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Introduction

La diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) au sein des pays en développement peut constituer un levier efficace du développement économique et social. Les TIC sont à la fois des biens et des services à l’origine d’une large diffusion des connaissances et des savoirs, mais aussi des biens d’investissements permettant d’accroître les performances microéconomiques des firmes par l’augmentation de la productivité et constituent une industrie qui peut contribuer de manière significative à l’accroissement des performances macroéconomiques des nations (PNUD, 2004 ; Mattew, 2003). À cet égard, Gadille et D’Iribarne (2000) affirment que l’Internet est considéré comme un des facteurs de performance pouvant agir sur les trois dimensions de la recherche davantage concurrentielle : la réactivité aux marchés, l’élargissement de portefeuille clientèle, l’augmentation du nombre des partenaires externes avec lesquels l’entreprise est reliée via les TIC. De son côté, Alzouma (2008) avance qu’au niveau des PME, le téléphone mobile permet de communiquer et d’interagir avec ses clients.

Plusieurs fonctions sont rattachées aux TIC dans les entreprises : permettre d’automatiser les fonctions répétitives, tant productives qu’administratives ; accompagner et flexibiliser le processus de production ; faciliter la surveillance permanente (qualité totale, maintenance, veille et intelligence économique, etc.) ; faciliter la gestion des réseaux relationnels, externes (fichiers clients-fournisseurs) et internes (intranet) (Ben et M’henni, 2007).

Par ailleurs, les enjeux d’adoption des TIC sont le plus souvent liés à la stratégie de PME, à son contexte socio-économique, au poids de son histoire et de la culture, à ses ressources, c’est-à-dire à sa structure et ses modes de gestion, à l’implication de son personnel et aux efforts technologiques possibles (Vacher, 2002). En partant de cette idée, Ben et M’henni (2007) considèrent que l’adoption de l’Internet peut être un facteur de renouvellement des conditions de compétitivité. La réalisation de ces gains de compétitivité est supposée être liée à des transformations de l’organisation et de ses compétences, témoignant d’une capacité d’appropriation de la technologie. En outre, la qualité de l’organisation et l’implication des ressources humaines sont autant de facteurs qui influencent la réussite d’un projet technologique (Tseng, Tansuhaj et Rose, 2004).

La République du Congo est caractérisée par le niveau élevé d’utilisation du téléphone mobile. En effet, le marché du mobile s’approche du niveau de saturation, 95 % de la population âgée de 15 ans et plus est équipée en téléphone mobile (Agence de régulation des postes et des communications électroniques, 2012). Le téléphone mobile a connu un développement rapide grâce à l’ouverture du segment des télécommunications à des opérateurs privés. Quatre sociétés privées exploitent l’espace national. Le nombre d’abonnés au téléphone mobile augmente chaque année, ce qui a amélioré significativement le taux de couverture nationale. La concurrence entre ces opérateurs est à l’origine de la baisse de coûts d’appels par minute.

Par contre, le niveau d’utilisation de l’Internet est faible. Le taux de pénétration de l’Internet ne dépassait pas 7 % en 2011 (Agence de régulation des postes et des communications électroniques, 2012). Le marché de l’Internet est éclaté entre plusieurs petits acteurs. Les fournisseurs d’accès se limitent à gérer un nombre restreint de clients, leur croissance étant stoppée par des contraintes techniques et financières qu’ils ont du mal à surmonter. À défaut de trouver sur le marché des fournisseurs fiables offrant un service de qualité, les grandes entreprises et aussi certaines petites, ont mis en place leurs propres VSAT, qu’elles utilisent pour la voix vers l’International et pour les accès à l’Internet (Observatoire du marché des télécommunications, 2009).

Malgré la multiplicité des fournisseurs d’accès aux TIC au Congo, leur développement souffre de plusieurs contraintes : problèmes de pénurie énergétique, inexistence d’offre haut débit, absence d’interconnexion entre les fournisseurs d’accès à l’Internet, absence de concurrents dans le domaine du téléphone fixe, etc. (Observatoire du marché des télécommunications, 2009).

Les infrastructures de télécommunications sont confrontées à de nombreux problèmes. L’État a le monopole du téléphone fixe. Ce réseau est incapable de répondre à l’émergence des besoins de la société de l’information. Il n’est plus opérationnel que dans les deux grandes villes, Brazzaville où il est saturé à 82 % et à Pointe-Noire où la saturation est de 85 % (Ministère des Postes et Télécommunications chargé des nouvelles technologies, 2004). L’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (2012) relève que le taux de pénétration de téléphone fixe reste très bas, uniquement 4 % des ménages congolais sont équipés en téléphone fixe.

