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Introduction

Des acteurs importants sur la scène mondiale tels que la Banque mondiale parlent de l’Afrique comme d’un tout uniforme. Ce tout serait menacé par le trafic de drogue et la consommation. Toutefois, le continent africain comprend plusieurs régions qui se distinguent par des climats, traditions et coutumes différentes. La question des drogues s’y décline différemment selon les régions. D’ailleurs, les éléments sociaux, économiques et politiques peuvent aider à comprendre pourquoi certaines régions ou pays développent des industries illégales alors que d’autres ne le font pas, ou le font à des moments différents (Thoumi, 2003). Cet article vise à examiner ces différences quantitatives et qualitatives en les remettant en contexte. Trois régions d’Afrique sont examinées. Nous abordons le cas de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique orientale et de l’Afrique du Nord.

L’ONUDC (2014) regroupe le continent africain en quatre régions, soit l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Est, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Cette organisation définit l’Afrique de l’Ouest comme regroupant les pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. La communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest circonscrit la région qu’elle dessert de la même manière (CEDEAO, 2015). L’Afrique orientale est moins clairement définie mais regroupe généralement les pays qui sont situés à proximité de l’océan Indien. Par exemple, La Communauté d’Afrique de l’Est regroupe le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Nous adoptons une approche un peu moins restrictive, qui est aussi celle de l’ONU. Selon cet organisme, la partie orientale du continent africain s’étend de la mer Rouge jusqu’à l’Afrique du Sud inclusivement. En ce qui concerne l’Afrique du Nord, elle serait composée essentiellement des cinq pays se situant au nord du Sahara, soit le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Égypte (ONUDC, 2014).

Mondialisation et commerce illégal

Sur le plan des exportations, le poids de l’Afrique dans les échanges économiques mondiaux demeure limité (Coussy, 2003 ; Frémeaux, 2003), ce qui pourrait nous porter à croire qu’elle soit mise à l’écart de la mondialisation. Certains affirment même que l’Afrique serait pénalisée relativement à son intégration dans l’économie mondiale, voire serait victime de la mondialisation (El Moussaoui, 2013). Parmi les séquelles identifiées qui sévissent sur le continent et attirent l’attention internationale, on souligne les pandémies, l’épidémie de VIH ou les guerres civiles. Pour la majorité des économistes, il s’agit donc d’une sorte d’oubliée de la mondialisation. Dans son histoire reliée au reste de la planète, il est de notoriété publique que de nombreux fléaux existant depuis des siècles y sont passés sous silence : trafic d’esclaves, colonisation, travail forcé, exploitation intensives des ressources naturelles, dépendance persistante après les indépendances. Pour Bayart (1997) et Botte (2002), ces déplacements de ressources humaines et matérielles ne seraient pas en marge de la société, ils seraient plutôt un mode d’insertion dans l’économie mondiale.

Afrique : commerce et drogue

Les racines historiques de l’Afrique seraient celles d’un vaste marché (Martin, 2009). En 2013, la Banque mondiale présentait l’Afrique comme étant composée d’États et de bureaucraties plus étouffeurs que protecteurs en matière de commerce légal. Selon la Banque mondiale, les entrepreneurs ne pourraient librement y faire prospérer leurs affaires et ainsi produire le développement économique légal de leur nation. Par exemple, en Afrique subsaharienne, lancer une entreprise officiellement coûterait 100 % du revenu annuel de l’entreprise (Banque mondiale, 2013). Pour se conformer à cette règle, la plupart des entreprises ne pourrait pas survivre à leur première année de vie. Pour contrer cette problématique, les entrepreneurs sont forcés d’évoluer sur les marchés illégaux. Prise dans une spirale, l’informalité ainsi obligée empêcherait le développement économique légal tout en suivant les routes de commerce légales. En effet, si le développement d’une région peut se mesurer aux exportations de marchandises et à l’offre de services, dans le cas africain, ces secteurs ne représentent que 3 % du total au niveau mondial (Coussy, 2003). Selon Affinnig (2002), le commerce illégal de drogues serait quant à lui fondé sur le même système capitaliste global basé sur les innovations technologiques et sur les processus entrepreneuriaux.

En d’autres termes, le faible taux de développement économique légal en Afrique laisse la place à un autre type de marché. Les marchés illégaux y seraient florissants et leur mondialisation également (El Moussaoui, 2013). Selon Antil (2009), la question des trafics illégaux (d’esclaves, de diamants, etc.) n’est pas nouvelle dans la zone, et elle doit être replacée dans les contextes politiques et économiques de la région. Il reste que selon le Rapport mondial sur les drogues (2013), l’Afrique serait de plus en plus vulnérable au trafic de drogue et au crime organisé, entres autres parce que de nouvelles routes illégales se sont établies sur le continent soutenue par la production et la consommation de substances illégales. Cela exacerbe l’instabilité politique et économique de plusieurs pays d’Afrique.

