il n’existerait toujours pas une « culture du renseignement » au sein de la communauté policière qui permettrait une extension du potentiel des traces matérielles à l’action de sécurité dans le milieu de la pratique. Devant une telle conception unidimensionnelle de la criminalistique, il paraît peu surprenant de constater qu’une forte majorité d’acteurs impliqués dans le processus judiciaire semblent sous-estimer les rôles des techniciens en scène de crime. Plusieurs policiers et autres professionnels du domaine judiciaire restreindraient en effet l’investigation de la scène de crime à un travail mécanique de collecte de traces, c’est-à-dire à une étape préscientifique, voire pré-forensique (Mennell, 2006 ; Rossy et Ribaux, 2014 ; Williams, 2004). De nombreuses études tendent par ailleurs à montrer que bon nombre de techniciens en scène de crime ne perçoivent pas non plus leur travail comme une tâche relevant de la science (Fraser, 2000 ; Ludwig et al., 2012 ; Tilley et Ford, 1996).

Le rôle des dirigeants policiers

Les décideurs stratégiques et financiers des corps de police, au même titre que les enquêteurs, les juristes et les analystes en renseignement, font partie intégrante d’un ensemble d’acteurs non scientifiques directement engagés dans l’utilisation des traces matérielles (Rossy et Ribaux, 2014). En raison de leurs divers pouvoirs et responsabilités au sein des organisations policières, les chefs de police et les cadres intermédiaires peuvent influencer l’utilisation de la criminalistique et la contribution de la police scientifique aux divers secteurs du service (Bitzer, Ribaux, Albertini et Delémont, 2016). En agissant à la fois à titre de planificateur stratégique, de gestionnaire et de contrôleur, les dirigeants policiers ont pour responsabilité de déterminer les objectifs et les tâches attitrés aux techniciens en scène de crime, de fournir les ressources nécessaires à leur réalisation et d’évaluer a posteriori s’ils ont été atteints. Dans le cadre du présent article, leur responsabilité dans la sélection du personnel et dans l’appréciation de ses compétences et attitudes est particulièrement d’intérêt. Les dirigeants policiers se doivent également de maintenir des canaux de communication de qualité avec les divers partenaires tels que les autres corps de police et les laboratoires forensiques (voir Tableau 1) (Aepli, Ribaux et Summerfield, 2011 ; Lynch, 1975 ; Roberg, Kuykendall et Novak, 2002 ; Stampler, 1992). De ce fait, leur conception du travail d’investigation de la scène de crime, c’est-à-dire leur représentation de la profession, et leurs attentes envers les techniciens en scène de crime sont nécessairement déterminantes pour les services d’identité judiciaire. Il est en effet reconnu que les rôles que s’attribue un individu au sein d’une structure organisationnelle vont généralement être définis en fonction des attentes des pairs et de leur reconnaissance des connaissances et des compétences (Handy, 2007 ; Ludwig et al., 2012 ; Mol et Mesman, 1996).

Cependant, peu d’études empiriques paraissent s’être précisément intéressées aux perceptions des décideurs stratégiques et financiers des corps de police concernant les services d’identité judiciaire, et ce, même si la littérature scientifique reconnaît leur rôle dans l’exploitation et le développement de la criminalistique (Bell, 2006 ; Bitzer et al., 2016 ; Ribaux, Roux et Crispino, 2017 ; Rossy et Ribaux, 2014). Les quelques études s’y étant intéressées tendent à souligner que les cadres policiers ne cerneraient que partiellement la nature de la discipline et les nombreuses possibilités qu’elle offre, se distinguant dès lors très peu des autres acteurs de la communauté policière (Crispino, Rossy, Ribaux et Roux, 2015 ; Tilley et Ford, 1996 ; Williams, 2004). Toutefois, en ne s’appuyant que sur des appréciations personnelles ou sur celles d’acteurs intermédiaires, ces études paraissent peu adaptées à une compréhension profonde et empirique des attentes des dirigeants policiers et de leur conception de l’investigation de la scène de crime. Enfin, les perceptions de la criminalistique au sein de l’environnement policier québécois et même canadien demeurent à ce jour une thématique de recherche peu étudiée. L’objectif du présent article est ainsi de déterminer les compétences et les attitudes des techniciens en identité judiciaire attendues par les dirigeants policiers. Il vise également de manière implicite à relever les moyens par lesquels ils apprécient ces compétences et à comprendre plus globalement leur conception du travail des techniciens en scène de crime.