Le cadre réglementaire sur les TIC présente quelques limites (Observatoire du marché des télécommunications, 2009). En effet, la loi no 14-97 portant réglementation du secteur des télécommunications en République du Congo a été votée le 26 mai 1997. Les principales lacunes de cette loi sont les suivantes : le régime de libéralisation et de concurrence est faiblement défini ; la régulation actuelle n’a pas statut d’autorité indépendante, et le statut du seul fournisseur du téléphone fixe (SOTELCO) perturbe les règles du jeu de la concurrence.

La suite du papier s’articule autour de quatre points. Le premier présente la revue de la littérature relative à l’adoption des TIC par les entreprises. Le deuxième point concerne la problématique. Le troisième présente la méthodologie. Le quatrième fait le point sur les résultats de l’étude et le cinquième est consacré à la conclusion et aux implications de politique économique.

1. Revue de littérature

Les facteurs influençant l’adoption des TIC par les PME peuvent être regroupés en quatre catégories.

1.1. Capacités d’absorption de l’entreprise

La capacité d’absorption est définie comme étant l’aptitude d’une entreprise à acquérir de nouvelles connaissances, à les assimiler puis à les transformer et enfin à les exploiter à des fins commerciales. Elle conduit à une plus grande innovation de l’entreprise et détermine son avantage concurrentiel (Vinding, 2006). Cet auteur souligne également que la compétence, la qualification et l’éducation des employés renforcent la capacité d’absorption d’une entreprise. C’est parce que le capital humain et le capital physique au sein d’une entreprise déterminent la capacité globale de l’entreprise à évaluer des possibilités d’utilisation des technologies dans son champ d’activité. Le capital humain peut être approximé par le pourcentage des cadres techniques parmi les employés.

De plus, les chercheurs ont montré l’influence de l’attitude et du profil du dirigeant principal de l’entreprise sur l’orientation stratégique de l’entreprise et son mode d’organisation (Riemenschneider et Mykytyn, 2000). L’hypothèse peut être faite de cette même influence sur le mode d’adoption et d’appropriation des TIC. L’expérience et la formation du dirigeant de l’entreprise sont des facteurs qui influent positivement sur l’adoption et l’utilisation des nouvelles technologies. Cette réflexion est confortée par celle de Raymond, Bergeron et Blili (2005) qui constatent que l’expérience et le niveau d’études élevé devraient influencer le dirigeant de la petite et moyenne entreprise (PME) à l’importance de l’utilisation des technologies de l’information dans la mesure où celles-ci peuvent favoriser la gestion de l’information et de l’incertitude dans le contexte de la concurrence sur le marché. La combinaison de certains facteurs psychologiques individuels et de connaissances techniques favorise le recours spontané et l’adaptation créative d’un outil ou d’une application informatique par des individus membres d’une organisation (Pelletier et Moreau, 2006).

Par ailleurs, Forman (2002) indique que les firmes novatrices, ou bien celles qui sont plus proches de la frontière technologique sont parmi les premières à adopter les TIC. Biatour et Kegels (2008) relèvent que l’accumulation du capital TIC doit s’accompagner d’investissements complémentaires dans l’entreprise et de la réorganisation du processus de production pour être pleinement efficace.

Enfin, un autre facteur d’adoption des TIC est la taille des entreprises. En effet, la taille des entreprises influence l’adoption des TIC au sein des entreprises. La taille constitue un élément déterminant de l’adoption et de l’intensité d’usage des TIC, car elle conditionne l’intensité des besoins de coordination, qu’ils soient internes ou externes (Galliano et Soullié 2008). Ceci s’explique par le fait que ces dernières ont davantage d’espace pour améliorer les flux internes de communication, par exemple en procédant à l’établissement de réseaux internes ou l’externalisation de différentes tâches, comme la création d’extranets. Dembla, Palvia et Krishnan (2007) signalent que, bien qu’on en reconnaisse assez aisément les bénéfices des TIC dans les PME, celles-ci ne s’en servent pas nécessairement pour accroître leur efficacité et leur compétitivité par rapport aux grandes entreprises, notamment en utilisant peu les applications les plus porteuses telles que le commerce électronique. Plusieurs auteurs s’accordent aussi pour dire que celles-ci exploitent peu le potentiel stratégique relié aux applications de l’Internet (Hunter, 2004 ; Raymond, Bergeron et Blili, 2005).

