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L’activation de la protection sociale

On distingue deux types de politiques sociales menées à l’égard des pauvres et plus généralement des « groupes en difficulté » : les politiques d’insertion et celles du workfare (Morel, 2000). Les premières se pensent en termes de carences de la société, au contraire des secondes qui prennent comme point de départ les carences des individus. Dans le premier cas, on désigne le pauvre par le terme « exclu » en référence à l’« inclus », tandis que dans le second on mentionne le terme de déviant par opposition au « travailleur ». Ainsi, à la différence du workfare, l’insertion ne se résume pas à l’inscription sur le marché du travail, car elle s’entend dans un sens plus large d’insertion sociale (Barbier, 2001). Par ailleurs, l’insertion est très proche d’une logique de dette sociale, du devoir du collectif à assister le pauvre, alors que le workfare se situe dans une logique de la contrepartie ou du devoir de chaque pauvre à contribuer à la société. En outre, l’insertion a été conçue dans une optique universaliste, alors que le workfare a été mis en place pour certaines catégories d’individus distingués selon leur aptitude au travail (optique catégorielle).

Les politiques sociales menées dans certains pays européens comme la France et la Belgique ont été sensiblement proches du modèle de l’insertion dans les années 1980 et 1990. En effet, au départ le Revenu minimum d’insertion en France (RMI) et le minimex en Belgique se situaient clairement dans l’esprit des politiques d’insertion. Dans les deux cas, le pauvre avait droit à une prestation (le revenu minimum) et droit à l’insertion. Or, avec le Revenu d’intégration sociale (RIS) belge et le Revenu de solidarité active (RSA) français, ces deux pays s’écartent du modèle de l’insertion pour se rapprocher du workfare américain en proposant des incitations financières visant au retour à l’emploi, notamment par le cumul possible d’une activité rémunérée et d’un revenu d’assistance (Duvoux, 2007, pour la France ; Liénard, 2003, pour la Belgique).

Comme le terme de workfare est intrinsèquement lié aux réformes des prestations d’assistance sociale créées aux États-Unis à partir des années 1970, il peut sembler réducteur de l’utiliser pour nommer l’évolution de nos politiques sociales. Afin de tenir compte à la fois de la spécificité du contexte européen et des infléchissements par rapport à la politique d’insertion, il semble aujourd’hui plus judicieux de parler « d’activation de la protection sociale » (Barbier, 2008). Il est pertinent de mobiliser ce concept lorsqu’on introduit un « lien explicite (souvent, réglementaire) entre la protection sociale et les politiques de l’emploi et du marché du travail » (Barbier, 2002 : 308). La création du RIS en Belgique se situe clairement dans cette logique où l’intégration professionnelle des pauvres dans la société en constitue la finalité déclarée.

Le concept d’« intégration » étant central, il est nécessaire de s’y attarder. Le terme d’intégration vient du verbe « intégrer » dont l’étymologie première signifie rendre complet, achever. Dans le cas qui nous occupe, cela veut dire plus précisément « faire entrer dans un ensemble comme partie intégrante ». L’usage de ce concept sous-entend dès lors une séparation entre les « inclus » et « exclus » où l’objectif est de faire (r)entrer les « exclus » dans la société[1]. Plusieurs éléments majeurs distinguent la notion d’intégration de celle d’insertion. L’aspect fondamental de l’« intégration » est l’importance accordée à l’appartenance au groupe. Ce terme comporte une forte dimension adhésive, ce qui rend primordiale la volonté des « exclus » de faire partie de la société. L’insertion doit être plutôt considérée comme un processus individuel qui a comme finalité première l’évolution de chaque personne vers un statut plus favorable.

Cette distinction n’est pas simplement sémantique dans la mesure où elle reflète concrètement les orientations des politiques sociales. En Belgique, l’importance de « l’inscription » dans la société transparaît notamment dans les débats qui ont mené à la création de ce revenu. La nécessité de soutenir l’évolution de chaque usager[2] du Centre public d’action sociale (CPAS) n’est cependant pas négligée. En effet, parallèlement à la mise en place du RIS en 2002, de nombreux services d’insertion ont été créés. En somme, ces services représentent le moyen utilisé par les CPAS pour intégrer au mieux les pauvres dans la société.

Notre étude se déroulera en deux temps. Nous allons coupler une analyse historique de l’évolution du revenu d’assistance belge et une analyse monographique de la mise en oeuvre concrète du RIS. Nous essayerons par ces développements de répondre à plusieurs questions : quelle est la forme prise par l’activation du revenu d’assistance en Belgique ? Quels sont ses impacts sur les différents acteurs concernés ? Enfin, nous nous demanderons à quel type d’emploi mène cette politique d’intégration.