Certains auteurs accusent la présence d’organisations criminelles, la forte urbanisation ainsi que la diffusion d’une culture hédoniste comme autres facteurs qui auraient contribué à la création et au développement d’un marché africain de la drogue (Agenzia Fides, 2007).

Présence différenciée de la drogue selon les régions d’Afrique

Un regard sur la problématique mondiale du trafic de drogue en augmentation, porte, dans un premier temps, à catégoriser l’Afrique comme étant un lieu de transit et un marché résiduel pour les drogues comme la cocaïne et l’héroïne (Sun Wyler et Cook, 2009). Dans un deuxième temps, la principale production locale de stupéfiants est celle du cannabis (Commission ouest-africaine sur les drogues, 2013). L’Afrique représente 27 % de la production mondiale de cannabis et les principaux producteurs sont le Maroc (3,700 tonnes), l’Afrique du Sud (2,200 tonnes) et le Nigéria (2,000 tonnes) (ONUDC, 2003). Jusqu’au début des années 1990, l’Afrique toute entière semblait relativement en marge des routes transnationales de drogue (Affinnih, 2002). En 1990, 16 % du total mondial des saisies de cannabis avait lieu en Afrique, mais cette donnée a atteint 20 % en 2002, puis 31 % en 2004. L’augmentation des saisies de cannabis en Afrique s’expliquerait surtout par l’accroissement des contrôles de police et de douanes effectués par le Nigéria et l’Afrique du Sud (ONUDC, 2004).

Le point tournant semble se situer en 1993 en ce qui a trait aux autres drogues. En effet, c’est à ce moment que la première saisie de 300 kg d’héroïne provenant de la Thaïlande est effectuée au Nigéria. Depuis, l’Afrique de l’Ouest est de plus en plus impliquée dans le trafic de drogues. Un changement structurel voit le jour : les petits contrebandiers existants sont remplacés par des membres de gangs africains, notamment nigériens, qui transigent avec des organisations analogues sur d’autres continents (ex. : gangs mexicains et colombiens pour le trafic de cocaïne) (Perras, 2009).

Tullis (1991) et Williams (1994) ont déjà documenté des alliances entre les organisations criminelles nigériennes, la mafia mexicaine et les réseaux de trafic asiatiques. Par exemple, dans le cas de la cocaïne, un rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants de 2001 affirmait que les cartels de la drogue de l’Afrique occidentale avaient trouvé de nouveaux contacts en Amérique latine pour ainsi étendre le trafic de la cocaïne à toute la région de l’Afrique subsaharienne. Quelques années plus tard, il est documenté qu’ils ont réussi à faire passer leur trafic par des pays de l’Afrique de l’Est tels que le Kenya, et ce, en utilisant leurs contacts dans le domaine du haschich et de l’héroïne (Beckerleg, Telfer et Lewando Hundt, 2005). Il s’agit d’un tournant important dans la stratégie du trafic de narcotiques mondial, qui voit l’Afrique occidentale, puis l’Afrique de l’Est, devenir des régions pivot pour la distribution de différentes drogues dans d’autres régions (Agenzia FIDES, 2007). Pendant ce temps, l’Afrique du Nord, plus spécifiquement le Maroc et à plus petite échelle l’Algérie, continuent leur trafic axé principalement sur le cannabis.

Dans les prochaines sections, nous examinerons le cas particulier de trois régions d’Afrique, soit l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique orientale, et l’Afrique du Nord. Nous verrons tout d’abord que l’Afrique de l’Ouest est la région la plus touchée qualitativement et quantitativement par le trafic transnational et la consommation de drogues. L’Afrique de l’Est semble connaître une problématique moins sévère, car plus récemment développée. L’Afrique du Nord est surtout touchée par la production et le trafic de cannabis, principalement au Maroc, et ce, depuis plus longtemps. La situation demeure relativement stable, mais de nouvelles drogues commencent à y être saisies. Nous nous attarderons aux aspects transnationaux davantage qu’aux marchés locaux.

L’Afrique de l’Ouest et les drogues dures

Selon l’ONUDC (2014), l’Afrique de l’Ouest est composé du Bénin, du Burkina Faso, du Cap Vert, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée Bissau, du Libéria, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Nigéria, du Sénégal, du Sierra Leone et du Togo. Ce bloc de pays a une facilité d’accès à l’Amérique, car ils se situent au bord de l’océan Atlantique. La géographie, en plus de la situation politique et économique, sont des éléments de contexte importants pour comprendre la problématique des drogues vécue dans cette région du monde. Les risques de se faire prendre sont également importants dans la prise de décision de ceux qui font le trafic de stupéfiants. Selon un responsable de l’ONUDC (2013), les trafiquants opérant en Afrique auraient évalué les risques de se faire prendre comme peu élevés lorsqu’ils ont décidé de faire transiter la drogue par l’Afrique occidentale, peu policée jusqu’alors. En effet, avant l’an 2010, les autorités douanières européennes et nord-américaines contrôlaient avec moins d’attention les marchandises et les bagages provenant d’Afrique que celles provenant d’Amérique latine, par exemple.

