Article body

Introduction

Le nombre d’étudiants en situation de handicap (ESH) qui poursuivent des études postsecondaires au Québec ne cesse d’augmenter (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap [AQICESH], 2016). On constate une diversification des situations de handicap, celles dites traditionnelles (p. ex., déficiences sensorielles et motrices) étant maintenant surpassées par les situations de handicap dites émergentes (p. ex., troubles d’apprentissage [TA], déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDA/H]). Afin de répondre aux besoins de cette population étudiante, les universités tentent de mettre en place les mesures d’accompagnement les plus appropriées. Parmi ces mesures, une formation à l’utilisation des aides technologiques (AT) semble nécessaire pour favoriser la réussite aux études postsecondaires. Bien que de nombreuses études préconisent les AT pour soutenir les apprentissages des ESH en milieu postsecondaire québécois, celles-ci sont souvent mal utilisées ou sous-utilisées, sinon complètement ignorées (Fichten, Nguyen et al., 2012). Il est donc important de connaître les besoins en AT des ESH pour définir la formation à offrir. À cette fin, nous avons effectué une recherche exploratoire à laquelle ont participé 44 ESH et une conseillère en AT. Le présent article expose la problématique inhérente aux besoins de formation en AT des ESH, suivi du cadre de référence qui porte sur la distinction entre les AT et les technologies de l’information et de la communication, sur les AT les plus utilisées par les ESH et sur les enjeux liés à leur utilisation. Ensuite, les aspects méthodologiques relatifs à la recherche sont présentés et nous terminons par les résultats et leur interprétation.

Problématique

Les conseillers à l’université, qui travaillent avec les ESH, tentent de déployer différentes mesures de soutien, selon le profil de chacun des étudiants. Alors que, depuis les années 2000, les services ont d’abord été conçus pour les étudiants ayant des limitations physiques, les conseillers de ces services doivent maintenant s’adapter aux besoins d’un deuxième groupe d’étudiants en forte croissance (AQICESH, 2016) qui présentent des limitations généralement moins perceptibles. Ce sont les étudiants aux prises soit avec un TA, un TDA/H, un trouble de santé mentale ou un trouble du spectre de l’autisme. En 2016, au Québec, ce groupe d’étudiants représentait environ 60 % des 12 226 étudiants inscrits dans les services pour ESH de leurs établissements respectifs (AQICESH, 2016). Afin de les aider à relever les défis engendrés par leur situation de handicap et à atteindre les objectifs relatifs à leur programme d’études, les universités offrent à ces étudiants des mesures d’accommodement et d’accompagnement (Philion, Bourassa, Lanaris et Pautel, 2016). Les défis fréquemment rencontrés par les ESH de ce deuxième groupe, sont, sans s’y restreindre, surtout propres à leur capacité à planifier et s’organiser, à demeurer attentif et concentré, à s’autocorriger, à travailler en équipe, à lire avec fluidité et, finalement, à rédiger leurs travaux et examens. Pour accomplir chacune de ces tâches, des AT semblent une avenue prometteuse (Bouck, 2010; Fichten, Asuncion et Scapin, 2014). À cet effet, une recherche récente (Philion, Doucet et al., 2016), menée en contexte universitaire, par l’entremise d’un questionnaire portant sur les mesures d’accommodement auquel ont répondu 290 ESH, souligne que 64 % d’entre eux estimaient avoir absolument besoin des AT pour effectuer leurs travaux, alors que 62 % ne sauraient se passer d’une telle mesure pour effectuer leurs examens. Ces données corroborent l’enthousiasme lié au potentiel des AT qui ne cesse d’augmenter dans le milieu de l’éducation (Fichten, King, Nguyen et Barile, 2012). De nombreux avantages sont associés à leur utilisation, notamment pour les étudiants ayant un TA ou un TDA/H. Outre le fait de contribuer à pallier les obstacles à l’apprentissage, ce qui favorise l’accès et la réussite au postsecondaire, les AT contribueraient à diminuer le niveau de stress (Fichten, King et al., 2012), tout en agissant aussi positivement sur l’autonomie (Bouck, 2010; Brokop et McInstosh, 2009), l’indépendance (Chalghoumi, 2012) et l’épanouissement personnel des étudiants (Scherer, 2004), en plus de les préparer au marché du travail (Holmes et Silvestri, 2012; King, Nguyen et Chauvin, 2010; Sharpe, Johnson, Izzo et Murray, 2005, William et Hanson-Baldauf, 2010). Toutefois, certains écueils associés à l’utilisation des AT ont été répertoriés, dont la formation à ces AT et le suivi offert aux étudiants après une telle formation (Bouck, 2010; Lee et Templeton, 2009; Philion, Doucet et al., 2016).