L’intégration professionnelle : de la périphérie au centre

Nous commençons par éclairer l’évolution de ce revenu minimum en ciblant trois moments : la Loi de 1974, la Loi de 1993 et la Loi de 2002. Notre objectif est de montrer en quoi l’intégration sociale qui est secondaire en 1974, devient centrale en 1993 et exclusive en 2002 sous la forme d’une intégration professionnelle.

Un nécessaire retour dans l’histoire

En 1974, un revenu minimum d’existence (le minimex) est institué en Belgique. À l’époque, nous nous situons clairement dans le modèle de l’insertion. En effet, le raisonnement tenu par les parlementaires rejoint une logique de dette sociale, de solidarité et de responsabilité du collectif. Le terme d’intégration apparaît déjà dans ce projet de loi, mais il n’en constitue pas le coeur et ne se réduit pas au volet professionnel.

Il reste une foule de gens qui ne disposent pas d’un minimum de ressources, ces situations étant le plus souvent imputables précisément aux mutations rapides de la société. […] Garantir à tout un chacun le droit à un revenu minimum est peut-être la réforme la plus noble et la plus profonde de notre législation sociale, parce qu’elle répond le mieux à un triple principe : 1. celui de la dignité humaine, qui implique que tout homme doit d’abord être reconnu en fonction de sa valeur en tant que telle, c’est-à-dire comme être humain. 2. celui de la solidarité qui requiert la collaboration des classes les plus favorisées et de la société tout entière à la réalisation de la sécurité sociale et du mieux-être social pour tous. 3. Celui de la justice distributive, qui, dans le cadre d’une économie au service de l’homme, assure à chacun le minimum socio-vital nécessaire et lui permet une meilleure intégration sociale. […] Tant que la société sera organisée sur une base résolument compétitive, il paraît inéluctable que l’échec de certains reste une réalité.

Projet de loi instituant un revenu garanti, 1974, nº 247/5 : 5-7

Ce revenu minimum se situe dans une logique universaliste. Ainsi, l’article premier de la Loi du 7 août 1974 qui institue le droit à un minimum de moyens d’existence précise que le bénéficiaire est « tout belge[3] ayant atteint l’âge de la majorité civile, qui a sa résidence effective en Belgique et ne dispose pas de ressources suffisantes et n’est pas en mesure de se les procurer soit par ses efforts personnels, soit par d’autres moyens, a droit à un minimum de moyens d’existence » (Article 1er, par. 1er). Par ailleurs, l’article 6 évoque la mise au travail, mais cet objectif est périphérique et ne correspond pas à une obligation stricto sensu dans la mesure où plusieurs dérogations sont possibles notamment pour des raisons de santé et d’équité.

La Loi de 1993 marque un premier infléchissement par rapport à celle de 1974 (Bodart, 2003). L’objectif de l’intégration qui était secondaire passe au premier plan. En effet, il est préconisé de « faire franchir à tous les niveaux de pouvoirs et de services un pas supplémentaire vers la solidarité afin d’y introduire une véritable éthique de l’intégration » (Projet de loi, 1991-1992, nº 630/1 : 1-2). Les parlementaires souhaitent l’évolution d’un droit unilatéral de l’usager à des engagements réciproques entre l’usager et le CPAS[4]. Le passage suivant, explicite à ce sujet, débute par une critique du minimex.

Ce Droit est cependant consenti unilatéralement. Le projet, par contre, accorde au requérant et au CPAS des droits et des devoirs réciproques. Le contrat est un pas de plus ; c’est la confiance faite dans un pacte passé entre un citoyen et la collectivité ; c’est reconnaître le citoyen comme sujet de droit, comme débiteur d’intégration, c’est vouloir l’égalité entre le pauvre et le CPAS.

Projet de loi, 1991-1992, nº 630/5 : 36

Le rapprochement progressif vers le modèle d’« activation de la protection sociale » transparaît à travers l’usage récurrent des termes de « projet » et de « contrat » (Castel, 2003) qui étaient absents de la loi de 1974.

Le Revenu d’intégration sociale (RIS)

Neuf ans plus tard est créée la Loi de 2002 instaurant le revenu d’intégration sociale en Belgique. Alors que le minimex se situait dans une logique d’assistance, avec le RIS on passe véritablement à une logique « d’action sociale »[5].

Sur le plan des principes la loi de 74 est dépassée. Elle accorde en effet une place centrale à l’aide financière ; or, si l’aide financière reste indispensable, elle ne constitue plus, dans bien des cas, un instrument suffisant de réinsertion des personnes les plus démunies. […] Pour répondre aux attentes, tant des personnes précarisées elles-mêmes, qui aspirent à « s’en sortir » que des CPAS, les politiques sociales doivent évoluer de l’assistance strictement financière vers l’action sociale.

Projet de loi, 2001-2002, nº 1603/001 : 4

Pour les parlementaires, l’idée d’intégration devient vraiment l’essence de ce revenu. En outre, l’intégration sociale se résume dans leur esprit à l’intégration professionnelle. Ainsi, « participer à la vie sociale peut prendre plusieurs formes ; néanmoins, accéder à un emploi rémunéré reste l’une des manières les plus sûres d’acquérir son autonomie » ; « Le droit à l’intégration sociale est assuré par le CPAS lorsqu’il propose un travail à une personne apte à travailler » (Projet de loi, 2001-2002, nº 1603/001 : 6).

