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I. Introduction

Comme l’indique clairement son intitulé, le présent article ne porte pas sur la philosophie d’une façon absolue, mais plutôt sur la philosophie relativement à la façon dont cette discipline se pratiquait — c’est-à-dire s’enseignait — à la Faculté des arts de l’Université de Paris dans la première moitié du xiiie siècle. Même ainsi restreint à cet enseignement de la philosophie dans ladite institution, le présent thème ne peut, dans les limites d’un article, qu’être esquissé à grands traits. Pour tenter d’accomplir le plus adéquatement possible cette tâche tout en restant en contact étroit avec les textes originaux, nous nous concentrerons essentiellement, à titre exemplaire, sur deux documents, un introductif l’autre récapitulatif, issus de la Faculté des arts de Paris dans la première moitié du xiiie siècle et reflétant de manière synthétique l’idée qu’on s’y faisait de la philosophie, les livres mis au programme pour enseigner cette discipline et les moyens finalement pris pour vérifier l’acquisition des connaissances dans le domaine[1]. Ainsi basée sur deux oeuvres « didascaliques » — c’est-à-dire visant principalement la présentation des matières à apprendre — et « artiennes » — parce que produites par les « Artiens » (un ancien terme français) ou « Artistes » (Artistae), entendons les « maîtres ès arts » (magistri artium) —, cette description illustrative s’efforcera aussi d’intégrer l’information clé relative à la doctrine de ces écrits, voire à l’histoire de leur réception et de leur interprétation. Le tour d’horizon final proposera, pour chaque discipline ou secteur, une évaluation de la valeur desdits témoignages didascaliques en termes d’universalité et de fidélité, en évoquant pour ce faire les autres témoins textuels de l’enseignement philosophique dispensé par les maîtres ès arts de Paris durant la période visée. Tout au long de notre exposé, nous renvoyons — en guise d’appui ou de complément — aux entrées bibliographiques numérotées (mentionnées dans le texte même entre crochets droits avec astérisque, selon le style [*…]) de spécimens [*1-*22], d’éditions [*23-*35] ou de traductions [*36-*44] de textes didascaliques réunies dans l’annexe ci-dessous (section 4, où ce corpus est présenté), ainsi qu’aux nombreuses études pertinentes figurant de façon ponctuelle en notes infrapaginales au fil du propos.

II. Description d’oeuvres exemplaires

Parmi la trentaine de spécimens répertoriés de textes didascaliques — dont environ les deux tiers sont édités en tout ou en partie (cf. [*1]-[*22]) —, nous avons retenu ici la Division des sciences d’Arnoul de Provence, probablement le panorama scientifique de format succinct le plus réussi de la première moitié du xiiie siècle, et un document beaucoup plus substantiel, datant des années 1230-1240, le Compendium « Nos gravamen » — plus connu de l’historiographie sous le titre de Quaestionensammlung[2] ou de Guide de l’étudiant parisien —, compilation examinatoire qui confirme Henri d’Andeli affirmant, dans La bataille des sept arts[3], qu’à Paris l’enseignement de la logique l’emportait alors largement sur l’étude littéraire des classiques.

1. Arnulfus Provincialis, Divisio scientiarum [*8] ; Édition [*26] ; Traduction [*38]

1.1. Survol descriptif et considérations doctrinales

Vraisemblablement écrite vers 1250, cette « Division de toutes les sciences tant mécaniques que libérales » est la seule oeuvre connue d’Arnoul de Provence, un maître ès arts dont la biographie médiévale se résume au témoignage d’un manuscrit de son texte qui nous dit que ce professeur « enseigna remarquablement à Paris » [*26, p. 347, apparatus lectionum, l. 736 ; *38, § 86] — mais un professeur en qui un érudit contemporain[4] voit un des maîtres de morale de Thomas d’Aquin. L’opuscule en question est en fait une introduction à la philosophie débutant par un long prologue en forme de « recommandation de la philosophie » (commendatio philosophiae), se poursuivant par des définitions de la « philosophie » (ainsi que des termes connexes : « sagesse » et « science ») et par des divisions du champ philosophique, avant de s’achever par la présentation individuelle de chaque discipline : d’abord les disciplines composant la philosophie (ou science) mécanique ; ensuite les disciplines formant la philosophie libérale. Sans entrer dans le détail des sous-parties, la philosophie mécanique, rapidement présentée en premier lieu parce que plus éloignée de l’intention de l’auteur de la Division des sciences, se divise conventionnellement, chez Arnoul, en sept parties, dont les six premières sont coutumières, mais dont la dernière est propre à notre maître et constitue une substitution de l’habituelle « chasse » (venatio) ; soit la liste arnulfienne : travail de la laine (lanificium), navigation (navigatio), armurerie (armatura), agriculture (agricultura), théâtre (theatrica), médecine (medicina) et divination (divinativa ou divinatio). La philosophie libérale, quant à elle, est divisée et présentée par Arnoul selon la tripartition bien connue : philosophie naturelle au sens large (métaphysique, mathématique [arithmétique, musique, géométrie, astronomie], physique ou philosophie naturelle au sens strict), philosophie morale, philosophie rationnelle (grammaire, logique, rhétorique[5]).

Pour interpréter correctement la doctrine d’une introduction à la philosophie comme la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence, il faut avoir présent à l’esprit que, quant au genre littéraire, la source ultime de cet opuscule réside dans les « Prolégomènes à la philosophie » (Προλεγόμενα τῆς φιλοσοφίας), structurellement très codifiés[6], de la scolastique grecque tardive, mais que les « Philosophiae » latines de la Faculté des arts fusionnent paradoxalement deux éléments distincts de la tradition grecque : 1. l’introduction générale à la philosophie, d’obédience nettement néoplatonicienne ; et 2. l’introduction particulière à la philosophie d’Aristote, l’oeuvre de ce dernier, seule enseignée chez les maîtres ès arts du xiiie siècle, n’ayant eu au contraire que le statut subalterne de propédeutique à la véritable doctrine, celle de Platon, dans l’école néoplatonicienne de la fin de l’Antiquité[7]. On a donc pu noter cette « torsion » avec un certain malaise, tout en se demandant si ces répliques introductives produites par les Artiens étaient autre chose que de la « philosophie fossile[8] ». Il est cependant nécessaire de ne pas oublier qu’au Moyen Âge plusieurs innovations théoriques s’appuient sur une tradition multiséculaire et pluriculturelle dont elles constituent fondamentalement une sorte d’adaptation génératrice de métamorphose : tel Le Banquet de Dante, duquel on a récemment[9] signalé à juste titre la valeur de manifeste philosophique, même s’il reprend, pour une large part, le programme de la métaphysique véritable du retour (à l’Un) également emprunté par les penseurs arabes à leurs prédécesseurs néoplatoniciens. C’est ainsi que, dans le prologue [*26, p. 297-306, l. 1-117 ; *38, § 1-8] de sa Division des sciences, Arnoul de Provence opère un habile métissage des courants métaphysiques grec (Aristote, Eustrate), latin (Boèce, Alfred de Sareshel), « arabe » (Livre des causes, Algazel, Avicébron) et chrétien (plus précisément biblique : Genèse) pour parvenir à recommander la philosophie comme remède permettant de restituer l’information — synonyme de perfection — de l’intellect humain, originellement doté, dans ce scénario, d’une intuition immédiate du Créateur. En plus d’utiliser, dans sa division de la philosophie naturelle au sens large, les notions, promises à un bel avenir chez Spinoza[10], de « nature naturante » (natura naturans) et de « nature naturée » (natura naturata) pour délimiter le domaine de la métaphysique — appelée « dans l’Antiquité “théologie des philosophes” » — [*26, p. 322-323, l. 306-319 ; *38, § 28], la Division des sciences d’Arnoul est particulièrement intéressante, d’un point de vue conceptuel, à cause du complément doctrinal, offert dans le dernier paragraphe de la section sur la morale [*26, p. 335-336, l. 533-560 ; *38, § 59], à la théorie de l’atteinte de la perfection de l’intellect humain par l’étude de la philosophie [*26, p. 304-305, l. 97-104 ; *38, § 8]. Ce paragraphe, remarqué par l’historiographie[11], a le grand mérite de préciser — ce que le traité Du souverain bien (De summo bono), célèbre éloge de la philosophie rédigé quelques décennies plus tard par Boèce de Dacie[12], ne fait pas explicitement — par quel moyen l’intellect humain est censé parvenir à la contemplation amoureuse de Dieu, source de félicité (contemplation et félicité à poursuivre en cette vie comme une fin [*26, p. 303, l. 92-96 ; *38, § 7] et qui ne s’accompliront pleinement, il est vrai, qu’après la mort, lorsque l’âme sera séparée du corps [*26, p. 299, l. 37-42 ; *38, § 3]). Ce moyen consiste, pour Arnoul, en une vertu intellectuelle rattachée selon lui à la face supérieure de l’âme ; une vertu qu’il distingue de la simple « prudentia » des Latins en l’appelant « fronesis » — synonyme pour lui d’« information », terme précédemment posé, on l’a vu, comme équivalent de celui de « perfection » — et en affirmant qu’elle surclasse l’« intelligence » (intelligentia rendant ici le grec σύνεσις) et même la « sagesse » (sapientia, σοφία). L’importance historique de cette étonnante doctrine d’Arnoul de Provence n’est pas diminuée parce qu’elle laisse voir la connaissance pour le moins déficiente qu’il avait de la version complète de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote tout juste alors terminée par Robert Grosseteste[13]. Malgré son inexactitude, la portée de cette doctrine reste grande en tant que divulgatrice du terreau philosophique de l’époque, surtout lorsqu’on songe que, d’une part, Thomas d’Aquin a pu connaître directement ou indirectement cet enseignement de maître Arnoul lors de son complément de formation artienne à Paris vers 1246-1247[14] et que, d’autre part, environ une dizaine d’années plus tard, dans un article célèbre de son commentaire Sur Boèce de la Trinité (question 5, article 3, Réponse)[15], l’Aquinate a justement avancé une doctrine originale de la séparation métaphysique comme activité judicative et non pas intuitive de l’intellect humain ; une doctrine qui, dans les faits et peut-être aussi dans l’intention, constituait l’exact contre-pied de l’idéal, formulé par la Division des sciences arnulfienne, de vision intellectuelle du divin[16]. Par ailleurs et tout aussi fondamentalement, en empruntant à Aristote, même à contresens, le vocable de « phronêsis » (φρόνησις) pour désigner la vertu mystique suprême, Arnoul de Provence accomplissait un geste révélateur d’un désir, pour nous plutôt surprenant (surtout si l’on oublie qu’Algazel[17] en est la source), qui allait s’accentuer chez les maîtres ès arts de Paris — les plus « laïcs » pourtant des clercs médiévaux[18] — jusqu’à la condamnation de 1277 : affirmer, ici symboliquement par le choix terminologique, la possibilité d’une voie proprement et incontestablement philosophique menant l’âme séparée du corps à un affectueux contact intellectif direct avec le divin — ce que n’aurait pas permis l’emploi du traditionnel terme de « sapientia », si fréquemment utilisé par les théologiens depuis plus d’un millénaire. Forcément semi-clandestin à cause du rang subalterne qu’occupait la Faculté des arts dans la hiérarchie institutionnelle des facultés de l’université médiévale, cet effort d’Arnoul de Provence pour réinventer à sa façon l’antique « théologie des philosophes » n’empêche pas la Divisio scientiarum d’inclure spontanément, mais sans fournir d’explication, le philosophe parmi l’ensemble des fidèles (« omnes fideles ») lorsqu’il s’agit, en astrologie, de refuser la thèse selon laquelle l’influence des corps supérieurs annihilerait notre libre arbitre [*26, p. 331, l. 457-468 ; *38, § 50]. Source immédiate de la Divisio scientiarum pour ce passage et partisane comme Arnoul de Provence d’un lien intime entre métaphysique et félicité morale, l’introduction à la philosophie Philosophica disciplina [*; *26 : p. 261-262, l. 87-93 et p. 273-274, l. 306-313 ; *38, § 5 et § 35] d’un maître ès arts anonyme est plus rude dans sa défense, qui met une distinction aristotélicienne à profit, des théoriciens de l’astrologie en n’hésitant pas à adresser ouvertement un reproche aux nombreux théologiens qui, selon lui, accusent injustement les astrologues de penser que les constellations annihilent le libre arbitre[19].