Tableau 1

Les rôles des dirigeants policiers pour les services d’identité judiciaire

Les rôles des dirigeants policiers pour les services d’identité judiciaire
Inspiré de Aepli et al. (2011) et Roberg et al. (2002)

-> See the list of tables

Méthodologie

Les sujets d’étude

Les dirigeants d’organisation policière étant des sujets d’étude difficilement accessibles[3], la sélection des candidats s’est faite à l’aide d’un échantillonnage par opportunité facilité par l’École nationale de police du Québec (ENPQ). Celle-ci a distribué des invitations aux états-majors des 24 organisations policières québécoises de niveaux 2 et supérieurs puisque seules ces dernières ont l’obligation de desservir les services d’identité judiciaire selon la Loi sur la police du Québec (Cusson et Diotte, 2007 ; Ministère de la Sécurité publique du Québec, 2014). Au total, 18 dirigeants de 18 corps policiers québécois différents[4] ont répondu à l’invitation et ont participé à la présente étude. Parmi les sujets se trouvaient onze directeurs, quatre directeurs adjoints, un inspecteur-chef ainsi que deux capitaines comptant tous entre 23 et 40 années d’expérience au sein de la fonction policière. Douze d’entre eux ont travaillé dans la division des enquêtes au fil de leur carrière alors que quatre autres ont évolué dans la division de la gendarmerie. Les deux sujets restants n’ont pas précisé le détail de leur cheminement. Enfin, parmi les 18 répondants, 17 d’entre eux possèdent au moins un certificat en gestion policière. Comme il n’est pas obligatoire de détenir ce diplôme pour occuper une fonction au sein d’un état-major policier au Québec, le dernier répondant était en voie de terminer la formation menant à son obtention à l’époque de l’entretien. Ce projet ayant été réalisé à la suite de l’obtention d’un certificat d’éthique du Comité d’éthique de la recherche en arts et en sciences (CÉRAS) de l’Université de Montréal (n° CERAS-2016-17-209-D), il est à noter que l’anonymat des répondants a été assuré dans l’ensemble des travaux publiés. Les informations personnelles et professionnelles des participants ainsi que les extraits cités dans le corps du texte ont été sélectionnés et structurés de manière à empêcher l’identification des répondants.

La collecte de données

L’entretien à tendance semi-directive est la méthode de collecte de données qui a été privilégiée pour répondre aux présents objectifs de recherche. En se concentrant en profondeur sur les perceptions des individus, l’entretien semi-dirigé offre la possibilité d’obtenir des détails sur les attentes, les croyances, les motivations et les expériences tout en mettant en évidence des éléments propres à une même culture. Par ailleurs, comme cette méthode de collecte est entre autres basée sur l’analyse du discours des répondants, elle permet d’avoir accès à une ressource indispensable dans la compréhension de la réalité sociale des sujets d’étude : le langage. Ce dernier se veut utile pour définir comment les sujets interviewés conçoivent les thèmes de la recherche et quelle importance ils accordent à chacun d’entre eux (Legard, Keegan et Kit, 2003). Afin d’atteindre l’objectif fixé, il était essentiel de posséder une structure de référence à laquelle se rapporter durant les entretiens semi-dirigés. La conduite des 18 entretiens a ainsi été guidée par une grille d’entretien rappelant les thèmes principaux et secondaires à aborder par les sujets d’étude. Lors de la planification du devis de recherche, quatre thématiques d’intérêt ont été déterminées, soit le parcours professionnel des répondants, les rôles attribués à la criminalistique et à la police scientifique, le management des services d’identité judiciaire ainsi que les relations entretenues avec les partenaires. La thématique des enjeux managériaux ayant émergé des entrevues préparatoires, elle a également été ajoutée à la grille d’entretien. Il convient de souligner que les résultats du présent article sont issus d’un projet de recherche s’intéressant de manière plus générale aux perceptions des dirigeants policiers et à leurs pratiques en matière de gestion des services d’identité judiciaire. Seul le thème des compétences explicitement attendues des techniciens en scène de crime par les cadres policiers est abordé dans le présent article, ouvrant ainsi la voie à d’autres publications futures sur le management des services en identité judiciaire.