La Commission Ouest-Africaine de Drogues (2014) estime actuellement que le commerce des drogues se chiffre à des centaines de millions de dollars pour la région. Ils qualifient cette situation « d’essor du trafic de drogues », qui intervient alors que la région est toujours dans une période de conflits politiques et, pour certains pays, de violence prolongée. Ils soulignent : « Affaiblis et fragilisés, les institutions étatiques et les systèmes pénaux sont exposés au risque d’infiltration et de corruption par le crime organisé et sont vite dépassés par la rapidité d’adaptation des trafiquants » (Commission Ouest-Africaine de Drogues, 2014, p. 8).

Selon des données de l’ONUDC (2004), les saisies d’opiacés en Afrique ont augmenté de 60 % entre 2003 et 2004. La plus grande partie de cette augmentation était due aux saisies ayant eu lieu en Afrique occidentale. Toutefois, depuis 2009, il semble que les saisies d’héroïne augmenteraient de manière moins importante dans cette région, car d’autres régions d’Afrique moins réglementées seraient devenues plus intéressantes pour les organisations criminelles (OICS, 2011) et puisque la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) continuerait de mettre en oeuvre son Plan d’action régional de lutte contre le problème croissant du trafic illicite de drogues, de la criminalité organisée et de l’abus de drogues en Afrique de l’Ouest (OICS, 2014). Toutefois, on signale toujours des trafics d’héroïne au Nigéria, au Ghana et en Côte d’Ivoire.

En ce qui a trait à la cocaïne, l’importance de l’Afrique occidentale comme point de transit vers les marchés occidentaux a été découverte via le nombre des saisies enregistrées depuis le début des années 2000. Par exemple, les saisies de cocaïne dans toute l’Afrique ont été multipliées par trois entre 2003 et 2004, tandis que les saisies en Afrique occidentale ont plutôt été multipliées par six. En 2004, 50 % des saisies de cocaïne sur le continent sont ainsi survenues en Afrique occidentale. La zone de passage la plus utilisée par les trafiquants de cocaïne est celle du golfe de Guinée alors que les saisies de cocaïne en Afrique représentent seulement 1 % du total mondial des saisies. L’OICS (2011) souligne la difficulté des forces policières locales à intercepter la plus grande partie des flux de cocaïne provenant d’Amérique du Sud (OICS, 2011).

Sun Wyler et Cook (2009) considèrent qu’avant 2005, les saisies de cocaïne sur le continent africain étaient négligeables, soit une tonne par an. Entre 2005 et 2008, c’est plutôt 46 tonnes qui ont été interceptées uniquement dans les pays d’Afrique de l’Ouest ou sur des bateaux à proximité. La problématique semble s’être intensifiée au cours de cette période.

Au-delà de l’instabilité politique, Julien (2011) explique l’augmentation de ce trafic par les difficultés vécues sur les routes qui furent précédemment importantes dans le transport de la cocaïne, soit celles passant par les Caraïbes, les Açores, puis par la péninsule Ibérique ou le nord de l’Europe, ou encore celles du Cap-Vert ou du Madère, passant par les Îles Canaries avant d’arriver en Europe. Ces deux routes seraient de plus en plus dangereuses pour les trafiquants, car la densité de bateaux et la capacité d’observation et d’interception de la part des Européens et des Américains y seraient bien supérieures à ce qu’elles peuvent être sur les côtes des pays d’Afrique de l’Ouest. L’intensification de la surveillance aurait poussé les trafiquants vers une route plus méridionale, qui suit plus ou moins le 10e parallèle nord, d’où son surnom d’« autoroute 10 », partant du Venezuela ou du Brésil vers l’Afrique de l’Ouest (Julien, 2011). Cet auteur estime que 15 % de la production mondiale de cocaïne transite désormais par l’Afrique de l’Ouest.

Dans le sens inverse, mais avec la même destination vers le marché européen, et même américain, l’appartenance du Nigéria au Commonwealth aurait permis aux mafias nigériennes de nouer d’étroites relations commerciales avec le monde consommateur anglo-saxon ainsi qu’avec l’Inde, producteur d’opium et d’héroïne (Commission ouest-africaine sur les drogues, 2013). Ces groupes se sont spécialisés dans les envois de grands nombre de personnes qui transportent de la drogue en l’ingérant, communément appelées « mules », sur différentes lignes aériennes à destination de l’Europe. Ils s’associent aux Latino-Américains en Afrique de l’Ouest, mais peuvent, notamment en s’appuyant sur la diaspora nigériane présente au Brésil, aller directement chercher de la cocaïne en Amérique latine (Julien, 2011).

