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Introduction

Le crédit interentreprises est une source de financement vitale de l’activité courante des entreprises. Historiquement, les financements commerciaux ont largement facilité l’accroissement du volume des échanges, la création d’activités et, in fine, la croissance économique (Cull et al., 2006). Loin d’un jeu à somme nulle, les créances et dettes commerciales sécrètent une masse financière imposante de près de 600 milliards d’euros par an pour les entreprises françaises (Observatoire des délais de paiement, 2006), soit quatre fois le montant des crédits bancaires de court terme distribués sur la même période. Ce mode de financement du cycle d’exploitation n’est cependant pas sans risque puisque pour un nombre croissant de firmes, en France comme dans les pays d’Europe méditerranéenne, le retard de paiement est devenu la règle plutôt que l’exception. En corollaire, on observe un stock européen de créances impayées de plus de 250 milliards d’euros (Intrum Justicia, 2007). Au regard de l’importance des postes liés aux créances commerciales – tant à l’actif qu’au passif du bilan des entreprises françaises (Bardes et Nivelais, 2007) – les modes de gestion auxquels ils répondent apparaissent déterminants pour l’équilibre financier global et la recherche d’une structure financière adéquate. Relativement à l’activité courante et quelle que soit la nature de leurs activités, industrielles ou commerciales, les entreprises doivent assurer le bon déroulement des cycles relatifs à la gestion des stocks, des achats, des créances accordées aux clients et disposer de liquidités suffisantes pour parvenir à financer leur cycle d’exploitation. Ainsi, pour une entreprise de production, par exemple, ce cycle commence par l’acquisition des matières premières auprès des fournisseurs et prend fin lors de l’encaissement des règlements des clients. Entre ces deux phases d’achat et de vente, l’entreprise doit assurer la fabrication et les diverses charges d’exploitation associées. Pour ce faire, elle s’appuie sur des concours bancaires mais surtout sur des financements commerciaux, si sa position sur la chaîne de production et de commercialisation des produits et son pouvoir de négociation le permettent. Dans cette logique, fournisseurs et clients sont donc des partenaires financiers de premier ordre au sein de la liste des stakeholders (littéralement les « preneurs de paris »). Intéressées économiquement et financièrement à l’activité présente et future de l’entreprise, ces parties prenantes se résument bien souvent aux seuls actionnaires dans le cadre d’une vision anglo-saxonne du gouvernement d’entreprise. Trop réductrice, cette perspective semble toutefois inadaptée aux systèmes financiers de type réseaux ou banques ne privilégiant pas la finance directe (Charreaux et Desbrières, 1998). Formels et informels, explicites ou non, les rapports commerciaux sont donc les supports de mécanismes disciplinaires plus contraignants que les relations avec l’actionnariat pour un grand nombre de firmes, notamment les petites et moyennes entreprises pour lesquelles il n’existe pas toujours de séparation nette entre gestion et propriété de la firme[1].

Au moment où le niveau élevé des délais de paiement est régulièrement cité comme un des principaux obstacles à la croissance des PME, en France en particulier, il apparaît clairement que les enseignements sur les modes de gestion des créances commerciales restent limités. Ce paradoxe s’explique en grande partie par le fait que les principales informations sur le sujet, de nature qualitative et stratégique, n’apparaissent pas dans les états financiers des firmes. En effet, ces derniers ne renseignent que sur des stocks de fin d’exercice évalués à l’occasion de l’inventaire et dont l’analyse reste par nature limitée. Pour améliorer la compréhension des comportements de PME en la matière, cette contribution propose des analyses statistiques et économétriques basées sur l’observation d’un panel de firmes françaises enquêtées sur l’exercice 2006. À l’aide des réponses fournies par plus de 500 entreprises à un questionnaire détaillé, nous testons des déterminants potentiels de l’offre de crédit client pour mesurer l’influence respective des facteurs commerciaux, financiers et stratégiques relatifs aux relations commerciales établies entre vendeurs et acheteurs. Par ailleurs réalisé dans le cadre d’autres systèmes financiers tels que les États-Unis (Ng, Smith et Smith, 1999 ; Wilner, 2000), l’Italie (Marotta, 2001) ou le Royaume-Uni (Summers et Wilson, 2003), cet exercice se révèle particulièrement intéressant dans le cas français. En effet, l’année 2009 a vu la mise en application – en vertu de la Loi de modernisation de l’économie[2] – d’un nouveau délai de paiement supplétif de 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires applicable à toutes les entreprises, privées et publiques, et destiné à réduire les contraintes de financement qui pèsent sur les cycles d’exploitation d’un grand nombre de petites et moyennes entreprises

Notre réflexion s’organise de la façon suivante. La section 2 résume les hypothèses théoriques sur le sujet. La section 3 présente les données. Les investigations statistiques sont discutées dans la section 4. La section 5 traite des travaux économétriques entrepris et la section 6 conclut.

1. Les théories du crédit interentreprises

Les premiers travaux sur la question sont d’ordre macroéconomique et rejoignent les préoccupations, alors d’actualité, de contrôle quantitatif des prêts bancaires. Le crédit interentreprises y est décrit comme un mécanisme permettant d’amortir des chocs de liquidité, grâce à des effets de compensation entre crédits bancaires et commerciaux, pour les firmes exposées au rationnement du crédit des banques. Il est alors présumé que ce sont les firmes les plus fragiles et contraintes – c’est-à-dire les plus petites et opaques – qui sont censées trouver des financements commerciaux plus conséquents auprès des grandes entreprises ayant un accès plus large aux sources externes de financement[3]. Parallèlement à ces développements théoriques généraux, d’autres contributions scientifiques consacrées à l’étude des comportements financiers de l’entreprise s’interrogent à propos des raisons pour lesquelles les firmes s’engagent dans des activités de financement par le biais du crédit interentreprises. À l’inverse des premiers, ces apports ne s’attachent pas à l’examen des principales conséquences mais à un exercice approfondi d’identification des causes de l’existence du crédit interentreprises. En ce sens, ils posent les fondements d’une théorie de l’offre de financement interentreprises. Ces réflexions partent du principe que les vendeurs ont des motivations particulières en finançant les achats de leurs clients. Matérialisée par le montant du poste créances clients, l’offre de financement des ventes de l’entreprise se justifie ainsi théoriquement par des considérations marketing (vérification des achats, augmentation des ventes et discrimination par les prix) mais également par des considérations en lien avec l’avantage informationnel du fournisseur. Cet avantage comparatif se traduit notamment par une réduction du niveau des asymétries d’information – souvent handicapantes pour les PME – et permet la réalisation d’objectifs stratégiques et financiers (soumission au contrat, investissements spécifiques et économies d’échelle).

Le motif de vérification des achats justifie le délai de paiement comme une garantie fournie par le vendeur à l’acheteur pour qu’il s’assure, avant paiement, de la bonne qualité et de la juste quantité des biens livrés ou des prestations assurées (Smith, 1987). Puisque l’asymétrie d’information peut tout d’abord concerner les produits vendus, avant la qualité financière de la contrepartie, le fournisseur, en acceptant le décalage temporel, assure son client de sa bonne foi et de la confiance qu’il a en sa production vendue. Suivant cette logique, les PME sont souvent contraintes de financer une partie importante de leurs ventes par le biais du crédit interentreprises en raison d’un manque de réputation et d’une plus forte opacité (Long, Malitz et Ravid, 1993). Pour limiter cet inconvénient majeur, les firmes de taille réduite peuvent toutefois user, lorsque leur trésorerie le permet, de l’escompte commercial comme d’un moyen de réduction de la période de vérification (Lee et Stowe, 1993).

Le crédit interentreprises est un élément déterminant du prix effectif des produits en raison de l’avantage ou du coût financier qu’il engendre selon sa configuration (avec ou sans escompte de règlement). À ce titre, il est une composante à part entière de la politique tarifaire du fournisseur (Schwartz, 1974). Il sert ainsi à la différenciation des offres concurrentes au même titre que les facilités de paiement déterminent en partie le choix de tout consommateur avisé. De ce point de vue, le crédit interentreprises est un outil possible et bien souvent nécessaire pour la PME, au renforcement de la position concurrentielle de l’entreprise sur son marché. Dans un but de promotion des ventes ou de stabilisation de la demande, une spécification adéquate de l’offre de crédit interentreprises par le vendeur est alors envisageable puisque, à la différence de l’intermédiaire financier, le fournisseur n’est pas contraint à la réalisation d’un bénéfice sur la partie financière de sa transaction commerciale avec l’acheteur. Ainsi, Nadiri (1969) montre que les termes du crédit interentreprises peuvent être particulièrement ajustés pour conquérir ou préserver des parts de marché, compenser les coûts de changement de fournisseurs ou encore faciliter un écoulement rapide des stocks et donc un transfert immédiat des coûts de stockage du fournisseur vers ses clients.

