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Introduction

Plusieurs individus qui reçoivent de l’aide en centre de réadaptation pour une dépendance, en centre de réadaptation physique ou par l’entremise de services dans la communauté présentent à la fois une problématique de consommation, des antécédents de traumatismes craniocérébraux (TCC) et des déficits cognitifs potentiellement associés à ces deux conditions. La présence simultanée de ces conditions est souvent mal comprise et perçue comme un obstacle au rétablissement. Elle représente également un défi important pour les professionnels de ces milieux de pratiques. En réponse à une demande du milieu clinique, cet article a pour objectif de présenter une démarche visant l’amélioration des services auprès des personnes ayant un TCC et une problématique de consommation.

Plus concrètement, cet article présente un état des connaissances (revue de littérature narrative) concernant les modalités de dépistage, d’évaluation, d’intervention et d’organisation de services ainsi que les résultats d’une consultation réalisée auprès des usagers et professionnels de ces milieux. Il a ainsi été possible de dégager des pistes d’amélioration de l’offre de services pour cette clientèle. Au terme de ces travaux, des recommandations sont proposées pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ces personnes.

Prévalence du traumatisme craniocérébral

Le ministère de la Santé et des Services sociaux estimait en 1999 que plus de 12 000 personnes subissaient un traumatisme craniocérébral (TCC) chaque année et 4 500 d’entre elles étaient hospitalisées pour cette raison. Une étude québécoise plus récente a évalué qu’il y avait eu 3 607 hospitalisations attribuables à un TCC d’origine non intentionnelle au Québec en 2009 (Gagné, Robitaille, Légaré, Goulet, Tremblay et St-Laurent, 2012). Entre 2007 et 2009, les chutes ont constitué la principale cause d’hospitalisation (55 %), suivis des traumatismes associés aux transports, notamment chez les occupants de véhicules à moteur (16 %). Enfin, en 2010-2011, les centres de réadaptation en déficience physique du Québec ont donné des services à 2 495 personnes à la suite d’un TCC, dont 68 % avaient un TCC modéré ou grave (INESSS, 2016).

Prévalence de la consommation au Canada et au Québec

Selon des données tirées de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) de 2017, 78,2 % des Canadiens de 15 ans et plus ont dit avoir bu de l’alcool au moins une fois dans la dernière année, pourcentage qui est demeuré relativement stable depuis 2013 (75,9 %). La prévalence d’usage d’alcool varie d’une province à l’autre. En 2017, c’est toutefois au Québec que la prévalence était la plus élevée (84,2 %). Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2018, 19,1 % des Canadiens de 12 ans et plus ont eu une forte consommation au moins une fois par mois dans la dernière année (une forte consommation correspond à boire cinq verres ou plus en une même occasion chez les hommes et quatre verres ou plus en une même occasion chez les femmes, au moins une fois par mois dans la dernière année).

La consommation de drogues, pour sa part, est moins répandue. Selon l’ECTAD de 2017, le cannabis demeure la substance la plus consommée par la population générale âgée de 15 ans et plus (14,8 %), suivi de la cocaïne/crack (2,5 %), des hallucinogènes (1,5 %) et de l’usage problématique de médicaments d’ordonnance (1,2 %).

La consommation de psychotropes chez les personnes ayant subi un TCC

Plusieurs chercheurs, majoritairement des États-Unis, se sont intéressés à la prévalence de la consommation et des problèmes de consommation avant, pendant et après un TCC. Cependant, il est difficile de dresser un portrait clair de cette prévalence. Les résultats issus des écrits montrent que certains auteurs abordent la prévalence de la consommation de substances en termes de consommation d’alcool, de consommation d’alcool et de drogues ou de consommation de substances combinées. De plus, des distinctions d’ordre méthodologique sont observées, dont l’âge des personnes interrogées, le type de mesures utilisées, le niveau de consommation évalué, etc. Néanmoins, selon les études, de 23 % à 51 % des personnes qui ont subi un TCC étaient intoxiquées à l’alcool au moment de leur traumatisme (Parry-Jones, Vaughan et Miles-Cox, 2006 ; West, 2011).

Chez les personnes ayant été victimes d’un TCC, de 44 % à 79 % présentaient des problèmes liés à l’abus d’alcool avant le traumatisme alors que 21 % à 40 % présentaient des problèmes liés à l’abus de drogues (West, 2011). Parmi les usagers en traitement pour une problématique en dépendance, la prévalence des antécédents de TCC varie de 38 % à 63 % (Corrigan, Bogner, Lamb-Hart, Heinemann et Moore, 2005 ; Walker, Hiller, Staton et Leukefeld, 2003 ; Felde, Westermeyer et Thuras, 2006). McHugo et son équipe (2017), pour leur part, ont dépisté la présence d’antécédents de TCC chez 80 % des personnes inscrites dans un programme de traitement intégré pour des troubles mentaux concomitants aux troubles liés à l’utilisation de substances.

Dans le cadre du présent article, les expressions « problème de consommation » ou « consommation problématique » ont été retenues afin d’englober les différentes terminologies utilisées par les auteurs cités pour discuter de l’intoxication aux substances, de l’usage de substances, du mésusage de substances, des problèmes de consommation ou encore de la dépendance.

