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Introduction

Dans un texte daté de 2016 et intitulé « À quoi engage l’accompagnement des migrants », le père B. M. Duffé, vicaire épiscopal pour le diocèse de Lyon, s’adresse aux croyants du diocèse au sujet des migrants. Il théorise trois « cercles de l’urgence » dans l’accompagnement de ces derniers : celui de la considération des besoins vitaux (« se nourrir, être soigné, être à l’abri »), celui de l’accompagnement social (« couverture médicale et sociale, scolarisation des enfants, etc. ») et, enfin, celui « qui consiste à faire le chemin avec l’autre, et pas seulement pour lui ». Dans ce texte, le prêtre pose, selon nous, les bases d’un travail social bénévole auprès des personnes migrantes, et les contours d’une éthique de l’accompagnement. Cet exemple, cité parmi de nombreux autres existants, illustre l’une des caractéristiques des politiques migratoires contemporaines, en l’occurrence la structuration progressive de réponses « privées », amorcées par des « citoyens ordinaires » (Gerbier-Aublanc, 2018). L’une des questions soulevées par ces initiatives associatives ou citoyennes concerne le lien qu’elles entretiennent ou non avec les réponses publiques apportées aux phénomènes migratoires, notamment dans leur fonction de « fournir des services sociaux ». Ces deux modes d’action sont-ils entièrement séparés l’un de l’autre ? Ou, au contraire, coordonnés ? Sont-ils concurrents ou complémentaires ? Existe-t-il des spécificités liées aux politiques migratoires (Hamidi et Fischer, 2017) par rapport à d’autres champs ou d’autres publics ?

Si plusieurs travaux traitent largement de la place de l’action associative et du bénévolat (Chauvière, 2010 ; Cottin-Marx et al., 2017 ; Hély, 2009) dans la mise en oeuvre des politiques sociales (Lipsky et Smith, 1989), cet article propose d’éclairer cette articulation au sein des politiques migratoires. De quelle manière les acteurs publics et, principalement, les services de l’État envisagent, mobilisent ou instrumentalisent les acteurs bénévoles ? Notre hypothèse principale est celle de l’existence de processus locaux d’institutionnalisation du travail bénévole au sein des politiques migratoires. Loin de vouloir dresser un constat au sujet de la fin du « bénévolat » (Bernardeau Moreau et Hély, 2007), nous souhaitons comprendre l’articulation entre le travail bénévole et la mise en oeuvre progressive de politiques publiques institutionnelles d’insertion des migrants. Au-delà des travaux sur les raisons de l’engagement des bénévoles (D’Halluin, 2010 ; Havard Duclos et Nicourd, 2005), la focale est ici mise sur le « travail bénévole » au sein des politiques migratoires dans la continuité des travaux portant sur le « travail militant » des associations comme « chaînon des politiques publiques, ici migratoires » (Pette, 2014), ou des travaux portant sur la manière dont l’État délègue de plus en plus les services publics aux associations et, par ce biais, aux acteurs de ce « travail gratuit » (Simonet, 2010 ; Hély, 2009 ; Engels et al., 2008).

Notre travail se base sur un corpus de données issu d’observations participantes et d’entretiens réalisés de 2009 au début de l’année 2019 avec différents acteurs engagés auprès des familles originaires d’Europe de l’Est vivant en habitat précaire (squats et bidonvilles) et identifiées comme « Roms[1] ». Le travail ethnographique analysé[2] dans cet article a été mené dans trois agglomérations françaises — Lyon, Montpellier et Saint-Étienne — présentées en première partie. Plus précisément, nous avons mené une analyse ethnographique et sociologique centrée sur la place accordée à divers types d’intervenants bénévoles au sein de dispositifs publics. Cette place repose dans chacun des territoires observés sur des pratiques sélectives quant aux compétences professionnelles des bénévoles (Bernardeau Moreau et Hély, 2007) et quant au type d’engagement de ces bénévoles (sur lequel nous revenons dans la première partie de l’article). De la définition proposée par Bernardeau Moreau et Hély sur la professionnalisation, nous retenons « un processus de rationalisation […] en termes de compétence dont le degré de spécialisation devient plus élevé […] » (2007 : 11). Les formes du processus de professionnalisation (ibid.) de l’accompagnement au sein de l’action publique reposent sur des compétences issues des métiers du social, mais aussi issues de métiers pouvant avoir des liens plus ou moins directs avec les métiers du social en ce qu’ils mobilisent des compétences professionnelles parfois perçues comme proches en matière d’accompagnement des personnes (« agents de guichet » des administrations, professionnels de l’Éducation nationale, des métiers juridiques, de la santé, de l’insertion par l’activité économique, etc.). Nous tenterons ainsi d’appréhender les tensions entre, d’un côté, les normes et les valeurs du travail social (Ravon et Ion, 2012) et la mise en oeuvre concrète de ces politiques migratoires (Bouquet et Jaeger, 2011), et, de l’autre, les effets produits par le fait de qualifier d’urgence le problème social considéré (Lipsky et Smith, 2011).