Si les personnes ne sont pas aptes directement à (r)entrer dans des démarches actives d’emploi, elles passent au préalable par des démarches de réinsertion sociale. Cependant, celles-ci ne sont pas autonomes de l’insertion professionnelle, elles en constituent plutôt une étape préalable.

Lorsque la personne n’est pas prête à entrer dans un processus d’insertion professionnelle, le projet (individualisé d’intégration sociale) pourra définir les modalités de l’insertion sociale de la personne afin de favoriser progressivement sa participation active dans la société. Des activités de resocialisation sont parfois nécessaires pour sortir les personnes de leur isolement avant de pouvoir entamer un processus menant à l’emploi.

Projet de loi, 2001-2002, nº 1603/001 : 18[6]

En échange du revenu qui lui est accordé, le bénéficiaire de l’aide doit signer un projet d’intégration sociale, et s’il ne respecte pas les modalités auxquelles il a consenti, il peut voir son revenu suspendu pendant un mois maximum et trois mois au plus en cas de récidive dans un délai d’un an. Derrière ce raisonnement se trouve l’idée d’une responsabilité accrue du pauvre. En effet, celui-ci doit être disposé à travailler et doit rechercher activement un travail. « Les personnes aptes au travail doivent être disposées à travailler […]. Ceci traduit la volonté du législateur de responsabiliser les CPAS autant que les demandeurs dans une vision active de la disposition au travail » (Projet de loi, 2001-2002, nº 1603/001 : 6 et 13)[7]

En définitive, la priorité est donnée à l’activation qui est le fer de lance de l’État social actif, l’État belge se situant clairement dans cette voie.

Il est indéniable que la présente proposition de loi s’inscrit pleinement dans la politique et la philosophie de l’État social actif élaborées par ce nouveau gouvernement […]. La philosophie de l’État social actif prône qu’il ne faut pas aider les gens d’une manière passive, mais qu’il faut les faire sortir de l’assistance, du système des allocations de chômage ou du minimex pour leur donner la possibilité d’avoir leur place sur le marché du travail […] Cette doctrine de l’État social actif n’accepte donc pas que des personnes restent de manière passive dans le système des allocations de la sécurité sociale.

Proposition de loi, 1999-2000 nº 114/003 : 4-5

La mise en oeuvre concrète du RIS

Présentation de la recherche et du travail de l’assistant social

Afin d’étudier la mise en oeuvre concrète de ce RIS, j’ai réalisé une observation participante durant trois mois dans un CPAS. Pendant cette période, j’ai travaillé comme assistant social (AS) de première ligne (appelé également assistant social de quartier). L’observation participante a été effectuée de manière incognito afin de ne pas rencontrer a priori des difficultés à être embauché tout en ne devant pas a posteriori rendre des comptes sur les résultats obtenus. Dans le but de ne pas me limiter à une étude de cas, j’ai réalisé par la suite une dizaine d’entretiens d’agents d’insertion travaillant dans d’autres CPAS. Cette deuxième phase de la recherche empirique constitue une forme de validation des résultats émergeant de l’observation participante.

Pendant ces trois mois, j’ai été confronté quotidiennement à la mise en oeuvre du RIS. Du fait de ma position d’insider, j’ai également entretenu des contacts privilégiés avec des acteurs internes et externes au CPAS comme le service d’insertion. Le rôle d’un assistant social de première ligne en CPAS consiste principalement à rencontrer les usagers et à répondre à leurs demandes en termes de revenu d’intégration ou d’aides complémentaires[8]. Chaque assistant social s’occupe en moyenne de nonante dossiers dont environ la moitié concerne spécifiquement l’octroi du Revenu d’intégration (RI).

Les objectifs de l’usager et de la loi sur le RIS sont au départ bien souvent opposés. La personne demande son revenu d’intégration avant tout pour obtenir de quoi vivre alors que l’objectif premier du RIS est l’intégration par l’emploi. Ainsi, lors du premier entretien, la personne en situation de demande acquiesce au discours de l’AS sur la réinsertion pourvu que cela lui permette de bénéficier de ce revenu vital. Ensuite, quand le dossier administratif des usagers est clôturé et que le projet d’intégration sociale est réalisé avec l’usager, l’AS de quartier passe le relais au service qui s’occupe spécifiquement de l’insertion. À partir de ce moment-là, l’assistant social s’occupe de la situation sociale (logement, culture…) et financière (allocation, aides aux soins…) de l’usager et l’agent d’insertion se charge du volet professionnel. Malgré que ces deux aspects soient bien scindés, l’AS de quartier reste le responsable du dossier. De fait, il lui incombe de communiquer à l’usager la décision de suspension ou d’annulation de son revenu même si c’est dû à des manquements au niveau de l’intégration professionnelle. Il est par conséquent plus souvent confronté au désarroi et à l’agressivité des usagers mécontents[9].