Les déficits cognitifs chez les consommateurs d’alcool et de drogues

Tout comme chez les personnes qui ont subi un traumatisme craniocérébral (TCC) et qui ont potentiellement des déficits cognitifs attribuables au traumatisme, la consommation de substances psychoactives peut entraîner différents impacts sur le cerveau (Bates, Buckman et Nguyen, 2013 ; Stavro, Pelletier et Potvin, 2012 ; Syapin, 2011). Les personnes dépendantes à l’alcool présentent davantage des difficultés sur le plan de la mémoire, de l’autorégulation (self-monitoring) et des fonctions exécutives comme l’habileté à planifier, à résoudre des problèmes ou à anticiper les conséquences (Bates et al., 2013). Les personnes qui consomment des drogues au long cours, plus spécifiquement la cocaïne, la méthamphétamine ou le cannabis présentent des déficits au niveau de la mémoire de travail et de la capacité d’attention, au niveau des fonctions cognitives impliquées dans la prise de décision, dans l’inhibition ou la planification des conduites (Stavro et al., 2012 ; Sofuoglu, DeVito, Waters et Carroll, 2013).

La présence de ces déficits, qu’ils soient induits par la consommation ou le TCC, a été associée à une moins grande persistance en traitement (Marceau, Lunn, Berry, Kelly et Solowij, 2016), à une plus faible présence aux rencontres (Bates et al., 2006 ; Copersino et al., 2012, Smith et McCrady, 1991), à des impacts négatifs sur le processus et les mécanismes de changement tels que la motivation au changement (Blume, Schmaling et Marlatt, 2005), le sentiment d’auto-efficacité (Bates et al., 2006), la prise de conscience (Rinn, Desai, Rosenblatt et Gastfriend, 2002) et l’acquisition d’habiletés (Kiluk, Nich et Carroll, 2011 ; Tivis, Beatty, Nixon et Parsons,1995). De plus, ces usagers sont perçus par leurs intervenants comme étant moins attentifs, moins motivés et davantage dans le déni par rapport à leur problème de consommation (Goldman, 1995). L’ensemble de ces éléments témoigne du défi que représente la prise en charge des problèmes de consommation chez les personnes présentant des déficits cognitifs et explique possiblement les impacts mitigés du traitement chez ces personnes, que ces déficits soient induits ou non par la consommation comme telle (Aharonovich et al., 2003, 2006, 2008 ; Fals-Stewart et al., 1993, 1994, 2003 ; Verdejo-Garcia et al., 2012 ; Streeter et al., 2008 ; Turner, LaRowe, Horner, Herron et Malcom, 2009).

Modalités de dépistage et d’intervention

Les publications répertoriées, principalement américaines, ont été regroupées sous quatre grandes dimensions soit ; (1) le dépistage et l’évaluation du TCC, les déficits cognitifs et ceux liés à la consommation de psychotropes ; (2) les guides de pratiques en matière de consommation et de TCC ; (3) l’organisation des services et finalement ; (4) les modalités d’intervention et leur efficacité.

1. Dépistage et évaluation du TCC, les déficits cognitifs et ceux liés à la consommation de psychotropes

1.1. Dépistage du TCC chez des consommateurs de psychotropes

Le dépistage du TCC chez des consommateurs de psychotropes est plus complexe compte tenu des impacts de la consommation sur le fonctionnement des individus. Néanmoins, le Health Resource and Services Administration (HRSA, 2006) a recensé des instruments de mesure permettant le repérage du TCC par les professionnels issus de différentes disciplines. Bien que ces instruments n’aient pas fait l’objet d’études de validation et qu’ils soient en anglais, ils présentent tous des questions similaires pour documenter les antécédents du TCC, soit :

  • Avez-vous déjà été blessé à la tête ou au cou ?

  • Avez-vous déjà perdu connaissance à la suite d’une blessure à la tête ou au cou ?

  • Avez-vous observé des changements dans votre comportement à la suite d’une blessure à la tête ou au cou ?

  • Avez-vous éprouvé des difficultés de concentration, d’organisation de votre pensée ou de mémoire à la suite d’une blessure à la tête ou au cou ?

Corrigan et Bogner (2007b) sont les seuls, à notre connaissance, à avoir réalisé une étude portant sur la validité prédictive et la fidélité d’un outil, le Ohio State University TBI Identification Method (OSU-TBI form) auprès d’un échantillon d’usagers engagés dans deux programmes de traitement pour un trouble lié à l’utilisation de substances. Cet instrument correspond à une entrevue structurée qui permet de documenter le ou les traumatismes crâniens survenus au cours de la vie à la suite d’un accident (voiture, moto), d’un coup reçu à la tête ou au cou (bagarre, chute) ou en contexte d’exposition répétée relié à la violence, de sports de contact ou de missions militaires. Pour chaque traumatisme, l’outil documente l’âge où l’événement s’est produit, s’il y a eu altération de l’état mental (étourdissement, désorientation, etc.), perte de mémoire, perte de conscience et la durée de cette perte de conscience. Les analyses en lien avec l’historique des TCC et différentes conséquences associées (performance cognitive, habiletés sociales, etc.), ont permis de dégager des résultats prometteurs quant à la validité prédictive de l’outil.