Ainsi, la première partie pose le constat d’une intention politique de l’État — motivée par des raisons diverses — de stabiliser, officialiser, et in fine institutionnaliser l’action bénévole au sein des politiques migratoires. Dans un deuxième temps, nous placerons la focale sur la mise en oeuvre concrète de cette institutionnalisation du travail bénévole et sur les différentes modalités observables au sein des dispositifs étudiés.

1. Bénévoles et politiques locales des bidonvilles : de la confrontation à l’institutionnalisation progressive

1.1 Une réponse d’abord associative, citoyenne et bénévole au problème public

Sur nos trois terrains de recherche, à l’image de la plupart des grandes métropoles, c’est au milieu des années 2000 que se sont structurées la plupart des actions collectives bénévoles destinées aux migrants dits « Roms » en habitat précaire (Bruneteaux et Benarrosh-Orsoni, 2012 ; Masson-Diez, 2015). Il s’agit d’actions collectives, car ces mobilisations sont le fait d’initiatives concertées et intentionnelles de citoyens et/ou de membres associatifs réunis — sous forme de collectif ou d’association — pour défendre une cause commune, celle des « Roms » en habitat précaire. En témoignent les intitulés de structures : « Collectif de défense des Roms », « Association Amitié Roms ». Cette défense revêt plusieurs aspects : informer les habitants de leurs droits, faire office de médiation en cas de politiques d’expulsions et, surtout, les accompagner dans l’ensemble des démarches administratives et juridiques quotidiennes. Elle traduit également un engagement politique de l’ordre de la contestation et du contre-pouvoir vis-à-vis des autorités publiques locales, et des cadres juridiques ou réglementaires. En ce sens, nous qualifions les citoyens investis dans ces collectifs ou ces associations de « bénévoles militants ». Nous les distinguons donc des bénévoles engagés dans des associations de salariés pour effectuer des tâches précises, qui ne disposent pas d’une connaissance spécifique et préalable des « publics » ciblés par l’action publique. Si chaque collectif a ses particularités locales, la majorité d’entre eux s’appuie à l’origine sur des réseaux existants, notamment liés aux associations de défense des droits de l’homme, investis dans d’autres causes de défense des immigrés et/ou précaires inhérents au champ d’action de leur propre association[3] (Beltran, 2010). Les bénévoles de La Cimade sont ainsi des bénévoles engagés dans des causes politiques (les demandeurs d’asile, puis les migrants roumains), ceux de la Ligue des droits de l’homme ou du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) sont investis dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme notamment.

La plupart de ces collectifs ont conservé, dix ans plus tard, leur fonctionnement bénévole, structuré, d’une part, autour d’interventions directes auprès des familles et, d’autre part, autour de revendications politiques sur la prise en compte des situations sociales. Cependant, ils ont dans le même temps connu de profondes évolutions, et notamment : la construction d’une relation durable avec les familles, malgré les politiques sécuritaires et les parcours résidentiels mouvementés ; une connaissance de plus en plus poussée des dispositifs et des acteurs locaux de l’insertion ; et, dans certains cas, une progressive montée en compétence sur les « ficelles » de l’accompagnement social au long cours. En parallèle à ces évolutions, s’observe également le passage progressif de relations distantes — marquées par une méfiance réciproque — entre l’État et « les bénévoles militants » dont la structure collective de l’action n’est pas reconnue, à l’émergence de collaborations de différents ordres. En témoignent les nombreuses interactions formelles et informelles observées entre bénévoles et cadres des services de l’État sur les trois territoires observés : réunions de coordination sur la situation locale, échanges directs en amont et en aval d’expulsions de terrains, comités de pilotage de certains dispositifs, etc.

1.2 La structuration progressive de la réponse publique

Concernant les réponses publiques, celles-ci se sont dans un premier temps concentrées exclusivement sur des actions de démantèlement des sites et d’éloignement des personnes. Mais plus récemment, depuis la fin des années 2000 et le début des années 2010, émerge dans les territoires concernés un ensemble de nouvelles réponses publiques, spécifiquement orientées vers les « Roms ». Ces dynamiques locales s’inscrivent dans un contexte plus vaste lié, entre autres, à de nouveaux cadres européens et nationaux (stratégie européenne d’intégration des « Roms » en 2011, circulaire interministérielle du 26 août 2012, puis plus récemment l’instruction gouvernementale de janvier 2018), et à de nouveaux mécanismes de financements gérés par la Délégation interministérielle à l’Hébergement et l’Accès au logement (DIHAL).