La stratégie d’analyse

Dans le but d’interpréter les dires des sujets, il semble nécessaire d’analyser de manière hiérarchique les verbatims des entretiens et d’attribuer des codes aux éléments récurrents (Michelat, 1975 ; Miles, Huberman et Saldana, 2014). Pour ce faire, chaque entretien a d’abord été analysé de manière verticale : des codes descriptifs et In Vivo ont été associés à de courts passages des verbatims. Ces codes correspondent respectivement à des étiquettes apposées par le chercheur et à des étiquettes issues du vocabulaire même du répondant afin de résumer des propos qui paraissent essentiels à la compréhension de leurs perceptions (Miles et al., 2014). Par la suite, en analysant de manière horizontale tous les entretiens, les codes de premier niveau récurrents et les codes similaires ont été regroupés sous des typologies plus étendues permettant de cibler certaines tendances dans les discours des sujets d’étude (Miles et al., 2014). En effet, même si ces sujets peuvent paraître très diversifiés et qu’ils abordent des thèmes parfois distincts, « [il est possible de] retrouver chez chacun d’entre eux des modèles qui vont présenter de profondes ressemblances » (Michelat, 1975, p. 235). Cet exercice de codification de second niveau permet ainsi de dégager davantage de sens des propos des répondants et de faire ressortir des éléments propres à la culture à laquelle ils appartiennent. Dans le cas présent, les compétences et les attitudes attendues des dirigeants policiers interviewés ont été codifiées sous quatre dimensions distinctes : le savoir, le savoir-être, le savoir-faire et les moyens disponibles pour apprécier ces compétences.

Résultats

Le savoir

Globalement, les dirigeants policiers interviewés ont manifesté une attention secondaire aux connaissances que doivent posséder les techniciens en scène de crime. Seuls deux dirigeants ont brièvement indiqué s’attendre à ce que leurs techniciens en identité judiciaire possèdent une bonne connaissance de leur métier, sans toutefois élaborer sur la nature de cette connaissance. Quatre autres dirigeants ont quant à eux précisé qu’ils s’attendaient à voir les techniciens demeurer informés des meilleures pratiques et des avancées technologiques disponibles en matière de criminalistique.

Les attentes sont vraiment d’être à la fine pointe des connaissances des meilleures pratiques en étude d’une scène de crime ; dans la collecte des éléments de preuve, dans la détection de ces éléments de preuve là et puis d’être en mesure [d’assurer que] la collecte de preuves [… sera] évidemment admissible à la Cour.

Sujet 16

Bien première des choses [à laquelle je m’attends], c’est d’avoir la très bonne connaissance de leur métier [et] d’être à l’affut de toutes nouvelles techniques et autres.

Sujet 15

Par la formation, la consultation des pairs et de la documentation pertinente, et la participation à des regroupements (congrès, colloques), les dirigeants s’attendent d’une part à ce qu’un technicien en scène de crime cultive ses connaissances en matière de nouvelles techniques et nouvelles technologies disponibles, permettant d’optimiser la fixation de la scène de crime ainsi que la détection et la collecte des traces matérielles (par ex. : scanneur 3D pour la reconstruction de la scène et la recherche de projectiles). D’autre part, ils s’attendent à ce que les techniciens gardent à jour leur connaissance des règles et des procédures assurant que les traces prélevées seront admissibles comme éléments de preuve devant les tribunaux. Sans précision de la part des sujets interviewés, il convient d’inférer que la connaissance de ces procédures repose à la fois sur l’apprentissage théorique et sur l’expérience au sein du milieu policier.