1.2. Histoire de l’influence de l’opuscule introductif arnulfien et études afférentes

Tout comme elle s’appuie sur des textes didascaliques antérieurs (principalement les opuscules anonymes Accessus philosophorum [*1], l’introduction Philosophica disciplina [*6] et la Philosophia [*5] de Nicolas de Paris), la Division des sciences d’Arnoul de Provence en a à son tour influencé plusieurs autres de la seconde moitié du xiiie siècle, dont la Philosophia d’Olivier le Breton [*9], la Philosophia d’Aubry de Reims [*17] et la Divisio scientiae de Jean de Dacie [*22]. Par ailleurs, le fait que deux des trois manuscrits de la Division des sciences d’Arnoul de Provence et les deux manuscrits de l’introduction Philosophica disciplina sont oxoniens témoigne du lien étroit qui existait au xiiie siècle entre la Faculté des arts de l’Université de Paris et celle de l’Université d’Oxford ; manuscrits qui contiennent, en outre, les Philosophiae respectives d’Aubry de Reims, d’Hervé — alias Henri — le Breton [*20, *7, *18, *19] et d’Olivier le Breton, le De ortu scientiarum de Robert Kilwardby [*12], ainsi que la Summa philosophiae du Pseudo-Grosseteste[20] et les opuscules didascaliques anonymes incipitairement intitulés : Ad nutum Altissimi, Cum summum in vita solacium, Deus causat esse omnibus, Inquirebamus bonum humanum, Ut testatur Aristoteles [*21], Ut ait Victorinus ; toute une série de textes introductifs dont la plupart, incluant la Division des sciences d’Arnoul de Provence, ont clairement influencé les prologues des gloses du Graecismus d’Évrard de Béthune pendant toute la deuxième moitié du xiiie siècle[21]. Dans la même veine, un des indices de la haute estime en laquelle on tenait la Division des sciences d’Arnoul de Provence est que, dans un manuscrit du xve siècle (le ms. Oxford, Bodleian Library, Digby 220), on trouve un abrégé qui fusionne l’opuscule arnulfien au De ortu scientiarum de Robert Kilwardby, soit au plus remarquable traité d’épistémologie de tout le xiiie siècle ayant, de surcroît, pour auteur l’un des (ex-)maîtres les plus importants de la première moitié du xiiie siècle à la Faculté des arts de l’Université de Paris[22]. Autre indice non négligeable de la réputation littéraire enviable de la Division des sciences d’Arnoul de Provence est le fait — philologiquement fondé, semble-t-il[23] — que le roi Manfred lui emprunte une expression dans la lettre que, en 1263, il adressa justement aux maîtres de la Faculté des arts de Paris pour leur annoncer l’envoi d’oeuvres philosophico-scientifiques traduites à son initiative royale et susceptibles de les intéresser.

2. Anonyme, Compendium « Nos gravamen » du ms. Ripoll 109 [*3] ; Édition [*28][24] ; Traduction [*37]

2.1. Survol descriptif et considérations doctrinales

Après deux paragraphes d’introduction — § 1 : intention du, ou des, auteur(s)-compilateur(s)[25] de présenter en abrégé, avec leurs solutions, les questions les plus souvent posées aux examens dans les diverses matières ; § 2 : explication du terme « philosophie » par rapport aux termes connexes —, un troisième (§ 3) fournissant deux définitions de la philosophie et cinq autres (§ 4-8) procédant rapidement à la division du champ philosophique, tout le reste (§ 9-1275) du document — par ailleurs élagué de plusieurs questions et amputé de sa fin[26] — est consacré à l’accomplissement du programme initial, en présentant pour ce faire les disciplines, avec quelques variantes notables, selon la même tripartition qu’Arnoul de Provence : 1. philosophie naturelle : métaphysique, mathématique (astronomie, géométrie, arithmétique, musique), physique (ou philosophie naturelle inférieure) ; 2. philosophie morale, avec, en annexe, le Timée de Platon et la Consolation de Philosophie de Boèce ; 3. la philosophie rationnelle (rhétorique, grammaire, logique).

En comparaison avec la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence, la partie introductive du Compendium « Nos gravamen » — entendons par là l’introduction proprement dite, la définition et la division de la philosophie (§ 1-8) — a pu être jugée « médiocre[27] ». Cela n’est pas surprenant puisque, on l’a dit, dès le premier paragraphe le but avoué du Compendium « Nos gravamen » est non pas de recommander l’étude de la philosophie mais plutôt de faciliter la révision en vue des examens en présentant adéquatement les différentes matières et, surtout, de traiter, avec leurs possibles réponses, des questions les plus fréquemment posées. Avec cette perspective et étant donné son étendue bien plus considérable nonobstant l’abréviation et l’incomplétude de son principal témoin manuscrit, le Compendium « Nos gravamen » offre effectivement des exposés sur les diverses disciplines qui sont généralement beaucoup plus développés doctrinalement que ceux de la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence. Toutefois certaines sections du Compendium « Nos gravamen » ne sont guère plus élaborées que celles de la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence (sans parler des arts mécaniques et magiques dont le Compendium « Nos gravamen » ne dit rien). Pour expliquer ce phénomène et plus globalement la configuration d’ensemble du Compendium « Nos gravamen », on doit prendre en considération les traditionnelles préférences disciplinaires des maîtres ès arts et les contraintes institutionnelles auxquelles ces universitaires étaient soumis.

Au chapitre des préférences, la Faculté des arts de l’Université de Paris dans la première moitié du xiiie siècle étant l’héritière directe des écoles de dialectique qui avaient fleuri dans cette ville au xiie siècle, il n’est pas étonnant que le Compendium « Nos gravamen » accorde une place extrêmement prépondérante à la logique (environ soixante pour cent du document) et à une doctrine grammaticale (plus de vingt-quatre pour cent du document) centrée exclusivement sur les préceptes — contrairement aux écoles d’Orléans antagonistiquement mises en scène par Henri d’Andeli et qui, de nature littéraire, s’attachaient à la langue des auteurs classiques[28] —, toutes les autres disciplines étant condensées dans les quelque quinze pour cent restants[29].

En ce qui concerne les contraintes[30], on peut distinguer les directives et les interdictions. Les directives : la première partie du statut de 1215[31], tout en entérinant l’accent mis de longue date dans l’enseignement parisien sur les arts du langage (la « vieille » et la « nouvelle dialectique » ainsi que la grammaire de Priscien s’y voient garanties des cours ordinaires et non pas cursifs), prescrit de réserver les cours des jours fériés à certains auteurs et certaines matières ou oeuvres que l’on aurait autrement eu tendance à trop négliger, voire carrément à abandonner, en l’occurrence : les « philosophes », les rhétoriques (complétées, on le verra, par le quatrième livre du traité des Différences topiques [De differentiis topicis]), les disciplines du quadrivium, le Barbarisme et, facultativement, l’éthique (cette dernière ayant néanmoins dû commencer à bénéficier de cours ordinaires dès l’époque du Compendium « Nos gravamen », comme le suggèrent certains indices que nous préciserons). En plus d’éclairer la place accordée au Liber ethicorum aristotélicien dans le Compendium « Nos gravamen », cette obligation statutaire explique, entre autres choses, au moins en partie la présence, dans ce guide examinatoire, de ces auteurs que sont Platon (avec son Timée) et Boèce (avec sa Consolation de Philosophie) — ces deux illustres penseurs représentant ici, comme il apparaîtra, les « philosophes » — ainsi que de ces disciplines que sont les quatre mathématiques, auteurs et disciplines davantage associés à l’École de Chartres au xiie siècle, tout comme cette obligation est un des facteurs qui expliquent la présence, toujours dans notre document, de la rhétorique, un enseignement avant tout rattaché aux écoles d’Orléans et à l’Université de Bologne au xiiie siècle. Les interdictions : pour s’en tenir à l’essentiel, de 1210/1215 à au moins 1231 il ne fut pas permis de faire cours sur la métaphysique et la philosophie naturelle d’Aristote[32]. Même s’il date d’après cette période, le Compendium « Nos gravamen » porte encore les stigmates de ces interdictions par le peu de place qu’il accorde à ces parties clés du corpus aristotélicien.

Pour être brève (§ 9-13) et d’apparence anodine, la section du Compendium « Nos gravamen » consacrée à la métaphysique renseigne bien l’interprète attentif [33] sur le corpus textuel scolairement en usage (les diverses traductions latines disponibles se complétant mutuellement, tout en étant chapeautées par la version latine du traité néoplatonicien arabe intitulé Livre des causes et attribué à Aristote, comme souvent chez les Latins, ailleurs [§ 1252] dans le compendium examinatoire ici considéré) et sur la nature de la première métaphysique universitaire : une doctrine où, dans le prolongement de l’alfarabo-avicennisme, le sujet de cette science est d’abord (§ 9-10) identifié « aux choses entièrement séparées du mouvement et de la matière selon l’être et la définition » — en bref, aux choses ou substances divines — et ensuite seulement à l’« étant dit communément » (« ens communiter dictum »), mais, même là, à un « étant dit communément » défini non pas comme « étant en tant qu’étant » mais plutôt, théologiquement à la manière d’Arnoul de Provence et de son néoplatonisme teinté d’arabisme, comme un « premier étant dont toutes choses découlent dans l’être et par lequel elles y sont maintenues » (§ 12-13).

Comme toutes les parties du Compendium « Nos gravamen » relatives à une discipline, la section sur la mathématique (§ 14-58) s’articule selon les rubriques générales : 1. sujet de la discipline ; 2. division du texte au programme ; 3. questions, objections ou dubitations. Peu étendu absolument parlant, cet exposé sur la « mathématique » (mathematica) est tout de même plus étoffé que celui sur la métaphysique, où ne figurait par exemple qu’une seule objection alors qu’ici on compte vingt-sept questions, objections ou dubitations. Après des considérations (§ 14-19) sur le sujet de la mathématique dans son ensemble (« les choses de la nature en tant qu’elles sont abstraites, selon la définition et l’intellection [intellectus], du mouvement et de la matière, bien qu’elles y soient conjointes selon l’être » : § 14), chacune des branches de cette science est présentée individuellement dans l’ordre suivant : astronomie (§ 21-26), géométrie (§ 27-37), arithmétique (§ 38-49), musique (§ 50-58). Cette séquence assez peu commune, l’assignation de la quantité discrète immobile et de la quantité discrète mobile comme sujets respectifs de l’arithmétique (§ 38) et de la musique (§ 50), de même que surtout la très étonnante affirmation que l’astronomie est transmise à la fois dans Ptolémée et dans l’Almageste et que « ces livres ont été brûlés » (§ 21) ont poussé certains[34] à croire qu’il n’y avait pas de véritable enseignement de la mathématique à la Faculté des arts de l’Université de Paris vers 1230-1240, mais que le catalogue traditionnel des sciences avait joué le rôle d’un « formulaire » dont le compilateur du Compendium « Nos gravamen » se serait efforcé de remplir toutes les cases, même celles qu’il ne connaissait pas vraiment et qui ne correspondaient à aucun enseignement réel dans cette institution. Toutefois, bien que la Faculté des arts parisienne n’ait jamais enseigné sérieusement l’art du calcul ou la démonstration géométrique, plusieurs documents didascaliques — comme les Accessus philosophorum [*1], le Compendium circa quadrivium [*4], la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence [*8], les Quaestiones mathematicae [*14], le De communibus artium liberalium [*13], les Quaedam communia circa septem artes liberales et les Communia « Visitatio »[35], sans parler de la Divisio scientiae de Jean de Dacie [*22] — montrent clairement qu’au moins une oeuvre était officiellement (« de forma ») mise au programme des examens de ladite Faculté des arts pour chacune des disciplines du quadrivium, à savoir : l’Institution arithmétique de Boèce ; les deux premiers livres de l’Institution musicale, également de Boèce ; les six premiers livres des Éléments de géométrie d’Euclide ; le huitième livre des Noces de Mercure et de Philologie de Martianus Capella consacré à l’astronomie tout comme le traité De la sphère de Jean de Sacrobosco[36].