Les réponses étudiées dans cet article ont pour point commun d’avoir été entreprises par les services de l’État, en l’occurrence les préfectures via les Directions départementales de la Cohésion sociale (DDCS). Elles s’orientent dans chacun des territoires vers la mise en place de « dispositifs d’insertion », inscrits dans la politique nationale de « résorption des campements illicites et bidonvilles », portée par la DIHAL[4], dans le cadre de circulaires successives promulguées depuis 2010 (Bourgois, 2019). Ces dispositifs reposent sur le principe d’une délégation par les acteurs publics à une ou plusieurs associations « opératrices », responsables de la mise en oeuvre des dispositifs, et dont les marges de manoeuvre dans le développement des actions peuvent fortement varier d’un territoire à l’autre. Cependant, quelles que soient les approches et les modalités développées au sein de chaque dispositif, chacun d’eux : 1) joue une fonction d’interface entre, d’un côté, les décideurs et acteurs des politiques publiques de droit commun et les dynamiques associatives et, de l’autre côté, les bénéficiaires ; 2) est en partie dérogatoire au droit commun, au sens où ils développent des réponses spécifiquement orientées vers un public identifié de manière implicite ou explicite en fonction de son origine ethnique. En effet, les services de l’État financent des missions dédiées à la résorption des bidonvilles au sein d’associations déjà engagées dans l’accompagnement de migrants ou de personnes en situation précaire. Il s’agit ici de créer des missions spécifiques désignées « bidonvilles », mais qui concernent exclusivement les bidonvilles de migrants roms roumains ou d’ex-Yougoslavie. Aussi, les « villages d’insertion », très souvent identifiés comme « villages roms » par les acteurs, constituent une réponse nouvelle dans le panel des dispositifs d’hébergement. Ils obéissent à des règles spécifiques parfois éloignées du cadre légal et, notamment, de la Loi 2002-2 régissant les établissements sociaux et médicaux sociaux. Enfin — et cet aspect nous semble central —, les dispositifs concernés sont pilotés, au sein des associations « opératrices », par des équipes salariées (auxquelles peuvent, nous le verrons, s’adjoindre les services de bénévoles), ce qui s’inscrit dans le processus d’institutionnalisation de la réponse au problème public.

Comment l’action publique en arrive-t-elle à la mise en place de ces dispositifs ? Les bénévoles militants alors engagés dans l’accompagnement des familles jouent-ils un rôle dans cet état de fait ? Ou ces politiques répondent-elles d’injonctions nationales ? Pour répondre à ces questions, l’analyse comparative de trois territoires nous a semblé propice pour interroger les dynamiques locales et/ou nationales à l’oeuvre. Ces trois territoires comportent des caractéristiques similaires et divergentes que nous avons classées dans le tableau synthétique ci-dessous :

Tableau 1

Présentation des territoires et dispositifs[5]

Présentation des territoires et dispositifs5

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À Lyon[6], le principal terrain d’enquête est le dispositif ABC présenté ci-dessus. Les données et résultats partagés dans cet article s’appuient sur une observation de type ethnographique du projet (au sein des sites, mais aussi des diverses instances de pilotage et de décision), et sur un corpus de 80 entretiens menés auprès de l’ensemble des parties prenantes internes et externes au projet[7].

À Montpellier, le principal terrain d’enquête porte sur les professionnels des associations IXRA et DEGIDE, opérateurs du dispositif, auprès desquels Marion Lièvre a réalisé une participation observante et des entretiens entre 2015 et 2017. Nous précisons « participation observante », car Marion Lièvre a été salariée de l’association DEGIDE pendant dix mois lors de la mission expérimentale confiée à l’association durant l’année civile 2015. Ce terrain d’enquête porte également sur les bénévoles du collectif militant, auprès desquels Marion Lièvre s’est engagée dans le cadre du collectif de défense des droits des « Roms » de 2009 à 2013.

Enfin, à Saint-Étienne, les données collectées concernent principalement le dispositif DEFI. Les matériaux — moins nombreux et plus ciblés que dans le cas des deux autres agglomérations — sont principalement constitués d’entretiens avec des bénévoles et des décideurs publics, ainsi que d’observations non participantes au sein de trois rencontres associatives.

1.3 Le rôle des associations et des bénévoles dans la décision publique concernant les dispositifs et politiques locales

Concernant la raison de la mise en oeuvre initiale de ces dispositifs, les responsables des services de l’État sur les trois territoires précisent avoir subi des « pressions » de la part des bénévoles militants alors engagés au niveau local au sein d’un collectif ou d’une association. Ces pressions émergent au moment de catastrophes naturelles — inondations, épisodes de grand froid, incendies (c’est le cas pour les trois agglomérations) —, ou de « crises sanitaires » ou de sécurité publique (tuberculose) (comme c’est le cas pour Montpellier). En témoignent ces propos du responsable DDCS de Saint-Étienne :

Donc, le mois d’avril de l’année dernière a été particulièrement froid sur Saint-Étienne […] et c’est vrai qu’on a eu une pression forte de Amitié Roms qui était en lien avec ces personnes, bon, depuis sans doute plusieurs années. Avec plusieurs appels le samedi, le dimanche […]. Donc, euh, c’est aussi à ce moment-là qu’on s’est un peu penché sur cette communauté rom.