Le secteur d’activité des PME représente également un facteur qui influence l’adoption des TIC. Gemser et Sorge (2004) affirment que le développement des TIC dépend beaucoup de la taille des établissements utilisateurs et du secteur d’activité. Gadille et D’Iribarne (2000) trouvent que les secteurs d’activité les plus connectés à l’Internet sont par ordre, l’industrie des biens d’équipement, les activités de service aux entreprises et les industries de biens de consommation.

1.2. Demande et conditions du marché

Un facteur potentiel qui peut influer sur l’adoption des TIC par les entreprises est lié aux conditions de marché. Dans la littérature, la forte concurrence entre les firmes a été longtemps identifiée comme un facteur important et favorable à l’adoption des TIC. La structure d’un marché en termes de degré de concentration de ses entreprises constitue un autre facteur susceptible d’affecter la décision d’adopter les TIC. Plusieurs études ont mis en avant les avantages et désavantages respectifs d’un marché concurrentiel et d’un monopole sur l’innovation. Les marchés oligopolistiques sont caractérisés par un nombre limité de firmes de grande taille. Cette structure de marché favorise les activités technologiques des firmes étant donné l’effet de taille sur l’innovation, un plus grand degré « d’appropriabilité » des résultats des activités d’innovation en raison du nombre limité de concurrents ainsi qu’une concurrence axée sur la différenciation des produits plus prononcée. Par ailleurs, les entreprises jouissant d’un degré important de pouvoir de marché peuvent davantage se reposer sur leur position monopolistique et sont moins enclines à se lancer dans des activités d’adoption des TIC en raison du faible niveau de concurrence (Pamukçu et Michelle, 2001).

1.3. Bénéfices prévus de l’adoption des TIC

Une entreprise qui envisage adopter les TIC évalue d’abord les avantages et les coûts liés à l’adoption avant de prendre la décision. Plusieurs facteurs influencent l’évaluation des entreprises sur les bénéfices escomptés de la technologie. Les caractéristiques de l’entreprise, ses ressources internes pour mettre en application la technologie, sa position sur le marché sont entre autres les facteurs importants de cette évaluation (Mamata, 2005).

Plusieurs études ont souligné les impacts positifs des TIC sur les entreprises (Meinert, 2005 ; Koivunen et Välimäki, 2008). Ces dernières reconnaissent leur importance comme facteurs de progrès (Paré et Sicotte, 2004). C’est pourquoi les entreprises n’hésitent pas à consacrer d’importants investissements dans l’adoption des TIC, dans le but de devenir plus compétitives dans un marché où la concurrence vient de toutes parts (Paré et Sicotte, 2004). D’autres études avancent que le manque des avantages offerts par les TIC diminue le nombre d’utilisateurs (Tseng, Tansuhaj et Rose, 2004). En outre, l’avantage relatif tient au fait qu’une technologie comme les TIC est perçue comme offrant des avantages en termes de diminution d’inconvénients, d’un gain de temps ou d’efforts (Riemenschneider et Mykytyn, 2000). Donner (2006) dans une étude au Rwanda, avance que le téléphone mobile a permis de développer les réseaux des entrepreneurs locaux.

En partant des bénéfices prévus de l’adoption des TIC, l’individu utilise cette technologie que s’il perçoit qu’elle est utile (Pupion et Leroux, 2006). L’individu représente l’utilisateur principal de ces TIC dans une entreprise.

1.4. Relations des firmes avec l’étranger

Il s’agit des liens qu’établissent les entreprises domestiques avec d’autres entreprises ou autres institutions étrangères (Raymond, Bergeron et Blili, 2005). Ces liens peuvent être sous forme de coopération technique. Le processus d’innovation est fortement interactif et une plus grande coopération avec d’autres firmes et établissements produit des synergies qui génèrent l’innovation. Ainsi, les entreprises qui ont développé de tels liens, ont une propension plus élevée d’adopter les TIC.

Les relations des entreprises locales avec les institutions étrangères concernent entre autres les activités d’exportation d’une entreprise. Tseng, Tansuhaj et Rose (2004), dans une enquête auprès de petites et moyennes entreprises (PME) américaines, montrent que les capacités technologiques (capacité à développer de nouveaux produits et de nouveaux processus) aident les PME à améliorer leur expansion internationale. Une application rapide des nouvelles technologies de la communication par une entreprise lui permet de maintenir son avance sur d’éventuelles entreprises rivales. Chrysostome et Rosson (2004) notent qu’Internet permet à la PME exportatrice de réduire ou même d’enlever certaines barrières traditionnelles comme les frais de communication et les risques liés à l’entrée dans un nouveau marché.