Un simple coup d’oeil sur la prochaine section (§ 59-72) du Compendium « Nos gravamen » suffit à montrer que, bien qu’après 1231 les maîtres ès arts de Paris aient peut-être été libres de décider par eux-mêmes sur quoi porteraient leurs cours (« quid legere »), les deux décennies où l’interdiction d’enseigner la philosophie naturelle d’Aristote fut rigoureusement respectée ont eu des séquelles durables et que même vers 1240, date approximative du compendium examinatoire du ms. Ripoll 109, l’enseignement de la philosophie naturelle au sens strict, c’est-à-dire de la physique, ne faisait que reprendre lentement dans cette institution et que, par conséquent, cette matière n’occupait encore qu’une place très marginale dans l’examen oral pour l’obtention de la licence ès arts[37]. En effet, malgré l’ampleur particulière du corpus aristotélicien dans le domaine[38], l’exposé du Compendium « Nos gravamen » portant sur la philosophie naturelle aristotélicienne ne couvre que l’équivalent d’une colonne dans le manuscrit (14 petits paragraphes dans l’édition [*28]) et, surtout, ne comprend que deux objections (§ 61, 63) ainsi qu’une question (§ 65), tout en se bornant globalement à classer les divers ouvrages d’Aristote concernés selon la division du sujet de cette science, « subiectum » traditionnellement identifié au corps mobile et appartenant à la catégorie des « choses de la nature considérées en tant qu’entièrement jointes au mouvement et à la matière autant selon l’être que selon la définition » (§ 59). Cette lenteur des maîtres ès arts de Paris à restaurer l’enseignement de la philosophie naturelle d’Aristote (incluant sa métaphysique) s’explique prioritairement par leur manque d’expertise dans ce secteur difficile de l’aristotélisme, un vaste champ scientifique pour lequel eux-mêmes n’avaient pu bénéficier de cours lors de leurs propres études ès arts étant donné les interdictions alors en vigueur. Dans ces conditions, on comprend que la majorité des maîtres ès arts de Paris ait longtemps reculé devant l’effort que représentait cette restauration — qui équivalait à toute fin pratique à une instauration pure et simple — de cours en bonne et due forme sur le corpus aristotélicien de la philosophie naturelle. Autre trace de cette hésitation ou réticence : avant 1250 on ne connaît pas de commentaires relatifs à la philosophie naturelle qui soient issus de la Faculté des arts de cette institution[39], si l’on excepte ceux produits lors de sa régence ès arts parisienne par Roger Bacon[40], un maître qui, lui, avait pu suivre des cours dans ce domaine lors de ses études ès arts à l’Université d’Oxford.

La philosophie morale est plus choyée que la philosophie naturelle dans le Compendium « Nos gravamen », puisque la section (§ 73-124) qui lui est consacrée et qui se centre sur les trois premiers livres, seuls alors connus mais officiellement (« de forma ») au programme, de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote — ce qui constitue un minuscule corpus comparé à celui de la philosophia naturalis — occupe plus de cinq colonnes dans le manuscrit et comprend trente-cinq questions ou objections[41]. Cette présentation de la morale sait clairement distinguer entre philosophie et théologie (§ 94, 119), si bien qu’il faut faire preuve de prudence lorsqu’on croit être en présence d’un archaïsme à cause du fait que le Compendium « Nos gravamen » rattache souvent (§ 84, 92-95, 101-103, 105-106, 123-124) l’éthique et le divin[42]. Ce lien est en réalité la conséquence de la Weltanschauung néoplatonicienne, dans une version fortement teintée de péripatétisme arabe, à laquelle adhéraient les maîtres ès arts de la première moitié du xiiie siècle : l’efficace philosophique, on l’a vu chez Arnoul, est de contribuer à la restauration de la perfection de l’intellect humain qui, une fois guéri, peut, dans une métaphysique intuitive, contempler directement la cause première qu’est Dieu et en ressentir un bonheur parfait. Aux espérances ultimes de l’homme dans cet univers métaphysiquement peuplé de substances spirituelles séparées du mouvement et de la matière, au sommet desquelles trône un Dieu créateur, philosophiquement appelé « Premier » (principe ou étant) et moralement identifié au souverain bien — source de félicité —, les considérations éthiques du Compendium « Nos gravamen » apportent de notables précisions doctrinales, dont on ne peut ici qu’évoquer les principales. La félicité dont il s’agit est un bien spirituel assimilable aux réalités entièrement séparées du mouvement et de la matière ; or ces réalités spirituelles, quoique les plus manifestes en elles-mêmes, demeurent, selon l’épistémologie aristotélicienne, obscures à notre intellect et non connaissables de science certaine (sauf peut-être par l’astronomie, ajoute notre maître, dans une remarque symptomatique de son acceptation du système cosmique des sphères intelligibles) ; toutefois, si un tel bien spirituel est effectivement inconnaissable quant à sa cause (« in relatione ad suam causam ») par l’homme en cette vie, la félicité peut aussi être considérée comme but à atteindre (« ratione finis ») et il est alors possible à l’homme dès cette vie de connaître de science certaine la façon d’agir en vue de l’atteinte de cette fin (§ 84). C’est dire que cette félicité est un souverain bien auquel l’homme peut participer, ce qui exclut l’essence du Premier (Primum), qui est imparticipable parce que parfaitement simple (§ 93). Même avec ces restrictions rattachées à l’actuelle condition de l’homme et bien que le Premier soit exempt de toute malveillance (invidia), l’inégalité des êtres qui reçoivent son influence fait que la félicité ne tombe en partage qu’à l’homme et à l’ange — « angelus » étant ici synonyme d’intelligence céleste (§ 102) —, qui sont les deux seules substances capables d’estimer et d’affectionner le Premier avec amour et connaissance (§ 94), au moyen d’une vertu intellectuelle destinée à contempler le divin (§ 101). En l’homme d’ailleurs, seule l’âme connaît la félicité, car la vraie félicité est après la mort quand l’âme séparée du corps vit en elle-même en intelligeant et en affectionnant constamment le Premier (§ 94-95). On constate donc que pour l’auteur anonyme du Compendium « Nos gravamen », de même que pour Arnoul de Provence, efficace philosophique, métaphysique ou théologie des philosophes et finalité éthique se trouvent sur le même axe conceptuel. Pour le dire autrement : en dépit des apparences, l’auteur du Compendium « Nos gravamen », tout comme Arnoul de Provence avec qui sa doctrine coïncide pour l’essentiel en la précisant par endroits, parle ici en philosophe — très inspiré lui aussi par le néoplatonisme arabe, bien sûr[43] — et non pas en théologien chrétien. À preuve : l’auteur du Compendium « Nos gravamen » refuse, au nom des philosophes, de prendre en considération la thèse desdits théologiens selon laquelle le corps sera réuni à l’âme après la mort, en basant son refus sur le fait qu’une telle résurrection des corps n’est pas naturelle et tient plutôt du miracle (§ 94). De même : ce maître anonyme affirme sans ambages qu’« en parlant philosophiquement » (loquendo philosophice) nous sommes totalement la cause du bien et la cause du mal que nous faisons, même si « en parlant théologiquement » (loquendo theologice) nous ne suffisons pas à faire le bien, mais qu’il faut pour ce faire que Dieu insuffle sa grâce en nous (§ 119). Ce qui peut sembler de prime abord de l’archaïsme, et demeurera sans doute finalement pour d’aucuns un mauvais choix philosophique, n’est donc rien d’autre, on le voit maintenant, que l’allégeance des maîtres ès arts de la première moitié du xiiie siècle au péripatétisme gréco-arabe. Volens nolens, ces professeurs d’arts libéraux, devenus philosophes enthousiastes, ont ainsi instauré une étrange concurrence, sur un plan épistémologique et éthique, avec leurs collègues théologiens, supérieurs à eux dans la hiérarchie de l’institution universitaire[44]. Cette conception exaltée du bonheur philosophique est également un trait caractéristique des commentaires artiens de l’époque sur l’Ethica nova et l’Ethica vetus[45]. Par ailleurs, l’existence même de ces commentaires à Paris avant 1250 et le bon nombre de questions concernant cette oeuvre d’Aristote dans le Compendium « Nos gravamen » témoignent de ce que les cours sur l’éthique, jamais interdits, ont dû, dans les faits, acquérir le statut de cours ordinaires avant 1255[46].

Dans l’esprit du statut de 1215 ou du moins selon le regroupement de matières alors prescrites pour les cours des jours fériés, l’exposé sur le Liber Ethicorum d’Aristote est rattaché aux oeuvres de deux autres philosophes, Platon et Boèce, dont la présentation combinée (§ 125-133) du Timée et de la Consolation de Philosophie forme dans le Compendium « Nos gravamen » une sorte de petit prolongement aux considérations éthiques, avec, pour le Timée, des emprunts notables aux Gloses sur Platon de Guillaume de Conches[47]. Malgré ses dimensions modestes, à peine une colonne manuscrite, ce prolongement n’est cependant pas qu’un simple ajout extérieur mais un véritable supplément intimement apparenté par la thématique à ce qui précède, tout en attestant par ses cinq questions sur le Timée et ses deux autres sur la Consolation de Philosophie que ce tandem textuel occupait une certaine place, officielle[48] même si très marginale, dans les examens de licence ès arts. Un exemple du lien intime existant entre la section sur la morale et celle sur les « philosophes » est une question soulevée (§ 128) au sujet du Timée (Platon dit que le Premier est exempt de toute malveillance, alors tout devrait participer également du souverain bien qui n’est autre que le Premier lui-même, mais tel n’est cependant pas le cas : pourquoi ?). Avant de répondre brièvement que « le défaut réside du côté des récipients et non pas du côté du Premier », l’auteur anonyme du Compendium « Nos gravamen » signale explicitement que « la solution de ce problème a déjà été considérée ». Ce qui est effectivement le cas (§ 93) — lors du questionnement sur le premier livre des Éthiques, alors appelé Nouvelle éthique et ayant nommément pour sujet la félicité — dans une version plus développée que nous venons de résumer à l’occasion du survol doctrinal de la section sur la morale. Si les questions sur la morale s’intéressent particulièrement à la possibilité qu’a l’homme de connaître la félicité ultime qu’est le Premier, celles (§ 126-130) sur le Timée au Premier comme créateur du monde et à la place de l’homme dans l’univers ainsi créé, les deux questions énoncées (§ 132-133) au sujet de la Consolation de Philosophie de Boèce concernent, quant à elles, le type de connaissance que le Premier possède non seulement du présent, mais aussi du passé et du futur. D’autres textes didascaliques anonymes — comme Primo quaeritur utrum philosophia [*10], les Quaestiones mathematicae [*14], les Communia « Visitatio »[49] et, surtout, les Accessus philosophorum [*1] — attestent également à leur façon de l’intérêt, modeste mais bien réel, que les Artiens de la première moitié du xiiie siècle accordaient encore à ces oeuvres qui avaient été sur la sellette de l’enseignement chartrain au siècle précédent[50].