1.2 Dépistage des déficits cognitifs associés à la consommation ou au TCC

Compte tenu des impacts des déficits cognitifs ponctuels ou persistants, associés à la consommation de psychotropes ou au TCC sur l’issue du traitement, Wadd et ses collègues (2013) ainsi que Hill et Colistra (2014) recommandent de procéder au dépistage systématique des déficits cognitifs pour assurer une réponse adaptée aux besoins des personnes concernées. Le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) développé par l’équipe de Nasreddine (2005) est un outil de dépistage rapide (10 minutes) des déficits cognitifs légers sur le plan de l’attention, de la concentration, des fonctions exécutives, de la mémoire, du langage, des capacités visuoconstrutives, des capacités d’abstraction, du calcul et de l’orientation. Plus récemment, Marceau et ses collègues (2016) et Pelletier, Alarcon, Ewert, Forest, Nalpas et Perney (2018) ont démontré la pertinence de son utilisation auprès des personnes en traitement pour une problématique en dépendance présentant, entre autres, des antécédents de TCC. Cet outil est traduit en plusieurs langues, dont le français.

1.3 Dépistage des problèmes de consommation chez les personnes ayant subi un TCC

Sur le plan du dépistage de la consommation d’alcool et de drogues, de nombreux outils de mesure existent. Toutefois, seulement quelques outils d’évaluation de la consommation ont été validés auprès des personnes ayant subi un TCC (SASSI-3, CAGE, BMAST, DAST). Chacun de ses outils présente ses forces et ses limites, selon que la consommation d’alcool ou de drogues soit évaluée. De plus, la population présentant un TCC est une population hétérogène qui présente des niveaux d’atteinte fonctionnelle variables, rendant parfois difficile l’utilisation d’outils trop longs ou dont la formulation des questions est trop complexe. Par ailleurs, utiliser différents outils simultanément et consulter les membres de l’entourage, avec le consentement de la personne, sont des stratégies à envisager pour dresser un portrait complet de la consommation de la personne.

2. Guides de pratiques

En 1998, le Substance Abuse and Mental Health Services Administration publiait un guide de pratique sur le traitement des troubles liés à l’utilisation de substances chez les personnes présentant un handicap physique et cognitif (SAMHSA, 1998). Ce guide se voulait une synthèse de recommandations issues d’un consensus d’experts, à la lumière des connaissances publiées et de leurs expériences sur le terrain, à titre de cliniciens, gestionnaires et chercheurs.

Depuis, d’autres guides se sont appuyés à la fois sur des consensus d’experts et une recension des études notamment dans le domaine des dépendances ou du TCC. Il est recommandé d’utiliser une approche de réadaptation interdisciplinaire, centrée sur la personne, qui permet une offre de services intégrés et coordonnés, tout en ciblant des objectifs spécifiques pour les personnes présentant un TCC avec l’implication et le soutien de leur entourage. Les auteurs recommandent aussi de procéder au dépistage systématique de la consommation et de ses antécédents ; à l’arrêt de celle-ci, et ce, durant la période de réadaptation physique ; à la mise en place de stratégies de collaboration et à la réduction des méfaits pour la clientèle qui maintient sa consommation. Enfin, il faut assurer la formation et la sensibilisation du personnel qui oeuvre auprès de cette clientèle ; au dépistage de TCC et des déficits cognitifs chez les personnes dépendantes, et la mise en place de stratégies favorisant leur engagement et le maintien en traitement (Corrigan et al., 2005 ; Corrigan et al., 2007a ; INESSS, 2016 ; Marshall et al., 2012 ; ONF, 2013 ; Rees et Porter, 2013 ; Scottish intercollegiate guidelines network, 2013 ; Wiart, Luauté, Stefan, Plantier et Hamonet., 2016).

En outre, dans le domaine des traitements en dépendance, Wadd et ses collègues (2013) ainsi que Hill et Colistra (2014) ont recensé différentes stratégies pour adapter le traitement en toxicomanie auprès des personnes présentant différents types de déficits cognitifs. Leurs travaux ont mis en évidence le type de signes, symptômes ou conduites qu’on peut observer chez des personnes qui présentent différents types de déficits au plan cognitif (difficultés d’attention, de concentration et de vitesse de traitement de l’information ; difficultés au plan de la mémoire ; de la planification et de l’organisation ; pensée concrète, rigide et persévération ; diminution des capacités d’insight et de conscience de soi), ainsi que le type de stratégies à mettre en place pour composer avec ces déficits en cours de traitement. Par exemple, demander aux personnes de développer leur pensée, pour vérifier leur compréhension des questions ou pour permettre aux membres de l’entourage de contribuer à l’entretien avec le consentement des usagers.