L’adoption des TIC peut être influencée par l’environnement concurrentiel dans lequel l’entreprise se trouve. L’environnement concurrentiel est affecté par l’intensité des capacités des entreprises et l’orientation internationale telle que l’intensité d’exportation et la collaboration technique avec les firmes étrangères (Houghton et Winklhofer, 2004).

Cette brève revue de littérature nous a permis de tirer un enseignement important. Ainsi, les TIC (notamment l’Internet et le téléphone mobile) permettent l’utilisation de plusieurs applications dans les PME. Elles constituent un support indispensable dans leur évolution. Les facteurs organisationnel, individuel, technique, externe et interne déterminent l’adoption de ces TIC par les PME.

2. Problématique

Les TIC ont été adoptées par les entreprises au Congo, notamment les anciennes TIC (radio, téléphone fixe, etc.) et le téléphone mobile à une grande échelle et les nouvelles TIC (Internet, intranet, etc.) à une petite échelle. L’adoption limitée des nouvelles TIC est due notamment au coût élevé de la connexion à l’Internet, les mauvaises performances du téléphone fixe, etc. (sous monopole de l’État).

L’émergence des TIC offre aux entreprises un large éventail de technologies génériques permettant un meilleur usage de l’information et des connaissances explicites, des possibilités de réduction des coûts de transaction et de coordination, des possibilités en matière d’exploitation de nouveaux marchés et des possibilités d’enrichissement des contenus des produits et des services. Cependant, plusieurs facteurs limitent l’utilisation à grande échelle de ces TIC par les entreprises au Congo. De ce fait, quels sont les déterminants de l’adoption des TIC (Internet, téléphone mobile) par les petites et moyennes entreprises au Congo ?

L’objectif principal de cette étude est d’analyser les déterminants de l’adoption des TIC au Congo, précisément l’Internet et le téléphone mobile. Les objectifs spécifiques sont :

  • analyser les facteurs qui déterminent l’utilisation de l’Internet et du téléphone mobile par les PME ;

  • proposer les mesures de politiques économiques susceptibles d’augmenter le nombre des PME utilisatrices des TIC.

Dans ce travail, nous soutenons l’hypothèse suivante : l’adoption des TIC (Internet et téléphone mobile) par les PME au Congo dépend du secteur d’activité des PME, de la collaboration des PME avec les entreprises à l’étranger, de l’existence de plusieurs sites d’activités pour chaque PME, des compétences humaines dans les PME et du coût d’abonnement d’Internet.

3. Méthodologie

Nous avons procédé à une enquête de terrain avec l’appui scientifique des enseignants-chercheurs de la Faculté des sciences économiques de Brazzaville pour obtenir des informations, en l’absence dans le pays, d’une base des données sur la présente problématique. L’enquête a concerné un échantillon des PME à Brazzaville en janvier 2010. Brazzaville est la plus grande ville du Congo, qui concentre un nombre important des PME et où les TIC (notamment l’Internet et le téléphone mobile) sont plus utilisées que dans les autres localités. Un questionnaire d’enquête a été utilisé pour mener cette investigation. En l’absence d’une base de sondage sur les PME, nous avons procédé à la création d’une liste exhaustive des PME à partir des fichiers partiels existant à la Direction générale des PME, au Centre national de la statistique et des études économiques et au Centre de formalités des entreprises. Cette liste a ainsi servi au tirage aléatoire de 205 PME à Brazzaville. Une stratification préalable de la base de sondage a été réalisée pour assurer une bonne représentativité des branches d’activités dans l’échantillonnage. Les 205 PME ont répondu au questionnaire. Les enquêteurs ont procédé à plusieurs passages dans ces entreprises. Ils ont organisé des séances de travail pour faire comprendre l’importance de l’enquête aux responsables des PME afin de les intéresser à répondre. Ce travail intense des enquêteurs a permis de récupérer tous les 205 questionnaires.

Cette enquête a permis de recueillir premièrement les caractéristiques générales des PME : le secteur d’activité de l’entreprise, l’année de création de l’entreprise, le niveau d’étude du dirigeant de l’entreprise, le niveau d’étude des employés, etc. Deuxièmement, elle a permis également de collecter les informations relatives à l’utilisation des TIC par les PME : les différents types des TIC dont dispose chaque entreprise, la connexion de l’Internet et de l’intranet, les domaines d’utilisation de l’Internet, etc. Enfin, troisièmement, ce questionnaire a, entre autres, un volet sur les impacts de l’adoption des TIC sur les entreprises.

