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Les contributions de ce numéro thématique examinent la migration et l’intégration sur le marché de l’emploi de professionnels de la santé, et ce, dans différents contextes nationaux. Au travers d’études menées en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, au Canada, et principalement au Québec, les auteurs mettent en lumière les progrès accomplis et les obstacles qui subsistent quant à l’attraction et l’intégration de ces immigrants aux professions réglementées.

Dans leur article, Anna Harris et Marilys Guillemin ont recours à des entretiens ethnographiques afin de découvrir les parcours de médecins immigrants qui étudient et travaillent en Australie. Les études portant sur les professionnels de la santé issus de l’immigration se concentrent généralement sur les obstacles organisationnels, politiques, économiques ou encore éthiques, toutefois cette contribution se distingue par le fait qu’elle se penche sur l’investissement que ces médecins réalisent à différents niveaux (financier, personnel, professionnel, etc.) ainsi que sur les efforts sociaux et émotionnels qu’ils déploient tout au long de leur parcours vers un emploi.

Pour leur part, Marie-Jeanne Blain et Sylvie Fortin se penchent sur les politiques d’attraction de la main-d’oeuvre qualifiée au Québec et sur les difficultés auxquelles doivent faire face les migrants lors du processus de reconnaissance des diplômes acquis à l’étranger. Cette recherche montre que les obstacles et les inégalités entre les populations dans les parcours d’intégration professionnelle et de reconnaissance sociale relèvent de facteurs indépendants des compétences des médecins diplômés à l’étranger.

Quant à Karine Bellemare, elle aborde la manière dont les formes subtiles de racisme et les microagressions affectent l’intégration des immigrantes en emploi dans le secteur de la santé, et ce, quel que soit leur niveau de qualification. Des entrevues semi-dirigées réalisées auprès de professionnelles de la région de Montréal révèlent ainsi l’existence d’inégalités persistantes envers les immigrantes, notamment celles racisées, tout au long du processus de recherche d’emploi et de recrutement ainsi qu’après l’embauche.

La question de la reconnaissance des qualifications, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, pour les pharmaciens en provenance des pays du Sud est au coeur de l’article d’Umut Riza Ozkan. L’auteur y fait état de nombreux préjugés sociaux et culturels lorsqu’il s’agit de l’application des réglementations et de l’intégration des diplômés internationaux dans les professions réglementées.

En complément, nous vous proposons trois articles hors thème.

La contribution de Faiçal Zellama, Nathalie Piquemal, Patrick Noël et Houda Ben Mhenni porte sur les problématiques auxquelles sont confrontées les personnes réfugiées francophones au Manitoba. Adoptant une approche qualitative, les auteurs ont pu mettre en évidence les obstacles qui se manifestent dans le processus d’intégration de cette catégorie d’immigrants, notamment leur insertion sur le marché du travail. Cependant, les auteurs montrent le rôle positif joué par les réseaux sociaux et communautaires dans l’intégration socioculturelle des personnes réfugiées.

L’analyse exploratoire du projet de loi 77 (2016) à travers laquelle Mireille Paquet démontre l’imprégnation du paradigme migratoire de la mobilité dans les discours politiques au Québec. Elle discute des conséquences de ce phénomène sur les débats autour de l’immigration, qui se manifeste, entre autres, par la prépondérance de l’approche de la « sélection efficace » des immigrants.

Enfin, en guise de clôture de ce numéro, l’article de Samuel Victor se penche sur les dimensions éthico-morales du concept de « convivialité ». S’appuyant sur l’étude ethnographique d’une église évangélique au Tennessee, il montre comment le travail intellectuel de ses membres, afin de favoriser son rayonnement auprès des non-chrétiens, permet l’émergence de savoirs sur l’éthique des relations sociales en contexte pluriel. À partir de cette étude, il propose de dépasser la lecture cosmopolite de la convivialité qui prévaut dans la littérature portant sur ce concept.