En somme, bien que peu de recommandations spécifiques à la clientèle ayant une problématique de consommation et un TCC apparaissent disponibles, il est possible d’entrevoir la tendance des directives à suivre afin d’améliorer l’accès aux services et l’adaptation de ceux-ci. Il est aussi possible de comprendre qu’envisager des modalités d’accommodements pour favoriser la persistance en traitement et l’acquisition d’information à généraliser est à considérer.

3. L’organisation des services

Au-delà des guides de pratiques, Corrigan (2005, 2006) est le seul, à notre connaissance, à avoir proposé un modèle d’organisation de services pour les personnes présentant un trouble concomitant relié à la présence d’un TCC et d’une problématique de consommation de substances, selon la gravité des problèmes présentés (Figure 1).

Figure 1

Modèle à quatre quadrants des opportunités d’intervention sur les troubles liés à l’utilisation de substances chez les personnes présentant un traumatisme craniocérébral (Corrigan 2005, 2006)

Modèle à quatre quadrants des opportunités d’intervention sur les troubles liés à l’utilisation de substances chez les personnes présentant un traumatisme craniocérébral (Corrigan 2005, 2006)

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Les personnes qui présentent une consommation problématique et un TCC léger font surtout l’objet d’interventions en première ligne, dans les urgences ou les unités de traumatologie (quadrant I). Avec des problèmes plus sévères de troubles liés à l’utilisation de substances (TUS) et de TCC, les opportunités d’intervention sont avant tout, dans les services de réadaptation physique, de réadaptation en dépendance (quadrant II et III) ou dans un programme intégré et de réadaptation du TCC et du TUS (quadrant IV).

La sévérité des problèmes présentés et le contexte dans lequel se déroulent ces interventions déterminent la nature des approches préconisées. Par exemple, dans le quadrant I, l’intervention efficace devra être rapide et brève pour pouvoir s’inscrire à l’intérieur des soins prévus à l’urgence à la suite d’une blessure. Les processus de dépistage et d’interventions brèves ont été spécifiquement conçus pour ce contexte d’intervention. Au niveau du quadrant II, les services de réadaptation physique peuvent procéder à un dépistage systématique des problèmes de consommation, à de l’éducation, de l’intervention brève, tout en assurant une liaison avec les services externes de réadaptation en dépendance au besoin. Pour le quadrant III, la sévérité du problème de consommation nécessite habituellement un traitement plus intensif de cette problématique au sein des services spécialisés en dépendance. Cependant, un dépistage des antécédents de TCC est requis pour identifier les usagers qui profiteraient d’un ajustement des pratiques de réadaptation pour tenir compte des déficits cognitifs, sur le plan des fonctions exécutives par exemple. Finalement, la présence simultanée d’un TCC modéré à sévère et d’un problème grave de consommation nécessite le recours à un programme de traitement spécialisé qui intègre des spécialistes des deux domaines (quadrant IV), à savoir les TCC et les TUS. Ce type de services est malheureusement rarement disponible. La conceptualisation de ce modèle permet, du point de vue de Bogner et Corrigan (2013), d’identifier à la fois les services existants, les adaptations requises au sein des différents services ainsi que les services ou programmes manquants.

4. Modalités d’intervention et leur efficacité

Modèles d’intervention

Jusqu’à ce jour, peu d’études permettent de connaître l’efficacité des modèles d’intervention auprès des personnes consommatrices de substances psychoactives et ayant subi un TCC. Quelques équipes ont élaboré au début des années 1990 des modèles d’intervention adaptés (traitement intégré ambulatoire, intervention de groupe, traitement résidentiel intégré) que l’on pourrait associer au quadrant II et IV du modèle d’organisation de services de Corrigan (2005, 2006). Certains de ces modèles, recensés par Heinemann, Corrigan et Moore (2004), mettent l’emphase sur le développement de comportements incompatibles avec la consommation, la prise en compte du niveau de motivation au changement, l’implication des membres de l’entourage, le recours aux autres ressources de la communauté et la mise à contribution d’un gestionnaire de cas.

Certains ont réalisé des études de cas ou des évaluations préliminaires non contrôlées des impacts de ces modèles de traitement auprès de cette clientèle. Voici une brève synthèse des principaux résultats :

Tableau 1

Synthèse de modèles d’intervention potentiels

Synthèse de modèles d’intervention potentiels

Tableau 1 (continuation)

Synthèse de modèles d’intervention potentiels

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Olson-Madden et son équipe (2012), pour leur part, ont développé le Substance Use and Traumatic Brain Injury Risk Reduction and Prevention (STRRP) qui cible spécifiquement la population des personnes présentant des TCC légers et des conduites à risque, comme la consommation de psychotropes ou toute autre conduite à risque d’entraîner à nouveau un TCC. Cette intervention est manualisée sous la forme d’une intervention de groupe d’une durée de 13 semaines et cible plus particulièrement le quadrant II sur le plan de l’organisation des services (Corrigan, 2005 ; 2006). Ce traitement vise à la fois la prévention des conduites à risque et la réduction des méfaits associés à ces conduites. Il intègre des modalités d’intervention motivationnelles et psychoéducatives centrées sur le TCC léger (gestion des symptômes) et sur la réduction des méfaits et des conduites à risque pour le rétablissement de la personne. L’écoute empathique, l’évaluation du niveau de moti-vation au changement et l’adaptation des interventions en conséquence, le développement d’une discordance entre les conduites à risque de l’individu et ses objectifs ou valeurs, la stimulation d’un sentiment d’efficacité personnelle et de la capacité à changer ses conduites à risque font partie des principales stratégies d’intervention utilisées. L’équipe planifie un programme de recherche pour évaluer l’efficacité et l’efficience de cette modalité d’intervention.