La vérification de l’hypothèse de recherche se fera au moyen d’un modèle économétrique qui utilisera les données de l’enquête. Ce modèle permettra de mettre en évidence les déterminants de l’adoption des TIC par les petites et moyennes entreprises au Congo. L’Internet et le téléphone mobile sont plus concernés. Le choix de ces deux TIC s’explique par le fait que la première TIC est peu répandue dans le pays et la deuxième est au contraire très utilisée. En partant de cette observation, on suppose que les déterminants d’adoption de ces deux TIC par les PME seraient différents.

Cette analyse est réalisée au moyen de deux modèles de choix discrets appelés Logit (McFadden, 1973). Ces modèles sont d’une utilisation courante en économie lorsqu’il s’agit d’étudier les déterminants des choix individuels. Ces modèles permettent d’estimer des probabilités de choix alternatives exclusives.

L’approche consiste à considérer la variable endogène y comme étant la manifestation d’une variable « cachée » y* inobservable ; cette dernière étant reliée à un ensemble de variables explicatives X.

On définit la variable yi=1 si la PME i a adopté l’Internet ou le téléphone mobile (noté C), yi=0 sinon.

La variable « y= adopter le bien C » est celle qui est observée ; mais en fait, elle est le résultat d’une règle d’arbitrage en terme d’utilité. Si U (xi, 1) représente l’utilité que procure l’adoption du bien C à un individu i de caractéristiques xi et U (xi, 0), l’utilité procurée par la non-adoption du bien, alors on peut poser que

yi=1 → U (xi ,1)> U (xi ,0) + c.

y i*= U (xi ,1) - U (xi ,0) est la variable latente qui sous-tend l’adoption de l’Internet ou le téléphone mobile (C).

equation: 5028464n.jpg

Et y i*= x’i a+ ui (*). Les erreurs sont supposées i.i.d.

Si les y i* étaient observables, on pouvait estimer directement ce modèle à l’aide des MCO, mais malheureusement, ce n’est pas le cas.

On peut cependant estimer la probabilité de réalisation de l’événement (y=1) ;

Prob (yi=1)=Prob (yi*>c)=Prob (ui > c – x’i a)= 1-Prob (ui *≤c- x’i a)=1 – F(c – x’i a).

À ce niveau, il faut spécifier la fonction de répartition commune F des termes d’erreurs ui.

On fait l’hypothèse que la distribution des erreurs est symétrique autour de sa moyenne : f (x)= f (- x) et F(x)=1 – F(-x).

Dans ces conditions, on a Prob (yi=1/xi)= F(x’ia) (on supposera que c=0 ; ce qui revient en fait à la confondre avec la constante).

La méthode de l’estimation utilisée est celle du maximum de vraisemblance. Cette méthode consiste en effet à trouver les valeurs des paramètres qui rendent l’observation des données la plus vraisemblable. On maximise donc la probabilité d’observer les réalisations de y.

Comme yi ≈ B (F(xi a)), alors cette probabilité (ou vraisemblance) vaut (on suppose l’indépendance des observations) : L(y, x, a)= equation: 5028465n.jpg.

La fonction de log-vraisemblance s’écrit : equation: 5028466n.jpget les conditions de premier ordre :

equation: 5028467n.jpg avec equation: 5028468n.jpget equation: 5028469n.jpg

Pour résoudre cette équation d’identification, il faut expliciter la forme fonctionnelle de F.

On pose l’hypothèse que les erreurs ont une distribution logistique : equation: 5028470n.jpg. Donc equation: 5028471n.jpg

Le modèle Logit impose la variance des erreurs equation: 5028472n.jpg.

La fonction de log-vraisemblance prend la forme equation: 5028473n.jpg et les conditions de premier ordre donnent : equation: 5028474n.jpg.

Les variables explicatives sont retenues par rapport à la revue de littérature : les caractéristiques liées aux capacités d’absorption de l’entreprise, les caractéristiques liées à l’environnement du marché, les caractéristiques signifiant les relations des entreprises avec l’étranger et les autres variables.

Quelques précisions sont apportées en ce qui concerne quelques déterminants de l’adoption des TIC (Internet, téléphone mobile) par les entreprises dans le modèle (le tableau explicitant les variables est en annexe) :

  • Les caractéristiques liées aux capacités d’absorption de l’entreprise sont saisies à travers les variables : nombre d’employés dans l’entreprise, nombre de cadres techniques dans l’entreprise, niveau d’étude supérieur des employés ;

  • Les variables liées à l’environnement du marché : entreprises disposant plusieurs sites d’activité ; nature de l’environnement du secteur de l’entreprise ;

  • Les variables relatives aux relations des entreprises avec l’étranger : exportations des produits à l’étranger par les PME, collaboration ou partenariat des PME avec les entreprises à l’étranger ;

  • Le nombre d’employés au sein de chaque PME représente la taille. Au Congo, on considère une PME comme une entreprise qui a tout au plus 99 employés.