Après le triptyque de la philosophie naturelle — dont le principe est la nature — et la philosophie morale — dont le principe est la volonté —, l’auteur-compilateur du Compendium « Nos gravamen » en arrive à la troisième — et dernière — partie de son programme : la philosophie dite « rationnelle » (rationalis), qui, évidemment, a pour principe la raison (ratio), mais qui, parce que le langage (sermo) dérive entièrement de la raison, est aussi appelée « langagière » (sermocinalis)[51]. Ce dernier problème de classification est débattu, avec ses harmoniques mettant en jeu les rapports entre grammaire, logique et rhétorique (§ 134-144), avant d’en arriver à la courte présentation individuelle de la rhétorique (§ 153), qui ouvre cette séquence ternaire parce que « c’est d’elle qu’il nous convient de parler le moins » (§ 145), comme le dit ouvertement l’auteur du Compendium « Nos gravamen », même s’il vient d’argumenter que la rhétorique se range (théoriquement) après la grammaire et la logique. Selon cette présentation, la rhétorique porte sur le langage orné ou non orné qu’utilise le rhéteur pour émouvoir le juge et cette discipline est transmise par Cicéron dans les Rhétoriques qui comprennent deux « livres partiels » (libri partiales)[52] — il faut, ainsi que nous le confirment d’autres textes didascaliques[53], comprendre le traité De l’invention de Cicéron et le pseudépigraphe cicéronien intitulé Rhétorique à Hérennius[54]. Seul ce second livre, qui se divise lui-même en quatre parties, fait l’objet de cours (§ 145-146). Parmi les cinq questions sur cette discipline, une (§ 149) fait allusion au quatrième livre des Topiques de Boèce — c’est-à-dire le dernier livre de ses Différences topiques —, un traité inclus, on l’a dit, par le statut de 1215 dans la liste des textes sur lesquels devaient se concentrer les leçons des jours fériés[55]. Particulièrement intéressante malgré son allure technique, la question précédente (§ 148), quant à elle, laisse voir que l’auteur du Compendium « Nos gravamen », pour qui le rhéteur utilise l’exemple et l’enthymème plutôt que le syllogisme et l’induction, renvoie au sujet de la doctrine de l’exemple et de l’enthymème aux Premiers analytiques d’Aristote, tout en évitant complètement, malgré ce renvoi à une source logique, la question de savoir si l’exemple et l’enthymème ne pourraient pas alors être deux types de syllogismes[56]. Cette même ignorance de la thèse selon laquelle le raisonnement rhétorique pourrait être syllogistique se retrouve dans tous les textes didascaliques connus de la première moitié du xiiie siècle, dont les Accessus philosophorum, qui contiennent pourtant l’exposé artien le plus étoffé sur la rhétorique[57] ; Philosophica disciplina, qui tient à ajouter au traditionnel trivium une quatrième branche, la poétique [*26, p. 261, l. 77-84 et p. 274, l. 316-331 ; *38, § 4 et 36], à laquelle il consacre [*26, p. 277-279, l. 378-402 ; *38, § 42-43] une présentation individuelle[58] ; la Division des sciences arnulfienne[59], le seul texte didascalique à mentionner, en renvoyant à Alfarabi (tout en s’appuyant en fait sur son adaptation par Gundissalinus), une division de la logique en huit parties (les six traités de l’Organon[60] tel que nous l’entendons aujourd’hui, plus la poétique et la rhétorique[61]) : division qu’Arnoul de Provence ne retient cependant pas parce que, selon lui [*26, p. 342, l. 636-640 ; *38, § 73], « ces deux dernières parties », que sont la poétique et la rhétorique, « ni Aristote ni l’usage commun ne les rangent sous la logique ». Pourtant, l’idée d’un Organon élargi[62], déjà acceptée par la plupart des commentateurs grecs tardo-antiques d’Aristote, avait été fermement défendue conceptuellement par les philosophes arabes et systématiquement utilisée par eux pour démontrer que c’était la théologie qui était la servante de la philosophie, et non l’inverse (le syllogisme apodictique, seul véritablement démonstratif et scientifique, constituant l’apanage du philosophe ; le syllogisme dialectique, simplement probable, représentant le maximum de rationalité atteignable par le théologien ; les syllogismes rhétorique et poétique étant, quant à eux, appropriés pour entraîner l’adhésion du vulgaire) ; même mis à part ses éventuels mérites épistémologiques intrinsèques, on conçoit facilement que les Artiens, pourtant si investis dans l’éloge de la philosophie, ont croisé là sans le savoir un thème particulièrement virulent de critique sociale visant directement à saper l’hégémonie de la religion sur la philosophie — critique de toute façon alors politiquement impossible dans l’Occident chrétien[63].

Portant sur la grammaire, la prochaine section, qui occupe près du quart du Compendium « Nos gravamen », est grosso modo comparable, malgré son caractère condensé et son manque d’homogénéité, à la production grammaticale universitaire parisienne des années 1230-1240, comme celle, parfois inauthentique, associée aux maîtres ès arts Robert Kilwardby, Roger Bacon et Nicolas de Paris[64]. Conformément à la doctrine traditionnelle de Priscien, l’auteur du Compendium « Nos gravamen » préfère identifier (§ 154, 170) le sujet de la grammaire avec la « voix lettrée articulée » (vox litterata articulata), même s’il semble connaître (§ 161) la nouvelle doctrine de Kilwardby selon laquelle on peut distinguer deux sujets de la grammaire : la phrase (oratio), sujet d’attribution (subiectum attributionis) ; et la « voix lettrée articulée », sujet de prédication (subiectum praedicationis). Sans même faire allusion à la tripartition de Donat (grammatica praeceptiva ; gr. prohibitiva ; gr. permissiva), le Compendium « Nos gravamen » divise ensuite la grammaire — d’une façon idiosyncrasique quant à la forme mais reflétant quant au fond la pratique alors commune — en associant les trois premiers membres (orthographe, étymologie, « diasynthétique » [diasynthetica]) de la division quadripartite de Priscien à l’« être de la grammaire » (esse grammatice) et le quatrième membre (prosodie) au « bien-être de la grammaire » (bene esse grammatice). À quoi sont assortis les manuels de la façon suivante : le premier livre du Maius volumen (= Priscien : Institutiones grammaticae 1) à l’orthographe ; le reste du Maius volumen (= Institutiones grammaticae 2-16) à l’étymologie ; le Minus volumen (= Institutiones grammaticae 17-18) à la diasynthétique ; et le Pseudo-Priscien De accentu à la prosodie. Le Barbarisme — troisième livre de l’Art majeur de Donat — est finalement ajouté au « bien-être de la grammaire ». La doctrine grammaticale du Compendium « Nos gravamen » est clairement pré-modiste, car on n’y trouve pas articulé en un système explicite, comme dans les grammaires spéculatives des années 1270, le trio notionnel : « mode de signifier », « mode d’intelliger » et « mode d’être » (modus significandi, m. intelligendi, m. essendi) — cette dernière expression ne se rencontrant qu’une seule fois dans notre document et d’ailleurs pas dans la section sur la grammaire, mais dans celle sur la logique[65]. En fait, dans sa présentation de la grammaire, le Compendium « Nos gravamen » emploie les deux premières expressions, mais avec un sens assez vague et parfois contradictoire[66]. Dans la même veine, le Compendium « Nos gravamen » est aussi inconstant en ayant recours au « mode de signifier » pour caractériser la fonction de certaines parties de la phrase (partes orationis), mais pas de toutes, alors que, au siècle précédent, Pierre Hélie employait déjà à cette fin le « modus significandi » pour l’ensemble des parties de la phrase[67]. Même si, toujours en rapport avec les parties de la phrase, le Compendium « Nos gravamen » montre qu’il connaît leur redéfinition récente mettant à profit la Physique d’Aristote et que notre document s’appuie ailleurs sur un chapitre du traité De l’âme du Stagirite pour expliquer la possibilité de la science grammaticale[68], il n’en demeure pas moins que la plus grande part de cette section dudit guide d’examen ne fait qu’exposer des doctrines grammaticales purement techniques, relevant surtout du Priscien majeur, si bien que l’on s’est étonné que Martin Grabmann, le « découvreur » du Compendium « Nos gravamen », ait pu caractériser cette présentation de la grammaire comme orientée vers « la philosophie du langage[69] », même si cela s’explique sans doute par le fait que les considérations introductives sur la philosophie rationnelle dans son ensemble et la grammaire en particulier, ainsi que d’autres segments du guide sur la grammaire et la logique, ont assurément une telle orientation et que l’érudit allemand a voulu par sa formule — littéralement « Sprachlogik[70] » — mettre en relief cette caractéristique qualitative plutôt que quantitative.

De loin la section la plus développée (§ 503-1275) du Compendium « Nos gravamen » avec presque soixante colonnes sur quatre-vingt-dix-neuf dans le ms. Ripoll 109, la présentation de la logique est mutatis mutandis principalement occupée, comme celle de la grammaire, par la technicité de la discipline exposée au fil de l’exégèse des traités, ici majoritairement aristotéliciens, au programme. Toutefois, cette présentation de la logique, qui, toujours à l’instar de celle sur la grammaire, est divisée selon l’« être » (esse) et le « bien-être » (bene esse) de la discipline, renferme tout de même dans chacune de ses parties des considérations proprement philosophiques, relevant prioritairement de la métaphysique, qui contribuent à accroître l’unité non seulement de ce survol disciplinaire, mais — on va le voir — du document dans son ensemble. Pour l’auteur du Compendium « Nos gravamen », la logique, qui considère le langage quant au vrai et au faux, a pour sujet le syllogisme. Cinq divisions de la discipline laissent déjà voir que, pour ce maître anonyme, les traités relatifs à l’« esse logices » sont ceux de l’Organon traditionnel (Catégories, Peri hermeneias, Premiers analytiques, Seconds analytiques, Topiques et Réfutations sophistiques), alors que le « bene esse logices » est transmis dans le Livre de Porphyre (Liber Porphyrii : c’est-à-dire l’Isagoge porphyrienne), le traité boécien Des syllogismes catégoriques et hypothétiques (De categoricis et hypotheticis syllogismis : en fait deux ouvrages de Boèce ici réunis en un seul), l’anonyme Livre des six principes (Liber sex principiorum), le Livre des topiques de Boèce (Liber topicorum Boethii, plus précisément, on l’a dit, le De differentiis topicis) et, toujours de Boèce, le Livre des divisions (Liber divisionum). À cela près que le tandem Des syllogismes catégoriques et hypothétiques n’a peut-être jamais fait l’objet d’une présentation dans notre document parce que — comme le précise le maître lui-même — ce « livre n’est plus en usage » (§ 513) et que, par ailleurs, même le principal manuscrit du Compendium « Nos gravamen » se termine abruptement au milieu d’une phrase du Livre des six principes — ce qui signifie que les survols qui devaient suivre sur, à tout le moins, les boéciens Livre des topiques et Livre des divisions sont maintenant perdus —, ce classement des manuels selon l’« être » et le « bien-être » de la discipline correspond précisément au plan du reste du Compendium « Nos gravamen ».

Par-delà le remplissage circonstancié de la structure typique — sujet (exprimé, dans ce cas-ci, selon l’assez intraduisible formule : « dicibile incomplexum ordinabile in genere intrinsecus adveniens »), division (déjà classique) du texte (en antéprédicaments, prédicaments et postprédicaments) et questions ou objections (sept sur le sujet et quarante sur le traité lui-même) —, on a pu déceler dans l’exposé consacré au premier traité de l’Organon une réflexion sur la problématique de l’être dans le contexte des Catégories (ici appelées Prédicaments), plus précisément une lecture strictement ontologique de ce texte qui nous aide à mieux comprendre la préhistoire de l’analogie de l’être chez les penseurs du xiiie siècle[71].