Le savoir-être

Le savoir-être fait ici référence aux attitudes, aux comportements et aux qualités personnelles que les dirigeants policiers interviewés s’attendent à observer chez les techniciens en identité judiciaire dans le cadre de leurs fonctions. D’abord, l’intérêt pour la profession apparaît comme l’une des plus importantes attitudes que doivent posséder les techniciens en scène de crime.

[Mes techniciens], ce sont des passionnés. Ils aiment aller chercher le détail […]. Ce sont des gens qui aiment monter leur dossier pour que ça soit excellent ! […] Et j’ai des gars qui sont là depuis quelques années et ils sont motivés, ils sont encore très motivés. […] et il faut que ça soit comme ça. Ce sont des gens qui ont eu la chance de postuler sur quelque chose qu’ils aiment, et ils font un travail qu’ils aiment.

Sujet 7

Des 18 dirigeants interviewés, 9 s’attendent en effet à ce que les aspirants aux postes de technicien en identité judiciaire montrent un fort intérêt pour la profession et qu’une fois en poste, ils demeurent passionnés et motivés par cette dernière. Selon ces dirigeants, cet intérêt permet entre autres le maintien d’autres compétences considérées comme essentielles (par ex. : désir d’apprendre, rigueur) et assure une disponibilité à intervenir, en dehors des horaires conventionnels, de nuit et de week-end. Par ailleurs, l’intérêt marqué pour la profession de techniciens en scène de crime auquel s’attendent bon nombre de dirigeants policiers semble également lié au contexte particulier dans lequel évoluent les services en identité judiciaire des plus petites organisations policières.

Je ne veux pas que la personne qui soit [au SIJ] le soit parce qu’elle travaille de jour du lundi au vendredi. Je ne veux pas qu’elle soit là pour les mauvaises raisons. Souvent, tu as des mouvements de personnel dans des services de police qui sont pour les mauvaises raisons [comme vouloir un job de jour].

Sujet 6

Ce qu’on va rechercher, c’est la passion. […] Combien de temps est-ce que t’es prêt à t’engager ? Est-ce que tu fais ça de passage ou c’est à long terme que tu veux faire cette carrière-là ? C’est un gros investissement.

Sujet 15

Les dirigeants policiers semblent accorder une attention particulière à ce que l’individu qui postule pour devenir technicien en identité judiciaire ne soit pas motivé par les conditions de travail dans lesquelles s’exerce la profession. En fait, comme les ressources disponibles sont limitées dans les organisations policières de niveau 2 – il y a généralement moins de trois techniciens en identité judiciaire –, il est commun que ces derniers soient appelés à travailler sur des horaires permanents de jour et de semaine, intervenant la nuit et le week-end avec majoration de salaire lorsque cela est jugé nécessaire. Il paraît essentiel qu’un technicien en scène de crime ne cherche pas seulement à avoir un horaire de travail s’harmonisant mieux avec ses occupations personnelles. Parallèlement, comme la formation en identité judiciaire coûte près de 15 000 $ selon les dirigeants interviewés, ces derniers estiment qu’un technicien en scène de crime devrait exercer ses fonctions durant une période assez longue pour représenter un investissement rentable.

Par ailleurs, au total 11 dirigeants interviewés s’attendent à ce qu’un technicien en scène de crime fasse preuve de minutie, de professionnalisme, de rigueur ou d’intégrité dans l’exercice de ses fonctions.