Par ailleurs, l’offre de crédit interentreprises intègre également un motif de discrimination par les prix (Crawford, 1992 ; Petersen et Rajan, 1997). La principale hypothèse sous-jacente au raisonnement est déterminante dans la compréhension et l’appréciation de ce motif. Cette hypothèse suppose que les termes principaux des crédits accordés aux clients (durée, montant, taux et période d’escompte, période nette) sont standardisés et répondent essentiellement de normes sectorielles plus ou moins formelles. Par conséquent, ils sont peu sensibles à la situation financière réelle de chaque client. De ce point de vue, les termes du crédit interentreprises ont pour effet notable de réduire le prix effectif des produits pour les clients les plus risqués en éliminant partiellement la prime de risque afférente à leur statut d’emprunteurs de moindre qualité. Les petites et moyennes entreprises sont ainsi les premières concernées par ce motif. Ces dernières peuvent en effet bénéficier de conditions de financement identiques aux grandes firmes de meilleure signature et donc s’approvisionner à bon compte, du moins théoriquement. De son côté, le fournisseur est encouragé à offrir des délais de paiement semblables à tous ses clients puisqu’il enregistre de la sorte une demande globale plus élevée ; la marge bénéficiaire du vendeur et les conditions sectorielles de crédit préétablies sont les principaux déterminants de l’influence de ce motif de discrimination par les prix.

Dans un contexte marqué par une incomplétude des contrats de prêt souscrits par les entreprises auprès des intermédiaires financiers, l’offre de crédit interentreprises se justifie également par une capacité incitative supérieure du fournisseur à recouvrir le montant des fonds prêtés (Mian et Smith, 1992 ; Jain, 2001 ; Cunat, 2007). Cet avantage tient principalement à la nature de la relation commerciale de dépendance qui sous-tend le crédit commercial entre le vendeur et l’acheteur et qui se trouverait rompue faute de non-respect des principaux engagements financiers de ce dernier. En cas de retards de paiement répétés ou d’impayés, la probabilité de perte pour l’acheteur des avantages liés à sa relation d’affaires de long terme est un déterminant principal de cette capacité supérieure de recouvrement des créances du fournisseur vis-à-vis de l’intermédiaire financier. Ces avantages sont matérialisés par l’assurance d’une certaine liquidité du client mais également par la possibilité de renégociations sans pénalités financières ou d’arrangements commerciaux et financiers à moindres coûts. L’offre de crédit commercial permet ainsi au fournisseur de se prémunir contre une attitude non complaisante de l’acheteur à l’égard de ses principales obligations contractuelles. La portée de cet argument varie toutefois sensiblement en fonction du degré de concurrence du marché sur lequel évoluent les contractants et de la position du fournisseur dans la concurrence verticale. Elle est également sensible aux rapports de force commerciaux qui lient les deux parties (Dietsch, 1998). Au détriment des plus petites, ces rapports s’expriment bien souvent au travers de la taille respective des entreprises.

Dans une perspective d’anticipation de ventes futures, le motif de promotion des ventes précédemment décrit a souligné l’importance de l’investissement réalisé par le fournisseur sous la forme de la fonction d’offre de crédit interentreprises. Ces gains sont notamment liés à l’inertie des clients les plus fidèles et à l’exploitation de la relation commerciale de long terme engagée à l’initiative du vendeur. En conséquence, ce dernier se doit de rentabiliser cet investissement en maintenant avec sa meilleure clientèle des relations commerciales pendant une durée de temps suffisante à la réalisation d’objectifs stratégiques tels que le dépassement d’un niveau donné de ventes ou de profits. Cela est notamment rendu possible par une utilisation particulière des termes du crédit interentreprises (Smith, 1987). Ainsi, il est courant que le fournisseur rallonge sans pénalités financières les délais de paiement d’un client éprouvant des difficultés passagères (Summers et Wilson, 2002) ou la période d’escompte d’un client désireux de réaliser un achat compétitif (Ng, Smith et Smith, 1999). Ces actions particulières sont alors des investissements immatériels et spécifiques du vendeur dans une relation commerciale de long terme.

Dans le cadre du motif lié aux économies d’échelle, deux arguments principaux justifient l’offre de crédit interentreprises faite par le fournisseur. Ils sont essentiellement liés à la réalisation d’objectifs financiers de la part de ce dernier. Premièrement, il apparaît que la taille de l’entreprise est un facteur d’influence positive sur le montant proposé de financement des ventes (Ng, Smith et Smith, 1999). En raison de l’importance des coûts fixes dans la gestion des créances clients de l’entreprise, une large clientèle implique un coût moyen de gestion par client plus faible et favorise ainsi le développement de l’offre de crédit par le biais des économies d’échelle réalisées. Le raisonnement est similaire pour les coûts de gestion engendrés par la pratique de l’escompte commercial. De façon implicite, ce premier argument suppose l’existence d’une relation positive, souvent vérifiée, entre la taille de l’entreprise et le nombre de ses clients. Le second argument interprète l’offre de crédit interentreprises du fournisseur comme la résultante d’un arbitrage financier effectué par ce dernier. Ainsi, Schwartz (1974) démontre que les firmes dont la trésorerie est excédentaire peuvent tirer des avantages commerciaux et financiers supérieurs en accordant des crédits supplémentaires à leurs clients plutôt qu’en plaçant simplement ces excédents à court terme. Pour leur part, Brick et Fung (1984) appuient leur raisonnement sur des considérations fiscales en supposant que les firmes confrontées à des taux d’imposition élevés sont susceptibles d’immobiliser une partie plus importante de leur trésorerie auprès de clients dont les taux d’imposition sont plus faibles.

En résumé, six principaux motifs justifiant l’offre de crédit interentreprises peuvent être avancés. Relevant simultanément de considérations commerciales, stratégiques et financières, ils se réfèrent de façon particulière à un avantage particulier que le fournisseur est en mesure d’exploiter par le biais de l’extension des crédits clients et justifient en partie le poids des créances commerciales au sein du bilan des firmes de toutes tailles. Dans la suite de l’article, nous testons empiriquement la validité de ces arguments théoriques à l’aide de données collectées sur un panel de PME.

2. Méthodologie de collecte des données

Pour disposer d’un niveau d’information suffisant aux tests des motifs d’offre de crédit commercial, nous avons interrogé directement, au début de l’année 2007, un panel de PME françaises à propos de leurs pratiques de gestion des créances clients au cours de l’exercice 2006. Pour ce faire, trois étapes principales ont guidé notre démarche méthodologique. Dans un premier temps, une population mère de 4 000 entreprises a été sélectionnée à partir de la base de données « DIANE » (Bureau Van Dijk éditions électroniques) selon les critères simples suivants : entreprises mises à jour, comptes disponibles, appartenance à la catégorie des PME selon les critères quantitatifs de la définition des instances européennes datant de 2003[4], exclusion des firmes cotées et de celles des secteurs de l’administration et des activités financières. Dans un second temps, nous avons transmis à ces entreprises, par voie postale, un questionnaire d’une dizaine d’items portant sur la nature des relations entretenues avec les partenaires commerciaux, les pratiques du crédit interentreprises ainsi que les principales caractéristiques du marché principal et des produits ou services offerts. Après vérification de la cohérence des informations recueillies et élimination des questionnaires présentant des réponses manquantes, notre population finale, composée des réponses exploitables au questionnaire, s’est établie à 513 entreprises, soit près de 13 % de la population mère. Enfin, les informations qualitatives collectées ont été complétées, dans un troisième temps, par des données comptables issues des liasses fiscales extraites de la base « DIANE ».

Au sujet des caractéristiques démographiques des 513 firmes de la population finale, en comparaison de la population mère de 4 000 PME, le tableau 1 ci-après indique qu’il s’agit principalement de sociétés anonymes et d’entreprises individuelles. Les différentes positions sur la chaîne de production sont, à l’exception des négociants, significativement représentées. Établie au moyen de la nomenclature économique de synthèse (NES), l’appartenance sectorielle souligne la prédominance des entreprises du commerce, des industries des biens intermédiaires et de la construction. La répartition par type de marché est équilibrée et les mesures de taille utilisées (effectifs, types de PME, total de l’actif et du chiffre d’affaires) indiquent une prépondérance des petites entreprises.