Le Compendium « Nos gravamen » s’entend avec le De communibus artium liberalium [*13] — un autre abrégé examinatoire, mais datant d’environ 1250 et affichant des questions à structure argumentative nettement plus complexe[72] — pour poser l’« énonciation » (enuntiatio) sujet du Peri hermeneias et diviser cet écrit d’Aristote en deux « livres partiels » (libri partiales), dont le premier correspond, dans l’édition Bekker, aux chapitres 1-9 et le second aux chapitres 10-14[73]. Toutefois le De communibus artium liberalium, en conformité avec son intérêt marqué pour les aspects plus dialectiques de la logique, met ensuite l’emphase sur les subdivisions du second livre partiel, tandis que le Compendium « Nos gravamen » fait plutôt l’équivalent avec le premier livre partiel, dont le thème principal, surtout en son début, est la notion de signification. Dans cette perspective, on s’attendrait à ce que plusieurs des questions ensuite posées par le Compendium « Nos gravamen » portent sur les aspects sémantiques de la logique. De façon surprenante et décevante, tel n’est cependant pas le cas et même les lignes (16a3-8) si célèbres du début du Peri hermeneias traitant du rapport des termes écrits et oraux, des « passions de l’âme » (passiones animae) et de leur relation aux choses sont entièrement passées sous silence, si bien que l’interprète qui veut malgré tout donner un certain aperçu des vues du Compendium « Nos gravamen » sur la signification doit procéder indirectement par l’intermédiaire de questions connexes. Toutefois, cela ne signifie pas que, dans la première moitié du xiiie siècle, les théories sémantiques étaient absentes de l’enseignement et des examens à la Faculté des arts de Paris, puisque les commentaires issus de cette faculté pendant les années 1230-1250 montrent une préoccupation réelle, parfois très marquée, pour cette thématique. Selon toute vraisemblance, cette carence du Compendium « Nos gravamen » est avant tout attribuable à l’abréviation draconienne dont souffre ce document même dans le principal manuscrit que nous en possédons : à peine plus de trente questions conservées sur les quatre-vingt-deux annoncées. Cette perte, irrémédiable dans l’état actuel de la tradition manuscrite connue, nous renseigne néanmoins sur l’enseignement tel qu’il se pratiquait vers la fin du xiiie siècle, au moment où la copie la plus complète que nous possédons de ce guide examinatoire a été exécutée, en manifestant, de façon évidente, qu’à cette époque on s’attendait à ce que les questions relatives à la signification des termes soient étudiées dans de petites sommes comme le Tractatus de Pierre d’Espagne plutôt que lors de l’exégèse des oeuvres d’Aristote[74].

Sans employer lui-même ces expressions médiévales, le Compendium « Nos gravamen », une fois présentés ces deux piliers de la « Vieille logique » (« Logica/ Dialectica vetus », alias « Vieil art » [« Ars vetus »]) que sont les Prédicaments (§ 515-591) et le Peri hermeneias (§ 592-649), en vient à l’exposé sur la « Nouvelle logique » (« Logica nova », alias « Nouvel art » [« Ars nova »]), qui constitue le dernier bloc de traités (§ 650-1159) que notre document associe à l’« être de la logique ». Une des cinq divisions de la logique formulées précédemment (§ 514) dans le Compendium « Nos gravamen » avait classé, sous l’égide de Boèce (en fait lui-même débiteur de Cicéron), ces écrits d’Aristote en deux groupes : l’« art du jugement » (ars iudicandi) comprenant les Premiers analytiques et les Seconds analytiques ; l’« art de la découverte » (ars inveniendi) réunissant les Topiques et les Réfutations sophistiques. Les sujets (respectivement, les syllogismes : exemplaire, démonstratif, dialectique et sophistique) et les divisions (les mêmes livres auxquels nous sommes habitués, sauf pour les Réfutations sophistiques, réparties en un proême [chap. 1 de Bekker], deux livres partiels [chap. 1-15 ; chap. 16-33] et un épilogue [chap. 34]) de ces quatre traités sont fournis à tour de rôle en suscitant eux-mêmes des questions, avant que la présentation individuelle de chacun de ces textes ne se termine par une section réservée aux questions plus proprement doctrinales. Cette vaste partie du Compendium « Nos gravamen », même si elle présente de nombreuses similarités avec les commentaires « parisiens » correspondants datant approximativement de la première moitié du xiiie siècle, est assez souvent rendue difficilement intelligible à cause d’erreurs du copiste ou même de l’auteur-compilateur[75] — phénomène qui, malheureusement, est aussi présent ailleurs : on l’a vu ci-dessus pour les quatre mathématiques et surtout pour le § 21 traitant d’astronomie ; on peut également le constater pour le § 74 ayant trait à l’économique[76] ; et la liste pourrait s’allonger. Un simple coup d’oeil permet de constater que, dans l’ensemble du Compendium « Nos gravamen » tel que le manuscrit Ripoll 109 nous l’a conservé, ce sont trois des quatre traités de la Nouvelle logique qui — et de loin — retiennent le plus l’attention, à savoir : les Seconds analytiques (presque dix colonnes, contre seulement un peu plus de six pour les Premiers analytiques), les Topiques (plus de treize colonnes), les Réfutations sophistiques (un peu plus de dix colonnes). L’accent est donc mis quantitativement sur l’« art de la découverte », mais sans que l’« art du jugement » ne soit laissé pour compte d’aucune façon. Au contraire. Les multiples questions de cette partie du Compendium « Nos gravamen » identifient nettement le savant idéal au « démonstrateur » (demonstrator) avec son syllogisme démonstratif partant d’une matière nécessaire et aboutissant à une certitude apodictique. Les deux autres figures de l’intellectuel sont bien sûr le dialecticien, avec son syllogisme dialectique et, dans le registre de la contrefaçon, le sophiste, avec son syllogisme sophistique. Or, tout en insistant sur la distinction foncière entre l’intention du dialecticien et celle du sophiste (malgré certaines similitudes de la pratique argumentative présentée dans le dernier livre des Topiques avec celle décrite dans les Réfutationssophistiques), l’auteur du Compendium « Nos gravamen » s’efforce, notablement plus qu’Aristote, d’assimiler le dialecticien au démonstrateur : d’abord en mettant en avant la dialectique théorique « visant l’acquisition de connaissances philosophiques » (ad secundum philosophiam disciplinas, expression compacte calquée du grec : πρὸς τὰς κατὰ φιλοσοφίαν ἐπιστήμας [cf. Aristote, Topiques, I, 2, 101a27-28]) ; ensuite en soulignant qu’en accomplissant cette fonction théorique le dialecticien n’a pas radicalement besoin d’engager une dispute avec autrui et s’assimile alors au démonstrateur qui, lui, n’interroge jamais, si ce n’est qu’accidentellement (alors que, dans la pratique, le dialecticien et le sophiste s’éloignent de ce dernier modèle en procédant par interrogations dans le cadre d’une dispute). Cette définition méliorative du dialecticien est particulièrement intéressante car elle semble correspondre, pour le maître ès arts, au but intellectuellement atteignable que lui propose le Compendium « Nos gravamen[77] ».

Par leurs aspects les plus remarquables en marge d’une technicité comme ailleurs assez répandue, les deux derniers exposés nous ramènent par contraste aux considérations plus relevées de la métaphysique cosmologisée du péripatétisme gréco-arabe, marquées au moins d’un emprunt assez direct d’une notion clé au Timée de Platon : l’« âme du monde » (anima mundi). Après cette présentation de l’« être de la logique », en effet, il ne nous reste, même dans son manuscrit le plus complet actuellement connu, que les exposés — le premier toutefois abrégé et le second incomplet — sur deux des cinq livres (§ 1160) associés précédemment (§ 513) par le Compendium « Nos gravamen » au « bien-être de la logique », à savoir : le Livre de Porphyre et le Livre des six principes.

Il n’est pas surprenant qu’un des moments capitaux de la présentation (§ 1160-1229) du Livre de Porphyre, dont le sujet est simplement désigné comme étant l’universel par le Compendium « Nos gravamen », réside dans les réponses fournies par l’auteur de notre guide d’examen aux célèbres questions sur ce thème laissées en suspens par le philosophe grec, interrogations que le maître anonyme reformule ainsi : « La première question est : est-ce que les universaux sont “par soi ou en autre chose” (per se vel in alio), à savoir dans l’âme ? La seconde : si les universaux sont par soi, sont-ils corporels ou incorporels ? La troisième : est-ce que les universaux sont séparés des singuliers ou nécessairement en eux ? » (§ 1187). Même si elle sort nettement du strict cadre du traité introductif porphyrien et peut paraître au premier coup d’oeil « mêler allègrement les registres et les concepts[78] », la doctrine des universaux proposée (§ 1187-1188) par le Compendium « Nos gravamen », lorsqu’on la scrute attentivement, n’apparaît pas si « confuse » mais, malgré quelques notables difficultés philologiques dans l’établissement du texte, est plutôt assez claire dans ses grandes lignes, du moins, et, surtout, très intéressante par ses illustrations métaphoriques, lorsque, de la reprise scolaire de l’Aristote latin (« in septimo Metaphysicae », « in secundo […] in tertio De anima » et « in Praedicamentis »), on passe censément au Livre des six principes puis, sans nommer le philosophe néoplatonicien juif Avicébron, à la Fontaine de vie (Fons vitae) : tout universel découle d’une forme qui n’est pas l’un ou l’autre des composants (hylémorphiques), mais une forme qui advient au composé et qui est la « quiddité ou l’essence de la chose » (« quiditas et essentia rei »), tout en étant prédicable de ce en quoi elle est ; cette forme, qui « se donne (ou : donne l’être) et donne son nom à ce en quoi elle est » (« dat se/esse et suum nomen illi cui inest »), est « un certain être divin » (« quoddam divinum esse »), une force ou « vertu » (virtus) générative qui est en chaque chose et en détermine l’espèce ; plus précisément, on l’appelle « divine » parce qu’elle est partout — sans distinction de lieu ou de temps — comme la Cause première, dont elle est « pour ainsi dire une illumination » (« quasi illuminatio ») ; justement, en tant que « “vertu” rayonnant de la Cause première » (« virtus relucens a Prima causa »), ce « quod quid est » qu’est l’universel est l’objet propre (proprium obiectum) de l’intellect, mais, ajoute l’auteur du guide, « un objet confus de l’intellect agent » (« obiectum confusum intellectus agentis »), parce que de « “compréhension” infinie » (« infinitae comprehensionis ») comme le Premier dont il rayonne ; par ailleurs (la métaphore de l’illumination s’apprête maintenant à illustrer, cette fois, un « double état », ontologique, de l’universel), tout comme la lumière « demeure par soi » (« stat per se »), bien qu’elle tire son être d’une source lumineuse, ainsi l’universel demeure par soi en tant qu’essence tout en tirant, en tant qu’universel, son être en acte des singuliers, car il est pour ainsi dire la résultante des principes (forme et matière) du sujet ; il s’ensuit donc que cette forme, ou « vertu », divine rayonnant de la Cause première « n’est pas un universel en acte s’il n’existe pas un singulier » (« non est actu universale nisi existat singulare »), mais elle « est toutefois indépendamment du singulier » (« est tamen praeter singulare ») en tant qu’elle n’en tire pas son être (esse) ; enfin, cette lumière divine qu’est l’universel est, en soi, apte à être multipliée en plusieurs et, si cette multiplication n’a pas lieu, « le “défaut” ne peut être que dans le “récipient” » (« non est defectus nisi in recipiente »), comme, en ce qui concerne le soleil et la lune, le « défaut », ou manque, réside dans le fait que toute la matière appropriée a été utilisée pour réaliser un seul exemplaire de chacune de ces réalités, qui, à cause de ce manque matériel, ne peuvent que demeurer singulières. L’auteur du Compendium « Nos gravamen » peut donc sans surprise répondre à la première question de Porphyre en même temps qu’à sa troisième : les universaux n’ont pas leur être seulement dans l’âme ou seulement dans les singuliers, même si c’est toujours dans les singuliers qu’ils sont en acte en tant qu’universaux. La réponse que l’auteur du Compendium « Nos gravamen » donne à la deuxième question de Porphyre peut paraître plus surprenante : l’universel n’est ni une substance corporelle ni une substance incorporelle ; l’universel est plutôt une substance au sens d’essence ou de définition. Sans que l’expression soit formulée, on se croirait ici en présence d’une sorte de doctrine de l’« être de l’essence » (esse essentiae). Or cette autre facette de la doctrine de l’universel du Compendium « Nos gravamen » n’est pas nécessairement contradictoire avec les développements de coloration néoplatonicienne qui précèdent, car Avicenne lui-même a formulé sa doctrine originale de l’« indifférence de l’essence » dans le même traité de Philosophie première (V) où quelques livres (VIII-X) plus loin il décrira sa propre version de la métaphysique cosmique et émanatiste caractéristique du péripatétisme gréco-arabe.

