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Sur ses flancs sud et est, l’Union européenne (ue) n’a que des pays voisins qui posent problème. Ils sont rarement démocratiques et peu respectent l’état de droit, les droits de la personne ou ceux des minorités. De plus, ils sont généralement pauvres et socialement injustes. À cela s’ajoute que nombre d’entre eux ont connu ces dernières années des conflits (Syrie, Libye, Égypte, Tunisie, Israël, Palestine, Géorgie). Quant aux autres États, ils gardent encore en mémoire les guerres des décennies précédentes (Algérie, Maroc, Liban, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan).

D’énormes défis se posent à l’ue dans ce voisinage instable. Pour y répondre, cette dernière a développé ce qu’elle nomme la Politique européenne de voisinage (pev). Celle-ci, entamée en 2004, vise à améliorer ses relations avec tous ces pays. Initialement, la pev ne visait que les États à l’est des nouvelles frontières de l’ue après les élargissements de 2004 et 2007 (Biélorussie, Ukraine et Moldavie). La pev a cependant été étendue aux pays du Caucase méridional (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie) ainsi qu’au partenariat euro-méditerranéen (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Autorité palestinienne, Tunisie, Syrie). Les pays des « Balkans occidentaux » et la Turquie ne rentrent pas dans ce concept puisque l’ue a reconnu leur vocation potentielle à devenir membres.

Le but de la pev est d’appuyer les réformes politiques et économiques dans les pays susmentionnés en vue de promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité économique. Elle vise à développer une approche cohérente, tout en tenant compte de la spécificité de chacun des ces États. Il s’agit donc d’un défi colossal, et force est de constater que les résultats sont plus que décevants. En effet, à la suite des troubles dans le monde arabe, de la guerre entre la Géorgie et la Russie et du recul démocratique en Ukraine, le voisinage de l’ue apparaît encore moins brillant qu’il y a une dizaine d’années, au moment du lancement de la pev.

L’ouvrage dirigé par Erwan Lannon est subdivisé en trois parties : « les défis transversaux », « les défis en Méditerranée et au Moyen-Orient » et « les  défis en Europe et en Eurasie ».

Dans la première partie, l’analyse de Peter Van Elsuwege offre un éclairage sur la géométrie variable dans la pev. L’auteur souligne bien comment fonctionne le principe de différenciation et les conséquences que celui-ci entraîne. Un autre chapitre intéressant a été rédigé par Sieglinde Gstöhl, qui pose la question des enjeux économiques de tous ces futurs accords potentiels. Il essaie d’imaginer les conséquences réelles d’une sorte d’espace économique étendu à la plupart des voisins de l’ue. Cette question reste d’actualité.

La deuxième partie concerne l’espace méditerranéen et moyen-oriental. C’est bien entendu le passage du livre qui a le plus souffert du printemps/hiver arabe. Rétrospectivement, tous les mécanismes institutionnels imaginés dans les années 1990-2000 ressemblent aujourd’hui à des champs de ruine, que l’on songe au processus de Barcelone, au Partenariat euro-méditerranéen ou à l’Union pour la Méditerranée. Il demeure tout de même intéressant de réaliser comment l’on raisonnait sur ce sujet il y a à peine trois ans. Quoi qu’il en soit, tous ces projets ne sont pas totalement abandonnés et ils devraient ressusciter d’une manière ou d’une autre au cours des prochaines années.

La troisième partie est consacrée aux défis pour l’Europe du côté de l’Eurasie. Celle-ci a moins souffert des derniers événements et garde encore une bonne partie de son intérêt avec la signature des accords de libre-échange signés à Vilnius entre l’ue et quelques pays issus de feu l’urss.

Notons enfin que l’ouvrage n’a pas pu inclure les événements qui se sont produits depuis 2011 en Libye et en Syrie. Il ne prend pas non plus en compte le retour des militaires en Égypte et la désillusion face au printemps arabe. Il ne traite pas enfin du tournant prorusse de l’Arménie, qui a tourné le dos à l’ue, ou de l’imbroglio des négociations de l’ue avec l’Ukraine et la Biélorussie.

Ce livre reste néanmoins pertinent car il permet de bien retracer les lignes forces de la pev, au-delà des contingences de l’actualité. L’approche suivie est également intéressante car elle est de nature interdisciplinaire. Des politologues, des juristes, des économistes et des experts en géopolitique ont en effet contribué à cette réflexion.