Ces pressions visent à interpeller l’État et les autorités locales sur ces situations, sur l’omniprésence des politiques sécuritaires et sur la mise en place de postes salariés de travailleurs sociaux. À Lyon et à Montpellier, c’est au moment de politiques d’évacuation des terrains que les collectifs locaux se saisissent de la situation pour interpeller les pouvoirs publics (Ott, 2015 ; Bourgois, 2018). Dans chacune de ces agglomérations, les responsables des services de l’État évoquent les nombreuses sollicitations et interpellations des collectifs locaux.

La mise en place de politiques publiques entre donc en résonnance avec les mobilisations bénévoles locales. Ce dialogue entre mobilisations locales et politiques publiques locales s’illustre également par la congruence entre les dates de mise en place des politiques sur chacun des territoires et la date de médiatisation de ces évènements. À Lyon, « les collectivités et services de l’État ont été amenés à imaginer progressivement des réponses au phénomène des bidonvilles, de manière souvent expérimentale, et en l’absence de cadre clair au niveau national » (Bourgois, 2018 : 13). En effet, les premières politiques publiques — même encore timides et inabouties — voient le jour en 2007, alors que les injonctions gouvernementales prennent forme à partir de 2010 (circulaire relative à l’évacuation des campements illicites). Néanmoins, à Montpellier et à Saint-Étienne, en parallèle des pressions citoyennes locales, les deux responsables DDCS interviewés font état des injonctions nationales dans la mise en place de programmes d’« insertion globale », en citant les mêmes passages de la circulaire : « éviter les sorties, les évacuations sèches ». Sur ces deux territoires, la date de mise en place des politiques publiques d’insertion succède à la circulaire de 2012[8], qui introduit donc une dimension sociale et une dimension d’accompagnement, en plus de l’approche sécuritaire alors présente dans la circulaire de 2010 (Bourgois, 2018). Il apparaît ainsi dans ces deux territoires que les pressions des mobilisations locales trouvent écho auprès des acteurs politiques locaux au moment d’injonctions nationales (telle la circulaire de 2012). La mise en place des dispositifs publics au niveau local s’inscrit dans un contexte national pour ces deux agglomérations de taille moyenne, quand, pour Lyon, cette mise en place procède davantage d’une mouvance locale, sûrement liée aux forts ancrages des réseaux locaux présents sur ce territoire, et notamment à ceux des réseaux religieux catholiques.

1.4 Le choix affiché de la « professionnalisation » de l’action publique locale

Le processus d’institutionnalisation des politiques publiques s’accompagne d’un processus de salarisation qui oppose « compétences professionnelles » à « bénévolat », entendu ici en référence aux « bénévoles militants ». La professionnalisation est donc dissociée de l’action bénévole. Autrement dit, en utilisant le terme de « professionnalisation », les acteurs font référence à des professionnels salariés, en opposition au « travail[leur] bénévole » (Simonet, 2010) dépourvu de « compétences professionnelles ». Au début de la mise en place du dispositif DEGIDE à Montpellier, chaque réunion entre les responsables et acteurs de terrain des autorités locales (DDCS, département) et de DEGIDE commence par un historique de la mise en place de ce dispositif. Cet historique est présenté par la responsable DDCS, en dialogue souvent avec le responsable de l’opérateur. Tous deux insistent à chaque fois sur « les limites du bénévolat observé jusque-là » dans l’action auprès du public concerné par le dispositif et sur « la nécessité d’un accompagnement plus professionnel ». Le responsable DDCS ajoute : « l’idée, c’était de susciter un projet, une action pour mettre en place quelque chose d’officiel, et qui ne soit pas porté que par des bénévoles, car avant y’avait que des bénévoles ». Répondant d’une logique de gestion des frontières (Agier, 2012), la salarisation est posée comme plus « professionnelle » en matière de « biscuit pour négocier auprès du préfet, mais aussi de la DIHAL ». À Saint-Étienne, les services de l’État favorisent comme facteur de réussite la mise en place d’une seule association porteuse du dispositif et référente de l’État, ayant de l’expérience dans le champ du logement. À Montpellier comme à Saint-Étienne, l’État pose comme condition de réussite le fait d’avoir un unique interlocuteur, et non de nombreux bénévoles aux cadres d’action multiples. À Lyon et à Montpellier, une autre distinction apparaît dans le rapport au bénévolat. Les bénévoles militants sont mis à distance alors que, dans le même temps, la place donnée au bénévolat est affirmée comme centrale dans le choix des opérateurs chargés des dispositifs. À Lyon, le préfet délégué à l’égalité des chances note : « J’ai choisi cet opérateur, car il avait un réseau de bénévoles ». Ainsi, dans chacun des territoires, qu’il s’agisse de « bénévoles militants » engagés au sein des collectifs ou de « bénévoles » engagés au sein d’associations, on observe une intention politique d’inclure et de mobiliser le « travail bénévole » au sein de l’action publique. Pour autant, l’action des bénévoles, alors acteurs des politiques migratoires, est perçue comme limitée pour aborder la phase de l’institutionnalisation des politiques publiques.