Signe d’une vision philosophique unifiée, ce même univers discursif réapparaît dans la présentation (§ 1230-1275) que le Compendium « Nos gravamen » fait de l’énigmatique Livre des six principes, dont le sujet est identifié (§ 1232) au « dicible incomplexe en tant qu’il rassemble dans son essence par la nature du principe la causalité et l’universalité de celui-ci » (« dicibile incomplexum inquantum contrahit a natura principii in essentia sua huius causalitatem et universalitatem »). Cette réapparition (§ 1252) de la métaphysique émanatiste se produit à l’occasion d’une question sur l’âme du monde, une des figures importantes décrites originellement dans le récit cosmogonique du Timée de Platon. Le tableau que le Compendium « Nos gravamen » dresse de l’âme du monde ne renvoie pas nommément à Platon mais plutôt au (Pseudo) Denys (« Dyonisius in Hierarchia »), à l’Aristote authentique du traité Du ciel et du monde (« in libro Caeli et mundi »), à saint Paul (dans l’Épître aux Corinthiens) et au (Pseudo) Aristote du Livre des causes (« Aristoteles in Libro de causis ») : même si on peut appeler « monde » l’ensemble des choses corporelles et incorporelles, selon les philosophes « monde » signifie la sphère contenant seulement les choses corporelles, tant supérieures qu’inférieures ; le ciel peut ainsi être appelé « monde » à condition d’entendre par là le ciel étoilé (caelum stellatum) et non pas les cieux occultes (caela occulta) au-delà du ciel étoilé ou bien le troisième ciel (tertium caelum), où, selon les théologiens, Dieu résiderait dans sa majesté ; or l’âme du monde pourrait bien être l’âme de ce ciel étoilé ; finalement, alors que le Premier est « avant toute éternité et avant le temps » (« ante omnem aeternitatem et ante tempus »), que les intelligences séparées sont « dans l’éternité et avant le temps » (« in aeternitate et ante tempus »), cette « âme noble » (anima nobilis) est « après l’éternité et débute avec le temps » (« post aeternitatem et cum tempore coepit ») ; finalement, la fonction de cette âme du monde, « séparée (de la matière) selon la substance » mais « conjointe (à la matière) seulement selon la “vertu” » (« separata secundum substantiam, coniuncta solum secundum virtutem »), est de servir d’intermédiaire pour que l’influence du Premier et des intelligences séparées puisse agir sur les choses corporelles.

On peut ainsi constater que, dans son état actuel, le Compendium « Nos gravamen » termine sa présentation des disciplines comme il l’a débutée, à savoir : par des considérations ressortissant de ce qu’Arnoul de Provence appelle, on l’a vu, la « théologie des philosophes ».

2.2. Histoire de l’influence du compendium examinatoire parisien et études afférentes

Seuls les premiers paragraphes (§ 1-8) du Compendium « Nos gravamen » ont joui, codicologiquement, d’une assez large diffusion géographique — Espagne, Allemagne, Autriche, République tchèque — en formant un prologue adventice ajouté au texte authentique des Accessus philosophorum[79], bien que le découpage de la partie psychologique du corpus de la « scientia naturalis inferior, que physica appellatur » (§ 59) s’exprime en des paragraphes (§ 68-69) qui seront reproduits — « à quelques détails près » — par plusieurs autres textes didascaliques (le Compendium philosophiae d’un maître anonyme[80] ainsi que les Philosophiae des maîtres Nicolas de Paris [*5, § 14] et Olivier le Breton [*9, § 34], etc.[81]) ; des paragraphes dont on trouve même un écho dans une « Prothéorie » [Προθεωρία] de la « Physique » d’Aristote, opuscule rédigé en grec, vraisemblablement dans le monde salerno-sicilien en la seconde moitié du xiiie siècle, et probablement disponible à Byzance lors de la « Renaissance aristotélicienne » attestée dans ce milieu durant la première moitié du xive siècle[82]. Autrement l’influence du Compendium « Nos gravamen » — dont les modèles artiens n’ont pas encore vraiment été identifiés — se résume pratiquement, dans l’état actuel de la recherche, à l’abréviation dialectisée, qui en dérive, connue sous le nom de Primo quaeritur utrum philosophia [*10] et contenue dans un manuscrit munichois (ms. München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 14460, fol. 28rb-32ra) parmi des oeuvres de Nicolas de Paris[83], donc un des maîtres les plus importants de la Faculté des arts parisienne dans la première moitié du xiiie siècle et dont le style et les doctrines s’apparentent souvent à ceux de notre guide examinatoire. Même si l’origine parisienne du Compendium « Nos gravamen » est assez assurée, il est certain que le principal manuscrit (l’actuel ms. Barcelona, Archivo de la Corona de Aragón, Ripoll 109, dont la partie nous concernant ici directement semble dater de la seconde moitié du xiiie siècle[84]) de ce guide a appartenu au xive siècle à un maître dominicain (Bartholomeus Gaconi) du couvent de Valence en Espagne et extrêmement probable que le transit de ce manuscrit du nord vers le sud a été ponctué par un séjour dans la France méridionale[85].

III. Tour d’horizon conclusif : évaluation du témoignage des textes didascaliques en comparaison avec d’autres écrits didactiques (exposés de Logica Modernorum, commentaires aristotéliciens et traités divers)

Même si l’on n’a pas pu approfondir ici les aspects épistémologiques[86], cette description de deux textes didascaliques — un d’introduction, l’autre de récapitulation — ayant une valeur paradigmatique donne une bonne idée de la philosophie telle qu’enseignée à la Faculté des arts de l’Université de Paris dans la première moitié du xiiie siècle, mais appelle aussi, pour faire ressortir encore plus nettement le tableau d’ensemble avec ses nuances, quelques remarques conclusives ayant justement pour fil conducteur la question de la fidélité et de la complétude, secteur par secteur, de la description précédemment offerte en guise de paradigme.

Quant à l’éloge de la philosophie, le témoignage didascalique est indéniablement de premier ordre et peu d’autres pages artiennes peuvent rivaliser avec lui, quoique l’on doive toujours avoir présent à l’esprit le caractère institutionnellement obligé des lectures inaugurales et la programmation littéraire de ces « discours » ou « sermons » introductifs remontant à la scolastique grecque de la fin de l’Antiquité[87].

L’arrière-plan métaphysique et éthique de cet éloge de la philosophie est aussi remarquable, bien que là encore il faille tenter d’évaluer au cas par cas le degré de conscience dans l’assimilation de l’héritage philosophique, antique et tardo-antique, métissé par son passage via le monde arabe[88]. Dans le cas précis de la métaphysique, la littérature artienne complémentaire se résume essentiellement, en l’absence d’une exégèse de la métaphysique authentique d’Aristote par les maîtres ès arts de Paris avant le milieu du xiiie siècle, à quelques commentaires sur le Livre des causes, en l’occurrence ceux de Roger Bacon[89], du Pseudo-Henri de Gand[90] et du Pseudo-Adam de Bocfeld[91] : toutefois, portant sur un pseudépigraphe aristotélicien dont la véritable nature est foncièrement néoplatonicienne, ces exégèses ne peuvent fondamentalement ajouter que des précisions de détail — sur le Premier, les Intelligences, l’Âme du monde, etc. — aux informations déjà ainsi doctrinalement colorées de leurs pendants didascaliques.

Le commentarisme éthique antérieur à 1250 est mieux attesté chez les maîtres ès arts[92] et c’est là qu’il faut chercher le plus grand éventail et les approfondissements des doctrines morales artiennes, quoique la traduction latine du texte « autoritaire » à interpréter ne dépassât pas alors le troisième livre de l’original grec en dix livres de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote et que l’exégèse de l’Ethica nova (Eth. Nic. I) par les « magistri artium » s’inscrivît clairement — avec son thème central : le bonheur (felicitas) — dans la même perspective de métaphysique cosmologisée du péripatétisme gréco-arabe que les échantillons didascaliques correspondants, où d’ailleurs se retrouve une mention « de forma » indiquant le statut officiel de la matière présentée[93].

Justement, lorsqu’on songe au système complet de ces « de forma » didascaliques, on est sans conteste en présence du moment le plus fort, parce qu’unique en son genre, du témoignage combiné des introductions à la philosophie et des guides examinatoires issus de la Faculté des arts de l’Université de Paris dans la première moitié du xiiie siècle : un « système » qui, pour une large part, correspond — tout en permettant d’en dévoiler la composition exacte — au cycle des leçons sur les matières festives prescrit par le cardinal-légat Robert de Courçon en 1215 pour garantir une fréquentation scolaire minimale d’un corpus qu’autrement les Artiens auraient été fort tentés de négliger totalement ; un système qui — pour la première moitié dudit siècle — vise à l’évidence, une fois mis en rapport avec le décret de 1215, les « philosophes » (Platon et son Timée, Boèce et sa Consolation de Philosophie), la rhétorique (de l’apocryphe cicéronien Ad Herennium en relation avec le dernier livre du De differentiis topicis de Boèce, sans qu’un « de forma » ne soit explicitement formulé pour cette partie du traité boécien toutefois mentionnée, voire brièvement présentée, par certains textes didascaliques), les disciplines du quadrivium (l’Institutio arithmetica et l’Institutio musica de Boèce ; les Elementa d’Euclide ; le huitième livre, sur l’astronomie, du De nuptiis Philologiae et Mercurii de Martianus Capella et, pour la même discipline, le De sphaera de Jean de Sacrobosco) et l’éthique (étudiée alors principalement, on l’a dit, dans l’Ethica nova et l’Ethica vetus [Eth. Nic. I-III], « manuels » promus, comme le Barbarismus quant à lui sans « de forma » didascalique [même si ce troisième — et dernier — livre de l’Art majeur de Donat est rangé parmi les ouvrages « de bene esse grammaticae » par le Compendium « Nos gravamen » et appelé « parvus liber » par la Division des sciences d’Arnoul de Provence comme par le statut de 1255], au rang de cours principaux au plus tard en 1255 et même probablement une bonne décennie avant comme le suggère le commentarisme ad hoc sus-mentionné[94]). La pénurie de commentaires standards provenant de la Faculté des arts parisienne sur ces matières « de forma » (sauf l’éthique) et, au contraire, les liens attestés — par la présence de cette réglementation curriculaire et celle d’autres indices pertinents — de plusieurs textes didascaliques de maîtres ès arts de Paris avec la pratique enseignante ou examinatoire effective poussent à conclure que les exposés de ces introductions à la philosophie et de ces guides sur les sujets associés aux « dies festivi » fournissent une image assez exacte et détaillée de ce qu’ont dû être, au sein de cette institution depuis pour ainsi dire ses débuts jusqu’au milieu du xiiie siècle, le style, le contenu et le niveau de l’activité pédagogique des Artiens dans ces domaines[95].