Cadre de référence

Les aides technologiques : un sous-ensemble des technologies de l’information et de la communication

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) se décrivent comme « des outils et des ressources au service de l’apprentissage et de l’enseignement […], des moyens de consultation de sources documentaires, mais aussi des moyens de production » (Gouvernement du Québec, 2000, cité dans Chalghoumi, 2012, p. 3). Tous les étudiants doivent utiliser une combinaison de TIC qui comprend des logiciels à usage général et des logiciels spécifiques à leurs programmes. Ces technologies incluent l’Internet, des logiciels de présentation, des logiciels éducatifs, des outils multimédias, des environnements d’apprentissage en ligne, etc. (Raby, Karsenti, Meunier et Villeneuve, 2011). Les AT font partie d’un sous-ensemble des TIC (Tremblay et Chouinard, 2013). Désignées aides technologiques par certains auteurs (Tremblay et Chouinard, 2013) ou technologies d’assistance par d’autres auteurs (Bakken, Obiakor et Rotatori, 2013; Fichten et al., 2014), elles font partie des technologies numériques qui permettent de pallier une situation de handicap (Rousseau, 2012), en aidant l’étudiant à « réaliser une tâche qu’il ne pourrait pas réaliser (ou réaliser difficilement) sans le soutien de cette aide » (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2011, cité dans Tremblay et Chouinard, 2013, p. 3). Une AT ne modifie pas le mode d’apprentissage, mais plutôt la façon d’avoir accès à l’information et de la transmettre (Scherer, 2004). De fait, chaque AT peut présenter plus d’une fonction d’aide (p. ex., prédiction orthographique selon la correspondance phonologique, rétroaction vocale du mot saisi). Pour être efficaces, ces différentes fonctions nécessitent d’être bien comprises par les ESH qui les utilisent (Tremblay et Chouinard, 2013).

Les aides technologiques les plus utilisées

Que ce soit au Canada (Nguyen, Fichten et Budd, 2011; Viens, Langevin, Saint-Pierre et Rocque, 2012) ou aux États-Unis (Holmes et Silvestri, 2012), les AT spécifiques à la lecture (synthèse vocale) et à l’écriture (correcteurs grammaticaux et orthographiques, prédicteurs de mots) semblent être les plus utilisées en milieu postsecondaire (Fichten et al., 2014). Parmi toutes les AT, la synthèse vocale est celle qui est la plus documentée. Les résultats de différentes études menées en contexte postsecondaire indiquent qu’il s’agit d’une technologie efficace pour compenser les troubles en lecture et écriture en réduisant notamment le temps dédié à chacune de ces deux activités, plus particulièrement pour les étudiants dont les compétences en langage parlé sont adéquates (Epps, 2007; Holmes et Silvestri, 2012). Le logiciel de synthèse vocale permet aux étudiants de faire moins d’erreurs orthographiques (Hetzroni et Shrieber, 2004), d’augmenter leur vitesse de lecture, de faciliter la compréhension et la rétention des informations (Floyd et Judge, 2012), sans dépendre d’une autre personne (Hasselbring et Bausch, 2005). Il facilite également la lecture, l’écriture, l’orthographe et la prononciation d’étudiants ayant un TA qui suivent un cours de langue seconde (Chiang et Liu, 2011). Dans un même ordre d’idées, l’étude menée par Hecker, Burns, Katz, Elkind et Elkind (2002) auprès d’étudiants ayant un TDA/H, a permis d’observer, grâce à la synthèse vocale, une réduction des distractions, une capacité à lire plus longtemps, avec moins de stress et plus de fluidité. À cet effet, Ouellette (2013) souligne que ce type de logiciel évite une surcharge cognitive à l’étudiant en lui permettant de se concentrer davantage sur le processus de lecture et d’écriture plutôt que sur l’orthographe grammaticale et lexicale. Gregg (2009), qui a recensé des études empiriques spécifiques à la rédaction (11 articles) et à la lecture (7 articles) portant sur l’utilisation des AT par des étudiants ayant un TA, confirme l’efficacité des logiciels de synthèse vocale pour la lecture (fluidité, compréhension) et l’écriture (orthographe, lexique) lorsqu’utilisés comme mesure d’accommodement (évaluation, examens).