En 1992, les découvertes de cocaïne dans l’aéroport de Lagos sont si importantes que les autorités nigériennes suspendent les vols directs avec Rio de Janeiro. Dès lors, les trafiquants nigériens sont considérés comme les principaux vecteurs de la drogue, une véritable industrie au service du commerce de l’héroïne et de la cocaïne. Ils sont présents dans tous les points clés de la production et du trafic des drogues. Certains compatriotes résidant à l’étranger ont formé des clans criminels comparables à ceux des colombiens, des turcs et des chinois. Déjà en 1995, les autorités américaines estimaient que 50 % de l’héroïne circulant dans leur pays étaient introduits par les nigériens.

De plus, des laboratoires de méthamphétamine ont été découverts dans la région, notamment au Nigéria (OICS, 2014). Pour Aning et Poko (2013), la corruption, parfois au plus haut niveau, y est pour beaucoup :

Les saisies et arrestations récentes dans plusieurs pays ouest-africains ont mis en lumière à quel point le travail des réseaux de trafiquants est facilité par des hommes d’affaires, des responsables politiques, des membres des forces de l’ordre et du pouvoir judiciaire

Aning et Poko, 2013, p. 5

Le Ghana vivra également les conséquences du transit par l’Afrique occidentale. Des statistiques diffusées par les autorités locales révèlent qu’en une seule année les saisies de cocaïne ont été multipliées par 40, passant de 15 kg en 2003 à 617 kilos en 2004. Entre 2003 et 2004, les saisies de cocaïne ont augmenté de 18 % au niveau mondial et de 4000 % au Ghana. Il s’agit d’une donnée significative qui montre une augmentation disproportionnelle dans ce pays. Durant la même période, les saisies de cocaïne ont été multipliées par trois en Afrique, passant de 1,1 tonne à 3,6 tonnes (ONUDC, 2004).

Dans les années suivantes, le Ghana demeure un important point de passage de la cocaïne en Afrique occidentale. En novembre 2005, la police du Ghana a ainsi saisi 588 kilos au cours d’une perquisition d’une habitation à East Lagon. En avril 2006, 2,310 kilos de cocaïne ont été découverts à bord du bateau MV Benjamin.

Un autre pays préoccupant est la Guinée-Bissau. En juin 2007, le magazine américain Time faisait sa page couverture sur ce petit pays inconnu de la grande majorité de ses lecteurs. La situation était déjà connue des experts, mais c’est à ce moment-là que l’opinion internationale a découvert que cette région, déjà connue pour être une plaque tournante de la résine de cannabis et de l’héroïne, était devenue une zone de transit pour la cocaïne latino-américaine vers l’Europe. À cette époque, le représentant régional de l’ONUDC, Antonio Mazzitelli, se démenait pour alerter les gouvernements africains et occidentaux sur le danger d’une implantation durable des cartels de la drogue dans cette partie du monde. Les saisies de cocaïne au large des côtes ouest-africaines, principalement le fait des marines occidentales, s’étaient chiffrées à 7,5 tonnes sur le cargo South Sea en 2003, à 3,7 tonnes sur l’Opnor, un bateau se dirigeant vers le Sénégal en octobre 2007, à 2,5 tonnes sur le navire Blue Atlantic, au large du Liberia en janvier 2008, puis à 3 tonnes sur le cargo le Junior, au large de la Guinée.

Les trafics de cocaïne en Guinée-Bissau sont liés à ceux qui passent par le proche Sénégal, comme l’a montré l’opération effectuée en juin 2007 par la police de Dakar. Plus de deux tonnes de cocaïne y ont été saisies. Sur le voilier, les enquêteurs ont trouvé une documentation qui prouve que les trafiquants de narcotiques utilisent désormais la Guinée-Bissau comme dépôt de transit de la cocaïne provenant d’Amérique latine et à destination de l’Europe. De même, la nationalité de ceux qui ont été arrêtés montre la mesure d’internationalisation des organisations criminelles consacrées au trafic de narcotique. Outre trois citoyens sud-américains et une citoyenne française, la police a arrêté trois sénégalais (Lapaque, 2013). Les autorités sénégalaises ont confirmé qu’il n’y avait pas de dépôts de cocaïne dans leur pays, mais ont admis l’infiltration de groupes criminels étrangers. Entre janvier et juin 2007, la police sénégalaise affirme avoir saisi 44 kilos de cocaïne à l’aéroport de Dakar et avoir arrêté une trentaine de courtiers de drogue, dont la plupart étaient nigériens.

Durant la dernière décennie, les initiatives se sont multipliées pour empêcher le trafic. La mise en place du MAOC-N (Centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants) est le fruit d’une initiative française lancée en 2002. Elle a contribué à enrayer l’acheminement des quantités de cocaïne à bord de cargos à destination de l’Afrique. En 2008, puis en 2010, la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest a adopté une série d’initiatives et un plan d’action régional. Pour appuyer ce plan, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest a lancé l’Initiative interinstitutions des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, visant à renforcer les capacités de lutte contre le trafic en Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Libéria et Sierra Leone. D’autres projets ont vu le jour, comme le Programme de contrôle des conteneurs (ONUDC et OMD) au Ghana et au Sénégal, ou encore le programme Aircop (ONUDC, Interpol et l’OMD), qui visent à renforcer les contrôles et le partage d’informations entre huit aéroports le long des routes du trafic en Afrique de l’Ouest, au Brésil et au Maroc.