Tableau 1

Caractéristiques des firmes du panel initial et du panel final

Critères

Modalités

Population mère

4000 PME

Population finale

513 PME

N

%

N

%

Type de PME

Microentreprise

Petite entreprise

Moyenne entreprise

1587

1482

931

39,6

37,1

23,3

147

204

162

28,7

39,7

31,6

Forme juridique

Entreprise individuelle

E.U.R.L.

Société en nom collectif

S.A.R.L.

Société anonyme

1160

160

320

1040

1320

29,0

4,0

8,0

26,0

33,0

130

4

6

129

244

25,3

0,8

1,2

25,1

47,6

Position

Fabricant

Producteur

Entrepreneur

Grossiste

Négociant

Détaillant

Prestataire de services

924

236

448

896

128

484

884

23,1

5,9

11,2

22,4

3,2

12,1

22,1

175

11

67

113

3

53

91

34,1

2,1

13,0

22,0

0,6

10,3

17,9

Nomenclatures économiques de synthèse

Agriculture, sylviculture, pêche (EA)

Industries agricoles et alimentaires (EB)

Industries des biens de consommation (EC)

Industrie automobile (ED)

Industrie des biens d’équipement (EE)

Industrie des biens intermédiaires (EF)

Construction (EH)

Commerce (EJ)

Transports (EK)

Services aux entreprises (EN)

Services aux particuliers (EP)

Éducation, santé, action sociale (EQ)

40

176

244

28

280

548

612

1292

280

360

40

36

1,0

4,4

6,1

0,7

7,0

13,7

15,3

32,3

7,0

9,0

36,0

0,9

4

16

37

8

32

91

67

185

28

38

6

1

0,8

3,2

7,3

1,5

6,3

17,7

13,0

36,0

5,4

7,4

1,2

0,2

Type de marché

Local

Régional

National

International

932

1424

948

696

23,3

35,6

23,7

17,4

74

230

136

73

14,4

44,8

26,5

14,3

Âge

0 à 4 ans

5 à 9 ans

10 à 14 ans

15 à 19 ans

20 ans et plus

776

1717

744

478

285

19,4

42,9

18,6

11,9

7,2

141

194

105

51

22

27,5

27,8

30,4

10,0

4,3

 

Moyenne

Médiane

Écart type

6,8

6,0

1,9

8,5

7,0

2,1

Total de l’actif (Keur)

[0-49]

[50-99]

[100-199]

[200-499]

[500-999]

[1000-2699]

741

808

668

852

460

471

18,5

20,2

16,7

21,3

11,5

11,8

65

80

76

130

74

88

12,7

15,6

14,8

25,3

14,4

12,4

 

Moyenne

Médiane

Écart type

382

172

61

408

416

53

Chiffre d’affaires (Keur)

[0-49]

[50-99]

[100-199]

[200-499]

[500-999]

[1000-2699]

510

492

774

791

502

931

12,7

12,3

19,3

19,8

12,6

23,3

38

39

75

111

88

162

7,4

7,6

14,6

21,6

17,2

31,6

 

Moyenne

Médiane

Écart type

426

237

78

511

245

102

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3. Analyses statistiques de l’échantillon

Sur la base des informations recueillies, cette section s’attache à l’analyse des comportements en matière d’offre de crédit interentreprises des 513 firmes de notre population finale. Ces informations originales concernent les déterminants des termes du crédit client offert, les motifs de variation de ces termes, la durée de crédit moyenne, la fréquence d’utilisation de l’escompte de règlement et la pratique des retards de paiement.

3.1. Les déterminants des termes du crédit client

Selon l’ensemble des réponses obtenues (tableau 2), les décisions internes à l’entreprise (44 %) sont le principal déterminant des termes du crédit client proposés. Elles devancent les demandes émanant des clients (35 %) et, en dernière position, l’influence des normes sectorielles (21 %). Ce classement dépend de la position de l’entreprise sur la chaîne de production (tableau 3). Ainsi, les firmes en amont de cette chaîne (fabricant, producteur, entrepreneur, grossiste) usent d’un pouvoir de négociation lié à leur position plus important. Cet avantage est un élément pouvant justifier la détermination des termes du crédit principalement selon les décisions internes à l’entreprise. À l’inverse, les firmes situées en aval du processus de commercialisation (détaillant et prestataire de services), jouissant d’un pouvoir de négociation plus faible et exposées à une concurrence plus importante, classent les demandes du client (50,9 % et 40,7 %, respectivement) comme le principal déterminant des termes du crédit proposé aux clients. D’après les différences de pourcentage observées sur les 513 firmes de notre population finale, il apparaît que le positionnement de la petite entreprise au sein du processus de production et de commercialisation est un élément principal de détermination des termes du financement en raison du pouvoir de marché qu’il implique. Ce pouvoir de marché s’exprime également à travers la taille de l’entreprise (tableau 4) : les microentreprises classent les demandes du client comme le principal déterminant (42,2 %), ce qui n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises du panel (32,8 % et 30,3 %, respectivement).

Tableau 2

Les déterminants des termes du crédit client

Type de déterminants

N

Firmes ( %)

Les normes sectorielles

Les décisions internes

Les demandes du client

109

226

178

21,2

44,1

34,7

Total

513

100,0

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Tableau 3

Les déterminants des termes du crédit client par position

Type de déterminants

Fabricant

Producteur

Entrepreneur

Grossiste

N

%

N

%

N

%

N

%

Les normes sectorielles

Les décisions internes

Les demandes du client

42

73

60

24

41,7

34,3

4

5

2

36,4

45,4

18,2

12

29

26

17,9

43,3

38,8

29

59

25

25,7

52,2

22,1

Total

175

100,0

11

100,0

67

100,0

113

100,0

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Type de déterminants

Négociant

Détaillant

Prestataire

de services

N

%

N

%

N

%

Les normes sectorielles

Les décisions internes

Les demandes du client

1

1

1

33,3

33,3

33,3

8

18

27

15,1

34,0

50,9

13

41

37

14,3

45,0

40,7

Total

3

100,0

53

100,0

91

100,0

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Tableau 4

Les déterminants des termes du crédit client par taille selon le type de PME

Type de déterminants

Microentreprises

Petites entreprises

Moyennes entreprises

N

%

N

%

N

%

Les normes sectorielles

Les décisions internes

Les demandes du client

25

60

62

17

40,8

42,2

42

95

67

20,6

46,6

32,8

42

71

49

25,9

43,8

30,3

Total

147

100,0

204

100,0

162

100,0

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3.2. Les motifs de variation des termes du crédit client

L’étude des raisons justifiant une variation des termes du crédit client révèle des comportements fortement dépendants de la taille des entreprises. Selon le tableau 5, le classement sur une échelle de Likert[5] de 1 à 5 des 10 motifs principaux de variation de ces termes souligne l’importance respective des motifs financiers et concurrentiels – au détriment des motifs de promotion des ventes – dans le choix de la politique de financement des ventes des PME observées. « Aider un client en difficultés passagères » apparaît ainsi comme la cause principale de variation. Le motif financier et le rôle d’« intermédiaire de substitution » du fournisseur se trouvent empiriquement validés par ces statistiques. Ce rôle de soutien est d’ailleurs d’autant plus important que les firmes sont petites[6] (tableau 5). À l’image des conclusions établies par Davis et Yeomans (1974), ce ne sont donc pas les entreprises les plus grandes et liquides qui assurent le soutien le plus marqué en cas de difficultés financières du client comme le soutenaient les premières théories macroéconomiques sur la question. Inversement, les firmes de taille moyenne accordent, comparativement aux petites et aux microentreprises, une importance supérieure aux motifs financiers permettant de tirer profit de l’utilisation du crédit interentreprises[7] (augmentation des disponibilités de caisse, en réponse aux conditions économiques). Relativement aux motifs concurrentiels, « conserver un client » est la cause majeure de modification des termes du crédit pour toutes les classes de taille. Toutefois, il semble qu’en liaison avec les rapports de force et de façon contre-intuitive, les microentreprises ne prêtent que peu d’intérêt au fait qu’« un client insiste » pour justifier d’une modification des conditions du crédit[8]. Dans une moindre mesure, ce constat est valide au motif de « rester compétitif ». La modification des conditions du crédit client à des fins concurrentielles apparaît d’autant plus réalisable ou souhaitable que la taille de la firme ou le volume des ventes sont importants.