Tel n’est cependant pas le cas, durant cette période, pour la production littéraire rattachée aux matières vedettes que sont la grammaire et, surtout, la logique. Même en écartant les oeuvres des ténors (Pierre d’Espagne, Guillaume de Sherwood) de la « Logica Modernorum » que — à tort, semble-t-il[96] — l’historiographie rattachait jusqu’à récemment à la Faculté des arts de Paris, plusieurs ouvrages logico-sémantiques d’avant 1250, associables à la « Logica Modernorum », paraissent bien avoir été écrits par des maîtres ès arts de Paris, par exemple les textes rassemblés dans le ms. Paris, Bibliothèque Nationale de France, fonds latin 11412, dont, suivis d’anonymes, les deux premiers sont de Nicolas de Paris et le troisième de Jean le Page, à savoir les : 1. Summae de dialectica (Summae Metenses ; fol. 25-40) ; 2. Syncategoremata (fol. 41-81) ; 3. Appellationes (fol. 83-87) ; 4. Insolubilia (fol. 88-91) ; 5. Obligationes (fol. 92-101)[97]. Dans cette collection textuelle, tous les genres de la « Logica Modernorum » sont représentés, sauf celui des sophismata, du type de ceux dont on retrouve deux célèbres recueils (respectivement fol. 3-37 et 37-103) dans le ms. Paris, Bibliothèque Nationale de France, fonds latin 16135, notablement suivis, dans le même manuscrit, par la Division des sciences d’Arnoul de Provence (fol. 103-107)[98]. Malgré tout, l’ensemble de ces éléments formant la « Logica Modernorum » pourrait bien n’avoir été enseigné à Paris qu’en dehors de l’université dans des cours préparatoires aux études ès arts, même si ces cours étaient parfois donnés par des propédeutes par ailleurs maîtres régents à la Faculté des arts parisienne[99]. Chose certaine, aucune oeuvre — anonyme ou non — de la « Logica Modernorum » n’est mentionnée dans les statuts parisiens de la première moitié du xiiie siècle, si ce n’est éventuellement les écrits sophismatiques[100]. Néanmoins, la chose est également certaine, entre les introductions à la philosophie et les guides pour les examens[101], il existait à la Faculté des arts de Paris des textes d’exercices, comme les Communia logicae [*15] que nous avons rangés parmi les spécimens didascaliques : des textes dialectisés qui, comme les écrits sophismatiques et d’autres productions relevant de la « Logica Modernorum », sont peut-être les versions littéraires des habiletés argumentatives orales que visent quelques statuts parisiens relatifs aux « disputes[102] ».

L’existence à l’université d’exercices pratiques d’argumentation étant assurée, il est toutefois également indubitable que, à Paris comme à Oxford, seul le corpus de la « Logica Antiquorum » (constitué il est vrai de la « Logica vetus » [Catégories et De l’interprétation d’Aristote ; Isagoge de Porphyre ; anonyme Des six principes ; De la division de Boèce] et de la « Logica nova » [Premiers analytiques, Seconds analytiques, Topiques, Réfutations sophistiques d’Aristote]) était, à l’exclusion de la « Logica Modernorum », officiellement au programme — théorique et exégétique — des études en logique[103]. Le détail de la doctrine logique enseignée dans les cours ordinaires par les maîtres de la Faculté des arts de l’Université de Paris dans la première moitié du xiiie siècle est donc, si l’on s’en tient aux documents non anonymes, principalement à rechercher dans les commentaires de maître Jean le Page sur la « Vieille logique[104] » ainsi que dans les commentaires sur la « Vieille logique » et la « Nouvelle logique » des maîtres Robert Kilwardby[105] et Nicolas de Paris[106]. Le niveau théorique de ces commentaires n’est toutefois pas systématiquement différent du niveau doctrinal des documents équivalents de la « Logique des Modernes » ou des spécimens les plus étoffés du corpus didascalique[107].

Pour la grammaire, les mêmes remarques s’appliquent aux ouvrages concernés des figures de proue que sont encore dans ce nouveau domaine Robert Kilwardby, Roger Bacon et Nicolas de Paris[108].

On a mentionné ci-dessus l’absence de commentaires sur la philosophie naturelle en général issus de la Faculté des arts de Paris dans la première moitié du xiiie siècle, hormis ceux de Roger Bacon — un « scholar » ayant antérieurement bénéficié d’une formation artienne à Oxford. Or cette absence fait que, pour cette période, les exposés didascaliques sur le thème de la philosophia naturalis revêtent, malgré leur caractère schématique, une valeur documentaire accrue.

Ces exposés didascaliques possèdent aussi une certaine valeur dans le domaine, plus précisément gigogne que connexe, de la psychologie — surtout pour la classification des traités[109] et la place du De anima dans l’examen de licence ès arts (De communibus artium liberalium [*13 ; *29, p. 201-202, § 275-283 ; *43, § 275-283]) —, mais cette valeur est moindre, car, même si nous n’avons pas conservé les commentaires parisiens qui ont éventuellement pu être écrits avant les interdits de 1210-1215 et — ce qui exclut la Sententia « De anima » cum quaestionibus, composée semble-t-il à Toulouse[110], de Pierre d’Espagne, sans parler de sa Scientia libri « De anima[111] » — même si les traités que nous possédons avec possibilité de rattachement à Paris ne datent guère d’avant 1250[112], une information documentaire bien plus élaborée que celle fournie par les textes didascaliques se trouve, dès le début du xiiie siècle, dans l’ample Tractatus de anima de Jean Blund[113] — un anglais, certes, dont, toutefois, la formation et la carrière ont vraisemblablement été en partie parisienne[114] —, et, vers 1225, dans un remarquable petit traité sur l’âme et ses puissances, le De anima et de potentiis eius[115].

Plus anecdotique, on doit compter la « plaisanterie universitaire », malgré tout d’intention morale assez sérieuse, faussement présentée sous le nom de Boèce et intitulée De disciplina scolarium[116] ; plus extérieure à l’enseignement de la Faculté des arts, on peut rappeler, en vernaculaire, La bataille des sept arts[117], ouvrage déjà évoqué qui s’adressait sans doute au public universitaire et qui nous renseigne, on l’a souligné, sur la place prépondérante qu’occupait la logique dans l’enseignement parisien.

Ainsi s’achève ce bilan comparatif assez méthodique permettant de compléter et d’évaluer l’apport considérable du témoignage didascalique livré par notre exposé qui, pour sa part, s’est efforcé de décrire un enseignement philosophique encore inspiré, bon gré mal gré[118], des sept arts libéraux, un enseignement surtout logico-sémantique où l’exégèse de l’Organon d’Aristote occupe une place centrale, même si, dans des envolées métaphysiques largement empruntées — comme celles du De divisione philosophie de Gundissalinus au xiie siècle déjà[119] — à la rhétorique protreptique du néoplatonisme arabe, les humbles maîtres de la Faculté des arts de l’Université de Paris se sont parfois imaginés ascètes de l’intellect et véritables philosophes, phénomène notable pour l’histoire de la philosophie en Occident dès la première moitié du xiiie siècle et attitude remarquable destinée à s’accentuer encore au cours des décennies suivantes, lorsque, comblant leurs attentes, on fera à ces modestes mais enthousiastes « Artistes » (Artistae) le royal honneur de les présenter comme « des docteurs qui siègent sur les quadriges de la discipline philosophique » (Lettre du roi Manfred à la Faculté des arts de Paris [vers 1263])[120].

IV. Annexe : Didascalica

Il n’est pas possible d’énumérer ici tous les textes « didascaliques[121] » répertoriables ; la liste offerte ci-après (1. Oeuvres didascaliques) n’est donc qu’un échantillonnage, substantiel toutefois, car il comprend non seulement les textes complètement édités, mais aussi quelques textes partiellement édités ou transcrits (2. Éditions), tout en indiquant lorsqu’il y a lieu les traductions en notre langue (3. Traductions françaises)[122].

1. Oeuvres didascaliques (échantillon)

Les oeuvres didascaliques — introductions à la philosophie, collections de questions ou guides pour les examens — constituent un genre littéraire formé de textes variés et visant à remplir, selon diverses modalités, une ou plusieurs des fonctions suivantes : 1. introduire (rhétoriquement [simples prologues, souvent très courts] ou pédagogiquement) à la philosophie ; 2. exercer dialectiquement à l’argumentation philosophique ; 3. faire réviser les matières sujettes à examen. Tous les textes mentionnés dans cette rubrique — qu’ils soient anonymes ou non — ont été écrits, selon nous, par des maîtres ès arts de l’Université de Paris, sauf le De ortu scientiarum, dont l’auteur — l’ex-maître ès arts de Paris Robert Kilwardby [*12] — rédigea son célèbre ouvrage une fois rentré en Angleterre et devenu dominicain[123]. Par ailleurs, les textes ci-dessous sont classés chronologiquement au mieux de notre connaissance actuelle (ceux postérieurs à 1250 étant mentionnés ici quand ils font partie de la Wirkungsgeschichte de nos deux textes vedettes [*3 et *8]), mais la date de composition n’est indiquée explicitement que lorsque éditions — principalement —, études ou indices permettent de le faire avec une certitude relative. En outre, sauf indications contraires, les informations relatives aux manuscrits, au plan ou à la présentation d’un texte se trouvent aisément dans l’édition signalée pour ce texte.

  1. Anonyme (dans cette section = Anonymus Magister Artium Parisiensis) : Accessus philosophorum septem artium liberalium — 5 manuscrits complets et 2 fragments. Édition : [*26]. Traduction : [*38]. Plan et présentation : [*26, p. 123-141] ; Lafleur, « Les “guides de l’étudiant” », p. 169-175, 186-189 ; Lafleur et Carrier, « Les Accessus philosophorum, le recueil Primo queritur utrum philosophia et l’origine parisienne du “Guide de l’étudiant” du ms. Ripoll 109 », p. 590-596. Date de composition : vers 1230.

  2. Iohannes Pagus (Jean le Page) : Prologue « Sicut dicit philosophus » du « Scriptum super Porphyrium » — 2 manuscrits ([références ici limitées au prologue] : Padova, Biblioteca Universitaria 1589, fol. 3ra-5ra ; Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 5988, fol. 63ra-64vb)[124]. Édition partielle et traduction : [*33][125] et [*36]. Date de composition : entre 1231 et 1235 (Gauthier)[126], ou vers 1235-1240 (Tabarroni)[127], ou vers 1260 (Piché)[128].

  3. Anonyme : Compendium « Nos gravamen » — transmis principalement — bien qu’incomplet et abrégé — dans 1 seul manuscrit (Barcelona, Archivo de la Corona de Aragón, Ripoll 109, fol. 134ra-158va), auquel il faut ajouter 3 courts fragments : [*26, p. 375-379] ; Lafleur, « Introduction et plan détaillé du “Guide de l’étudiant” », p. xiv-xvii ; Lafleur et Carrier, « Description commentée du ms. Ripoll 109 », p. 561-587 ; Id., « Les Accessus philosophorum, le recueil Primo queritur utrum philosophia et l’origine parisienne du “Guide de l’étudiant” du ms. Ripoll 109 », p. 618-628. Édition provisoire : [*28]. Traduction partielle : [*37]. Présentation : Grabmann, « Eine für Examinazwecke abgefasste Quaestionensammlung der Pariser Artistenfacultät », p. 211-229/183-199 ; Lafleur, « Les “guides de l’étudiant” », p. 141-157 et, ci-dessus, section II. Date de composition : vers 1230-1240.

  4. Anonyme : Compendium circa quadrivium — 1 manuscrit. Édition : [*26]. Traduction [*38]. Présentation : [*26, p. 123-141]. Date de composition : vers 1240.

  5. Nicolaus Parisiensis (Nicolas de Paris) : Philosophia — 3 manuscrits[129]. Édition : [*31]. Traduction : [*39]. Date de composition : vers 1240.

  6. Anonyme : « Philosophica disciplina » — 2 manuscrits. Édition : [*26]. Traduction : [*38]. Présentation : [*26, p. 123-141]. Date de composition : vers 1245.

  7. Anonyme : « Dicit Aristotiles » (Texte A) — incomplet (la présentation s’arrête avant la philosophie du langage) ; 1 manuscrit. Édition : [*30]. Traduction : [*40]. Date de composition : vers 1245-1250.

  8. Arnulfus Provincialis (Arnoul de Provence) : Divisio scientiarum — 2 manuscrits complets et 1 fragment[130]. Édition : [*26]. Traduction : [*38]. Présentation : [*26, p. 123-141] et, ci-dessus, p. , section 1. Date de composition : vers 1250.

  9. Oliverus Brito (Olivier le Breton) : Philosophia — incomplet (il manque l’exposé sur la logique) ; 2 manuscrits et 1 fragment. Édition : [*31]. Traduction : [*41]. Date de composition : vers 1250 ou entre 1260 et 1277.

  10. Anonyme : « Primo quaeritur utrum philosophia » — 1 manuscrit. Édition : [*31]. Traduction partielle : [*42]. Date de composition : vers 1250.