Les enjeux liés à l’utilisation des aides technologiques

Bien que les AT semblent contribuer à amoindrir certains obstacles à l’apprentissage, Bouck (2010) estime qu’on leur prête un potentiel au-delà de ce qu’elles peuvent apporter. On s’attend à des résultats instantanés et obtenus facilement, alors que l’apprentissage des AT ne se fait pas sans effort. Tremblay, Maliba, Deslières, Bédard et Lefebvre (2012) abondent en ce sens, mettant en exergue la nécessité de développer, entre autres, des stratégies métacognitives. Ils précisent que l’étudiant doit être conscient de ses difficultés, il doit pouvoir évaluer si la technologie répond bien à ses besoins et s’ajuster aux fonctions des aides proposées. À titre d’exemple, en contexte d’édition de texte, l’étudiant doit pouvoir valider le repérage d’erreurs effectué par le logiciel correcteur (p. ex., Antidote) (Ouellette, 2014). À cet égard, Bernier (2010) souligne que les aides à la rédaction sont vraiment bénéfiques lorsque le scripteur possède déjà une connaissance suffisante en français, car il est amené à utiliser ses connaissances pour choisir ce qui convient. Enfin, d’autres auteurs (Brokop et McIntosh, 2009; Holmes et Silvestri, 2012) estiment que les ESH sont confrontés à plusieurs obstacles dans l’utilisation des AT, qui nuisent à leurs apprentissages et poussent trop souvent à leur abandon. Selon ces derniers, le tiers des étudiants ayant acheté ou reçu des logiciels d’aide les abandonnent dans les trois premiers mois d’utilisation. De fait, trois principales catégories de facteurs concourant à l’abandon ou à une sous-utilisation des AT ont été identifiées par différents auteurs (Bouck, 2010; Brokop et McIntosh, 2009; Fichten, Nguyen et al., 2012; Holmes et Silvestri, 2012; Rioux, 2010; Scherer, 2004), notamment : 1) les besoins et les caractéristiques personnelles des étudiants (motivation, confiance en soi, attentes, etc.) qui doivent être pris en compte au moment de choisir une AT; 2) le manque d’accès aux AT causé par des considérations techniques et monétaires, et 3) le manque d’accès à une formation leur permettant de comprendre la visée des AT, de maitriser la terminologie des logiciels et l’application des fonctions. À cet égard, une recension (12 articles) portant sur l’utilisation de logiciels idéateurs, effectuée par Ciullo et Reutebuch (2013), amène ces derniers à conclure que les étudiants ont besoin d’une formation explicite pour optimiser l’utilisation des AT. Par ailleurs, il semble que la formation sur le fonctionnement des AT demeure nécessaire non seulement pour les étudiants, mais aussi pour plusieurs conseillers des services destinés aux ESH (Bouck, 2010; Tremblay et Chouinard, 2013).

Prenant appui sur la recension des écrits qui soulignent que l’utilisation des AT par les ESH contribue à pallier certains des défis rencontrés dans leurs études, il devient important de répondre au besoin de formation de ces étudiants à bien les utiliser. Comme il existe très peu d’informations sur le type de formation à leur offrir et leur portée en contexte universitaire, la recherche a poursuivi les objectifs suivants : 1) identifier les besoins de formation des ESH relatifs aux AT; 2) décrire le type de formation à offrir en réponse aux besoins des étudiants; 3) décrire la portée de ce type de formation selon les ESH.