Ce sont des gens qui initialement sont minutieux. […] Je m’attends à ce que, cette minutie-là, ce professionnalisme-là, il l’ait aussi dans son travail. Parce que tu ne peux pas laisser des exhibits être manipulés et contaminés. […] Il faut que tu aies le souci de toute la suite de la procédure. Et mes attentes, bien c’est justement que je n’aie pas à aller voir mes gens pour leur dire : « T’as échappé ça, t’as manqué là, t’as fait ça. »

Sujet 4

De manière générale, la minutie, le professionnalisme et la rigueur semblent être considérés par les dirigeants interviewés comme des compétences faisant référence à des caractéristiques similaires : une attention aux détails, une régularité dans la qualité du travail effectué et une intégrité irréprochable. Ils s’attendent à ce « que tout [soit] fait dans les règles » (Sujet 5) et que les techniciens soient en mesure de « fermer toutes les portes qu’une défense pourrait apporter » (Sujet 12) pour mettre en doute l’intégrité des traces matérielles prélevées et leur admissibilité comme éléments de preuve. Il est d’ailleurs attendu que ces qualités soient mises en oeuvre dans divers aspects du travail des techniciens en scène de crime, de la scène de crime aux tribunaux, en passant par le suivi de la chaîne de possession et la rédaction des rapports. Enfin, une attitude collaborative avec les autres intervenants sur la scène de crime – patrouilleurs et enquêteurs – (3 cadres), une attitude professionnelle dans la prise en charge du citoyen (2 cadres), une grande autonomie (2 cadres) et une perspicacité (1 cadre) sont également des qualités attendues par quelques sujets interviewés, mais qui demeurent mentionnées de manière très succincte.

Le savoir-faire

Ont été regroupées sous la dimension du savoir-faire les compétences faisant référence à l’habileté à mettre en oeuvre les connaissances, les méthodes et les techniques utiles à la réalisation des tâches des techniciens en scène de crime. La capacité à fixer la scène de crime et à garantir l’intégrité des traces prélevées (particulièrement par la prise de photographies) apparaît d’abord comme une des compétences les plus importantes aux yeux de dix des cadres rencontrés. Cinq dirigeants interviewés ont également souligné s’attendre à ce que le technicien en scène de crime soit en mesure de chercher et de détecter l’éventail des indices matériels disponibles sur une scène de crime. Parallèlement, seuls quatre des sujets d’étude semblent considérer la capacité à éclairer l’enquêteur sur l’événement investigué et à reconstruire l’activité criminelle comme une compétence essentielle au travail du technicien en scène de crime.

Moi je m’attends à ce que nos techniciens, quand ils se présentent sur les scènes, bien qu’[ils] couvre[nt] les scènes [dans le but] de prélever des indices ou d’être en mesure d’éclaircir la situation : pourquoi cet incident mortel là s’est produit ?

Sujet 2

Je m’attends à ce que quand [le technicien] arrive sur une scène, […] il la regarde avec l’oeil d’une personne qui veut absolument trouver comment ça s’est passé. C’est ça que je souhaite. Je souhaite que [tous mes techniciens] soient tous comme ça. […] il faut qu’il ait envie de découvrir ce qui s’est passé [et] qui a commis le crime.

Sujet 11

La presque intégralité des dirigeants policiers interviewés paraît dès lors porter une attention limitée aux capacités de raisonnement, de résolution de problème et de prise de décision des techniciens en identité judiciaire.

L’appréciation des compétences

Les dirigeants policiers interviewés semblent avoir peu d’occasions pour apprécier directement les compétences et les attitudes de leurs techniciens en identité judiciaire. Mis à part les entretiens d’embauche et les rapports policiers qu’ils consultent ponctuellement, où ils sont surtout à même de constater le savoir-être des techniciens en scène de crime, l’appréciation des compétences et des comportements des techniciens en identité judiciaire est généralement indirecte. D’une part, les dirigeants policiers s’appuient sur les évaluations annuelles du personnel et la supervision continue par les cadres de premier niveau. D’autre part, les dirigeants interviewés ont relevé la satisfaction des acteurs du système de justice (juges, procureurs) et celle des acteurs policiers (enquêteurs, patrouilleurs) comme la principale source d’appréciation des compétences et des attitudes des techniciens en identité judiciaire.