Pour enquêter sur les cas de corruption des policiers, le ministère de l’Intérieur du Ghana a créé une Commission d’enquête qui prend le nom de sa présidente, Georgina Wood. Elle a porté des charges importantes contre les forces de police et la magistrature locale. Le « Georgina Wood Committee » est né à la suite des deux importantes saisies de cocaïne, dans lesquelles il s’est avéré que plusieurs membres des forces de l’ordre étaient impliqués. Parmi les recommandations, il y a celle d’augmenter la surveillance des côtes du pays à travers le renforcement des services de patrouille de la marine et de l’aéronautique d’une part, et d’autre part la création d’un service de garde-côtes indépendant.

« La stratégie européenne face au trafic de drogue pour 2013-2020 classe l’Afrique de l’Ouest comme troisième région prioritaire, après le Nord-Ouest de l’Europe et les Balkans de l’Ouest », indique le document de travail de la Commission Ouest-Africaine de Drogues (2013). Une mobilisation qui s’explique notamment par le fait que « les groupes criminels ouest-africains sont de plus en plus impliqués dans la distribution de l’héroïne et sont également connectés au trafic de cocaïne en Europe ». En 2011, le G8 a produit une déclaration et un plan d’action, en mettant l’accent sur l’Afrique de l’Ouest. En toile de fond, les craintes quant à l’ampleur du trafic au Sahel et ses liens éventuels avec le terrorisme. En effet, ces diverses problématiques ont des répercussions négatives et inquiétantes sur la santé des populations locales ainsi que sur la stabilité, la sécurité et le développement des pays du Sahel.

Durant la dernière décennie, Interpol et plusieurs pays occidentaux ont renforcé leur engagement dans la région. En plus de la présence d’officiers de liaison antidrogue dans certains pays, la France multiplie les actions de coopération et de formation à la lutte contre le trafic, notamment au Sénégal, au Mali, au Togo et au Bénin. La Grande-Bretagne a lancé l’opération Westbridge au Ghana puis au Nigéria, une coopération étroite qui va jusqu’à la rémunération d’agents antidrogue ghanéens par les services antidrogues. Les États-Unis ont eux aussi fait de l’Afrique de l’Ouest une priorité. La DEA dispose de bureaux au Ghana et au Nigéria, avec le projet d’en implanter un au Sénégal, souligne le document de travail de la Commission Ouest-Africaine de Drogues (2013).

Dans ce contexte, plusieurs pays ouest-africains ont entrepris de revoir leurs législations antidrogue. D’autres ont créé ou renforcé leurs unités spécialisées avec un certain succès, notamment au Ghana et au Nigéria. Pour autant, la Commission Ouest-Africaine de drogues estime que le bilan est encore mitigé. Certes, les saisies maritimes record de cocaïne sont désormais rares, mais le trafic est loin d’être enrayé. En 2011, selon le secrétaire général de l’ONUDC, près de 30 tonnes de cocaïne et environ 400 kg d’héroïne auraient transité par l’Afrique de l’Ouest.

Ces mêmes experts soulignent que les résultats des ambitieux programmes antidrogues lancés ces dernières années sont parfois décevants. Leur mise en oeuvre se heurte à toute sorte d’obstacles, allant de querelles entre organismes techniques aux moyens insuffisants déployés par les gouvernements pour mettre en application les décisions prises au niveau régional (Aning et Poko, 2013).

Une autre inquiétude soulevée par les experts concerne la consommation de drogue. Il est désormais acquis que l’Afrique de l’Ouest, comme l’Afrique de l’Est, n’est plus seulement une zone de transit pour différentes drogues dures, elle est aussi une zone de destination. Pierre Lapaque (2013) représentant de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest, explique que la consommation de crack, de méthamphétamine et d’héroïne augmente. Isidore S. Obot (2013), auteur d’une étude pour le compte de la Commission Ouest-Africaine de drogues indique :

Le schéma de consommation de drogues illicites dans les pays d’Afrique de l’Ouest se caractérise à l’heure actuelle par une forte prévalence de l’usage de cannabis et des hausses de consommation de cocaïne, d’héroïne et de stimulants de type amphétamine

Obot, 2013, p. 6

Il souligne qu’il n’existe, jusqu’ici, quasiment pas de données fiables sur la consommation de drogues dans la région et que les politiques de lutte contre la toxicomanie sont la plupart du temps inadaptées.