Tableau 5

Les motifs de variation des termes du crédit client

Motifs de variation des termes du crédit     

[1]

[2]

[3]

[4]

[5]

Total

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

N

%

Toutes les entreprises

Motifs de promotion des ventes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Promouvoir des produits/services existants

   Promouvoir des produits/services nouveaux

237

293

46,2

57,1

135

85

26,3

16,6

82

73

16,0

14,2

38

40

7,4

7,8

21

22

4,1

4,3

513

513

100

100

Motifs concurrentiels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Attirer un nouveau client important

   Attirer de nouveaux clients en général

   Conserver un client

   Parce qu’un client insiste

   Rester compétitif

163

195

102

92

150

31,8

38,0

19,9

17,9

29,2

62

132

75

88

147

12,1

25,7

14,6

17,1

28,7

150

102

160

193

113

29,2

19,9

31,2

37,6

22,0

86

51

111

102

64

16,7

9,9

21,6

19,9

12,5

52

33

65

38

39

10,2

6,5

12,7

7,5

7,6

513

513

513

513

513

100

100

100

100

100

Motifs financiers :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Augmenter les disponibilités de caisse

   Aider un client en difficultés passagères

   En réponse aux conditions économiques

186

79

131

36,3

15,4

25,5

120

59

75

23,3

11,5

14,6

83

156

181

16,2

30,4

35,4

65

138

87

12,7

26,9

16,9

59

81

39

11,5

15,8

7,6

513

513

513

100

100

100

Microentreprises

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Motifs de promotion des ventes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Promouvoir des produits/services existants

   Promouvoir des produits/services nouveaux

64

84

43,5

57,1

38

27

25,9

18,4

25

17

17,0

11,6

14

14

9,5

9,5

6

5

4,1

3,4

147

147

100

100

Motifs concurrentiels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Attirer un nouveau client important

   Attirer de nouveaux clients en général

   Conserver un client

   Parce qu’un client insiste

   Rester compétitif

49

55

30

37

43

33,3

37,4

20,4

25,2

29,3

14

45

24

23

45

9,5

30,6

16,3

15,6

30,6

42

23

41

51

33

28,6

15,6

27,9

34,7

22,4

28

15

35

29

17

19,1

10,2

23,8

19,7

11,6

14

9

17

7

9

9,5

6,2

11,6

4,8

6,1

147

147

147

147

147

100

100

100

100

100

Motifs financiers :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Augmenter les disponibilités de caisse

   Aider un client en difficultés passagères

   En réponse aux conditions économiques

66

22

42

44,9

15,0

28,6

35

17

23

23,8

11,6

15,6

23

42

52

15,6

28,6

35,4

13

39

22

8,9

26,5

15,0

10

27

8

6,8

18,3

5,4

147

147

147

100

100

100

Petites entreprises

Motifs de promotion des ventes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Promouvoir des produits/services existants

   Promouvoir des produits/services nouveaux

93

117

45,6

57,3

57

33

27,9

16,2

32

32

15,7

15,7

14

12

6,9

5,9

8

10

3,9

4,9

204

204

100

100

Motifs concurrentiels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Attirer un nouveau client important

   Attirer de nouveaux clients en général

   Conserver un client

   Parce qu’un client insiste

   Rester compétitif

64

80

40

31

66

31,4

39,2

19,6

15,2

32,3

29

54

27

38

58

14,2

26,5

13,2

18,6

28,4

60

42

68

77

43

29,4

20,6

33,3

37,7

21,1

28

15

41

41

23

13,7

7,3

20,2

20,1

11,3

23

13

28

17

14

11,3

6,4

13,7

8,4

6,9

204

204

204

204

204

100

100

100

100

100

Motifs financiers :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Augmenter les disponibilités de caisse

   Aider un client en difficultés passagères

   En réponse aux conditions économiques

73

30

45

35,8

14,7

22,1

43

19

27

21,1

9,3

13,2

35

66

72

17,2

32,3

35,3

29

57

44

14,2

27,9

21,6

24

32

16

11,7

15,8

7,8

204

204

204

100

100

100

Moyennes entreprises

Motifs de promotion des ventes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Promouvoir des produits/services existants

   Promouvoir des produits/services nouveaux

80

92

49,4

56,8

40

25

24,7

15,4

25

24

15,4

14,8

10

14

6,2

8,7

7

7

4,3

4,3

162

162

100

100

Motifs concurrentiels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Attirer un nouveau client important

   Attirer de nouveaux clients en général

   Conserver un client

   Parce qu’un client insiste

   Rester compétitif

50

60

32

24

41

30,9

37,0

19,7

14,8

25,3

19

33

24

27

44

11,7

20,4

14,8

16,7

27,2

48

37

51

65

37

29,6

22,8

31,5

40,1

22,8

30

21

35

32

24

18,5

13,0

21,6

19,7

14,8

15

11

20

14

16

9,3

6,8

12,4

8,7

9,9

162

162

162

162

162

100

100

100

100

100

Motifs financiers :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Augmenter les disponibilités de caisse

   Aider un client en difficultés passagères

   En réponse aux conditions économiques

47

27

44

29,0

16,7

27,2

42

23

25

25,9

14,2

15,4

25

48

57

15,4

29,6

35,2

23

42

21

14,2

25,9

13,0

25

22

15

15,4

13,6

9,2

162

162

162

100

100

100

1 = pas du tout important ; 2 = peu ; 3 = moyennement ; 4 = assez ; 5 = fortement important.

-> See the list of tables

3.3. La durée du crédit client

Pour une majorité de firmes (60,7 %), les règlements des clients n’interviennent pas avant 47 jours (tableau 6). La période de paiement la plus fréquente est de 60 jours et plus (34,4 %) alors que 5,4 % des firmes sont, le plus souvent, réglées au comptant. À titre de comparaison[9], il est intéressant de noter que si le pourcentage de firmes payées au comptant semble stable par rapport à d’autres études, environ 5 % (4,8 % en Grande-Bretagne [Summers et Wilson, 2002]) ; 4,2 % aux États-Unis [Ng, Smith et Smith, 1999]), la période de paiement la plus fréquente en France – 60 jours et plus – est le double de celle observée en Grande-Bretagne (30 jours selon Summers et Wilson, 2002) et aux États-Unis (30 jours pour Ng, Smith et Smith, 1999) mais ne représente que la moitié de la période moyenne constatée en Italie (124 jours d’après Marotta, 2001).

La taille du marché de l’entreprise se révèle être, d’après le tableau 7, un déterminant majeur de la durée du crédit client pour les firmes de notre population finale. Ainsi, l’éloignement des clients entraîne un allongement de la durée de ce crédit : 52,1 % des firmes travaillant à l’international ont une période de crédit de 60 jours et plus, contre 17,6 % pour les firmes exerçant sur un marché local. Ces éléments confirment la validité du motif de vérification comme justificatif de l’offre de crédit interentreprises. Les firmes de taille moyenne affichent une durée du crédit client plus importante que les petites firmes (tableau 8). Le motif lié aux économies d’échelle peut expliquer ce constat.