Il n’y a pas de système formel [d’appréciation du travail], mais […] je te dirais que notre gage d’efficacité, c’est la satisfaction des enquêteurs et des procureurs, tu sais ? […] Si un procureur te signale à un moment donné que « ce n’est pas fort la manière que ça l’a été fait et on peut perdre la cause parce que [la procédure] n’a pas été respectée ». […] Il y a des indicateurs qui existent.

Sujet 5

Des fois, l’enquêteur, s’il n’est pas satisfait [du travail du technicien], il va en parler à l’inspecteur en charge de cette section ou le commandant. Il va dire : « Le technicien dans tel dossier… J’ai travaillé avec lui et c’est ordinaire ! Ça ne marche pas. » Bien ça va redescendre [la hiérarchie] et le sergent va le prendre en charge pour qu’il se redresse.

Sujet 11

Les dirigeants policiers semblent s’appuyer sur les procureurs, les juges, les enquêteurs et les patrouilleurs – des acteurs fréquemment témoins du travail des techniciens en scène de crime – pour reconnaître un savoir, un savoir-faire ou un savoir-être déficient chez certains techniciens en identité judiciaire. Par exemple, un manque de rigueur dans le suivi de la chaîne de possession ou une mauvaise collaboration avec des enquêteurs seront vraisemblablement partagés avec les cadres policiers concernés.

Comme plusieurs dirigeants interviewés le reconnaissent, ni eux ni les superviseurs de premier niveau ne possèdent généralement des connaissances suffisantes en matière de criminalistique pour juger pleinement du savoir et du savoir-faire de leurs techniciens en scène de crime[5].

Le superviseur direct, à part avoir eu un peu d’expérience aux enquêtes, il n’a pas de formation en criminalistique. Donc, il n’est pas en mesure d’évaluer directement le travail [du technicien] comme tel.

Sujet 10

C’est une lacune qu’on va avoir au niveau des services de police, [on n’a] personne dans le service qui est capable d’évaluer ses connaissances, on ne les a pas. Donc à savoir si [le technicien] utilise la bonne technique, s’[il] utilise la technique correctement, s’[il] prend les bonnes décisions.

Sujet 9

Paradoxalement, seuls quatre sujets soutiennent que le Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML), laboratoire responsable de la majorité des expertises forensiques au Québec, influence de manière importante le management des unités d’identité judiciaire. De manière analogue, la communauté universitaire, nommée comme étant un influenceur par un seul dirigeant policier, ne semble pas non plus jouer un rôle de premier plan dans la gestion des services d’identité judiciaire. Deux répondants ont également ajouté qu’ils ne percevaient que très peu la présence d’une collaboration entre les états-majors policiers et la communauté universitaire à propos de la criminalistique alors que les quinze autres n’ont simplement pas reconnu cette communauté comme étant un influenceur.

Discussion

Promouvoir le caractère scientifique de la profession

L’investigation de la scène de crime est une part déterminante du processus forensique : l’identification des traces, l’appréciation de la pertinence de celles-ci et la qualité des prélèvements effectués sont tous des éléments dont l’issue est généralement scellée avant l’intervention des scientifiques criminalistes en laboratoire. Les processus inférentiels et sémiotiques sur lesquels repose l’investigation d’une scène de crime font de cette dernière une discipline qui devrait être perçue comme relevant du domaine de la science (Crispino, 2006, 2008 ; Ribaux, 2014 ; Schuliar et Crispino, 2015). Cependant, à la lumière des compétences attendues par les dirigeants policiers du Québec, il semble que ces derniers ne conçoivent pas globalement le travail des techniciens en identité judiciaire comme un effort scientifique. Bien que la connaissance et le respect des procédures légales, la rigueur, l’intérêt pour la profession, la capacité à communiquer et la capacité à collaborer soient en effet des aptitudes essentielles au travail des techniciens en identité judiciaire, elles paraissent plutôt comme des qualités générales attendues de l’ensemble des acteurs du milieu policier (Gendarmerie royale du Canada, 2017 ; Guthrie, 2004 ; Pugh, 1986 ; Richard et Pacaud, 2008). Le caractère scientifique de l’investigation des scènes de crime et les compétences particulières qui lui sont associées – la connaissance des principes fondamentaux de la criminalistique, la capacité à varier et à confronter des hypothèses, la capacité d’abstraction, la créativité, le sens logique, etc. (Kelty et al., 2011) – gagneraient ainsi certainement à être considérés par les dirigeants policiers du Québec lors de la sélection et de l’évaluation des techniciens en identité judiciaire.