Tous ces éléments nous semblent ainsi participer d’une stratégie que l’on pourrait qualifier de « structuration » ou d’« institutionnalisation » de la réponse associative ou, en tout cas, d’une partie de cette réponse, par la définition d’un cadre d’action. La mise en oeuvre de ce cadre d’action est confiée à des structures existantes et, souvent, reconnues des services de l’État, mais inconnues par les migrants et les acteurs alors investis localement et bénévolement dans le champ, comme nous allons le voir. Il s’agit dès lors d’analyser les registres de justification de cette « institutionnalisation » par les services de l’État, en considérant l’articulation aux bénévoles militants précédemment engagés auprès de ce public. Quel rapport les services de l’État entretiennent-ils avec les bénévoles militants en place ? Les associations alors engagées au sein de collectifs militants vont-elles être prises en compte dans la sélection des opérateurs, et, si oui, de quelle manière ?

2. Que faire des bénévoles militants ? Les différentes formes d’institutionnalisation du bénévolat au sein des politiques migratoires locales visant les « migrants roms »

2.1 Aperçu général des modalités d’institutionnalisation du travail bénévole observées sur les trois agglomérations

Si nous avons pu mettre en lumière une intention politique d’inclure et de mobiliser le « travail bénévole » — et, en premier lieu, le bénévolat militant — au sein de l’action publique, il convient à présent d’en analyser les modalités pratiques de mise en oeuvre, et les différentes formes qu’a prises cette institutionnalisation dans chacun des territoires étudiés. Nos terrains d’enquête font ainsi ressortir quatre modalités principales, que nous proposons de détailler au sein de cette partie. Dans les deux premières, les personnes conservent leur statut de bénévole, mais voient leur rôle encadré et modélisé dans le cadre du dispositif d’insertion porté par l’État :

  • La « professionnalisation » ou « technisation » de postes bénévoles au sein ou aux côtés d’équipes salariées relevant de l’opérateur consiste à confier à des bénévoles des tâches relevant de l’accompagnement social ou professionnel. Nous entendons ici par « professionnalisation » le fait, pour une structure essentiellement composée de salariés, de confier une partie des missions à des bénévoles, et d’amener ces derniers à intégrer un ensemble de normes, de valeurs et de comportements propres à la structure. Ceci passe souvent par une contractualisation entre le bénévole et la structure, et par la signature d’une charte ou d’un règlement intérieur.

  • L’association de bénévoles à la gouvernance des dispositifs s’incarne par la participation de bénévoles à des instances de décision ou de pilotage, coordonnées par l’État (préfet, agent de la DDCS) ou par l’opérateur à qui est confié le dispositif. Observable dans les trois territoires, cette forme d’institutionnalisation peut cependant revêtir des réalités très diverses en matière notamment de capacité d’influence des bénévoles sur le cours du dispositif.

Les deux autres modalités supposent, quant à elles, un changement de statut des intervenants bénévoles, qui basculent vers le salariat :

  • La « débauche salariée » concerne le recrutement, sous statut salarié, de bénévoles militants dans les nouveaux projets, comme ceci est le cas à Lyon et à Montpellier. Ici, le bénévole « perd » donc son statut, et doit recomposer son identité professionnelle et sa relation aux familles.

  • Enfin, la salarisation de postesau sein même des associations concerne un financement public directement attribué à une association militante pour transformer un poste bénévole en poste salarié. Si cette modalité n’a pas été directement mise en place sur les trois territoires étudiés, il nous semble incontournable de la citer, car elle a été évoquée à plusieurs reprises sur les territoires, et a été régulièrement réclamée par plusieurs associations ou collectifs.

Sur chacun des territoires, le rôle des acteurs dans le choix de ces modalités varie en fonction des contextes locaux, des relations entre acteurs et des stratégies définies par l’État. Ainsi à Lyon et à Montpellier, comme nous l’avons vu, l’intention politique de mobilisation des bénévoles est clairement exprimée, les modalités pratiques de mises en oeuvre ne font pas l’objet d’injonctions précises. L’opérateur demeure donc relativement autonome dans les décisions relatives à la sélection des bénévoles et aux tâches qui leur seront confiées. À Saint-Étienne en revanche, et comme nous le détaillerons plus bas, l’État conserve un rôle important dans la définition des rôles de chacun, et dans l’articulation entre l’opérateur TACIS et trois structures bénévoles.