Tableau 6

La durée du crédit client

Périodes de crédit (jrs)

N

% firmes

Comptant

[1-7]

[8-14]

[15-29]

[30]

[31-46]

[47-60]

[60 et +]

28

21

10

25

47

71

135

176

5,4

4,2

1,9

4,8

9,2

13,8

26,3

34,4

Total

513

100,0

-> See the list of tables

Tableau 7

La durée du crédit client par type de marché

Périodes de crédit (jrs)

Local

Régional

National

International

N

%

N

%

N

%

N

%

Comptant

[1-7]

[8-14]

[15-29]

[30]

[31-46]

[47-60]

[60 et +]

12

8

3

6

14

9

9

13

16,2

10,8

4,0

8,1

18,9

12,2

12,2

17,6

16

10

2

11

16

42

67

66

6,9

4,3

0,9

4,8

6,9

18,3

29,1

28,8

0

2

4

7

9

12

43

59

0,0

1,5

3,0

5,1

6,6

8,9

31,6

43,3

0

1

1

1

8

8

16

38

0,0

1,4

1,4

1,4

10,9

10,9

21,9

52,1

Total

74

100,0

230

100,0

136

100,0

73

100,0

-> See the list of tables

Tableau 8

La durée du crédit client par taille selon le type de PME

Périodes de crédit (jrs)

Microentreprises

Petites entreprises

Moyennes entreprises

N

%

N

%

N

%

Comptant

[1-7]

[8-14]

[15-29]

[30]

[31-46]

[47-60]

[60 et +]

15

10

3

10

18

23

33

35

10,2

6,8

2,1

6,8

12,2

15,6

22,5

23,8

10

8

4

8

17

29

65

63

4,9

3,9

2,0

3,9

8,3

14,2

31,9

30,9

3

3

3

7

12

19

37

78

1,9

1,9

1,9

4,3

7,4

11,7

22,8

48,1

Total

147

100,0

204

100,0

162

100,0

-> See the list of tables

3.4. L’utilisation de l’escompte de règlement

Il existe peu de données sur la fréquence d’utilisation du mécanisme d’escompte de règlement des PME françaises. Pourtant, ces informations cruciales déterminent le coût financier du crédit interentreprises. Sur une échelle de 1 (jamais) à 5 (toujours) représentant la fréquence d’utilisation de l’escompte de règlement, 10 % des firmes de notre panel final déclarent fréquemment ou toujours inclure un pourcentage de remise, généralement 1 % à 3 % du prix de vente, pour un paiement rapide ou immédiat de l’acheteur (tableau 9). La moitié des firmes (49,3 %) ne l’utilise jamais, 25 % rarement et 15,6 % occasionnellement. La pratique de l’escompte est plus développée dans les pays anglo-saxons. Nos données (tableau 11) confirment que cette pratique est fortement dépendante de l’appartenance sectorielle et se concentre essentiellement dans les secteurs de l’industrie des biens de consommation, des industries des biens intermédiaires et du commerce. Les firmes évoluant sur des marchés de taille importante usent également de façon plus intensive du mécanisme d’escompte (tableau 10).

Tableau 9

Utilisation de l’escompte de règlement

Fréquence d’utilisation

N

%

Jamais

Rarement

Occasionnellement

Fréquemment

Toujours

253

129

80

28

23

49,3

25,1

15,6

5,5

4,5

Total

513

100,0

-> See the list of tables

Tableau 10

Utilisation de l’escompte de règlement par type de marché

Fréquence d’utilisation

Local

Régional

National

International

N

%

N

%

N

%

N

%

Jamais

Rarement

Occasionnellement

Fréquemment

Toujours

53

14

6

0

1

71,6

18,9

8,2

0,0

1,3

118

64

26

13

9

51,3

27,8

11,3

5,7

3,9

51

35

34

9

7

37,5

25,7

25,0

6,6

5,2

31

16

14

6

6

42,5

21,9

19,2

8,2

8,2

Total

74

100,0

230

100,0

136

100,0

73

100,0

-> See the list of tables

Tableau 11

Utilisation de l’escompte de règlement par nomenclature économique de synthèse (en pourcentage du nombre de firmes)

Fréquence d’utilisation

EA

%

EB

%

EC

%

ED

%

EE

%

EF

%

EH

%

EJ

%

EK

%

EN

%

EP

%

EQ

%

Jamais

Rarement

Occasionnellement

Fréquemment

Toujours

25

50

25

0

0

31,2

50,0

18,8

0,0

0,0

21,6

29,7

24,3

8,2

16,2

62,5

37,5

0,0

0,0

0,0

46,9

21,9

31,2

0,0

0,0

37,4

30,8

18,7

5,5

7,6

59,7

19,4

11,9

9,0

0,0

48,6

23,2

15,7

7,0

5,5

71,4

14,3

10,7

3,6

0,0

78,9

21,1

0,0

0,0

0,0

66,7

33,3

0,0

0,0

0,0

100,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Total

100

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

-> See the list of tables

3.5. La fréquence des retards de paiement

D’après le tableau 12, le retard de paiement est une pratique courante pour les clients des entreprises répondantes. Seules 23,4 % d’entre elles déclarent ne jamais (4,1 %) ou rarement (19,3 %) subir de retards dans le recouvrement des créances clients. Pour 41,7 % des firmes, le retard de paiement est occasionnel mais il est fréquent dans 32,6 % des cas et systématique pour 2,3 % des firmes de l’échantillon. Ce constat confirme la crainte des autorités européennes de voir le retard de paiement devenir la règle plutôt que l’exception.

À la suite de ces premiers enseignements tirés de comparaisons statistiques sur la base des réponses fournies par les 513 entreprises enquêtées, la suite de l’analyse empirique mobilise l’outil économétrique pour fournir d’autres informations et des enseignements complémentaires sur les pratiques réelles de gestion des créances commerciales des PME françaises.

Tableau 12

Fréquence des retards de paiement

Fréquence des retards

N

%

Jamais

Rarement

Occasionnellement

Fréquemment

Toujours

21

99

214

167

12

4,1

19,3

41,7

32,6

2,3

Total

513

100,0

-> See the list of tables

4. Analyses économétriques

Les analyses statistiques ont souligné l’importance des caractéristiques de l’entreprise dans la détermination des conditions d’utilisation du crédit interentreprises. Pour approfondir ces relations et tester les théories financières synthétisées, cette section présente les résultats de tests économétriques. L’objectif est ici de modéliser, simultanément, les principaux aspects quantitatifs et qualitatifs de l’offre de crédit interentreprises émanant des firmes de notre panel (Ng, Smith et Smith, 1999 ; Marotta, 2001 ; Summers et Wilson, 2003). Pour ce faire, nous recherchons parmi un ensemble de variables explicatives potentielles les déterminants économétriques de variables matérialisant ces deux aspects. Après une présentation des variables utilisées et une synthèse des spécifications économétriques retenues, nous discutons les principaux résultats de l’analyse.

4.1. La sélection des variables

Nous avons retenu des variables expliquées en rapport avec la quantité et la forme du crédit interentreprises mis à disposition des clients des firmes de notre panel pour tester les prédictions théoriques avancées. Concernant les variables explicatives, elles se réfèrent principalement aux caractéristiques démographiques et financières des entreprises, aux propriétés des biens ou services qu’elles produisent ainsi qu’aux spécificités de la demande émanant des clients.

4.1.1. Les variables dépendantes

L’aspect quantitatif de l’offre de crédit interentreprises est mesuré par deux variables expliquées. La première est la variable ICC définie comme la somme normalisée par le chiffre d’affaires du poste créances clients et des effets portés à l’escompte et non échus de l’entreprise. Représentative du poids du crédit client, cette variable est estimée par la méthode des moindres carrés ordinaires. La seconde variable expliquée, notée DCC, est proche de la première. Exprimée en jours de chiffre d’affaires, elle représente la durée du crédit client de l’entreprise. Cette variable est pour sa part modélisée selon une procédure Probit ordonnée.

L’aspect qualitatif étudié est relatif à la forme principale que revêt l’offre de crédit interentreprises des firmes enquêtées. À partir des réponses à notre enquête, nous distinguons trois types d’entreprises en fonction de leur politique principale d’offre de crédit client : les entreprises privilégiant le règlement au comptant (27 cas) identifiées par la variable RAC ; les firmes qui optent en priorité pour un crédit à terme net sans escompte commercial (435 cas) identifiées par la variable CTN ; et les firmes adoptant principalement un crédit à terme variable, c’est-à-dire incluant un mécanisme d’escompte de façon fréquente ou systématique (51 cas) et qui sont identifiées par la variable CTV. Sur la base d’estimations logistiques, nous modélisons les trois choix binaires suivants : proposer principalement un crédit client à terme net ou un règlement au comptant, choix noté CTNvsRAC ; proposer principalement un crédit client à terme variable avec escompte commercial ou un règlement au comptant, choix noté CVEvsRAC ; et proposer principalement un crédit client à terme variable avec escompte commercial ou un crédit client à terme net, choix noté CVEvsCTN. Chacun de ces trois choix est ainsi modélisé comme une variable dépendante dichotomique pouvant prendre la valeur 0 ou 1 selon la configuration principale de la politique d’offre de crédit interentreprises des entreprises observées (Ng, Smith et Smith, 1999 ; Summers et Wilson, 2002).

4.1.2. Les variables indépendantes

En lien avec les différents motifs théoriques présentés dans la deuxième section, les variables explicatives du modèle d’offre de crédit interentreprises se rapportent à l’entreprise qui accorde le crédit (taille ; âge ; rentabilité ; disponibilité des financements bancaires d’exploitation), à la nature des produits ou services qui sont la contrepartie du financement (difficulté de vérification de la qualité ; degré de concurrence) ainsi qu’aux caractéristiques principales de la demande émanant de la clientèle (nombre de clients ; type de clientèle ; saisonnalité).