Efficacité des modèles d’intervention

Dans le cadre d’une recension systématique des écrits, Bogner et Corrigan (2013) ont identifié six essais contrôlés publiés entre 1960 et 2012, ciblant spécifiquement l’efficacité des interventions sur les comportements de consommation chez les personnes ayant subi un TCC. Les modalités d’intervention analysées sont l’entretien motivationnel (1 : Bombardier et Rimmele, 1999), l’intervention brève avec l’entretien motivationnel (2 : Sander, Bogner, Nick, Clark, Corrigan et Rozzell, 2012; Tweedly, Ponsford et Lee, 2012), l’intervention centrée sur le développement des habiletés (1 : Vungkhanching, Heinemann, Langley, Ridgely et Kramer, 2007), le counseling motivationnel systématique (1 : Cox, Heinemann, Muranti, Schmidt, Klinger et Blount, 2003) et la gestion intensive de cas (1 : Heinemann et al., 2004). Au terme de leur analyse, les résultats ne montrent pas de différence entre les groupes exposés à l’entretien motivationnel et les groupes contrôles. L’intervention brève avec l’entretien motivationnel, l’intervention centrée sur le développement des habiletés, le counseling motivationnel systématique et la gestion intensive de cas ont toutefois présenté quelques résultats prometteurs. Les auteurs notent cependant différents biais méthodologiques qui limitent la portée de ces conclusions.

Au-delà de l’efficacité des différents modèles de traitement, l’engagement et la persistance de cette clientèle dans les traitements qui lui sont proposés demeurent un enjeu important. Dans cette perspective, Corrigan et son équipe (2005, 2007a) ont mené des travaux sur l’efficacité de différentes stratégies pouvant favoriser l’engagement et la persistance en traitement. Les incitatifs financiers (un chèque-cadeau à la signature du plan d’intervention dans un délai de 30 jours) et la diminution des obstacles (fournir un transport pour se rendre au rendez-vous, payer le stationnement, fournir un endroit où les enfants peuvent être gardés durant le rendez-vous, téléphoner pour rappeler le rendez-vous) favoriseraient l’engagement au traitement, et ce, davantage que l’entretien motivationnel (Corrigan et al., 2005). Dans une étude additionnelle, les incitatifs financiers et la diminution des obstacles présentaient aussi un plus haut taux de rétention en traitement comparativement à l’entretien motivationnel. Toutefois, ces stratégies n’auraient pas d’effet sur l’alliance thérapeutique (Corrigan et al., 2007a). Ces résultats permettent de penser que les incitatifs et la diminution des obstacles pour l’accès et le maintien en traitement peuvent jouer un rôle important dans les dispositifs de soins auprès des personnes concernées.

En somme, différents modèles d’intervention ont été expérimentés laissant entrevoir des résultats prometteurs sur les habitudes de consommation. Toutefois, les données apparaissent insuffisantes pour permettre d’établir la supériorité de l’efficacité d’un modèle sur un autre.

Afin d’orienter les recommandations visant à mieux répondre aux besoins de ces personnes, en plus de cette revue de littérature, une démarche de consultation a été effectuée auprès des usagers et des professionnels issus des organismes oeuvrant dans le domaine. Plus précisément, le CSSS de Trois-Rivières[1], le centre de réadaptation physique Interval[2], le centre de réadaptation en dépendance Domrémy MCQ[3] et de l’Association des traumatisés craniocérébraux de la Mauricie/Centre-du-Québec ont été rencontrés.

Méthode

La section précédente, se consacrant à l’examen critique des écrits, a abordé la thématique de la consommation de psychotropes chez les personnes ayant subi un TCC, les interactions possibles entre ces deux problématiques, les modalités de dépistage et les traitements adaptés à cette clientèle. Une revue de littérature narrative a été retenue dans le cadre de ce projet (Bertrand et Dagenais, 2012). Quatre banques de données ont été consultées : Psycinfo, Medline, Francis et Social Works Abstract. Une série de mots-clés en lien avec la thématique a été utilisée : « substance use » (substance use or substance misuse or substance abuse or addict* or substance use disorder) « and brain injury » (brain injury or trauma* brain injury or acquired brain injury) « and screening » (screening or treatment or intervention) « and integrated intervention » (integrated intervention or service integration). De plus, la liste de références de chacune des publications retenues a été consultée afin de retrouver tout autre document pertinent. La consultation d’experts et la recherche manuelle de sites pertinents ont conduit à plusieurs publications et à une littérature grise en lien avec la thématique de la recension.