2.2 Focus sur les processus de professionnalisation et de technisation des postes bénévoles

L’intégration aux instances de pilotage ou de décision : reconnaissance d’expertise ou stratégie de dépolitisation ?

Dans les trois territoires concernés, la première modalité visible de l’institutionnalisation de l’action bénévole au sein des politiques locales se trouve dans la proposition faite par l’État de les intégrer aux instances de pilotage ou de coordination des dispositifs d’insertion. Cette contribution aux instances témoigne d'une évolution du rapport entre État et associations, historiquement marquée, comme nous l’avons vu, par de fortes tensions autour des politiques migratoires locales.

À Lyon par exemple, alors que le premier dispositif d’insertion mis en place de 2011 à 2015 excluait toute intervention des associations bénévoles militantes, le projet ABC initié fin 2015 marque un infléchissement certain : si les bénévoles militants sont toujours exclus de l’intervention directe auprès des familles dans le cadre du dispositif, le préfet délégué à l’égalité des chances décide de les associer, dès le diagnostic initial des familles (en amont de la mise en place des villages d’insertion), puis de les intégrer au comité de pilotage du projet (Copil). Les bénévoles concernés assisteront systématiquement aux réunions régulières du « Copil », tenues à échéances régulières tous les deux mois.

Selon nos observations[9], ces instances se révèlent être en majeure partie un lieu d’information et de communication « descendante », sous forme de points d’étapes et de bilans intermédiaires effectués à la fois par les opérateurs des dispositifs et par des représentants de la préfecture (préfet lui-même, qui préside le comité à Lyon, ou des agents de la DDCS). Si certains enjeux importants sont abordés — comme la scolarisation des enfants, l’accès au logement, les blocages avec certaines administrations —, ils le sont principalement avec l’opérateur et avec les partenaires institutionnels également présents (pôle emploi, académie), et non avec les bénévoles. Au-delà des points d’étapes, ces instances sont également mobilisées pour rappeler de manière répétée le cadre de l’action, les principes fixés par l’État, les contraintes internes et externes.

Sauf exception, ces réunions ne traitent donc pas de cas individuels, et il est rare que des noms de famille soient cités. Cependant, il arrive fréquemment qu’en fin de réunion, des échanges plus informels aient lieu entre les divers participants autour de situations précises. Plus précisément, faire « remonter des informations sur les familles encore à la rue » (bénévole, Lyon) peut participer d’une stratégie d’instrumentalisation, par les acteurs bénévoles, des acteurs politiques locaux. En effet, de manière quasi systématique, les prises de parole des bénévoles lors des « questions diverses » de fin de Copil (à Lyon et à Montpellier) évoquent et critiquent de manière plus large la politique de l’État sur les squats et les bidonvilles des agglomérations.

Ainsi, nos observations de terrain confirment la mise en place progressive de pratiques « routinisées » dans la participation des associations bénévoles aux politiques migratoires. En témoignent la présence constante au sein de ces instances et les prises de parole répondant aux cadres fixés par l’État, processus similaires à ceux observés par M. Pette dans le cadre du travail militant au sein d’associations engagées dans les politiques migratoires (2014). Pour autant, ces observations témoignent du maintien d’espaces de contestation et de marge de manoeuvre au sein des dispositifs alors en place.

La professionnalisation de bénévoles comme intervenants sociaux auprès des familles

Mais la technicisation et la professionnalisation du rôle des bénévoles au sein des politiques migratoires ne se limitent pas à un rôle politique. Sur les trois dispositifs étudiés, elles ont des implications très concrètes, par l’institutionnalisation de postes bénévoles consacrés à l’accompagnement social au sein des associations opératrices (à Lyon et à Montpellier notamment) ou dans le cadre d’une convention entre des associations bénévoles et l’opérateur comme ceci est le cas à Saint-Étienne.

Le premier cas de figure est la professionnalisation de postes bénévoles au sein des opérateurs du dispositif. À Lyon, au cours des presque trois ans du projet ABC, plus de 200 bénévoles ont été mobilisés, dont près d’une dizaine de manière très permanente, sur des missions relevant de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement social. Mais ceux-ci sont très majoritairement des bénévoles non militants (n’ayant jamais été engagés dans les collectifs militants de défense des « migrants roms »), recrutés par l’association PUSH spécifiquement pour ce projet. À Montpellier, chacun des opérateurs va constituer son équipe de bénévoles au sein des dispositifs. Ici encore, la quasi-totalité des bénévoles concernés a été recrutée spécifiquement par l’opérateur, en raison de compétences professionnelles reconnues, et non en raison d’un engagement militant précédent. Dans ces deux cas de figure, on assiste donc à une mise à distance des bénévoles militants.