Le logiciel Stata a été utilisé pour exploiter les questionnaires et a permis entre autres l’estimation économétrique de ce modèle Logit.

4. Présentation des résultats

La description statistique des variables donne plusieurs informations. En effet, il résulte de l’enquête que les PME sont fortement concentrées dans le secteur tertiaire. Le secteur secondaire accueille un petit nombre des PME et le pourcentage des PME dans le secteur primaire est très négligeable. Le Comité national d’organisation du cinquantenaire de l’indépendance du Congo (2011) trouve que plus de 80 % des PME exercent particulièrement dans le secteur tertiaire et notamment dans les activités de commerce.

Les PME dans l’ensemble ont une petite taille en termes de nombre d’employés. La plupart des PME ont un nombre d’employés compris entre 2 et 30 travailleurs. Les dirigeants des entreprises ont plus le niveau d’étude supérieur. Les employés qui ont un niveau d’étude secondaire sont plus nombreux que ceux qui ont le niveau primaire et supérieur. Le nombre de cadres techniques dans les PME se situe entre 2 % et 50 %. Les PME dans une large majorité évoluent dans un environnement avec concurrence. Celles qui ont établi des collaborations ou partenariats avec des entreprises à l’étranger représentent moins de 50 %. Dans l’ensemble, il y a une faible proportion des PME qui exportent des produits à l’étranger. Les PME, dans une grande majorité, sont dotées d’ordinateurs, de télécopieurs, de téléphones fixes et de portables.

Les PME qui sont connectées à l’Internet représentent plus de la moitié (54,5 %). Le prix moyen d’abonnement par mois à l’Internet par les PME est 196.970 FCFA (300 euros). Dans l’ensemble, les dirigeants des PME trouvent que le coût élevé de la connexion à l’Internet représente la principale cause de la non-connexion à l’Internet d’autres PME. La mauvaise qualité du débit constitue la seconde cause. Parmi les PME connectées à l’Internet, plus de la moitié de leurs employés n’ont pas accès à cette TIC. Les PME qui n’ont pas l’intranet représentent plus de la moitié. Enfin, plus de la moitié des PME ont des sites WEB. Les PME qui disposent de téléphones mobiles représentent 94,6 %.

Les résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption d’Internet par les PME et les résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption de téléphone mobile sont résumés dans les tableaux 1 et 2. Les variables absentes dans ces tableaux n’ont pas été retenues dans les deux modèles, car la présence de ces dernières dans les différentes simulations n’engendrait pas des résultats probants.

  • Modèle Logit de probabilité d’adoption d’Internet par les PME

Le modèle Logit de probabilité d’adoption d’Internet par les PME est globalement significatif, car la probabilité associée au test de X2(chi2) est égale à 0 (inférieur au seuil de 5 %). Il ressort du tableau 1 que les variables suivantes influencent significativement l’adoption d’Internet par les PME : secteur d’activité, nombre de cadres techniques dans les PME, collaboration ou partenariat avec les entreprises à l’étranger, exportations des produits à l’étranger, coût d’abonnement d’Internet.

Tableau 1

Résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption d’Internet par les PME

Résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption d’Internet par les PME

* Coefficient significatif à 5 %.

Source : tableau conçu à partir des résultats de l’estimation de l’équation avec le logiciel Stata.

-> See the list of tables

En effet, le secteur d’activité explique significativement la probabilité d’adoption d’Internet par les PME à 5 %. Le signe associé à cette variable est positif. L’enquête a donc montré que les PME sont fortement concentrées dans le secteur tertiaire et plus de la moitié d’entre elles sont connectées à l’Internet. On constate que ces PME qui sont en majorité dans le secteur tertiaire adoptent l’Internet. Cette adoption est surtout due à la proximité des PME du secteur tertiaire avec les TIC qui favorise l’utilisation de ces technologies (différenciation entre bâtiments-travaux-publics, industrie et service). Gadille et D’Iribarne (2000) soulignent que le niveau élevé de l’adoption de l’Internet par les PME du secteur tertiaire est expliqué par l’hétérogénéité de ce secteur qui inclut des activités gourmandes en TIC (études, commerce, conseil, assistance, etc.) et d’autres moins (nettoyage, intérim, etc.).