Afrique orientale : la diversité des drogues trafiquées préoccupe

La dernière décennie ayant été marquée par des efforts importants de lutte au trafic de drogues dures en Afrique de l’Ouest, certaines routes de drogues se seraient mises à passer plus systématiquement par la région de l’Afrique de l’Est (ONUDC, 2013). L’ONU définit la partie orientale du continent africain comme s’étendant de la Mer rouge jusqu’à l’Afrique du Sud. Les données disponibles sur l’Afrique de l’Est demeurent peu nombreuses et l’ONUDC est d’avis que la problématique est beaucoup plus sévère que ce que les chiffres disponibles font dire. L’Afrique de l’Est servirait de plus en plus au transit d’héroïne en provenance d’Asie et à destination des marchés d’Afrique du Sud et de l’Ouest. Les bonnes infrastructures de transport en place dans la sous-région auraient facilité l’expédition d’héroïne au moins depuis 2013, comme en témoignent les importantes saisies d’héroïne effectuées en Afrique du Sud. (OICS, 2014). L’OICS (2010) et l’ONUDC (2014) notent que les transits par le Kenya et l’Éthiopie auraient pris de la vigueur.

Le trafic d’héroïne vers et via l’Afrique de l’Est auraient même augmenté dans la dernière décennie et d’importantes saisies ont été signalées par les pays de la région. Comme il est rare que des patrouilles sillonnent le littoral, cela rend l’Afrique de l’Est attirante pour les groupes de trafiquants de drogues et vulnérable en tant que zone de transit des envois d’héroïne. Alors que l’héroïne continue d’être acheminée par voie aérienne, le transport maritime semble être en passe de devenir une autre méthode de contrebande privilégiée par les trafiquants. Entre 2010 et 2013, d’importantes saisies d’héroïne ont été signalées par les gouvernements kenyan et tanzanien ; elles ont représenté près de deux tonnes au total, et ont été effectuées au large des côtes et à l’intérieur des terres. Une tonne supplémentaire d’héroïne a été saisie en avril 2014 par les autorités kenyanes (OICS, 2014).

La quantité de cocaïne saisie a également augmentée ces dernières années en Afrique orientale, ce qui indique une tendance à utiliser cette zone comme point de transit additionnel pour la cocaïne destinée à l’Europe et à l’Asie. Les saisies de cocaïne signalées par les pays d’Afrique de l’Est ont augmenté, notamment en République-Unie de Tanzanie. Entre le 1er janvier 2009 et le 31 août 2014, les autorités tanzaniennes ont saisi plus de 459 kg de cocaïne et arrêté plus de 2 000 personnes. (OICS, 2014). Selon l’ONUDC, on estime que la cocaïne dont il est fait abus au Kenya et en République-Unie de Tanzanie chaque année est d’une valeur de 160 millions de dollars.

Dans la décennie précédente, le Kenya était déjà le principal point de transit de la cocaïne en Afrique orientale. En 2004, 1,1 tonne de cocaïne avait été saisie (ONUDC, 2004). Les enquêtes ont révélé que la drogue était introduite sur le marché britannique avec la collaboration de certains employés infidèles à la compagnie aérienne au Kenya. Les autres pays d’Afrique orientale concernés par ce trafic sont l’Éthiopie, le Botswana, la Zambie et l’Afrique du Sud. Selon le centre des études sud-africaines, 300 organisations criminelles internationales sont impliquées dans le trafic de narcotiques en Afrique du Sud et dans les pays voisins d’Afrique orientale.

Pour ce qui est du cannabis, sa culture au Kenya ce serait transformée ces dernières années en une véritable entreprise commerciale illicite étendue à la dimension internationale. La drogue serait le plus souvent cachée parmi les cultures traditionnelles destinées à l’alimentation. Les régions côtières sont également devenues productrices de cannabis. C’est là que se sont installés plusieurs agriculteurs provenant de l’arrière-pays. Ils y ont trouvé des endroits fertiles et peu surveillés par la police, et un marché constitué par la population locale et par les touristes.

Relativement à la production de drogues synthétiques, l’Afrique orientale serait un point de transit du méthaqualone (Mandrax) provenant de l’Inde et destiné au marché sud-africain (Lapaque, 2013). Ces dernières années, la réduction du Mandrax provenant de l’Inde a généré une production locale de cette substance. Des laboratoires clandestins utilisés pour la fabrication de cette drogue ont été découverts dans plusieurs pays d’Afrique orientale. Les laboratoires découverts au Kenya et en Tanzanie étaient de petits centres où la poussière de Mandrax provenant de l’Inde était transformée en comprimés. Dans d’autres cas on s’est trouvé devant une véritable officine pour la fabrication du Mandrax, avec des précurseurs chimiques dont la provenance est inconnue.

La production de drogues synthétiques resterait limitée en Afrique, sauf en Afrique du Sud où la fabrication de métamphétamines a augmenté ces dernières années. La découverte de laboratoires clandestins confirme cette tendance. On est en effet passé de la découverte et du démantèlement d’un laboratoire par an, pendant la période 1995-1999, à 17 entre 2000 et 2003, et jusqu’à 28 démantèlements en 2004. Une autre donnée qui montre l’augmentation de l’utilisation de drogues synthétiques en Afrique du Sud est celui de l’augmentation des saisies d’ecstasy. En 2004, il y a eu une augmentation de 385 % des saisies par rapport à l’année précédente (ONUDC, 2004).