Méthodologie

S’inscrivant dans le paradigme des recherches qualitatives, cette recherche exploratoire vise à décrire (Cooper et Schindler, 2003) le type de formation offert par la conseillère en AT, pour répondre aux besoins des ESH. La conseillère a sollicité chaque étudiant pour identifier ses « représentations », c’est-à-dire ses modalités particulières de connaissance et d’apprentissage, dont le contenu dépend de « l’histoire du sujet » (l’ESH avec ses besoins), mais aussi de son expérience avec l’objet physique, dans ce cas, la technologie (Donnay et Charlier, 1990).

Les participants

L’université québécoise dans laquelle fut menée la recherche a fait appel à une conseillère spécialisée dans l’utilisation des AT, dans le but d’offrir aux ESH une première formation adaptée à leurs besoins. Cette dernière a travaillé conjointement avec l’orthopédagogue attitrée au Service pour ESH, qui lui a recommandé 44 étudiants (aussi appelés participants) ayant manifesté un désir d’apprendre à utiliser de nouvelles AT ou d’approfondir leurs compétences relatives aux AT déjà utilisées. Il s’agit donc d’un échantillon volontaire d’étudiants disposés à être accompagnés à l’utilisation des AT. Étant donné le nombre restreint de participants à cette étude, nous ne pouvons pas généraliser les résultats à l’ensemble des ESH en contexte universitaire. Il s’agit d’une limite de cette recherche. La formation offerte aux 44 participants par la conseillère s’est déroulée en présence (rencontre de 60 à 90 minutes), suivie d’échanges par courriel ou par téléphone.

Les modalités de collecte et d’analyse des données

Deux modalités de collecte de données ont été utilisées pour répondre aux objectifs de cette recherche, soit les notes évolutives de la conseillère, analysées à l’aide du logiciel NVivo, et une entrevue semi-dirigée effectuée par voie téléphonique auprès de 25 participants, une année après la formation reçue, afin de connaître l’utilisation ultérieure des AT dans les activités d’apprentissage ou en contexte professionnel, un indice permettant de mesurer l’efficacité des AT (Jeffs et Castellani, 2010). Les questions suivantes ont été posées :

  1. Quelles AT avez-vous utilisées pendant vos études à l’université pour lesquelles une formation vous a été offerte?

  2. Parmi ces AT, laquelle ou lesquelles ont été indispensables à vos études?

  3. Que retenez-vous de la formation offerte par la conseillère en AT?

  4. Quelles sont les AT que vous continuez à utiliser?

Les résultats et leur interprétation

Les données recueillies durant deux trimestres, à partir des 144 notes évolutives consignées par la conseillère, ont permis de dégager le profil des étudiants et leurs besoins de formation, la démarche de formation offerte aux étudiants, les défis rencontrés par les étudiants et, finalement, les bénéfices à utiliser les AT au terme de la formation. Les données recueillies à l’entrevue semi-dirigée ont permis d’identifier les bénéfices encore présents à utiliser les AT par les ESH, et ce, un an après avoir reçu la formation.

Le profil des étudiants et leurs besoins de formation

Le tiers des 44 participants amorce ses études alors que les deux tiers sont en 3e ou 4e année de formation. De ces 44 étudiants, 16 ont un TA, 16 ont un TDA/H, 3 ont un TDA/H et un TA, 4 un TDA/H et un trouble d’anxiété généralisée (TAG), un étudiant présente un trouble de santé mentale (TSM) et 4 présentent un trouble de santé physique (TSP). Les 44 participants demandent du soutien pour s’approprier en moyenne deux AT (souvent complémentaires), majoritairement axées sur l’aide à la rédaction, à la lecture ainsi qu’à la prise de notes. Plus spécifiquement, les étudiants souhaitent développer leurs compétences (voir tableau 1) à utiliser : le correcteur Antidote (21 étudiants); la prise de notes avec le smartpen et Echo Desktop (24 étudiants); la dictée vocale Dragon Naturally Speaking (DNS) (8 étudiants); l’idéateur avec Inspiration (9 étudiants); le prédicteur et la synthèse vocale WordQ, (14 étudiants). Ils sont tous conscients que les formations portant sur les AT peuvent les aider à diminuer les obstacles à l’apprentissage rencontrés et qu’ils sous-utilisent certaines fonctions des AT. Certains précisent que les AT peuvent leur permettre de développer leur autonomie, constat qu’on retrouve dans les travaux de certains auteurs (Bouck, 2010; Brokop et McInstosh, 2009; Chalghoumi, 2012; Nguyen et al., 2015).