Le nombre de cadres techniques dans les PME qui représente le capital humain influence positivement l’adoption d’Internet à 5 %. Cette situation peut être expliquée par le fait que les technologies les plus performantes comme les TIC sont adoptées et mises en oeuvre plus rapidement par les entreprises qui ont des employés dotés des capacités techniques. Ces capacités accélèrent l’assimilation du progrès technique, ce qui élève la productivité de l’entreprise et par conséquent le profit. Vinding (2006) note que les usines qui adoptent de nouvelles technologies de l’information et de la communication présentent une proportion plus importante de travailleurs à capital humain élevé avant même l’adoption des nouvelles technologies.

Les collaborations ou les partenariats des PME avec les entreprises à l’étranger expliquent significativement l’adoption d’Internet par les entreprises. À ce sujet, Rothkegel (2006) affirme que ces partenariats sont une réponse efficace aux carences en ressources pour la PME et présentent également d’autres intérêts, notamment en termes d’échange d’information, d’établissement de réseaux générateurs de services efficaces pour les partenaires, ou encore de réduction des risques liés à l’application de nouvelles technologies. Pour cet auteur, la PME peut donc trouver les moyens et les compétences techniques qui lui manquent par le biais des collaborations dont elle a besoin pour son développement.

Les exportations des produits à l’étranger déterminent significativement l’adoption de l’Internet par les entreprises à 5 %. À cet effet, Petersen et Liesch (2002) soulignent que l’Internet via le courrier électronique, apparaît comme un outil de renforcement des relations commerciales. C’est un moyen, via le site web, d’accentuer la visibilité à l’International. Ces auteurs ajoutent que l’Internet permet à la PME exportatrice de mieux connaître les marchés étrangers, de diminuer l’incertitude vis-à-vis de l’International, de choisir des partenaires étrangers et enfin pour communiquer directement avec ses clients et différents partenaires.

Enfin, la probabilité de l’adoption d’Internet par les entreprises est influencée significativement par le facteur coût d’abonnement de celui-ci. Le coefficient associé à cette variable est négatif. Ainsi, le prix élevé de l’abonnement a tendance à décourager les PME à adopter cette TIC. Le coût de connexion à l’Internet expliquerait la différence entre le niveau d’utilisation de l’Internet et du téléphone mobile. La connexion à l’Internet est plus coûteuse que celle du téléphone mobile. La baisse des prix au niveau du téléphone mobile est à l’origine de son adoption à grande échelle au niveau des ménages et des entreprises par rapport à l’Internet.

  • Modèle Logit de probabilité d’adoption de téléphone mobile par les PME

Le modèle Logit de probabilité d’adoption de téléphone mobile par les entreprises est globalement significatif, car la probabilité associée au test de X2(chi2) est égale à 0 (inférieur au seuil de 5 %). Il ressort du tableau 2 que les variables suivantes influencent significativement la variable endogène à 5 % (l’adoption du téléphone mobile) : entreprises disposant de plusieurs sites d’activités, niveau d’étude supérieur des employés et collaboration ou partenariat avec les entreprises à l’étranger. Le secteur d’activité des PME explique également l’adoption de téléphone mobile à 10 %.

Le déterminant « entreprises disposant de plusieurs sites d’activités » représente l’unique facteur nouveau par rapport à l’Internet. Le téléphone mobile est utilisé par les PME comme outil de communication entre les différents sites d’activités de l’entreprise. On note que plusieurs PME mènent des activités localisées sur plusieurs sites. Pour une PME, ces sites sont situés dans la même ville où est installé le siège de l’entreprise. Il y a d’autres PME qui ont d’autres sites localisés dans d’autres villes.

Le capital humain a été révélé comme déterminant dans chaque cas. Au niveau de l’Internet, le capital humain est représenté par le nombre de cadres techniques dans les PME et au niveau du téléphone mobile, c’est le niveau d’étude supérieur des employés.

Tableau 2

Résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption de téléphone mobile par les PME

Résultats du modèle Logit de probabilité d’adoption de téléphone mobile par les PME

* Coefficient significatif à 5 %. ** Coefficient significatif à 10 %.

Source : tableau conçu à partir des résultats de l’estimation de l’équation avec le logiciel Stata.

