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S’inspirant de la réflexion de Fernand Braudel sur l’espace méditerranéen, l’oeuvre des médiévistes Michel Balard et Christophe Picard[1], La Méditerranée au Moyen Âge ; les hommes et la mer, s’apparente à une introduction à l’histoire de cet espace maritime, mettant en valeur les sociétés médiévales méditerranéennes et leurs relations à la mer. Ainsi, leur ouvrage s’inscrit dans le cadre d’une histoire sociale par son intérêt pour les liens sociopolitiques.

Comparé à d’autres ouvrages qui se limitent à l’analyse historique des états du pourtour méditerranéen[2], celui-ci s’intéresse à la Méditerranée comme carrefour principal des liens politiques, économiques et sociaux des pays qui l’entourent. Cela explique pourquoi la Méditerranée est étudiée chronologiquement, puis par thèmes, plutôt que par pays. Les prépondérances successives de l’Empire byzantin, puis de l’Islam et des Latins y sont illustrées. Toutefois, ce sont leurs relations avec la mer et leurs apports au domaine maritime qui sont mis de l’avant.

Le récit de Balard et Picard n’est pas un ouvrage volumineux. La brièveté de l’introduction et de la conclusion démontre que les auteurs aspiraient à créer un travail concis, voire un résumé de leurs recherches conjointes. Il est composé de trois divisions ; la première passe en revue l’évolution chronologique des dominations successives sur le trafic méditerranéen et des conflits qui ont mené à l’établissement des divers pouvoirs à la fin du Moyen Âge dans cette partie du monde. La deuxième division se penche sur la navigation en soi. Elle survole les aspects reliés à ce domaine, soit la construction et l’organisation des bateaux, la réglementation portuaire et le développement des stratégies spécifiques. La gestion des équipages et du commerce, de même que l’aperçu des principales routes maritimes, concluent cette partie. La dernière division est un volet méthodologique ; on y aborde la représentation de la mer au Moyen Âge, notamment par la cartographie, la symbolique et les pratiques de la mer. L’usage de documents notariés, de cartes et de plans d’époque donne un ton scientifique à ce travail qui, autrement, serait resté catégorisé comme pur ouvrage vulgarisateur. En témoigne l’absence de notes en bas de page, qui révèle l’approche pédagogique du présent livre.

On constate que, si le travail est bref, la recherche n’a pas été négligée. En effet, par la diversité des articles et des monographies utilisés par Balard et Picard, il est évident que le produit final apparaît comme un outil de départ pertinent pour quiconque cherche à se documenter sur le sujet. Le seul bémol demeure que la plupart des documents utilisés datent en moyenne de vingt ans. Cela n’est pas anormal en soi ; les lacunes documentaires maritimes de l’époque médiévale entravent gravement le travail des historiens dans ce domaine. C’est effectivement un fait qui revient régulièrement dans les écrits des médiévistes qui s’intéressent à l’histoire méditerranéenne, mais tout autant partie de la réalité de la sphère historique de l’Atlantique.

De ce fait, La Méditerranée au Moyen Âge ; les hommes et la mer se veut surtout une oeuvre argumentative. De plus, contrairement à la tendance historienne d’étudier la Méditerranée sous un angle économique, celui-ci est ici relayé au plan secondaire. Certes, les outils et les relations économiques sont présents, mais les historiens lui préfèrent une approche politique. D’autre part, ce travail commun s’adresse à un public général qui démontre un intérêt pour la Mare Nostrum à l’époque médiévale. Il s’agit davantage d’un ouvrage de vulgarisation, qui résume l’évolution chronologique des sociétés qui l’entourent et les particularités concernant la relation à la mer.

Finalement, même si les deux historiens y font référence dans leur introduction et leur conclusion, l’oeuvre n’a pas voulu se placer dans le sillon de Fernand Braudel[3]. Cette approche leur donne une crédibilité, tout en mettant en évidence leurs divergences d’analyse. Car l’oeuvre de Braudel est tellement institutionnalisée que vouloir faire mieux aurait condamné le travail de Balard et Picard au statut de pâle copie. Ainsi, ces derniers ont réussi avec brio à remettre la mer Méditerranée au goût du jour et à relancer le débat de « qu’est-ce que la Méditerranée ? » au Moyen Âge.