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Dès l’abord le lecteur ne manquera pas d’être intrigué par la nature de cet ouvrage. S’agit-il d’une entreprise de promotion d’un programme politique particulier ou d’une analyse de science politique des processus de décision en matière de politique internationale et ici tout particulièrement de politique continentale africaine ? L’ouvrage analyse le long processus de maturation du projet de réforme de la gouvernance africaine initié par Olusegun Obasanjo avec son African Leader Forum autour du thème de la conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (cssdca). Cette conférence avait pour objectif à la fois de doter le continent africain d’une institution comparable à l’osce en Europe mais aussi de faire pression sur les gouvernements africains pour qu’ils modifient leurs comportements politiques et optent pour de nouvelles modalités de gestion collective des crises et pour la réforme des procédures bloquées de l’oua.

L’ouvrage est très favorable au projet et ne s’en cache pas. Il dresse un bilan très lucide et sans complaisance de la gestion des différents États africains en termes de sécurité, de stabilité et de développement. Reprenant les thèses de l’alf, il énonce la nécessité pour les États africains de se doter de systèmes normatifs obligatoires et d’afficher une volonté de réforme et de démocratisation, préalables nécessaires à l’amélioration de la situation économique et politique en Afrique. Il rappelle l’obligation pour les leaders africains d’identifier des formes originales de gouvernance en faisant l’inventaire des formes existantes de coopérations régionales pour la sécurité et la stabilité et en proposant des solutions proprement africaines. Il dénonce les comportements irresponsables de nombreux leaders africains et leur recours systématique à la légitimation par la recherche de boucs émissaires extérieurs ou historiques pour légitimer leurs échecs.

Les arguments développés sont assez convaincants et fournissent des éléments d’appréciation très importants pour la compréhension de ce projet mais aussi de la réforme de l’oua et de sa transformation en ua. On pourra considérer que cet ouvrage est essentiellement politique et être sceptique quant aux solution proposées ; pour autant le texte apporte des éléments importants de compréhension de la diplomatie régionale africaine.

C’est ici que les frustrations sont les plus fortes. La lecture de l’ouvrage ne cesse de faire apparaître « entre les lignes » les conflits qui opposent les leaders africains et le refus de nombre d’entre eux d’opter pour une réforme drastique de leurs pratiques politiques. À plusieurs reprises sont évoqués le rôle de la Libye et du Soudan mais rien n’est clairement analysé. Dommage, car alors nous disposerions d’un travail de sociologie des organisations et de la décision au niveau régional africain sans aucun égal. De même l’ouvrage ne cesse d’insister sur l’originalité de la cssdca, présentée comme une vraie initiative africaine, mais à part souligner l’innovation linguistique consistant à appeler Calebasse ce qui s’appelle paniers à l’osce, rien n’est démontré. L’objectif du livre n’est pas là : il s’agit de valoriser un projet innovant, de le populariser, voire de lui donner une nouvelle vie dans le contexte toujours aussi imprévisible et aussi peu fiable du système de (non)gouvernance des instances régionales africaines. Il ne s’agit pas malheureusement d’étudier les stratégies de pouvoir et de protection à l’oeuvre au niveau continental.