Tableau 1

Besoins initiaux de formation en AT relatés par les 44 étudiants

Besoins initiaux de formation en AT relatés par les 44 étudiants

-> See the list of tables

Dès la rencontre initiale, la conseillère entame la formation avec les participants. Le tableau 2 montre qu’un total de 87 rencontres ont été offertes en présentiel et 57 suivis ont été faits par courriel ou au téléphone. Parmi les 44 participants, 10 ont participé à une seule rencontre, 14 ont eu besoin d’une rencontre ainsi que des suivis par courriel (1 à 4 suivis), alors que les 19 autres ont eu besoin de 2 à 7 rencontres (n = 62 rencontres). Parmi ces derniers, 12 ont également eu besoin de suivis (1 à 4) par courriel ou au téléphone. Enfin, un étudiant a abandonné la formation après la première rencontre.

Tableau 2

Nombre de rencontres en présentiel et nombre de suivis offerts par la conseillère

Nombre de rencontres en présentiel et nombre de suivis offerts par la conseillère

-> See the list of tables

La démarche de formation offerte

Les notes évolutives révèlent que la conseillère préconise une démarche de formation similaire pour chacun des étudiants. Dans un premier temps, la conseillère accompagne l’étudiant pour déterminer l’AT à prioriser en fonction de ses besoins d’apprentissage immédiats, voire en fonction des tâches à accomplir dans son cours ainsi qu’en contexte d’examen et en fonction, le cas échéant, d’une utilisation ultérieure en contexte professionnel. Soulignons que le choix est aussi effectué en tenant compte des AT que l’étudiant possède déjà ou de l’accès à des AT utilisés par l’université en contexte d’examen. La formation initiale est axée sur l’appropriation d’un outil à la fois, excepté dans les situations où les AT sont complémentaires, ce qui est le cas pour WordQ et Antidote ou, encore, pour le smartpen et Echo Desktop. La formation initiale à une AT s’effectue toujours en présentiel et suit trois étapes. 1) La démonstration de l’outil et de ses fonctionnalités vise l’apprentissage de la terminologie essentielle à son utilisation, telle que les fonctions archiver, prédiction de mots, profil d’utilisateur, etc. 2) La manipulation de l’AT favorise la maitrise de l’outil. À cette étape, la conseillère offre systématiquement des fiches techniques à consultation rapide, qui expliquent certaines fonctionnalités, ainsi que des tutoriels qu’elle a conçus en guise d’aide-mémoire. 3) Des exercices pratiques sont proposés aux étudiants afin qu’ils puissent consolider les notions à apprendre.