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5. Conclusion et implications de politique économique

L’objectif de cette étude a été d’analyser les déterminants de l’adoption des TIC, l’Internet et le téléphone mobile par les PME au Congo. Les statistiques descriptives montrent plusieurs tendances. En effet, les PME sont fortement concentrées dans le secteur tertiaire. Plus de la moitié des PME sont connectées à l’Internet. Celles qui n’ont pas l’intranet dépassent la proportion 50 %. Les PME qui disposent des téléphones mobiles représentent 94,6 %.

Il ressort de l’analyse économétrique que la probabilité d’adoption d’Internet et la probabilité d’adoption du téléphone mobile par les PME dans l’ensemble sont influencées par les facteurs, à savoir le secteur d’activité, le capital humain, la collaboration ou le partenariat avec les PME à l’étranger, les exportations des produits à l’étranger, et la disponibilité de plusieurs sites d’activités des PME. Le coût d’abonnement représente le déterminant spécifique d’adoption d’Internet.

Ainsi, l’adoption des TIC par les PME à grande échelle au Congo nécessite la mise en oeuvre de plusieurs mesures. La première mesure concerne le recrutement d’un nombre suffisant des ressources humaines techniques. En effet, chaque entreprise devrait avoir une politique de recrutement efficient pour identifier les employés les plus dotés en capacité technique. Les employés dotés de ces capacités sont susceptibles entre autres de gérer la veille technologique dans l’entreprise. La veille technologique permet aux entreprises de se tenir informées des toutes dernières évolutions technologiques et de rester ainsi en éveil des nouvelles technologies pour répondre aux besoins de l’innovation. Une politique de recyclage permanent des employés mériterait d’être adoptée dans ces PME comme autre action dans ce cadre.

La deuxième souligne la nécessité de renforcer l’adoption des TIC dans les différents secteurs des PME (primaire, secondaire et tertiaire). Cette mesure se justifie par le fait que la concentration des PME dans le secteur tertiaire soulève quelques limites. En effet, le Comité national d’organisation du cinquantenaire de l’indépendance du Congo (2011) a noté que la culture entrepreneuriale au Congo se caractérise par une prépondérance des PME, une forte aversion pour le risque et se singularise par une propension élevée à développer des activités commerciales strictes (vente des produits en l’état), à rentabilité immédiate. Elle se développe dans un environnement peu propice aux initiatives et peu porteur d’innovations, traduisant le faible dynamisme des PME. Dans cet ordre d’idées, Blancheton (2009) trouve que les gains de productivité dans le secteur tertiaire sont faibles ou nuls, et en tout cas négligeables au regard de ceux de l’industrie et même de l’agriculture.

De ce fait, les pouvoirs publics devraient développer les infrastructures sur les TIC au plan national et accorder les avantages sur la défiscalisation du matériel informatique aux PME de telle sorte que l’adoption de ces technologies s’étende aux autres secteurs (autres que le tertiaire). En partant des bénéfices des TIC, l’Internet pourrait influer sur la diversification des activités des PME et partant augmenter la productivité. À ce sujet, Hollenstein (2004) souligne que le développement d’Internet provoque une éclosion de fonctions nouvelles et de métiers nouveaux, ainsi qu’une transformation des métiers existants et de nouvelles entreprises se créent, d’autres se réorganisent. En outre, l’impact des TIC sur les PME sera plus significatif si d’autres conditions sont remplies telles que l’amélioration du climat des affaires, l’existence des entrepreneurs à forte aversion pour le risque, la disponibilité des compétences humaines, etc.

La troisième concerne le développement du partenariat entre les PME locales et les entreprises et les autres institutions à l’étranger. Cela permettrait entre autres de combler le manque d’informations et des ressources ou d’expertise des PME dans le domaine des TIC.

La quatrième souligne l’importance de promouvoir les exportations des PME. En effet, la capacité d’exportation des PME augmente l’incitation à adopter les TIC. De ce fait, les PME doivent améliorer leur compétitivité internationale. Cela nécessite d’une part, la maîtrise des changements technologiques et des réformes à l’intérieur des PME et d’autre part, des incitations d’exportations de la part des pouvoirs publics au profit des PME.

Enfin, la dernière mesure concerne la connexion du pays à la fibre optique. Évidemment, les pouvoirs publics devraient achever le projet de connexion du pays à la fibre optique. Parmi les impacts escomptés de ce projet, il y a la baisse de prix d’utilisation d’Internet.

En définitive, cette étude a permis de mettre en évidence les déterminants d’adoption de l’Internet et du téléphone mobile par les PME. Ces déterminants dans l’ensemble sont déjà connus. Néanmoins, cette étude a révélé un déterminant spécifique. Il s’agit de coût d’abonnement à l’Internet.