En plus de cette revue de littérature, une démarche de consultation a été effectuée auprès des usagers et des professionnels issus des organismes oeuvrant dans le domaine Dix usagers ont été rencontrés (7 hommes et 3 femmes). Ils sont âgés de 20 à 61 ans (M = 42,6 ans), possèdent une scolarité de niveau secondaire ou professionnel, sont célibataires (n = 6), conjoints de fait (n = 3) ou mariés (n = 1) et possèdent un revenu annuel moyen d’environ 25 000 $.

Cinq équipes d’intervenants et de gestionnaires (pour un total de 25 personnes) ont été rencontrées incluant deux intervenantes dédiées à la clientèle TCC dans leurs organisations respectives. Les intervenants et gestionnaires ont en moyenne 42 ans et possèdent environ 11 années d’expérience dans leur domaine de compétence respectif. Enfin, les participants rencontrés pratiquent comme agent de relations humaines, éducateur, psychoéducateur, psychologue ou neuropsychologue.

Collecte de données

Usagers

Entrevues individuelles semi-structurées

Des entrevues individuelles semi-structurées (Savoie-Zajc, 2009) ont été menées auprès d’usagers (n = 10) qui présentaient des habitudes de consommation et un TCC et qui bénéficiaient d’un suivi dans l’un ou l’autre des services des établissements engagés dans le projet. Les entrevues portaient sur leur perception des impacts de la consommation à la suite de leur TCC, les services qu’ils utilisent, les retombées perçues sur l’amélioration ou non de leur condition et des pistes d’amélioration à mettre en place afin de mieux répondre aux besoins des personnes présentant des habitudes de consommation et un TCC.

Questionnaires

Avant la conduite de l’entrevue, la rencontre a débuté par la passation de questionnaires afin de permettre de documenter les antécédents de TCC, dresser le portrait de la consommation ainsi que le portrait sociodémographique. Les trois questionnaires remplis avant l’entrevue sont :

  • Le questionnaire sociodémographique est un questionnaire maison utilisé dans le cadre d’autres études menées au Centre de réadaptation en dépendance Domrémy MCQ.

  • Le questionnaire de dépistage évaluation du besoin d’aide – Alcool/Drogue (DEBA-A/D) (Tremblay, Rouillard et Sirois, 2003) a été utilisé afin de dresser le portrait des habitudes de consommation.

  • Le Ohio State University TBI Identification Method (Corrigan et Bogner, 2007b) est une entrevue structurée qui permet de documenter le ou les traumatismes crâniens survenus au cours de la vie. Pour chaque traumatisme, l’âge où l’événement s’est produit, s’il y a eu perte de conscience, la durée de cette perte de conscience et la présence ou non de perte de mémoire sont demandées.

Intervenants et gestionnaires

Groupes de discussion

Les 25 intervenants et gestionnaires en provenance de cinq équipes différentes ont été rencontrés par l’entremise de groupes de discussion dans leur établissement respectif (Boutin, 2007). Les thèmes abordés étaient les défis et les enjeux de l’intervention auprès de cette clientèle, les impacts perçus de leurs processus de travail, les retombées du travail de collaboration lorsque possible et les pistes d’amélioration à mettre en place en matière de service.

Entrevue individuelle semi-structurée

Les deux intervenantes dédiées à la clientèle ayant un TCC ont été rencontrées dans leur établissement respectif. Les thèmes abordés portaient sur les défis et les enjeux de l’intervention auprès de cette clientèle, les impacts perçus de leurs processus de travail, les retombées du travail de collaboration lorsque possible et les pistes d’amélioration à mettre en place en matière de service.

Dans tous les cas, dans le but de dresser un portrait des participants, ils ont rempli un questionnaire sociodémographique.

Déroulement du projet

Les entrevues et la passation de questionnaires auprès de la clientèle se sont déroulées du mois d’avril au mois de novembre 2014, duraient de 45 à 90 minutes et ont été enregistrées sur bande audionumérique. Les groupes de discussion réalisés auprès des équipes cliniques se sont déroulés entre le mois d’octobre 2013 et le mois d’octobre 2014, duraient de 60 à 90 minutes et ont été enregistrés sur bande audionumérique. Les entrevues individuelles semi-structurées réalisées auprès des intervenantes dédiées se sont déroulées du mois d’avril à novembre 2014, duraient de 45 à 90 minutes et ont été enregistrées sur bande audionumérique. Dans tous les cas, après avoir expliqué le projet, les participants ont signé le formulaire de consentement. La rencontre a ensuite été conduite par la responsable du projet.

Analyses

Une analyse de contenu a été réalisée sur l’ensemble du matériel qualitatif qui a été transcrit intégralement (L’Écuyer, 1987). Le matériel a été catégorisé selon le modèle mixte, c’est-à-dire que des catégories de départ ont été prédéterminées par les objectifs du projet. Ensuite, des catégories émergentes du matériel ont complété la classification (L’Écuyer, 1987).

Démarche éthique

Le projet a été soumis à trois comités d’éthique de la recherche en raison de son déploiement dans différents organismes et établissements du réseau de la santé (CERT-Domrémy : 2013-157 ; CER-CRPD : 2013-356 ; CER-CSSSTR : 2013-024-00).