La taille des entreprises est mesurée par le logarithme du total de l’actif du bilan (LTA). Nous considérons également l’effet taille à travers l’étendue du marché principal de l’entreprise. Ce dernier pouvant être local, régional, national ou international, nous incluons des variables indicatrices relatives (LOC ; REG ; NAT ; INT)[10]. Représentative de l’expérience et de la qualité du management en raison du fort taux de mortalité des jeunes PME (Demoly et Thirion, 2001), l’âge de l’entreprise est mesuré par la variable AGE à partir de la date de sa création selon une spécification logarithmique simple de type [Ln (1 + âge de la firme)]. Nous utilisons également le carré de cette expression, la variable AGE², de façon à rendre compte de l’influence non linéaire de l’âge des firmes sur la fonction d’offre de crédit interentreprises (Petersen et Rajan, 1997). Une variable représentative du taux de rentabilité d’exploitation de l’entreprise (REXP) est incluse pour mesurer l’impact de la profitabilité de l’activité sur l’offre de crédits clients. Cette dernière est calculée comme le rapport du résultat brut d’exploitation sur le chiffre d’affaires hors taxes. La disponibilité des financements bancaires d’exploitation est appréhendée à partir du questionnaire qui mesure l’avis du dirigeant de l’entreprise. Ainsi, la variable indicatrice RAT identifie les entreprises contraintes dans l’obtention de financements bancaires d’exploitation au cours de l’exercice comptable 2006.

Au sujet des caractéristiques de la production vendue, la variable indicatrice QUA identifie les firmes pour lesquelles la qualité des biens ou services vendus est difficilement vérifiable en termes de temps et de coût financier pour l’acheteur. De même, une fréquence rapide des changements de gamme et un degré d’innovation important des produits proposés à la vente sont des déterminants de la période d’inspection qu’autorise le crédit commercial (Ng, Smith et Smith, 1999). Ces caractéristiques sont respectivement mesurées par les variables indicatrices CGT et INN. Au regard des considérations stratégiques d’offre, la variable indicatrice COM identifie les firmes évoluant sur un marché fortement concurrentiel. Toutes ces informations sont extraites des réponses à notre enquête.

À propos des principales caractéristiques de la demande, la variable NBC renseigne sur le nombre moyen de clients de l’entreprise au cours de l’exercice 2006. Construite d’après les réponses à l’enquête, cette variable permet d’apprécier la fréquence des transactions de l’entreprise et donc la possibilité de réalisation d’économies d’échelle dans la gestion du compte client. De façon indirecte, nous mesurons également le degré de concentration des transactions à l’aide de la variable CTNC qui rapporte le chiffre d’affaires au nombre moyen de clients de l’entreprise. L’importance et la forme du crédit client accordé dépendent également du type de clientèle principale de l’entreprise. Selon les réponses obtenues, nous identifions la position de la clientèle majoritaire des entreprises enquêtées par le biais des variables indicatrices DET, GRS et PDT. Ainsi, nous distinguons les firmes dont la clientèle se compose principalement de détaillants, de grossistes ou de producteurs[11]. En liaison avec les rapports de force commerciaux entre contractants et, d’après la même source, les variables indicatrices INF, EGL et SUP mesurent l’effet relatif de la taille moyenne des firmes clientes (inférieure ; égale ; supérieure) par rapport à celle de l’entreprise vendeuse qui accorde le financement.

En dernier lieu, la variable indicatrice SAI identifie les entreprises répondant à une demande principalement saisonnière. Les informations relatives à l’ensemble de ces variables ainsi que les statistiques descriptives usuelles sont synthétisées dans le tableau 13.

4.2. Les résultats économétriques

Les résultats économétriques des estimations du modèle d’offre de crédit interentreprises sont exposés dans le tableau 14. Les modèles I et II sont relatifs aux estimations de la variable ICC. Les modèles III et IV concernent la variable DCC tandis que les résultats des estimations des variables CTNvsRAC, CVEvsRAC et CVEvsCTN sont respectivement présentés dans les modèles V, VI et VII.

Tableau 13

Définitions et statistiques descriptives des variables du modèle d’offre de crédit interentreprises (moyenne, écart type et nombre d’observations)

Type de variables

 

Libellé

Définitions des variables                    

Moy.

E.T

N

Variables

dépendantes

 

ICC

DCC

CTNvsRAC

CVEvsRAC

CVEvsCTN

(Créances clients + E.P.E.N.E.1) / chiffre d’affaires T.T.C.

{(Créances clients + E.P.E.N.E.) × 365} / chiffre d’affaires T.T.C. (jrs de C.A.)

= 1 si utilisation du crédit à terme net, 0 si règlement au comptant.

= 1 si utilisation du crédit avec escompte, 0 si règlement au comptant.

= 1 si utilisation du crédit avec escompte, 0 si crédit à terme net.

0,18

64,29

0,94

0,65

0,10

0,15

44,65

0,21

0,46

0,30

513

513

465

76

485

Variables

indépendantes

Caractéristiques de l’entreprise

LTA

LOC

REG

NAT

INT

AGE

AGE²

REXP

RAT

Ln (total de l’actif du bilan)

= 1 si le marché de l’entreprise est local, 0 autrement.

= 1 si le marché de l’entreprise est régional, 0 autrement.

= 1 si le marché de l’entreprise est national, 0 autrement.

= 1 si le marché de l’entreprise est international, 0 autrement.

Ln (1 + âge de l’entreprise)

Ln (1 + âge de l’entreprise)²

Excédent brut d’exploitation / chiffre d’affaires H.T.

= 1 si la firme est rationnée en crédit bancaire d’exploitation, 0 autrement.

1,27

0,35

0,44

0,50

0,35

0,74

1,31

0,17

0,29

7,49

0,14

0,45

0,27

0,14

2,28

4,54

0,08

0,10

513

513

513

513

513

513

513

513

513

Caractéristiques des produits/services

QUA

CGT

INN

COM

= 1 si la qualité des produits/services est difficilement vérifiable, 0 autrement.

= 1 si la gamme des produits/services change rapidement, 0 autrement.

= 1 si les produits/services sont innovants, 0 autrement.

= 1 si l’entreprise évolue dans un marché compétitif, 0 autrement.

0,23

0,41

0,45

0,33

0,06

0,22

0,29

0,88

513

513

513

513

Caractéristiques de la demande

NBC

CTNC

DET

GRS

PDT

INF

EGL

SUP

SAI

Ln (nombre de clients actifs de l’entreprise)

Chiffre d’affaires T.T.C./nombre de clients actifs de l’entreprise

= 1 si la clientèle est surtout constituée de détaillants, 0 autrement.

= 1 si la clientèle est surtout constituée de grossistes, 0 autrement.

= 1 si la clientèle est surtout constituée de producteurs, 0 autrement.

= 1 si la clientèle est surtout constituée de firmes de taille inférieure, 0 autrement.

= 1 si la clientèle est surtout constituée de firmes de taille égale, 0 autrement.

= 1 si la clientèle est surtout constituée de firmes de taille supérieure, 0 autrement.

= 1 si la firme répond à une demande à caractère saisonnier, 0 autrement.