Les organisations de trafiquants de narcotiques se sont intéressées à l’Afrique orientale principalement pour ses infrastructures portuaires et aéroportuaires. La longueur des côtes et l’ampleur des flux touristiques sont également en cause. Ces éléments permettent de cacher les trafics de drogue. Le Kenya a le plus grand port commercial de la région, Mombasa, qui dessert la plus grande partie des pays privés d’accès direct à la mer, tandis que l’aéroport de Nairobi est l’un de ceux où le trafic est le plus important dans la région. Les réseaux de trafic de narcotique étendent leurs activités en Ethiopie, en Tanzanie et en Ouganda. Ces pays sont utilisés comme points de transit pour la drogue envoyée au Kenya, Afrique du Sud et Afrique occidentale. De ces régions, ils partent vers l’Europe et l’Amérique du Nord (Lapaque, 2013).

L’Ouganda est également particulièrement concerné depuis au moins 25 ans par le trafic et la consommation de stupéfiants. Selon un récent rapport de l’ONUDC (2013), « l’Ouganda est devenu le pays leader dans le trafic et dans la consommation de drogue par rapport au reste des états d’Afrique orientale ». Parmi les drogues présentes sur le marché illicite ougandais, il y a le cannabis, l’héroïne, la cocaïne et le mandrax. Selon l’ONUDC (2013), l’augmentation de la consommation de stupéfiants est due aux deux décennies de conflits armés et au manque de lois, qui ont gravement endommagé l’infrastructure des forces de l’ordre. Cette dernière se retrouvant affaiblie, moins de moyens sont à disposition pour s’occuper des problématiques de consommation de stupéfiants. Dans ce contexte, moins de prévention et d’interventions sont possibles. De plus, le rapport observe que les conditions climatiques de tout le territoire ougandais sont favorables à la culture du cannabis.

Malgré les efforts du Congrès national africain pour contrôler les frontières du pays, l’Afrique du Sud est devenue le principal point d’entrée de la drogue en Afrique. Le pays n’est pas seulement un grand producteur de cannabis. C’est aussi un corridor à risque relativement limité pour les trafiquants, estime Peter Gastrow, de l’Institut des études de sécurité (ISS). Le succès des syndicats du crime reposerait en partie sur leur pénétration des échelons moyens et supérieurs des gouvernements provinciaux et de la police, affirme ce chercheur (Gastrow, 2014).

En ce qui concerne la consommation de drogues dures, il est bien établi qu’elle a beaucoup augmentée en Afrique de l’Est depuis le début des années 2000 (Beckerleg, Telfer et Lewando Hundt, 2005). En plus d’être une zone de transit, les pays de la région sont devenus un nouveau marché de consommation pour les stupéfiants et en particulier pour la cocaïne. En Zambie par exemple, 80 % de la cocaïne qui arrive dans le pays est transférée en Europe. Les 20 % restant sont consommés localement (OICS, 2010).

L’Afrique de l’Est est donc marquée par de multiples trafics de drogues illégales. À la lumière des données présentées, il semble qu’une diversification importante des drogues trafiquées est à l’oeuvre en Afrique de l’Est. Cette partie du monde demeure un lieu de production mais aussi de consommation.

L’Afrique du Nord : le trafic de cannabis est toujours présent

L’Afrique du Nord est composée de cinq pays, soit le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Égypte. Le Maroc, même si sa production a fortement diminué ces dernières années, demeure le premier producteur mondial de résine de cannabis, avec environ 21 % du total (UNODC, 2011). En effet, la production a chuté de 3 060 tonnes en 2003, à 1 066 tonnes en 2005 et à un peu moins de 1 000 tonnes en 2008. Grâce à l’engagement des autorités marocaines, la production locale de cannabis aurait donc beaucoup diminuée dans la dernière décennie. L’enquête conduite en 2004 par l’ONUDC a également permis de constater une baisse de 10 % des terres cultivées en cannabis, par rapport aux chiffres de 2003. En 2005, on a noté une diminution supplémentaire de 37 %. Cette diminution serait due en grande partie à la répression policière. Le combat a été mené contre cette production, car elle est perçue comme un énorme problème social au Maroc. En effet, environ 800 000 Marocains dépendaient directement ou indirectement du revenu de cette production (Julien, 2011).