Les défis rencontrés par les étudiants

Les notes évolutives de la conseillère permettent de constater qu’en cours de formation, selon le niveau de complexité de l’AT, le défi principal des étudiants résidait dans la maitrise de la terminologie et des étapes à suivre pour accomplir une tâche. Par exemple, deux rencontres ont été nécessaires pour apprendre à optimiser l’utilisation d’Antidote pour 15 des 21 participants (71 %). Ils ne réglaient pas les paramètres du logiciel, ne consultaient pas les différents filtres (phrases longues), ne comprenaient pas la détection des ruptures et ne connaissaient pas les différents dictionnaires (cooccurrences et synonymes). Cette sous-utilisation de l’outil confirme, comme le mentionne Bernier (2010), que les utilisateurs doivent posséder une bonne connaissance du français pour en tirer un maximum de bénéfices. En contrepartie, l’outil s’avérait utile pour identifier les erreurs courantes, ce que les étudiants peinent à faire sans aide, bien qu’ils connaissent plusieurs règles grammaticales. La conseillère relate également une difficulté d’appropriation de la synthèse vocale et du prédicteur (WordQ ou NaturalReader) pour 6 des 14 participants (43 %). Ces derniers ont eu besoin de 2 à 5 rencontres pour pallier notamment des problèmes techniques liés à l’installation du logiciel (activer le module de la voix, ouvrir le fichier d’installation téléchargé) ou à son appropriation (utiliser la prédiction, effectuer le réglage des options). Les notes révèlent également que les 8 participants formés à utiliser la reconnaissance vocale (DNS) ont eu besoin de plus de soutien pour maitriser certaines tâches telles que la gestion de leur profil d’utilisateur : apprendre à dicter correctement, entrainer leur profil pour améliorer la qualité de la reconnaissance, ouvrir leur profil enregistré sur leur clé USB. Pour 4 participants, leurs difficultés s’expliquent par une surcharge cognitive lors de l’entrainement de leur profil, par exemple se souvenir de ce qu’ils ont dicté lorsqu’il faut corriger les erreurs. Quant à l’appropriation de l’idéateur (Inspiration), 7 des 9 participants (78 %) doivent être accompagnés pour notamment apprendre à déterminer les paramètres du texte, créer un schéma personnalisé, enregistrer les fichiers et les exporter vers d’autres formats, ainsi que pour se remémorer la terminologie du logiciel. Enfin, pour ce qui est de la prise de notes (smartpen), pour 18 des 24 participants (75 %), le défi principal consistait à adapter la technique de prise de notes et à vider le smartpen de ses données, en utilisant Echo Desktop.

Comme le soulignent Caraguel (2013), Lallemand et Gronier (2016), certains logiciels ne sont pas conçus dans un design d’appropriation simple. Les données de cette recherche semblent confirmer, comme le proposent Tremblay et Chouinard (2013), l’utilité d’une formation aux ESH pour leur permettre de s’approprier l’AT dont ils ont besoin. Toutefois, il appert que, pour la majorité des étudiants, le plus grand défi est de prendre du temps pour parfaire leurs apprentissages dans un horaire de cours bien chargé. À cet égard, pour pallier les difficultés rencontrées, 26 participants privilégient les échanges par courriel (59 %), soutenus par les tutoriels et les fiches techniques.

Les bénéfices à utiliser les aides technologiques au terme de la formation

Malgré les difficultés rencontrées, au terme de leur formation, les participants soulignent les bénéfices d’une meilleure maitrise des AT. Ainsi, 38 participants (86 %) semblent satisfaits du soutien offert, se disent motivés à poursuivre la formation ou promettent de communiquer avec la conseillère au besoin. Il s’avère que 15 des 21 participants (71 %) qui ont suivi la formation Antidote mentionnent que l’outil est très adapté pour soutenir la rédaction et la révision de texte. Parmi ces derniers, 8 (38 %) soulignent qu’Antidote leur permet une meilleure maitrise du français et 4 autres (19 %) relatent l’autonomie acquise grâce à l’outil, un résultat personnel soulevé par certains auteurs (Bouck, 2010; Brokop et McInstosh, 2009). Cinq (24 %) participants présentant de grandes difficultés à l’écrit souhaitent explorer d’autres AT propres à l’écrit, précisant que ce logiciel ne peut répondre à tous leurs besoins.