1,94

29,73

0,48

0,42

0,49

0,48

0,41

0,49

0,49

5,79

20,45

0,37

0,22

0,41

0,35

0,22

0,43

0,48

513

513

513

513

513

513

513

513

513

1. Effets portés à l’escompte et non échus.

-> See the list of tables

Tableau 14

Résultats des estimations du modèle d’offre de crédit interentreprises

Variables

   I   

   II   

   III   

   IV   

   V   

   VI   

   VII   

[1]

 

 

 

 

 

 

 

LTA

0,0141

(0,005)

0,4121

(8,11)

REG

0,004

(0,008)

0,184

(0,91)

0,719

(1,34)

0,842

(,718)

0,917

(1,17)

NAT

0,0412

(0,018)

0,2643

(2,79)

1,41

(2,06)

0,881

(1,32)

0,8013

(3,46)

INT

0,0551

(0,021)

0,6441

(7,24)

0,9813

(2,91)

1,141

(7,68)

1,651

(8,17)

AGE

0,0212

(0,009)

0,0262

(0,011)

0,0452

(5,34)

0,0232

(5,08)

0,114

(1,61)

0,8133

(3,67)

0,1081

(9,47)

AGE²

– 0,0112

(0,005)

– 0,0062

(0,003)

– 0,0052

(4,81)

– 0,0022

(4,61)

REXP

0,0571

(0,022)

0,0612

(0,024)

0,1981

(7,23)

0,3311

(7,19)

0,0333

(2,97)

– 0,789

(0,643)

– 0,037

(0,382)

RAT

 

– 0,0111

(0,004)

– 0,0102

(0,005)

– 0,7052

(4,81)

– 0,3422

(4,99)

– 1,27

(1,67)

– 0,785

(1,98)

0,058

(0,501)

[2]

 

 

 

 

 

 

 

QUA

0,0182

(0,008)

0,0272

(0,012)

0,5183

(2,27)

0,5182

(6,18)

0,186

(0,348)

0,722

(0,882)

– 0,1183

(3,77)

CGT

– 0,0342

(0,012)

– 0,0212

(0,010)

– 0,1212

(4,31)

– 0,1943

(2,87)

– 0,7482

(5,75)

– 1,562

(5,11)

– 1,045

(2,31)

INN

0,021

(0,017)

0,006

(0,012)

0,049

(0,61)

0,077

(0,809)

2,812

(5,08)

1,043

(3,72)

0,041

(0,53)

COM

0,014

(0,013)

0,023

(0,027)

0,510

(1,22)

0,287

(1,99)

1,21

(1,97)

1,532

(5,08)

0,6373

(3,18)

[3]

 

 

 

 

 

 

 

NBC

– 0,0521

(0,017)

– 0,1871

(7,09)

– 0,184

(2,08)

– 0,789

(,708)

– 0,348

(1,18)

CTNC

0,0472

(0,018)

0,0352

(4,97)

GRS

0,011

(0,008)

0,090

(0,123)

0,213

(0,794)

0,063

(0,493)

0,120

(0,510)

1,37

(0,666)

0,318

(0,493)

PDT

0,0551

(0,017)

0,0531

(0,019)

0,6181

(8,51)

0,3901

(8,07)

0,9121

(6,49)

1,843

(3,60)

– 0,6802

(4,81)

EGL

0,0143

(0,008)

0,020

(0,014)

0,6513

(1,82)

0,371

(1,88)

2,07

(2,74)

0,878

(1,07)

0,037

(0,464)

SUP

0,0213

(0,012)

0,031

(0,024)

0,738

(1,81)

0,410

(2,79)

2,373

(2,91)

1,06

(0,964)

0,182

(1,68)

SAI

– 0,018

(0,012)

– 0,011

(0,009)

– 0,228

(1,49)

– 0,123

(1,46)

0,408

(1,21)

0,131

(1,68)

0,049

(1,91)

N

Pseudo-R²

F-test

-2LL

513,00

0,25

8,561

513,00

0,22

8,091

513,00

0,18

571,91

513,00

0,16

563,17

465,00

0,12

418,49

76,00

0,09

181,42

485,00

0,011

456,52

Les variables explicatives sont relatives aux caractéristiques de l’entreprise [1], des produits/services vendus [2] ainsi qu’à la demande [3]. Modèles I et II : déterminants de la variable (ICC), estimations M.C.O. avec indicatrices sectorielles, écarts types robustes entre parenthèses ; III et IV : déterminants de la variable (DCC), estimations probit avec indicatrices sectorielles, statistiques du khi deux entre parenthèses ; V, VI et VII : déterminants des variables {CTN(1) vs RAC(0)}, {CVE(1) vs RAC(0)} et {CVE(1) vs CTN(0)}, estimations logit avec indicatrices sectorielles, statistiques du khi deux entre parenthèses. 1,2 et 3 : significativité de 1 %, 5 % et 10 %, respectivement.

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4.2.1. Résultats des estimations des variables ICC et DCC

La taille et l’âge de l’entreprise sont des indicateurs de la capacité financière et du capital informationnel à disposition des apporteurs de capitaux externes de l’entreprise. Ces deux variables ont une influence positive et significative sur le poids (ICC) et la durée (DCC) du crédit client proposé par les firmes de notre échantillon final. En effet, les PME de taille importante offrent une quantité supérieure de crédit interentreprises, confirmant les observations statistiques précédentes. Ce premier résultat confirme les prédictions du motif d’offre de crédit interentreprises lié à la réalisation d’économies d’échelle (Ng, Smith et Smith, 1999).

De façon similaire, la variable AGE confirme l’influence positive et significative de l’âge de l’entreprise sur l’offre de crédit interentreprises. Toutefois, dans les modèles I à IV du tableau 14, les coefficients significatifs de la forme quadratique de la variable d’âge (AGE²) indiquent que cette influence n’est pas linéaire mais plutôt croissante durant les premières années d’existence de la firme puis progressivement décroissante. Cet effet peut inspirer une utilisation du crédit interentreprises en rapport avec l’acquisition d’une taille efficiente de l’entreprise, notamment par le biais du motif de promotion des ventes (Nadiri, 1969). Ce résultat est valable pour les estimations du poids (Petersen et Rajan, 1997) et de la durée (Summers et Wilson, 2002) des créances clients figurant au bilan des firmes. Représentée par des variables indicatrices (REG, NAT et INT), la taille du marché de l’entreprise a également un impact positif sur le poids et la durée du crédit accordé aux clients dans le cadre du financement des ventes. D’après le motif de vérification, les asymétries d’information liées à la distance géographique entre les contractants justifient le recours à un crédit client plus important et plus long pour les firmes dont le marché est étendu (Smith, 1987). La non-significativité de la variable REG et la significativité des coefficients des variables NAT et INT confirment les caractéristiques statistiques de notre panel final selon lesquelles les comportements des entreprises en matière de gestion des créances commerciales diffèrent sensiblement selon qu’elles évoluent principalement sur un marché local/régional, d’une part, ou sur un marché national/international, d’autre part.

En dépit du peu d’importance accordée par les firmes interrogées aux normes sectorielles dans la détermination des termes du crédit client proposé (tableau 5), les coefficients positifs et significatifs de la variable de rentabilité (REXP) mettent en lumière la pertinence du motif de discrimination par les prix. Les firmes dont la marge bénéficiaire est élevée financent une plus large partie de leurs ventes au moyen du crédit interentreprises pour maximiser leurs profits. À l’opposé, les entreprises n’obtenant pas l’ensemble des financements bancaires d’exploitation désirés (RAT) rapportent des créances clients d’un montant et d’une durée significativement réduits par rapport aux entreprises qui ne sont pas exposées au rationnement des crédits bancaires. En parallèle du motif financier ou de liquidité, l’offre de crédit interentreprises admet également un motif financier en rapport avec la disponibilité des financements externes pour le fournisseur (Delannay, 2002).

Relativement aux caractéristiques des produits ou services vendus, la difficulté d’évaluation de la qualité de ces derniers (QUA) apparaît comme un facteur d’influence positive et significative sur l’offre de crédit interentreprises en raison de la période d’inspection nécessaire. Ce résultat réaffirme la validité du motif de vérification (Smith, 1987). La fréquence rapide des changements de gamme a pour conséquence de limiter dans le temps la durée de vente d’un produit ou d’un service pour un même fournisseur. De plus, elle plafonne la valeur de reprise du bien et expose le vendeur aux effets néfastes d’un comportement opportuniste de l’acheteur (Summers et Wilson, 2003). Ces éléments peuvent justifier l’influence négative, sur le montant et la durée du crédit offert, de la variable indicatrice CGT caractérisant des changements de gamme fréquents des entreprises de notre panel. Les indicateurs du degré d’innovation des produits (INN) et de la compétitivité du marché principal des entreprises (COM) ne présentent pas de coefficients significatifs dans les modèles d’estimation I à IV du tableau 14. En référence au motif des économies d’échelle (Ng, Smith et Smith, 1999), une clientèle importante devrait se traduire logiquement par une offre plus importante de crédit interentreprises. Ces prédictions théoriques ne sont pas vérifiées empiriquement puisque la variable significative NBC indique, dans les modèles d’estimation I et III, qu’un nombre élevé de partenaires commerciaux influence négativement le montant et la durée des financements commerciaux octroyés. Le coût de la gestion du poste créances clients des entreprises peut constituer une justification de ce résultat. Pour les petites et moyennes entreprises du panel, les économies d’échelle ne semblent en effet pas liées au nombre élevé d’acheteurs qui composent la base de clientèle mais, à l’inverse, au degré de concentration des ventes. Impliquant un montant moyen des transactions par client plus élevé, le fait de travailler avec une clientèle de taille réduite se traduit par un engagement plus important en matière d’offre de financement des ventes. C’est ce que souligne l’influence positive et significative de la variable CTNC dans les modèles d’estimations II et IV. Eu égard au pouvoir de négociation des clients représentant une part significative du chiffre d’affaires de la petite entreprise, cette situation peut être autant subie que voulue. En effet, il paraît difficile de se séparer d’un client important en raison d’un conflit lié aux termes du financement (situation subie). Cependant, les observations statistiques précédemment analysées (tableau 5) soulignent que 26,9 % de toutes les firmes interrogées jugent le critère « attirer un nouveau client important » comme assez (16,7 %) ou fortement (10,2 %) important dans la décision de modification des termes du crédit client proposé (situation voulue).