Dans le second cas de figure, les anciens bénévoles militants rassemblés en une association se voient « contractualisés » (sans moyens financiers) par la mise en place d’une convention sous la directive de la DDCS. Ainsi, à Saint-Étienne, le « dispositif d’insertion », initié en 2014 par la DDCS, retient l’attention par le choix opéré en matière de portage. En effet, la convention établie entre la DDCS et TACIS précise que TACIS devra contractualiser avec les trois structures bénévoles pour collaborer avec elles dans ses actions et dans l’accompagnement des familles. En témoignent ces propos du directeur de la DDCS : « Un autre pilier dans la réussite du projet, c’est une réunion qui a eu lieu ici, avec un document signé par les trois associations bénévoles, pour caler l’intervention de chacun dans le dispositif ». L’opérateur TACIS recrute deux travailleurs sociaux de métier pour travailler en étroite collaboration avec le réseau de bénévoles et, en particulier, avec trois « référents thématiques » (« référent santé, éducation, scolarisation[10] ») identifiés en fonction de leurs compétences spécifiques dans ces champs.

Il convient ici de s’arrêter sur le profil des bénévoles retenus, quel que soit leur lieu d’intervention (opérateur ou association bénévole) : en effet, on observe de manière systématique un processus de sélection centré sur des bénévoles possédant des compétences professionnelles reconnues dans le champ social ou dans des champs connexes (santé, éducation, justice, emploi). Ainsi, le discours des acteurs publics, souvent axé sur la reconnaissance du travail de terrain et la connaissance des familles par les bénévoles, ne résiste que très partiellement à l’épreuve des faits : dans la plupart des cas, les « bénévoles militants » ayant « appris sur le tas » sont exclus des interventions de terrain, au profit de professionnels et d’anciens professionnels amenés à mobiliser leurs compétences de manière bénévole, ce qui rejoint des pratiques largement répandues dans le champ associatif (Hély, 2009 ; Simonet, 2010).

Ces compétences professionnelles spécifiques, parfois techniques, mais aussi politiques ou institutionnelles peuvent soit être mobilisées en direct dans l’accompagnement des personnes, soit être transmises à d’autres, comme le mentionne un bénévole de Saint-Étienne, ancien responsable de structures d’insertion par l’activité économique à propos du dispositif : « moi, les travailleurs sociaux [professionnels salariés de l’opérateur TACI], je leur ai dit : moi, je suis à votre disposition… j’ai vécu ça comme un contrat senior. Je sais pas si tu connais, c’est un vieux [rire] qui était en fin de carrière, on embauche un jeune, et tu vas transmettre au jeune ton savoir […]. Transfert de compétences, quoi ».

Nous pouvons ici suggérer l’idée d’un glissement progressif d’un « bénévolat d’agrément », ponctuel et complémentaire au travail salarié, à un bénévolat institué, structurel, sur lequel repose une part importante de la réussite des politiques d’insertion des migrants. D’une part, ce mouvement nous semble aller de pair avec une évolution des tâches attribuées : les bénévoles (dont les bénévoles militants à Montpellier et à Saint-Étienne) sont de plus en plus amenés à accompagner les usagers sur le long terme dans leur parcours d’insertion, mission relevant classiquement de travailleurs salariés, et ne sont plus attitrés à des tâches occupationnelles, logistiques ou d’animation. D’autre part, à Lyon comme à Saint-Étienne, on observe une certaine évolution des rapports sociaux entre salariés et bénévoles non militants, souvent issus, sur nos terrains, de classes sociales favorisées et ayant exercé des fonctions importantes dans leur vie professionnelle. Cette expérience étant directement mobilisée au sein des dispositifs, elle est le signe flagrant d’une forme de séparation inversée entre ce que l’on pourrait nommer les « cols blancs » et les « cols bleus » de l’intervention sociale, les premiers étant les travailleurs bénévoles, les seconds les intervenants salariés ; cette situation paradoxale peut créer des rapports ambigus et des formes de hiérarchies sociales implicites, parfois renforcées lorsque les bénévoles sont également impliqués dans les instances de la structure (conseil d’administration, bureau).

2.3 La salarisation d’anciens bénévoles militants : choix politiques, enjeux et modalités

Le refus d’une salarisation de postes au sein des associations ou collectifs militants