Toujours sous le thème des bénéfices, concernant WordQ, 3 des 14 participants (21 %) mentionnent avoir acquis une autonomie grâce à l’outil. Sept répondants (50 %) indiquent que le logiciel correspond à leurs besoins et 4 d’entre eux (29 %) le trouvent relativement utile tout en exprimant le besoin de l’approfondir davantage. Deux participants (14 %) estiment que le logiciel accélère leur processus de rédaction, 4 autres (29 %) conviennent de son utilité, mais se disent irrités par certaines fonctions de l’outil. Dans le cas du DNS, 6 des 8 participants (75 %) trouvent que la technologie est efficace et répond à leurs besoins. Concernant le smartpen, 13 des 24 participants l’ayant utilisé (54 %) l’apprécient pour l’organisation des notes. Onze participants (46 %) reconnaissent son efficacité pour la prise de notes (traces audio) et la compréhension de la matière, tandis que 4 participants (17 %) affirment que l’utilisation du smartpen contribue à atténuer leur stress et leur permet d’avoir le temps de réfléchir en contexte de classe, deux contributions évoquées par Fichten, King et al. (2012). Trois étudiants (13 %) indiquent les contextes où ces logiciels peuvent être mis à contribution, soit au travail, lors de réunions et pour comprendre des concepts complexes.

Les bénéfices à utiliser les aides technologiques, un an après la formation

Parmi les 44 ESH qui ont suivi la formation, 25 ont participé à l’entrevue semi-dirigée qui a eu lieu un an après la formation reçue. Parmi ces derniers, 7 poursuivaient leurs études (28 %), 13 étaient diplômés et en emploi (52 %) et 5 avaient abandonné leurs études (20 %). De cette entrevue, il ressort que 21 des participants (84 %) ont jugé la formation indispensable ou très utile dans le cadre de leurs études.

Les commentaires recueillis révèlent que la formation les a aidés à améliorer leurs compétences, ce qui a eu pour effet d’augmenter leur performance scolaire et de rentabiliser leur temps. Par exemple, il y a eu une amélioration de la qualité de la rédaction, en utilisant Antidote, et une meilleure rétention du fil des idées avec l’utilisation de DNS. Ils ont également constaté qu’il est possible de réaliser deux tâches simultanément à l’aide du smartpen (apprendre en écoutant les enregistrements et en relisant les notes) ou encore de mieux comprendre les textes lors de la lecture, grâce à WordQ. La formation nommée « pas à pas » par 4 participants est jugée « déterminante pour leurs études » ou « essentielle » même lorsque les logiciels semblent simples. À cet égard, un étudiant précise que « lorsqu’on ne connaît pas le logiciel, la formation permet d’aller droit au but. Recevoir une formation sécurise les étudiants ». Selon les propos d’un autre participant, « une formation guidée réduit la surcharge cognitive et permet de se concentrer directement sur l’appropriation de la technologie ». Un autre étudiant affirme que « l’apprentissage par soi-même (essai-erreur) demande trop d’énergie et amène souvent à l’abandon ». Un autre souligne qu’« apprendre tout seul aurait pris plus de temps, d’abord pour faire fonctionner la technologie et ensuite pour se l’approprier ». Dans un même ordre d’idées, recevoir une formation a permis à un étudiant de persévérer dans l’utilisation de l’AT : « tout seul, j’aurais été découragé et j’aurais abandonné le logiciel ». Finalement, un dernier étudiant a trouvé rassurant de pouvoir compter sur une « assistance humaine » en cas de difficulté ou d’oubli, mentionnant qu’il s’agissait « d’un plan B salutaire ». La formation permet aussi de découvrir tout le potentiel du logiciel. Dans certains cas, les participants ne connaissaient que quelques fonctions du logiciel alors que dans d’autres cas, le logiciel était trop complexe, ce qui nécessitait pour l’étudiant d’aller chercher de l’aide pour réaliser correctement différentes tâches. Neuf participants (36 %) ont affirmé que la formation leur a donné le goût d’explorer de nouvelles technologies et 9 des 13 diplômés (69 %) ont indiqué utiliser les AT (Antidote, Smartpen, Inspiration ou WordQ) dans le cadre de leur travail.