  11. Adenulfus (-phus) de Anania (Adénulfe d’Anagni) : Prologue « Triplexestprincipium » — 7 manuscrits[131]. Édition partielle : [*31]. Présentation : (du prologue) L. Ott, « Die Wissenschaftslehre des Adenulf von Anagni », dans Mélanges offerts à É. Gilson, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies ; Paris, Vrin, 1959, p. 465-490 ; (du commentaire) N.J. Green-Pedersen, The Tradition of the Topics in the Middle Ages. The Commentaries on Aristotle’s and Boethius’ « Topics », München et Wien, Philosophia Verlag (coll. « Analytica »), 1984. Date de composition : vers 1250.

  12. Robertus de Kilwardby (Robert Kilwardby) : De ortu scientiarum — 18 manuscrits complets et 2 fragments. Édition : [*24]. Date de composition : vers 1250.

  13. Anonyme : De communibus artium liberalium — 1 manuscrit complet et 1 fragment. Édition : [*29]. Traduction : [*43]. Date de composition : vers 1250-1255.

  14. Anonyme : Quaestiones mathematicae — 1 manuscrit complet (Paris, BnF, lat. 16390, fol. 201ra-206vb) et 1 fragment (Paris, BnF, lat. 16617, fol. 170r-v). Édition partielle : [*31] ; édition provisoire du texte intégral : [*34].

  15. Anonyme : Communia logicae — 1 manuscrit (Paris, BnF, lat. 16617, fol. 171ra-183rb). Édition partielle : [*35].

  16. Anonyme : « Ut ait Tullius » — 1 manuscrit. Édition : [*32]. Date de composition : entre 1246/47 et 1260.

  17. Aubricus (alias Albericus/Aubertus) Remensis (Aubry de Reims) : Philosophia — incomplet (cette introduction à la philosophie s’arrête après la division de la philosophia naturalis) ; 1 manuscrit et 1 fragment. Édition : [*25]. Date de composition : entre 1260 et 1265.

  18. Anonyme : « Felix nimium » (Texte D) — incomplet (il manque la division de la scientia sermocinalis) ; 1 manuscrit. Édition : [*30]. Traduction : [*40]. Date de composition : vers 1265.

  19. Anonyme : « Sicut recitat Auicenna » (Texte C) — 1 manuscrit. Édition : [*30]. Traduction : [*40]. Date de composition : entre 1225 et 1277.

  20. Herveus (alias Henricus) Brito (Hervé [alias Henri] le Breton) : Philosophia « Sicut dicit Aristotiles » (Texte B) — 5 manuscrits complets et 1 fragment[132]. Édition : [*30]. Traduction : [*40]. Paternité littéraire : Lafleur et Carrier, « La Philosophia d’Hervé le Breton… Première partie », p. 149-226. Date de composition : entre 1260 et 1277.

  21. Anonyme : « Ut testatur Aristotiles » — incomplet (l’opuscule s’interrompt avant la division de la scientia speculatiua) ; 2 manuscrits. Édition : [*27]. Traduction : [*44]. Date de composition : entre 1265 et 1270.

  22. Iohannes Dacus (Jean de Dacie) : Divisio scientiae — 8 manuscrits. Édition : [*23]. Date de composition : entre 1270 et 1280.

2. Éditions

  1. A. Otto : Iohannis Daci Opera nunc primum edidit. A. Otto, Voluminis I Pars I, Hauniae, Gad (coll. « Corpus Philosophorum Danicorum Medii Aeui », I, 1), 1955, p. 3-44. — Édition de la Divisio scientiae [*22].

  2. A.G. Judy : Robert Kilwardby, « De ortu scientiarum ». Edited by A.G. Judy, London, The British Academy ; Toronto, The Pontifical Institute of Mediaeval Studies (coll. « Auctores Britannici Medii Aevi », IV), 1976. — Édition de [*12].

  3. R.A. Gauthier, « Notes sur Siger de Brabant (fin). II. Siger en 1272-1275 ; Aubry de Reims et la scission des Normands », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 68, 1 (1984), p. 3-49. — Édition d’Aubricus Remensis : Philosophia [*17].

  4. C. Lafleur, Quatre introductions à la philosophie au xiiie siècle. Textes critiques et étude historique, Montréal, Institut d’études médiévales ; Paris, Vrin (coll. « Publications de l’Institut d’études médiévales », XXIII), 1988 ; cf. Imbach, « Einführungen in die Philosophie », p. 471-493. — Éditions de l’Anonyme : Accessus philosophorum [*1], de l’Anonyme : « Philosophica disciplina » [*6], d’Arnulfus Provincialis : Divisio scientiarum [*8] et de l’Anonyme : Compendium circa quadrivium [*4].

  5. C. Lafleur, « L’introduction à la philosophie Ut testatur Aristotiles (vers 1265-1270) », Laval théologique et philosophique, 48, 1 (1992), p. 81-107. — Édition de [*21].

  6. C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Le « Guide de l’étudiant » d’un maître anonyme de la Faculté des arts de Paris au xiiie siècle. Édition critique provisoire du ms. Barcelona, Arxiu de la Corona d’Aragó, Ripoll 109, fol. 134ra-158va, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Publications du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », I), 1992. — Édition de l’Anonyme : Compendium « Nos gravamen » [*3] ; cf. Bertelloni, « Loquendo philosophice-Loquendo theologice », p. 21-40.

  7. C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, « Un instrument de révision destiné aux candidats à la licence de la Faculté des arts de Paris, le De communibus artium liberalium (vers 1250 ?) », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale, 5, 3 (1994), p. 129-203. — Édition de [*13].

  8. C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, « La Philosophia d’Hervé le Breton (alias Henri le Breton) et le recueil d’introductions à la philosophie du ms. Oxford, Corpus Christi College 283 (Deuxième partie) », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 62 (1995), p. 359-442. — Éditions de l’Anonyme : « Dicit Aristotiles » (Texte A) [*7], d’Hervaeus Brito : Philosophia « Sicut dicit Aristotiles » (Texte B) [*20], de l’Anonyme : « Sicut recitat Auicenna » (Texte C) [*19] et de l’Anonyme : « Felix nimium » (Texte D) [*18].

  9. C. Lafleur et J. Carrier : L’enseignement de la philosophie au xiiie siècle. Autour du « Guide de l’étudiant » du ms. Ripoll 109. Actes du colloque international édités, avec un complément d’études et de textes, par C. Lafleur avec la collaboration de J. Carrier, assistés par L. Gilbert et D. Piché pour la constitution des index et de la bibliographie, Turnhout, Brepols (coll. « Studia Artistarum. Études sur la Faculté des arts dans les Universités médiévales », V), 1997. — Éditions de l’Anonyme : « Ut ait Tullius » [*16] (cf. [*32]), de l’Anonyme : « Primo quaeritur utrum philosophia » [*10], d’Adenulfus de Anania : Prologue « Triplex est principium » [*11], de Nicolaus Parisiensis : Philosophia [*5], d’Oliverus Brito : Philosophia [*9] et de l’Anonyme : Quaestiones mathematicae [*14].

  10. G. Dahan, « Une introduction à l’étude de la philosophie : “Ut ait Tullius” », dans Lafleur et Carrier, éd., L’enseignement de la philosophie, 1997, p. 3-58 (cf. [*31]). — Édition de [*16].

  11. C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, « Une figure métissée du platonisme médiéval : Jean le Page et le Prologue de son Commentaire (vers 1231-1240) sur l’Isagoge de Porphyre », dans B. Melkevik et J.-M. Narbonne, éd., Une philosophie dans l’histoire. Hommages à Raymond Klibansky, Paris, Vrin ; Québec, PUL (coll. « Zêtêsis », série « Textes et essais », 3), 2000, p. 105-160 (142-156). — Édition partielle et traduction française de Iohannes Pagus : Prologue « Sicut dicit philosophus » du « Scriptum super Porphyrium » (début) [*2].

  12. C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Les « Questiones mathematice » (mss Paris, BnF, lat. 16390 et 16617) : un compendium de la Faculté des arts de l’Université de Paris au xiiie siècle. Édition provisoire du texte intégral, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », VI), 2003. — Édition provisoire de [*14].

  13. C. Lafleur et DPiché, avec la collaboration de J. Carrier, Porphyre et les universaux dans les « Communia logicae » du ms. Paris, BnF, lat. 16617, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », IX, 1), 2004. — Édition partielle de [*15].

3. Traductions françaises

  1. Traductions partielles de Iohannes Pagus : « Sicut dicit philosophus » [*2] : 36.1 dans [*33, p. 154-156] ; 36.2 dans Lafleur et Carrier, « Abstraction, séparation et tripartition de la philosophie théorétique », p. 264-271.

  2. C. Lafleur et J. Carrier : Anonyme : L’« Abrégé examinatoire » (alias « Guide de l’étudiant parisien » ou « Compendium “Nos gravamen” ») du ms. Ripoll 109 vers 1230-1240. Traduction partielle par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », V), 2004 (2e éd. ; 1re éd. 1994). — Traduction partielle de [*3].

  3. C. Lafleur et J. Carrier, Autour d’Arnoul de Provence Maître ès arts de Paris. Anonyme : « Accès aux philosophes des sept arts libéraux » (« Accessus philosophorum .VII. artium liberalium ») vers 1230 ; Anonyme : « La discipline philosophique » (« Philosophica disciplina ») vers 1245 ; Arnoul de Provence : « Division des sciences » (« Divisio scientiarum ») vers 1250 ; Anonyme : « Abrégé autour du quadrivium » (« Compendium circa quadrivium ») vers 1240. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XI), 2004 (2e éd. ; 1re éd. 1989). — Traductions de l’Anonyme : Accessus philosophorum [*1], de l’Anonyme : « Philosophica disciplina » [*6], d’Arnulfus Provincialis : Divisio scientiarum [*8] et de l’Anonyme : Compendium circa quadrivium [*4].

  4. C. Lafleur et J. Carrier : Nicolas de Paris, L’« Introduction à la philosophie “Un est le Créateur” » (« Philosophia “Unus est Creator” ») vers 1240. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XIV), 2004. — Traduction de [*5].

  5. C. Lafleur et J. Carrier, Autour d’Hervé le Breton Maître ès arts de Paris. Texte A : Anonyme, « Aristote dit » (« Dicit Aristotiles ») vers 1250 ; Texte B : Hervé le Breton, « Comme le dit Aristote » (« Sicut dicit Aristotiles ») après 1260 ; Texte C : Anonyme, « Comme le récite Avicenne » (« Sicut recitat Avicenna ») après 1225 ; Texte D : Anonyme, « Trop heureuse » (« Felix nimium ») vers 1265. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XV), 2004. — Traductions de l’Anonyme : « Dicit Aristoteles » (Texte A) [*7], d’Hervaeus Brito : Philosophia « Sicut dicit Aristoteles » (Texte B) [*20], de l’Anonyme : « Sicut recitat Auicenna » (Texte C) [*19] et de l’Anonyme : « Felix nimium » (Texte D) [*18].

  6. C. Lafleur et J. Carrier : Olivier le Breton, L’« Introduction à la philosophie “Ô le glorieux Principe des réalités” » (« Philosophia “O gloriosum rerum Principium” ») après 1250. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XVI), 2004. — Traduction de [*9].

  7. C. Lafleur et J. Carrier : Anonyme : Le recueil de questions « D’abord on demande si la philosophie » (« Primo quaeritur utrum philosophia ») vers 1250. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XVII), 2004. — Traduction partielle de [*10].

  8. C. Lafleur et J. Carrier : Anonyme : « Points communs des arts libéraux » (« De communibus artium liberalium ») vers 1250. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XVIII), 2004. — Traduction de [*13].

  9. C. Lafleur et J. Carrier : Anonyme : L’« Introduction à la philosophie “Comme l’atteste Aristote” » (« Philosophia “Ut testatur Aristotiles” ») vers 1265. Traduction par C. Lafleur, avec la collaboration de J. Carrier, Québec, Faculté de philosophie (coll. « Cahiers du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale de la Faculté de philosophie de l’Université Laval », XIX), 2004. — Traduction de [*21].