Il nous semble significatif que, dans les trois agglomérations concernées, l’on assiste au même constat : celui du refus par l’État de financer des postes au sein même des associations ou des collectifs bénévoles, malgré des demandes répétées. Ainsi, à Lyon, une demande de financement avait été formulée par une association bénévole (l’association ECOLES), reconnue pour son travail en matière de scolarisation. La demande, qui concernait la création d’un poste de « médiateur scolaire » en 2014, a abouti à un refus de l’État. À Montpellier, les associations actives au sein du collectif ont d’abord sollicité la mairie pour la création de postes de « médiateurs culturels ». Elles ont ensuite porté un projet de mise en place de postes salariés de travailleurs sociaux. Ces postes ont été confiés à l’association DEGIDE, alors engagée dans le collectif à travers l’implication de certains de ses bénévoles, association qui a débauché et salarié des bénévoles issus du collectif militant. Enfin, à Saint-Étienne, le collectif bénévole avait également formulé des demandes de salarisation d’un poste de coordinateur, notamment pour animer le lieu de permanence accueillant les familles.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce refus de salarier les postes au sein des collectifs militants. La première est celle d’un refus de l’État de renforcer la capacité d’action d’associations par ailleurs reconnues comme militantes et critiques vis-à-vis de l’action publique, et de légitimer par là même leurs prises de position. En observant les discours des acteurs publics, on peut aussi émettre l’hypothèse que ce refus de la salarisation vient de la volonté publique de ne pas développer de liens financiers directs avec les associations militantes, de ne contractualiser en direct qu’avec des associations gestionnaires, reconnues comme professionnelles, à qui est confiée la tâche de coordonner les actions avec les autres acteurs.

Le choix de débaucher et de salarier des bénévoles militants au sein des associations opératrices

Le choix accompli par les services de l’État et les opérateurs consiste ici à salarier les bénévoles directement au sein de l’association opératrice. Ceci est le cas à Lyon et à Montpellier, et concerne trois anciens bénévoles militants. Dans chacun de ces territoires, si ce choix se justifie sur la base des compétences interculturelles de ces bénévoles (connaître les familles et parler la langue), il peut aussi s’expliquer, à Lyon, par le poids des compétences professionnelles de l’unique ancien bénévole recruté (poids absent à Montpellier). En effet, ce bénévole est aussi recruté, car il dispose de compétences et d’expériences professionnelles directement liées aux modalités du projet : initialement diplômé en droit du travail et des ressources humaines, il a ensuite obtenu un diplôme d’économie sociale et solidaire, et il a occupé des postes dans le secteur de l’action sociale, notamment en tant que responsable de résidence sociale. En ce qui concerne les tâches effectuées par ces salariés débauchés, elles varient selon le type de dispositif intégré. À Montpellier, les salariés sont engagés dans le cadre du dispositif expérimental d’insertion globale des familles du département et ont carte blanche pour prouver qu’il est possible « d’intégrer ces familles ».

Conclusion : l’institutionnalisation multiforme du travail bénévole dans les politiques migratoires

Les politiques locales visant de manière explicite ou implicite les « migrants roms » vivant en squat et en bidonvilles permettent, selon nous, de mettre en lumière un ensemble de dynamiques et de mécanismes locaux et nationaux liés à la gestion des problématiques migratoires dans les grandes agglomérations françaises. Parmi d’autres enjeux, la question du bénévolat et de l’évolution des rapports qu’entretient l’État avec les « travailleurs bénévoles » nous semble centrale pour nous interroger sur la place de l’État et des dynamiques locales dans les politiques migratoires. Sur chacun des territoires, nous avons pu démontrer l’existence de dispositifs publics d’insertion de migrants reposant en grande partie sur un bénévolat structuré, de long terme, mobilisé autour d’un ensemble de tâches allant de fonctions politiques ou symboliques (via la participation institutionnalisée à certaines instances de pilotages et de coordination) à des tâches opérationnelles relevant traditionnellement de travailleurs sociaux professionnels et salariés.

L’analyse comparative permet de rendre compte de processus d’institutionnalisation des bénévoles similaires sur les trois territoires, venant confirmer une dynamique nationale et une forte présence de l’État dans les politiques migratoires (Hamidi et Fischer, 2017). Cette dynamique se traduit de quatre manières, toutes palpables sur chacun des territoires : 1) la volonté affichée d’inclure les bénévoles militants dans la politique migratoire locale ; 2) l’inclusion de ces bénévoles dans les instances de pilotage et de gouvernance des dispositifs ; 3) une stratégie de mise à distance de ces bénévoles militants sur le volet de l’intervention directe avec les familles, via les associations opératrices des dispositifs, qui se voient chargées de ce volet ; 4) une sélection de bénévoles disposant de compétences et d’expériences vues comme légitimes et reconnues, excluant en grande partie ceux disposant uniquement d’une « expérience sur le tas ».

Nous assistons donc à un processus d’institutionnalisation multiforme de l’intervention bénévole au sein des politiques migratoires, processus qui soulève un ensemble de questions, à au moins deux niveaux. Les dynamiques observées vont, nous semble-t-il, dans le sens d’une stratégie de dépolitisation de l’action bénévole militante dans les politiques migratoires, même si nous observons des stratégies d’instrumentalisation des politiques par les bénévoles militants. En témoignent les phénomènes de « routinisation » et de « technicisation » des relations entre pouvoirs publics et associations bénévoles militantes, liées au rôle nouveau et institutionnalisé qui leur est confié (Pette, 2014). Enfin, l’institutionnalisation du travail bénévole se traduit par la professionnalisation du bénévolat et par la mise à distance des bénévoles militants.