Résultats

Synthèse de la démarche de consultation réalisée auprès des usagers et intervenants

Les usagers consultés présentaient des antécédents de TCC et une consommation de substances. Les substances les plus consommées, au moment de participer au projet, étaient l’alcool, le cannabis et les stimulants, le plus souvent combinés. Pour une portion de l’échantillon, la consommation permet de fonctionner au quotidien, comme prendre des stimulants pour combattre la fatigue. Pour d’autres, elle contribue à faire passer le temps. Enfin, pour certains, il s’agit d’un retour aux habitudes de consommation en social (bière ou vin avec les amis). Bien que quelques usagers se soient dits peu ouverts à aborder leurs habitudes de consommation, la majorité des participants ont manifesté une grande satisfaction des services reçus de manière générale. Ils nomment, entre autres, l’engagement du personnel, l’amélioration de leur condition, que soit en lien avec la consommation ou leur rétablissement à la suite du TCC et la possibilité de se référer à leurs intervenants pour toute une gamme de besoins, parfois au-delà de ce qui est prévu. Parmi les pistes d’amélioration, ils ont souligné l’importance de sensibiliser les personnes ayant subi un TCC aux impacts de la consommation de substances sur leur fonctionnement et leur rétablissement. Ils ont manifesté le besoin d’être soutenu dans leur processus de réintégration sociale afin de sortir de leur isolement, et ce, à travers des activités qui présentent un intérêt pour eux et qui utilisent et mettent en valeur leur potentiel. De plus, ils précisent les difficultés pour accéder au traitement en raison de la distance géographique et encouragent à aborder la consommation de substances avec les usagers sous l’angle de la réduction des méfaits plutôt que dans une perspective d’abstinence.

Chez les intervenants consultés, aborder les habitudes de consommation varie d’un intervenant à l’autre selon l’aisance (intervenants d’autres secteurs que la dépendance). Chez les intervenants en dépendance, aucun outil ne permet de documenter les antécédents de TCC, à moins d’être autorapporté par l’usager. Par ailleurs, l’ensemble des intervenants consultés de toutes les organisations impliquées dans le projet ont souligné, pour leur part, le défi que représente le travail auprès de ces usagers. Ils se sentent en général peu équipés pour travailler auprès de cette population. Les différents secteurs concernés n’ont pas d’orientations précises à l’égard de ces usagers. Plusieurs intervenants se disent confrontés à une clientèle qui présente souvent une faible observance au traitement et qui ne reconnaît pas toujours les impacts de la consommation sur leur fonctionnement. Ils considèrent que les tentatives de collaboration entre les différents secteurs contribuent au processus global de réadaptation et soulignent que des améliorations sont requises sur le plan des connaissances, des pratiques, de la collaboration et de l’harmonisation des pratiques.

À la lumière de la revue narrative produite et de la démarche de consultation, un certain nombre de recommandations ont été formulées. Bien que celles-ci s’inspirent en bonne partie des recommandations formulées par l’INESSS en 2016, elles ciblent spécifiquement la prise en charge des personnes ayant une problématique de consommation et un TCC. Enfin, les recommandations ont été regroupées en trois grands thèmes. En voici une synthèse.

Sensibilisation des usagers et de leurs intervenants

  • Faire connaître les liens existants entre la consommation de psychotropes, la survenue de traumatismes crâniens et les impacts des déficits cognitifs secondaires au TCC.

  • Chez les personnes qui ont subi un TCC et qui ne veulent pas mettre un terme à leur consommation, fournir de l’information et des conseils tout au long du continuum de services concernant : les conséquences d’un TCC ; les impacts de la consommation, de l’abus ou de l’intoxication sur le processus de rétablissement ; les interactions possibles entre la consommation de substances et la médication.

Réadaptation et processus de dépistage, d’évaluation et d’intervention

  • Chez toute personne ayant subi un traumatisme craniocérébral, le dépistage en lien avec l’utilisation de substances (consommation actuelle, antécédents d’abus et de dépendance, intoxication au moment de l’accident) devrait être effectué et mené à une référence formelle vers les services spécialisés en dépendance lorsque requis.

    • La consultation des membres de l’entourage ou autres personnes qui oeuvrent auprès de celle-ci (avec son consentement) devrait aussi être envisagée afin d’obtenir un portrait complet des habitudes de consommation lorsque des difficultés cognitives sont suspectées (par exemple, trouble de la mémoire).

  • Le dépistage d’antécédents de TCC devrait être effectué systématiquement chez les usagers présentant une demande de service en dépendance et au besoin, obtenir un consentement à échanger des informations avec d’autres professionnels du secteur de la réadaptation physique afin d’obtenir un rapport d’évaluation formelle du TCC.

  • Favoriser une approche de réadaptation interdisciplinaire, centrée sur la personne et basée sur ses forces, qui s’appuie sur une offre de services intégrés et coordonnés par un gestionnaire de cas.

    • Les méthodes qui se sont avérées efficaces pour chaque personne doivent être clairement documentées à leur dossier pour assurer la continuité et l’efficacité future des interventions auprès de celle-ci, au sein du service ou chez des partenaires.