Les cinq volets du service d’insertion

Suite à la Loi de 2002, le service d’insertion occupe une place majeure dans les CPAS. Celui-ci est scindé en cinq volets (guidance, étudiant, prospection, remobilisation et mise à l’emploi). Habituellement, l’AS de quartier transmet le dossier au pôle « guidance » sauf si l’usager cumule plusieurs problèmes conséquents (santé, logement, famille…) ou s’il a déjà un projet d’études précis. Dans le premier cas, on transfère le dossier à la « remobilisation » et dans le second cas au pôle « étudiant ».

Le pôle guidance s’occupe principalement d’amener l’usager à un projet professionnel concret. Dans cet objectif, les travailleurs sociaux apportent aux individus des outils visant à faciliter leur intégration sur le marché du travail. Selon le profil des usagers et les compétences déjà acquises, ils les invitent à participer à différents ateliers didactiques : rédaction de CV, préparation d’un entretien d’embauche, cours de langue (bien souvent le français)… Quand l’usager a réalisé ces divers modules et qu’il est plus au clair sur son projet professionnel, l’agent de guidance le réoriente vers le service le plus adapté (étudiant, mise à l’emploi voire remobilisation). Une petite minorité d’usagers, principalement des jeunes de moins de 25 ans, sont orientés vers le pôle « étudiant ». Si leur projet scolaire est accepté par le conseil, ils vont être aidés financièrement pendant la réalisation de leurs études.

Le pôle « remobilisation » concerne les personnes qui souffrent de problèmes importants (alcoolisme, drogue, graves difficultés familiales [incestes, violences]…) et qui ne sont, à l’heure actuelle, pas prêtes à s’engager dans des démarches actives de recherche d’emploi. Les agents de ce service tentent de leur faire acquérir les bases nécessaires à la vie en société. Dans ce sens, ils travaillent principalement avec les usagers des éléments de « savoirs-être » comme la ponctualité, la politesse… Pour les individus dont la remobilisation n’est pas concluante, l’agent peut au final demander qu’on leur accorde le RI pour raisons d’équité. Autrement dit, ils pourront bénéficier du revenu sans devoir entreprendre des démarches de recherches actives d’emploi. Ces cas sont très rares. J’ai personnellement rencontré une personne dans cette situation. Cet individu, âgé de 55 ans, est alcoolique depuis longtemps et il a eu ces dernières années de graves crises d’épilepsie qui lui ont laissé des séquelles. Éprouvant des difficultés à s’exprimer et à comprendre ce qu’on lui dit, il peut difficilement travailler ce qui lui a permis de bénéficier du revenu pour raisons d’équité.

Le volet « mise à l’emploi » s’intéresse spécifiquement à l’intégration professionnelle. Dans certains CPAS, des usagers arrivent à ce service sans CV, voire sans réel projet professionnel ce qui entraîne des tensions. Dans ce cas, les individus sont renvoyés directement au pôle « guidance ». De manière générale, ces agents déclarent y rencontrer deux « groupes » d’usagers dont la proportion varie selon les CPAS (et plus précisément selon le degré de précarité de la ville ou de la commune où se situe le CPAS).

Le premier « groupe » est constitué d’individus possédant des qualifications (ils ont en général leur CESS ce qui est l’équivalent du bac en France) et une certaine expérience professionnelle. Leur arrivée au CPAS est liée à une difficulté bien précise. C’est par exemple le cas des indépendants qui ont fait faillite. N’ayant pas droit au chômage, ils passent par le CPAS pour bénéficier d’un revenu. Nous avons également le cas de chômeurs sanctionnés qui voient leur allocation de chômage suspendue. Dès lors, ils viennent au CPAS pour bénéficier d’un revenu le temps de la sanction.

Le second « groupe » est constitué de personnes peu qualifiées qui n’ont généralement pas de diplôme. Il est fréquent que ces usagers n’aient pas travaillé pendant plusieurs années d’affilée. Une stratégie abondamment utilisée par les agents d’insertion pour camoufler cet état de fait est de ne pas mettre de chronologie dans le CV afin que l’employeur ne remarque pas directement que la personne a été inactive pendant un laps de temps conséquent. Ces usagers sont également beaucoup plus désocialisés et cumulent fréquemment les problèmes (au niveau du logement, de la santé…). Beaucoup de femmes isolées avec enfants se trouvent dans cette situation. Généralement, elles ont arrêté très tôt l’école et elles ont eu des enfants à l’âge de 18 à 20 ans. Le mari contribuait exclusivement à rapporter l’argent du ménage et, quand il est parti, elles se sont retrouvées sans rentrée financière et ont donc fait appel au CPAS.

