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L’ouvrage The cult of St Erik in Medieval Sweden: Veneration of a Royal Saint Twelfth-Sixteenth Centuries, de Christian Oertel, n’est pas le premier à se pencher sur le culte dévoué à Saint Éric de Suède. Oertel se propose de réinvestir le sujet du culte de Saint Éric avec une plus grande variété des sources que ses prédécesseurs comme James Frazer, un pionnier dans le sujet du règne sacré, ou encore Robert Folz, qui s’est penché sur les saints royaux européens. Alors que l’historiographie sur les saints royaux se centralisait particulièrement sur les légendes entourant Saint Éric et les débuts de son culte, Oertel vise à élargir à la fois les sources étudiées, mais également la période qui concerne son étude du XIIe au XVIe siècle. L’auteur met en place une méthodologie explicite pour cerner comment et pourquoi le culte de Saint Éric a été nourri et promu. Le coeur de l’ouvrage s’attarde sur l’utilisation à la fois politique et religieuse des saints, comme Saint Éric, pour maintenir le pouvoir en Suède médiévale. Oertel étudie les saints royaux à travers l’exemple de Saint Éric qui deviennent des saints politiques, soit des exemples pour le pouvoir en place. Notamment, la dynastie en place est légitimée par son affiliation au saint royal.

Oertel situe l’émergence du culte de Saint Éric à la seconde moitié du XIIe siècle, avec une première source écrite en 1198, environ 40 ans après son décès. Selon l’auteur, le culte du saint ne découle pas d’une initiative familiale, mais probablement d’une initiative dominicaine. Les légendes de Saint Éric et de Saint Henri d’Uppsala auraient été composées ensemble selon Oertel qui les trouve fortement similaires. L’étude de cas menée par Oertel met l’emphase sur l’amplification du culte qui siège spécialement à l’archevêché d’Uppsala pour le Royaume de Suède. Saint Éric devient un symbole de l’« âge d’or » où s’alliaient justice et prospérité dans le royaume, ce qui fait de ce personnage un patron de la Suède, bien que son culte ait connu de nombreuses variantes au niveau de son importance.

Pour mener son étude, Oertel a divisé son ouvrage en huit chapitres se résumant à trois thèmes majeurs. Dans les trois premiers chapitres, l’auteur établit le contexte de sa recherche en abordant l’historiographie autour des saints royaux, en commentant les types de sources qu’il compte employer et en proposant l’utilité politique que présentaient les saints royaux au Moyen Âge. Aux chapitres quatre et cinq, le lecteur peut retracer les différentes étapes du culte de Saint Éric, de son émergence à son intensification au début du XIVe siècle. Les trois derniers chapitres commentent les moyens pris par des dynasties en place pour légitimer leur règne avec l’utilisation du culte voué à Saint Éric, notamment avec l’Union de Kalmar qui réunissait les royaumes de Suède, de Norvège et de Danemark. Oertel se penche sur la place que prend Saint Éric parmi le grand nombre de saints royaux avant de proposer en annexe certaines légendes (non traduites) qu’il a employées.

Le cas de Saint Éric est singulier pour saisir l’ampleur de l’instrumentalisation pour le pouvoir en place puisque le concept même de la sainteté d’Éric ne connaît pas de source précise. En effet, puisque le saint en question n’a pas été canonisé par un pape, il est nécessaire de se pencher sur des sources alternatives comme les chartes, les fragments de parchemins, les manuscrits de sermons, l’iconographie, les sceaux ou encore la numismatique. D’ailleurs, Oertel, étant donné l’interdisciplinarité de sa recherche, a dû se fier à plusieurs collègues pour publier son ouvrage. Les sources variées que l’auteur utilise mettent en lumière que les cultes de saints royaux sont spécialement encouragés par les familles des défunts auxquels la sainteté est attribuée, d’où le caractère local de leur vénération. De plus, les saints royaux permettent une christianisation fluide puisque les païens avaient également une notion de sacral rulership. Leur vénération est par ailleurs encouragée par les missionnaires anglo-saxons qui voulaient convertir les rois danois et norvégien. Oertel exemplifie son propos avec Saint Olaf de Norvège et Saint Knut de Danemark. Le caractère « natif » de Saint Éric permet à la population native de Suède de s’identifier elle aussi à la nouvelle religion.

Somme toute, la méthodologie limpide d’Oertel permet à un lectorat universitaire de retracer l’évolution du culte de Saint Éric du XIIe au XVIe siècle tout en explicitant son impact politique pour les rois l’ayant succédé en tant que saint patron et modèle. L’auteur se penche sur le contexte de création du culte tout comme sur ses nombreuses manifestations dans la période étudiée. En effet, le culte de Saint Éric est retracé selon les fluctuations de son importance selon les différents rois suédois. Aussi, la symbolique entourant le saint est explicitée en alliant les domaines religieux et politiques dans la figure du saint royal. Par exemple, Saint Éric sera utilisé par la royauté vers 1470 pour symboliser la bataille entre les « Suédois » et les « Danois ». Ainsi, l’ouvrage The Cult of St Erik in Medieval Sweden: Veneration of a Royal Saint Twelfth-Sixteenth Centuries de Christian Oertel est pertinent pour comprendre les dynamiques de conversion des païens au Moyen Âge en instrumentalisant des figures nationales importantes pour arriver à véhiculer un message auprès de la population.