Les entretiens réalisés ont également mis en évidence la faible implication d’acteurs scientifiques dans l’appréciation des compétences des techniciens en identité judiciaire et l’attention portée par les dirigeants à la satisfaction des acteurs judiciaires et policiers. Bien qu’elle concorde avec une littérature scientifique qui soulève la prise en charge fréquente des questions relatives aux services d’identité judiciaire par un ensemble d’acteurs non scientifiques, elle tend à renforcer une conception préscientifique désolante de l’investigation de la scène de crime (Laurin, 2012 ; Ludwig et al., 2012 ; Ribaux, Crispino, Delémont et Roux, 2016). Il apparaît en ce sens qu’une meilleure coordination entre les états-majors des organisations policières du Québec et les membres des communautés scientifique et universitaire semble une piste prometteuse pour alimenter les réflexions des dirigeants policiers quant à l’appréciation des compétences et du travail des techniciens en identité judiciaire.

L’extension des rôles associés aux techniciens en identité judiciaire

Les cadres policiers québécois semblent tous associer la profession de technicien en scène de crime aux traditionnels rôles de fixation de la scène de crime, d’investigation et d’évaluation (Beaudoin et Guillemette, 2013 ; Houck, Crispino et McAdam, 2017 ; Jackson et al., 2006). La capacité à communiquer utilement avec les lésés (2 dirigeants), la capacité à alimenter le renseignement policier (aucun) et la connaissance de la criminalité environnante et des modes opératoires des délinquants (aucun) sont des compétences qui ont quant à elles été ignorées par les dirigeants policiers interviewés. Ces derniers semblent ainsi restreindre la contribution des techniciens en identité judiciaire au processus d’enquête et sous-estimer leurs rôles au sein de l’action de sécurité. Néanmoins, « en incarnant physiquement la réaction sociale et l’action de la police auprès du lésé, chez lui, [les techniciens en identité judiciaire] peu[ven]t agir sur le sentiment de sécurité, renforcer la légitimité de la police […], contribuer aux efforts de police de proximité et de reassurance policing » (Baechler et al., 2015, p. 244) et ainsi être mis à profit dans ce qui se dessine comme un des modèles proactifs dominants d’action de sécurité dans les corps policiers américains et canadiens (Conseil des académies canadiennes, 2014 ; National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, 2017). Par ailleurs, la littérature scientifique récente tend à montrer l’utilité de l’exploitation des traces matérielles – et des techniciens en identité judiciaire – dans une optique de détection et de prévention de la criminalité sérielle (Baechler, 2018 ; Ribaux et al., 2016 ; Ribaux et Talbot-Wright, 2014). Inversement, la connaissance du renseignement disponible et de la criminalité environnante émerge de plus en plus comme un outil contribuant à une prise de décision optimale des techniciens en identité judiciaire lors de l’investigation d’une scène de crime (Bitzer et al., 2015, 2016 ; Delémont, Bitzer, Jendly et Ribaux, 2017). Les dirigeants policiers gagneraient par conséquent à étendre leur conception du travail des techniciens en scène de crime à l’alimentation du renseignement policier et à considérer la capacité à reconnaître les différents rôles que peuvent avoir les traces matérielles (éléments de preuve, pistes d’enquête, renseignements) et la connaissance des problèmes criminels (délits, cibles et modes opératoires récurrents) comme des qualités essentielles à la profession.