Le pôle de prospection constitue le dernier volet de ce service d’insertion. La mission principale de ces agents est d’élaborer des partenariats durables avec des entités privées et publiques qui pourraient engager des usagers. Ils déclarent fréquemment que les offres d’emploi sont bien plus importantes que les demandes. Ceci peut être expliqué par le coût très faible de ces travailleurs. Pour une entreprise privée, ce montant est fixé par arrêté royal à maximum 850 euros par mois. A contrario, aucun plafond n’est fixé pour les associations sans but lucratif (ASBL)[10]. Pour se faire une idée approximative, le montant demandé aux associations dans le CPAS où j’ai travaillé s’élève à 500 euros par mois. Au final, quand l’agent de prospection a négocié un partenariat avec une association ou une entreprise, il crée une offre d’emploi exclusivement réservée aux usagers de CPAS qu’il va transmettre au service de « mise à l’emploi ».

L’importance de l’intégration professionnelle : chiffres et pratiques

Depuis 2002, l’intégration professionnelle est devenue la priorité des CPAS. Quelques données chiffrées concernant la région wallonne[11] peuvent illustrer ce constat (Lemaître, 2005). Tout d’abord, en 2003, dans 57,6 % des CPAS wallons, un service d’insertion professionnelle a été créé. La taille de la Commune est, semble-t-il, le facteur déterminant la création de ce type de service. En effet, un CPAS sur six en dispose dans les communes de moins de 5000 habitants, alors que plus de 90 % des communes de 25 000 habitants en ont créé un. Dans les CPAS où un service d’insertion existait déjà, leurs effectifs ont été fortement renforcés après 2002. On constate également une augmentation conséquente des dépenses consacrées à l’insertion. En 2003, le montant alloué par bénéficiaire s’élève à 1 475 euros alors qu’en 2001, il était à peine de 1 040 euros.

Par ailleurs, l’importance de l’intégration professionnelle se reflète dans les discours des responsables du CPAS. En effet, si un usager perçoit un RI depuis plusieurs mois sans avoir été actif dans des démarches de recherche d’emploi, il n’est pas rare que le Conseil d’action sociale[12] note sur son dossier « à mobiliser » ou « à activer ». Dans ce cas, l’usager doit bien souvent s’activer dans le mois qui suit sous peine de voir son revenu suspendu. D’après les assistants sociaux, les demandes de complément d’information sur la recherche d’emploi des usagers sont beaucoup plus fréquentes depuis 2002. Malgré ce contrôle accru, il est déjà arrivé que certains usagers bénéficient d’un revenu pendant plus d’un an sans avoir recherché un emploi. Quand le Conseil tombe sur ce genre de dossiers, le bénéficiaire de l’aide est convoqué prestement en audition où on lui demande de présenter et de justifier toutes les démarches qu’il a entreprises (quand ? où ? comment ? pourquoi ?…). Par après, le conseil impose de mettre directement l’usager au travail sans passer par la guidance ou la remobilisation. Ces mises à l’emploi « forcées », non préparées au préalable, aboutissent fréquemment à des échecs.

L’importance accordée à la recherche d’emploi est donc bien réelle, or, dans les faits les sanctions sont peu nombreuses. Elles dépendent étroitement des rapports écrits de l’AS de première ligne et de l’agent d’insertion. Ainsi, il est toujours possible pour l’assistant social de défendre la personne même si elle ne remplit pas ses obligations[13]. Effectivement, comme le Conseil n’a pas le temps de s’appesantir sur chacun des dossiers, il se base principalement sur le rapport de l’AS pour prendre sa décision. De ce fait, les assistants sociaux plus regardant et en général plus contrôlant font en moyenne plus souvent état de cas de suspension de RI. En trois mois, j’ai été contraint à une seule reprise de suspendre un revenu pendant un mois. L’agent d’insertion avait clôturé le dossier d’un de mes usagers parce qu’il ne venait ni aux rendez-vous fixés ni aux réunions d’information. Dans ce cas, la suspension du revenu est quasiment automatique, car cela démontre clairement qu’il n’est pas actif dans sa mise à l’emploi. Cet exemple met clairement en évidence l’importance du facteur de désirabilité comme composante essentielle de la notion d’intégration. En effet, le plus important est que l’individu montre qu’il souhaite s’intégrer dans le système en venant aux rendez-vous et en répondant aux offres.

Les voies de l’intégration professionnelle

Les agents d’insertion recourent principalement aux articles 60§7 et 61 de la loi organique des CPAS pour insérer l’usager dans le monde du travail. L’individu engagé sous contrat « article 60 » peut travailler dans un CPAS ou être mis à disposition d’un utilisateur extérieur (Commune, association…). Dans ce dernier cas, le CPAS reste cependant l’employeur de l’usager. Depuis la mise en place du RIS, le nombre de ces contrats s’est accru de manière exponentielle. Alors qu’en 1990, à peine 300 usagers ont bénéficié de ce type de mesure, ils sont 3 930 en 2003. De manière générale, environ 80 % des usagers mis à l’emploi dans les CPAS passent par un contrat « article 60 » en région wallonne.