Comparativement aux entreprises dont la clientèle se compose principalement de détaillants, les firmes en relation avec des producteurs offrent un financement plus important et plus long comme l’attestent les coefficients positifs et fortement significatifs de la variable indicatrice PDT. D’une part, ce résultat peut trouver une justification théorique dans la réduction de l’incertitude liée aux investissements spécifiques généralement lourds – les sunk costs – réalisés par ce type de clientèle. D’autre part, Ng, Smith et Smith (1999) relèvent également que ces clients sont souvent confrontés à des besoins de financement d’exploitation importants en raison d’un cycle de production généralement long. Les indicateurs de taille relative de la clientèle principale des entreprises (EGL ; SUP) ainsi que la variable caractérisant les firmes confrontées à une demande saisonnière (SAI) ne sont pas ou peu significatifs dans les modèles testés en rapport avec les variables ICC et DCC.

4.2.2. Résultats des estimations des variables CTNvsRAC, CVEvsRAC et CVEvsCTN

De façon générale, nous pouvons noter que les résultats économétriques relatifs à l’aspect qualitatif de l’offre de crédit interentreprises sont sensiblement moins bons que ceux précédemment détaillés, notamment en référence aux valeurs de qualité d’ajustement (pseudo-R²). Cela peut en partie être justifié par la modélisation spécifique et la disparité importante des tailles des trois sous-échantillons retenus, constituant des limites sensibles à nos investigations. Les résultats présentés dans les modèles V à VII du tableau 14 confirment que les entreprises exerçant sur un marché international ont une préférence marquée pour le crédit à terme variable incluant un mécanisme d’escompte commercial. Cela est notamment illustré par les coefficients positifs et fortement significatifs de la variable INT dans les modèles VI et VII. D’une part, ce résultat confirme que ce procédé est un moyen de réduction des asymétries d’information et des incertitudes relatives à la distance géographique séparant les contractants. Pour ce qui est du motif de soumission au contrat (Smith, 1987), l’escompte facilite ainsi le recouvrement rapide des créances commerciales en raison du coût financier élevé qu’il implique pour l’acquéreur en cas de renonciation. D’autre part, il coïncide avec une pratique plus répandue de l’escompte dans la gestion des entreprises de nos principaux partenaires commerciaux (Allemagne, Grande-Bretagne, États-Unis). Inversement, le coefficient significatif et positif de la variable AGE dans le modèle VII indique que les entreprises les plus jeunes se caractérisent par une offre de financement privilégiant un crédit à terme net sans escompte. Ne pouvant justifier d’un capital de réputation important et d’un savoir-faire particulier en matière de gestion des créances clients, ces firmes se voient dans l’obligation d’offrir une période significative de vérification des produits vendus (Long, Malitz et Ravid, 1993).

Selon les caractéristiques de la production, les firmes dont la gamme des produits change fréquemment (CGT) ont une préférence marquée pour les règlements au comptant (modèles V et VI). D’après le coefficient de la variable INN dans le modèle V, la vente de produits innovants se réalise prioritairement par recours au crédit client à terme net au détriment du règlement au comptant. Ce résultat peut s’expliquer par l’octroi d’une période d’inspection plus longue pour ce type de produits mais également par référence au motif de promotion des ventes. En tant qu’élément à part entière de différenciation des offres de biens et services, l’utilisation principale du crédit client à terme variable incluant un escompte commercial est privilégiée dans le cadre de marchés fortement concurrentiels (COM) comme le détaillent les modèles d’estimation VI et VII. Ce résultat valorise notamment les motifs de promotion des ventes et de discrimination par les prix.

En référence aux caractéristiques de la demande, les PME de l’échantillon qui traitent principalement avec des producteurs (PDT) privilégient le financement par crédit à terme net au détriment du crédit à terme variable avec escompte (modèle VII). Ce résultat indique que lorsque les firmes ont des relations d’affaires principales avec des clients situés en amont du processus de production, l’utilisation de l’escompte commercial présente moins d’intérêt à la fois pour le vendeur (réduction des incertitudes liées aux investissements particuliers de ce type de client) et pour l’acheteur (besoins de financement d’exploitation accrus en raison de la longueur du cycle de production).

D’après les caractéristiques de la demande, les PME du panel final traitant avec des clients situés en amont de la chaîne de production (PDT) financent, comparativement aux autres firmes, une partie plus importante de leurs ventes au moyen du crédit client à terme net. Dans ce cas, l’utilisation de l’escompte présente moins d’intérêt pour le vendeur (réduction des incertitudes liée aux investissements particuliers de ce type de client) et pour l’acheteur (besoin de financement du cycle de production). Les autres variables explicatives (NBC, EGL, SUP et SAI) n’ont pas d’effet significatif sur la forme principale du crédit client proposé.

Conclusion

Nos données soulignent le rôle stratégique de la taille et de la position des entreprises dans le financement des ventes. Les tests entrepris démontrent que la réduction des asymétries d’information apparaît comme un élément majeur des termes proposés aux clients. La taille, l’âge et la marge bénéficiaire de l’entreprise sont ainsi des facteurs d’influence positive sur le montant du poste créances clients. En rapport avec les caractéristiques de la demande, la concentration de la clientèle implique un financement des ventes plus conséquent. Les estimations relatives à la forme du crédit client révèlent l’importance des caractéristiques des biens vendus et de la taille du marché dans le choix du mode de financement. La période de crédit la plus couramment observée, au-delà de 60 jours, confirme que la France est l’un des pays d’Europe où les délais de paiement sont les plus longs (Ziane, 2008). Lié à des considérations financières (faible pratique de l’escompte et des pénalités de retard) et institutionnelles (droit des créanciers, clause de réserve de propriété), ce constat s’explique également par le poids des traditions commerciales qui rendent, au plan européen, la recherche d’une solution globale difficile dans un contexte de forte hétérogénéité entre systèmes financiers.

Notre exercice comporte cependant un certain nombre de limites. Les usages du crédit commercial varient fortement d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre et même, au sein d’une firme, d’un client à l’autre, notamment selon la conjoncture économique et le climat général des affaires. Dans ces conditions, l’usage des outils statistiques et économétriques sur un échantillon de plus d’un demi-millier de firmes observées au cours d’un exercice ne permet pas l’analyse approfondie au cas par cas. De même, les biais de couverture et d’échantillonnage ainsi que les erreurs de non-réponse et de mesure sont des limites certaines à toute investigation d’enquête par sondage (Evrard, Pras et Roux, 1997). Toutefois, cette méthode demeure un moyen privilégié d’accès aux informations qualitatives sur la gestion quotidienne des entreprises. En effet, comme le démontre l’épineux sujet des délais de paiement, les états financiers aident à mesurer l’importance commerciale et financière du phénomène, tant sur le plan microéconomique qu’au niveau agrégé, mais restent bien insuffisants pour comprendre les différences de comportements au plus près de la réalité du terrain. Sur ce point, les pratiques américaines de la Small Business Administration et ses fameuses enquêtes restent une référence qui n’a, aujourd’hui encore, pas d’égal sur le vieux continent. Les récents efforts entrepris pour permettre la création d’une agence européenne équivalente doivent rapidement aboutir, notamment en termes d’accès aux données pour les chercheurs, afin de faciliter l’essor d’une réelle politique de recherches académiques sur les petites et moyennes entreprises, pourtant placées au coeur de la stratégie économique européenne lors du Conseil de Lisbonne en 2001 en raison de leur rôle moteur dans la création d’emplois.