Enfin, il semble que la majorité des cadres policiers interviewés articule ses attentes envers les compétences et les attitudes des techniciens en identité judiciaire autour de la conformité aux procédures légales garantissant l’admissibilité des traces matérielles comme preuves à la Cour et de la rentabilité des investissements. Il convient de suggérer que ces attentes s’inscrivent dans une culture managériale policière plus globale centrée sur la gestion des ressources disponibles, la régulation de l’exercice des fonctions policières et la reddition de comptes auprès des partenaires de l’organisation policière. La littérature scientifique a d’ailleurs montré qu’une telle culture est partagée par les cadres intermédiaires et supérieurs au sein des organisations policières (Paoline, 2003, 2004 ; Reuss-Ianni, 1983). Davantage de recherches sur les croyances et les normes sociales auxquelles adhèrent les dirigeants policiers du Québec sont toutefois nécessaires pour confirmer l’hypothèse que cette culture managériale policière s’étend à la gestion des services d’identité judiciaire.

Limites

L’absence de technique de triangulation des données peut représenter une limite à la présente étude. Comme l’entretien semi-directif constitue la seule méthode de collecte de données utilisée, la collecte d’informations par une autre méthode que l’entretien aurait pu assurer la validité des résultats mis en évidence. À cet effet, le devis de recherche utilisé permet aux dirigeants policiers interviewés d’énumérer les compétences qui leur viennent naturellement à l’esprit et non pas de les confronter à l’ensemble des compétences reconnues comme pertinentes dans la littérature scientifique. Toutefois, il est légitime de croire qu’un biais de désirabilité sociale aurait vraisemblablement limité la portée d’une telle approche. De plus, l’échantillon des répondants étant composé de candidats occupant des postes hiérarchiques différents au sein d’organisations évoluant dans des contextes différents (ressources disponibles, missions, criminalité environnante, territoire, présence d’un sergent à l’identité judiciaire), il se veut nécessairement hétérogène. Bien que les attentes partagées soient relativement similaires, la diversité des répondants amène à considérer avec prudence la généralisation des constats à un groupe particulier d’acteurs (par ex. : tous les directeurs) ou à la situation d’autres dirigeants policiers à l’étranger.

Conclusion

La conception dominante de l’investigation de la scène de crime au sein des milieux professionnels policiers et judiciaires tend regrettablement à réduire le travail des techniciens en identité judiciaire à un ensemble de tâches techniques et mécaniques plutôt qu’à un effort scientifique ayant le potentiel de participer à la prévention de la criminalité (Crispino, 2008 ; Ludwig et al., 2012 ; Raymond et Julian, 2015). En s’attendant de la part des techniciens en identité judiciaire à des connaissances, des compétences et des attitudes particulièrement axées sur le respect des procédures légales, la fixation de la scène de crime et l’anticipation des critiques des partenaires policiers et judiciaires, il apparaît que les dirigeants policiers du Québec interviewés semblent partager une conception similaire de la profession. Il est certes évident que la conformité aux règles de procédure garantissant l’admissibilité des traces matérielles comme preuves à la Cour doit être une part intégrante des attentes des états-majors en ce qui a trait au travail des techniciens en scène de crime. Toutefois, dans la mesure où ces règles ne peuvent garantir la qualité, l’efficacité et l’impartialité des nombreuses décisions prises dans le cadre de l’investigation scientifique, les dirigeants policiers québécois profiteraient certainement de processus de sélection et d’appréciation du travail des techniciens en scène de crime basés sur un balayage plus global des connaissances, des compétences et des attitudes reconnues comme pertinentes dans la littérature scientifique récente (Delémont et al., 2017 ; Kelty et al., 2011). Dans un contexte où les techniciens en identité judiciaire sont de plus en plus appelés à prendre part à l’action de sécurité, ils gagneraient également à étendre leur conception de la profession à des rôles de prise en charge des lésés et d’alimentation du renseignement policier (Baechler et al., 2015 ; Ribaux et Talbot-Wright, 2014 ; Ribaux et al., 2006). De tels changements laissent supposer une meilleure reconnaissance du caractère scientifique de l’investigation de la scène de crime ainsi qu’une connaissance plus exhaustive de l’utilité des traces matérielles dans la détection et la compréhension des phénomènes criminels au sein des états-majors policiers du Québec.