L’objectif premier de l’article 60§7 est de faire travailler l’individu afin qu’il puisse obtenir à la fin de son contrat une autre allocation sociale. Par conséquent, le contrat prend « fin automatiquement » quand l’individu a travaillé assez longtemps pour bénéficier des allocations de chômage[14]. Ainsi, quand il manque aux usagers quelques semaines de travail pour avoir le statut de chômeur, on les fait travailler rapidement comme « article 60 » afin qu’ils puissent au bout du laps de temps nécessaire avoir droit au chômage et dès lors ne plus dépendre du CPAS. En Belgique, pour bénéficier des allocations de chômage, l’individu doit avoir travaillé un an d’affilée s’il a moins de 35 ans, un an et demi s’il est âgé entre 35 et 50 ans et deux ans s’il a de 51 à 65 ans. S’il ne remplit pas cette condition de départ, il n’a pas droit au revenu de remplacement octroyé par le chômage. Alors, il doit passer par le CPAS où il va bénéficier d’un revenu en attendant d’être dans les conditions pour obtenir les allocations de chômage. Cette manière de fonctionner ne règle donc pas le problème de mise à emploi et éclaire plutôt un effet de vase communicant entre les dispositifs d’aide. Un deuxième objectif de cet « article 60 » est d’apporter à l’usager une expérience professionnelle. Vu la difficulté à leur trouver des postes dans la sphère marchande, c’est bien souvent le CPAS ou des instances de la Commune qui les engagent. Par exemple, dans le CPAS où j’ai travaillé tous les postes peu qualifiés (accueil, nettoyage…) étaient tenus par des individus sous contrat « article 60 ».

Les modalités de l’« article 60 » sont présentées à l’usager dès son arrivée au CPAS. La plupart des agents d’insertion expliquent aux individus que ce contrat les mène bien souvent au chômage et non à un emploi fixe à durée indéterminée. Lorsque leur contrat « article 60 » se termine, les usagers perdurent rarement dans le poste occupé principalement parce que le coût de leur engagement sous contrat « classique » serait beaucoup trop élevé. Par conséquent, même si l’employeur est satisfait du travail fourni, il va reprendre un autre individu sous contrat « article 60 ». Il est donc fréquent que deux usagers se relaient au même poste quand le premier a ouvert ses droits au chômage. Il arrive cependant, dans une minorité de cas, que les employeurs décident de poursuivre avec la personne après son contrat « article 60 ». Ces entreprises ou associations utilisent alors ce travail préalable comme une période d’essai qui leur permet de former le personnel à moindres frais.

L’article 61 est bien moins utilisé par les agents d’insertion. Son objectif est l’engagement d’un usager dans une entreprise privée qui a réalisé au préalable une convention avec le CPAS. Il concerne en 2003 à peine 373 personnes. L’usager peut également bénéficier d’autres formes d’activation (ACTIVA, PTP, SINE, Intérim d’insertion). Le « plan activa », qui est le deuxième dispositif le plus utilisé (après l’article 60§7) en Wallonie concerne 486 personnes en 2003. Cette mesure fédérale vise à faciliter l’engagement des usagers en octroyant à l’employeur à la fois des dispenses de paiement des cotisations patronales et la déduction d’une allocation du salaire net qu’il donne au travailleur. Ces avantages conséquents sont tout de même moins importants que ceux octroyés aux entreprises engageant des individus sous contrat « article 60 ».

À la lumière de ces quelques indications, on se rend compte que le CPAS est l’employeur dans plus de 80 % des situations. Ce constat éclaire les difficultés pour les usagers de trouver un emploi dans la sphère marchande. Quand on en discute avec les agents d’insertion, on se rend compte que pour ces individus fragilisés et peu qualifiés, trouver un emploi en dehors de ces contrats « article 60 » est particulièrement difficile. Cela mène au bout du compte à une situation paradoxale d’un État belge qui souhaite que ces individus soient actifs, mais qui, pour ce faire, est obligé de quasiment tous les engager.

Le point de vue des usagers sur leur parcours

Les usagers sont généralement satisfaits de leur inscription dans le monde de travail principalement pour ce que ce travail leur apporte : sentiment d’utilité ; facilité pour trouver un logement et moyens financiers accrus. Pour commencer, cet emploi même temporaire leur permet de se sentir utiles. Une jeune femme âgée de 30 ans qui nettoyait les bureaux du CPAS m’a expliqué que l’« article 60 » lui a permis pour la première fois de gagner sa vie de ses propres mains. Pour elle, cette insertion même provisoire a dès lors été essentielle en termes d’estime personnelle. Un homme qui n’avait plus été actif depuis 4 ans était heureux de pouvoir travailler comme « article 60 » afin de donner une bonne image à ses enfants. Il m’a également déclaré que ce travail allait lui permettre de déménager plus facilement de son logement insalubre. En effet, cet emploi procure aux usagers une fiche de paye qui constitue aujourd’hui un document essentiel pour trouver un logement. Plusieurs individus m’ont effectivement fait part de leurs difficultés à trouver une location avant qu’ils ne sachent prouver des revenus du travail.