Plus largement, l’Afrique du Nord demeure la région où sont saisies les plus grandes quantités de résine de cannabis et, selon l’ONUDC (2014), ces quantités ont continué d’augmenter. Durant la dernière décennie, les saisies les plus importantes qui aient été réalisées dans la région ont été signalées par l’Algérie, où elles sont passées de 53 tonnes en 2011 à plus de 211 tonnes en 2013. Le Maroc arrive au deuxième rang, avec 126 tonnes en 2011 et 137 tonnes en 2012. En 2012, le Maroc avait réalisé 11 % des saisies mondiales de résine de cannabis ; ce chiffre serait de 12 % en 2013. D’autres pays d’Afrique du Nord ont également déclaré des saisies de résine considérables. Par exemple, en 2013, les autorités égyptiennes en ont saisi plus de 212 tonnes, dont 80 tonnes avaient été acheminées clandestinement depuis le Maroc sur des bateaux de pêche (OICS, 2014). Toutefois, il semble que les préférences européennes et nord-américaines vont de plus en plus à l’herbe de cannabis, et ce produit serait de plus en plus produit localement. Les experts s’attendent donc à ce que le marché nord-africain de résine diminue, au moins en ce qui a trait au trafic international (International Drug Policy Consortium, 2015).

Outre le transport direct vers l’Espagne, les barons du haschich marocains font alliance avec les Algériens pour exporter leur marchandise vers l’Europe, le Proche et le Moyen-Orient. Dans son article, Salima Tlemçani a ainsi décrit en détail l’organisation du trafic en Algérie telle qu’on l’a découverte au moment de l’affaire Ahmed Zendjabil, surnommé le Pablo Escabar du haschich. Le réseau algérien, dont la tête était à Oran, bénéficiait comme au Maroc de très hautes protections (chef de la sûreté de la wilaya, parquet, douaniers, classe politique, etc.). Trois routes existaient : Oran-Alger-Marseille/Alicante ; Oran-Ketama-Sebdou-Mechia-Naama-Adrar-Libye ; Oran-Sidi Bel Abbes-Mascara-Tiaret-Sétif-Tebessa-Tunisie. Au faîte de sa puissance, vers 2003, ce réseau aurait exporté jusqu’à 900 tonnes de résine de cannabis depuis l’Algérie (Julien, 2011).

D’autres drogues illégales sont maintenant trafiquées en Afrique du Nord. En effet, en 2009 et 2010, les saisies d’héroïne auraient augmenté dans les pays d’Afrique du Nord, notamment l’Égypte et la Libye. Aussi, la consommation d’opiacés, de cannabis et de cocaïne sont en augmentation depuis au moins 2012 (OICS, 2013), et ce, dans tout l’Afrique du Nord. C’est en Égypte que la consommation d’héroïne est la plus élevée. Une demande importante pour le cannabis a également été découverte. Selon le World Drug Report (2013), la consommation d’autres drogues illicites en Afrique du Nord est demeurée stable dans la dernière décennie.

Ces dernières années, le trafic en Afrique du Nord est donc demeuré principalement axé sur la résine de cannabis. L’héroïne commence à être trafiquée et d’autres drogues voient leur consommation augmenter, ce qui est un indicateur de trafics locaux.

Conclusions

Le continent Afrique fait l’objet de préoccupations (ONUDC, 2014) sur plusieurs plans et le contexte de la mondialisation contribue au déplacement de certaines de ces problématiques vers et dans cette zone. Toutefois, certaines régions documentent mieux l’évolution du marché de drogues. L’Afrique de l’Ouest détient de meilleurs moyens pour suivre l’évolution de la problématique et y faire face, que les deux autres régions étudiées ici. En effet, peu de statistiques sont disponibles sur ces deux dernières régions, probablement car les problématiques sont plus récentes. Il est donc difficile d’avoir un portrait plus précis du problème pour le moment.

Il est possible de dire qu’une importante proportion du trafic passe désormais par l’Afrique. Les routes illégales comportent maintenant plus souvent un arrêt par au moins un pays d’Afrique. Par exemple, des drogues produites en Amérique du Sud peuvent se rendre en Europe par le biais de l’Afrique, et vice versa. L’inclusion des pays d’Afrique dans le trafic illégal de substances psychoactives a eu pour effet de maintenir l’internationalisation de ce trafic. Toutefois, ce passage par le continent africain a des effets pervers pour sa population. En Afrique orientale, le trafic et la consommation de cocaïne et d’héroïne semblent être en pleine expansion. L’Afrique de l’Ouest a également subit ces augmentations. Le polytrafic et la polyconsommation sont désormais importants. L’Afrique du Nord est encore relativement peu touchée, mais les problématiques reliées aux drogues illégales semblent être en augmentation.

Le commerce illégal de drogues sur le continent africain met à profit les avantages offerts par la mondialisation. En effet, l’Afrique est désormais un point de transit de plus en plus important pour les organisations de trafic de narcotiques illégaux. Certains accusent le manque d’efficacité des services de police africains (Julien, 2011 ; OICS, 2014), ainsi que la relativement récente prise de conscience du problème de la part des organismes locaux et internationaux. On peut supposer que l’ampleur des saisies de drogue en Afrique ne correspond pas à l’envergure réelle des charges de drogues qui transitent par le continent. Bien que l’Afrique ne soit pas le seul point de passage de la drogue provenant de l’Amérique latine et de l’Asie vers l’Europe et l’Amérique du Nord, elle est vraisemblablement devenue un marché non négligeable pour les réseaux de trafiquants de narcotiques.