    • L’approche de réduction des méfaits devrait être envisagée afin de favoriser l’adhésion au traitement et la progression vers l’abstinence.

  • Durant les entrevues, il importe de vérifier la compréhension de l’usager, d’utiliser des indices verbaux et non verbaux pour faciliter la communication, la participation, les apprentissages et la gestion des interactions.

  • Différentes modalités d’accès au traitement devraient être envisagées (téléphonique, à domicile, etc.). La durée des rencontres devrait être flexible en fonction des besoins spécifiques de chacun (plus courte, plus fréquente).

L’organisation des services

  • Favoriser l’adoption d’une politique sur le processus clinique qui met de l’avant l’ajustement des programmes et services aux besoins spécifiques de ces personnes.

  • Définir et opérationnaliser une trajectoire de service qui inclut toutes les parties prenantes et qui couvre l’ensemble du continuum de services.

  • Chez le personnel qui oeuvre auprès de cette clientèle, différentes modalités de formation devraient être envisagées pour favoriser le développement des connaissances, des compétences, le travail en collaboration et la compréhension des enjeux spécifiques à cette clientèle.

  • Prévoir l’ajustement de la durée des suivis en permettant au terme de l’épisode de soins actif, des suivis de faible intensité et de longue durée avec relances ponctuelles pour assurer le maintien des acquis et la prévention des rechutes.

Discussion

L’objectif de l’article était de présenter un état des connaissances et une démarche d’amélioration des services auprès d’une clientèle aux prises avec une problématique de consommation et un TCC. Essentiellement, la recension des écrits montre que la littérature auprès des personnes présentant une consommation et ayant subi un TCC apparaît encore limitée, plus particulièrement en ce qui a trait aux données probantes permettant de soutenir l’efficacité d’approches spécifiques. Néanmoins, les experts préconisent des interventions qui mettent l’emphase sur la prise en compte du niveau de motivation au changement, l’implication des membres de l’entourage, le recours aux autres ressources de la communauté, la mise à contribution de gestionnaires de cas ou de coordonnateurs cliniques, l’orientation rapide en traitement, le recours à des incitatifs et faciliter l’accès au traitement. Bien que les études réalisées jusqu’à maintenant n’ont pas permis de démontrer clairement l’efficacité de ces approches, des recommandations ont été émises. Par exemple, un meilleur dépistage de la consommation chez les personnes présentant un TCC et des antécédents de TCC chez les personnes en traitement pour un problème de consommation, une meilleure coordination des soins et services pour assurer une réponse intégrée et complète aux besoins de ces personnes, un meilleur ajustement des services aux caractéristiques de cette clientèle, etc.

En outre, jusqu’à ce jour, peu d’études se sont intéressées à la contribution d’autres variables dans l’amélioration des comportements de consommation chez les personnes qui ont subi un TCC tels que le soutien social, la stabilisation des comportements (désinhibition, irritabilité, agressivité), la détresse psychologique (anxiété, dépression). Enfin, aucune étude n’a fait état du processus d’implantation des modèles, plus particulièrement ceux favorisant la coordination des services avec des partenaires. Il serait approprié d’approfondir les connaissances au regard des mécanismes favorisant l’intégration des services tels que les caractéristiques intraorganisationnelles et interorganisationnelles (expertise, dynamisme, réseau informel), la formation des professionnels ou la création d’interaction entre les professionnels (Brousselle, Lamothe, Mercier et Perreault, 2007).

Limites et forces

Quelques limites et forces sont à mentionner dans le cadre de ce projet. La revue de littérature narrative ne vise pas l’évaluation de la qualité des études retenues. Elle permet toutefois de poser un regard sur l’ensemble des travaux qui se sont faits sur l’actuel sujet. Le projet ayant été réalisé en vue de répondre à une préoccupation régionale, les acteurs concernés se limitent à une région. La démarche de consultation, pour sa part, a été effectuée par la responsable du projet. Des acteurs ont pu ne pas nommer leur point de vue ou orienter une opinion favorable par désirabilité sociale ou pour éviter d’être jugés. La force de ce projet est l’accent mis sur la clientèle ayant spécifiquement une problématique de consommation et un TCC. La prise en charge des personnes ayant subi un TCC est bien documentée (INESSS, 2016 ; ONF, 2013). Toutefois, les connaissances sont plus limitées lorsqu’une condition concomitante est associée au TCC. Par ailleurs, la portée potentielle des résultats issus à la fois de la littérature et de l’expérience clinique laisse présager une généralisation de ces recommandations au sein de différentes régions et organisations.

Conclusion

La recension montre que la littérature auprès des personnes présentant une consommation et ayant subi un TCC apparaît limitée, plus particulièrement en ce qui concerne l’efficacité d’approches spécifiques. Néanmoins, la démarche de consultation effectuée auprès d’acteurs-clés et d’usagers concernés par la problématique associée à la revue de littérature a permis de dégager des recommandations en lien avec la sensibilisation des usagers et de leurs intervenants, le processus de réadaptation et l’organisation des services.