Les usagers évoquent régulièrement le complément financier comme un des avantages de cet engagement. En travaillant comme « article 60 », l’individu va gagner 1 150 euros nets par mois, alors que comme cohabitant, il touche 474,37 euros et, comme isolé, 711,56 euros. L’avantage pécuniaire est bien moindre pour les chefs de famille (notamment les mères avec enfants) qui reçoivent mensuellement 948,74 euros. Pour cette catégorie d’usagers, certains assistants sociaux disent même que ce contrat représente un « piège à l’emploi ». En effet, devant faire garder leurs enfants, ces individus déclarent qu’au final leur revenu est équivalent à celui dont ils bénéficiaient quand ils ne travaillaient pas.

En général, ce travail se passe bien et les usagers se plaignent peu de leurs conditions de travail. Cependant, il arrive parfois que des problèmes se posent entre l’utilisateur et l’usager. L’agent d’insertion doit alors se rendre sur le lieu de travail afin de comprendre la nature de ces difficultés et tenter de les résoudre. Les tensions principales concernent les manquements de l’usager au niveau du savoir-être comme, par exemple, le fait de répondre grossièrement à son employeur, de ne pas arriver à l’heure et de ne pas se remettre en question. Un usager que j’ai rencontré avait un problème majeur avec l’autorité dans la mesure où il ne supportait pas qu’on lui donne des ordres. Son agent d’insertion l’a déjà changé d’employeur à plusieurs reprises, mais la même difficulté se repose inlassablement. À ce moment-là, on peut le réorienter vers le pôle guidance pour travailler avec lui cet aspect de la relation professionnelle.

La fin du contrat de travail est souvent difficilement vécue par les usagers. Durant leur parcours, les agents d’insertion leur ont précisé à plusieurs reprises que cet emploi mène au chômage et qu’il doit être considéré avant tout comme une expérience professionnelle. Alors qu’ils ne réagissent pas à cette information lors des entretiens préalables à leur entrée en fonction, la situation est tout autre quand ils arrivent au terme de leur contrat. À ce moment-là, on sent chez eux une vive inquiétude et ils posent régulièrement la question de savoir s’ils vont pouvoir poursuivre ce travail ou être engagé à un autre endroit.

Les résultats de l’activation

Il n’est pas évident de percevoir l’impact précis de ces politiques sur le long terme dans la mesure où aucune étude longitudinale n’a encore été réalisée et les chiffres récents ne sont pas accessibles. Cependant, le peu de chiffres obtenus nous amène à en faire un bilan mitigé (Lemaître, 2004). De manière générale, les entreprises et les associations arrêtent de travailler avec les usagers à la fin de leur contrat parce qu’ils ne possèdent pas les fonds nécessaires pour les engager par la suite sous contrat « classique ». En effet, poursuivre avec le même individu, leur coûterait environ quatre fois plus.

Par ailleurs, les résultats en termes d’intégration durable diffèrent selon le type de mesure qui a été utilisé pour intégrer la personne. De fait, on perçoit que les usagers ayant travaillé dans une entreprise extérieure au CPAS restent plus longuement dans la sphère de l’emploi par rapport à ceux qui ont été engagés par le CPAS. Ceci est encore plus vrai si l’individu a trouvé lui-même l’entreprise dans laquelle il a travaillé. Ce constat reflète avant tout une inégalité de départ. En effet, les plus qualifiés sont principalement ceux qui vont travailler en entreprise. À la base, ils ont déjà de plus grandes chances de trouver un emploi en dehors des systèmes d’aide[15]. Ils possèdent outre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être (politesse, ponctualité…) que les autres usagers ne possèdent pas nécessairement. Or, ces qualités sont bien souvent perçues comme indispensables par les employeurs.

Pour les individus moins qualifiés, engagés par le CPAS, cette intégration sur le marché de l’emploi mène au statut de chômeur. À ce moment-là, en tant que demandeur d’emploi, l’individu devra à nouveau prouver qu’il veut s’intégrer et faire partie du système. Il sera donc à nouveau inscrit dans une démarche d’insertion sur le marché de l’emploi. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’insertion constitue pour eux un état et non une étape. Même si on peut être critique à l’égard de ces mesures qui ne mènent pas régulièrement à un emploi durable, il faut leur reconnaître des mérites.