Par ailleurs, 6 des 25 participants interviewés (24 %) ont fourni des commentaires négatifs en lien avec l’une ou l’autre des AT, ce qui peut signifier qu’une AT ait pu ne pas convenir aux besoins spécifiques d’un étudiant ou, encore, que la formation n’a pas permis à l’étudiant de bien intégrer les fonctionnalités de l’AT. Parfois, c’est le temps d’appropriation qui constitue un enjeu, ce qui est d’ailleurs relaté par Fichten, Nguyen et al. (2012). Il est également possible, comme le mentionne Bouck (2010), que les attentes de l’étudiant ne soient pas réalistes. Ainsi, un participant juge que le smartpen « requiert un temps d’adaptation assez long ». Un autre considère que le « preneur de notes a été plus efficace que le smartpen, pour les sessions intensives, parce qu’il exigeait moins de temps pour réécouter les notes enregistrées ». Le smartpen fut utilisé pendant deux trimestres par un autre participant qui a finalement choisi de l’abandonner à cause des nombreuses heures d’écoute requises à la maison et de la réticence affichée par certains professeurs quant à son utilisation en classe. Un autre participant a préféré conserver sa méthode de prise de notes à l’ordinateur avec un enregistrement en parallèle plutôt que de poursuivre avec l’utilisation du smartpen, le temps d’apprentissage lui causant une surcharge cognitive, un défi relevé dans les travaux de Brokop et McIntosh (2009), de Scherer (2004) et de Viens et al. (2012). Un autre participant a abandonné WordQ parce qu’il le jugeait inefficace pour reconnaitre les mots scientifiques. Finalement, un dernier a indiqué aimer travailler avec DNS, mais avoir dû l’abandonner à cause du fait que « l’outil mettait en évidence ses difficultés d’apprentissage ».

Conclusion

Les résultats de cette étude exploratoire menée en contexte universitaire montrent qu’il est important de choisir minutieusement l’AT appropriée pour compenser une difficulté vécue par un ESH sans pour autant garantir que l’AT comblera les besoins de chacun, comme le mentionnent Jeffs et Castellani (2010). Tel que proposé par certains auteurs (Bouck, 2010; Viens et al., 2012), le choix des AT doit reposer sur l’identification des besoins immédiats des étudiants et de ses caractéristiques personnelles. La formation en trois étapes, développée par la conseillère, est constituée (1) de la démonstration, incluant la découverte des fonctionnalités de l’AT et de la terminologie essentielle à son utilisation, (2) de la manipulation, favorisant la maitrise de l’AT et (3) de la consolidation, effectuée par l’entremise d’exercices pratiques. À ces étapes doit aussi se greffer un soutien à l’utilisation des AT constitué d’aide-mémoire, tels des fiches techniques et des tutoriels. Ces ressources permettent aux étudiants de poursuivre l’appropriation des AT de manière continue et avec du soutien offert en mode mixte (présentiel, courriel ou téléphone) selon les besoins exprimés. Ce soutien personnalisé semble contribuer à pallier les nombreuses difficultés relatives à l’appropriation des AT, qu’il s’agisse des difficultés de compréhension de la terminologie de certains logiciels ou d’appropriation de la démarche d’utilisation des AT, lesquelles ne sont pas nécessairement conçues dans un format facile d’accès pour l’utilisateur (Lallemand et Gronier, 2016). À l’instar des travaux de Kouprie et Sleeswijk Visser (2009), cette étude démontre que la formation favorise chez les participants l’appropriation de certaines AT et leur utilisation au quotidien (aux études ou en milieux de travail), ce que nous confirment d’ailleurs 20 (80 %) des 25 participants sondés une année après avoir reçu la formation.

Par ailleurs, il n’est pas étonnant de constater que deux groupes d’étudiants en particulier, soit ceux ayant un diagnostic de TDA/H et ceux ayant un trouble d’apprentissage, ont su profiter de la formation pour pallier notamment les défis relatifs à la prise de notes et à l’écrit, ce que corroborent les travaux de plusieurs auteurs (Epps, 2007; Hetzroni et Shrieber, 2004; Holmes et Silvestri, 2012). À l’instar de ces auteurs, cette étude démontre l’effet positif des AT pour amoindrir les obstacles à l’apprentissage générés lors de la rédaction de travaux et de la lecture, pourvu que les attentes des étudiants à l’égard de ce que les AT peuvent accomplir demeurent réalistes et qu’ils y consacrent le temps nécessaire à leur appropriation.