Pour commencer, ces « pseudo-emplois » permettent à certains individus d’éviter la rupture avec le monde social et le monde du travail (Paugam, 2004). Comme nous l’avons décrit, cet emploi même temporaire leur permet de se sentir utile, de trouver plus facilement un logement et d’être mieux payé. Par ailleurs, pour ces individus, passer du statut d’usager de CPAS au statut de chômeur constitue une avancée dans la mesure où ils grimpent un échelon qui les rapproche de la sphère de l’emploi (Schnapper, 1989). Enfin, les possibilités de formation pour les allocataires du chômage sont beaucoup plus poussées et variées. Ces formations pourraient dès lors leur apporter certaines compétences nécessaires qui leur font actuellement défaut.

Le RIS, une création de l’État social actif belge

Nous avons étudié le RIS belge en deux temps. Nous avons commencé par éclairer l’évolution du revenu d’assistance en Belgique d’une logique d’insertion à une logique d’« activation de la protection sociale ». Après nous avons étudié la mise en oeuvre concrète du RIS en nous centrant sur la contrepartie du revenu à savoir l’intégration professionnelle. En effet, les usagers doivent chercher activement un emploi sauf s’ils ne sont pas aptes pour des raisons de santé ou d’équité. Ensuite, on a constaté que les usagers sont principalement engagés par le CPAS. Ayant en général peu de compétences directement mobilisables, il est très difficile de les (ré)insérer dans la sphère marchande. Ainsi, seuls les plus qualifiés ont la possibilité de travailler en entreprise et ce sont également eux qui perdurent sur le marché de l’emploi. Malgré ce bilan mitigé en termes d’inscription durable sur le marché du travail, cet emploi transitoire reste tout de même important pour de nombreux bénéficiaires de l’aide.

L’émergence du RIS est corrélative à l’émergence de l’État social actif en Belgique. Cet État souhaite que les individus travaillent sans attacher trop d’importance à la nature du travail, au contrat de travail et aux conditions de travail. Le contrat « article 60 » est un « pseudo-emploi », distant de la norme du CDI « classique », qui a comme finalité première l’ouverture pour l’usager de ses droits au chômage. En outre, cet emploi n’est bien souvent pas viable en dehors des aides octroyées aux employeurs. Les agents de prospection ont en effet constaté que certains postes ont été créés à la suite de la mise en place de ce contrat « article 60 ».

Du fait de la spécificité de cet emploi, ces travailleurs sont confrontés à des difficultés supplémentaires. Ils doivent notamment rendre des comptes à la fois au CPAS et à l’entreprise ou l’association utilisatrice. Ils ont donc dans les faits deux employeurs distincts avec parfois des attentes divergentes. Après, dans les entreprises où il est clairement fait état de leur statut d’usager de CPAS, travailler sous contrat « article 60 » peut être vécu péniblement par les individus. En effet, dans ce cas, ils ne sentent pas comme des membres à part entière de l’entreprise. En somme, à certains égards, ce contrat « article 60 » peut être perçu comme une illustration d’un mouvement plus général de « dégradation de la norme d’emploi convenable ».

Par ailleurs, cette « activation de la protection sociale » transforme le droit à l’intégration en un devoir de s’intégrer qui repose en partie sur les épaules des individus les plus fragilisés (Lebaron et Schultheis, 2007). Ce constat ne concerne pas simplement les usagers de CPAS. Effectivement, un raisonnement similaire peut être tenu pour les chômeurs. Ainsi, ces politiques d’activation sont de plus en plus contraignantes tout en n’arrivant généralement pas à insérer l’individu dans un emploi durable (Ministère de l’Emploi et du Travail, 2000 et 2005). Cependant, les autorités restent convaincues qu’il est possible d’agir sur l’activation des chômeurs. De ce fait, depuis 2007, cette activation est plus prégnante et les demandeurs d’emploi peuvent encourir de plus lourdes sanctions (Cockc et al., 2007).

On peut se demander pourquoi les politiques d’activation menées en Belgique aboutissent généralement à des résultats peu concluants. Selon nous, le problème est qu’elles négligent bien souvent deux éléments majeurs. Tout d’abord, ces politiques ne prennent pas assez en compte les difficultés préalables de ces personnes. En effet, aboutir au CPAS est souvent le résultat d’un cumul de problèmes sociaux, économiques et familiaux. Sans travailler de manière longue et soutenue avec ces personnes, l’insertion ne pourra dès lors être que « transitoire durable » (Vanlerenberghe, 1992). Ensuite, l’État social agit en incitant les individus à s’activer, mais il agit peu sur la structure autrement que par des incitations financières à engager ce public. Outre le fait que ces incitations soient limitées dans le temps, l’État ne s’attaque pas au problème structurel du manque d’emplois. En conséquence, si l’État social belge continue à vouloir insérer des personnes sans créer de l’emploi ou agir durablement dans cette voie, l’insertion restera bien souvent un état et non une étape. En effet, l’usager passant du programme d’insertion du CPAS au programme d’insertion du chômage perdure dans une situation intermédiaire entre inactivité et emploi durable.