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Et si Dieu n’existait pas ! qu’est-ce que cela changerait ? Presque rien, sans doute. Mais quelle est la portée de « ce presque rien » si proche de l’Unique nécessaire ?

Sous la direction d’Adolphe Gesché et Paul Scolas, un groupe d’universitaires (Marie Balmary, Françoise Mies, Jacques Scheuer, Paul Valadier, Luc Van Campenhoudt, Bernard Van Meenen), pose la question radicale de l’éventuelle non-existence de Dieu. C’est, selon eux, la responsabilité même du théologien de ne pas esquiver cette question. S’il l’esquivait, même en présentant Dieu comme une Bonne Nouvelle pour l’homme moderne, ne serait-il pas un faux-monnayeur ?

Cet ouvrage est le compte rendu d’un cinquième colloque organisé par le professeur Gesché qui a lui-même suggéré la question retenue pour cette rencontre : Et si Dieu n’existait pas ?

Pourtant, en 1974, dans sa série Dieu pour penser, Adolphe Gesché mettait en cause que la question an sit soit la quaestio princeps à propos de Dieu : cette question, disait-il, n’est pas absolument prioritaire, elle est précédée. Pour Penser Dieu, il faut supposer qu’il existe.

Selon lui, et les auteurs qui l’accompagnent dans cet ouvrage, il est de la responsabilité du théologien de revenir à ce qui a toujours fonctionné comme présupposé. Tout simplement parce qu’on peut se demander si l’idée de Dieu — en tout cas une bonne idée de Dieu — ne suffit pas pour vivre et pour penser. Car présenter à la pensée un Dieu qui serait faux à la manière d’un faux billet de banque, ce n’est pas simplement présenter un Dieu qui n’existe pas, c’est présenter un Dieu trompeur, parce que sans consistance. C’est très exactement présenter une idole.

Une juste idée de Dieu pour la vie de l’homme doit devenir une briseuse d’idoles, de faux absolus. Mais une juste idée de Dieu comme idée ne suffit pas. Il faut toujours, en théologie, réfléchir positivement aux indications et aux arguments qui peuvent manifester le bien-fondé de l’affirmation de Dieu.

Il est assez clair, selon les auteurs du colloque, que Si Dieu n’existait pas, cela ne changerait presque rien dans le monde actuel. Les rapports sociaux, tout comme le monde de la science, n’en seraient pas modifiés. Cela ne remettrait même pas en cause les fondements de la morale. C’est pourquoi il faut revenir, à partir de l’affirmation ou de la négation de Dieu, à la question quid sit (quel est ce Dieu dont on parle ?). Le rôle du théologien, pour éviter à coup sûr de parler d’une idole, est de garder l’altérité d’un Dieu que personne n’a jamais vu sinon celui qui a levé les yeux vers le Crucifié.

Le groupe prend résolument parti pour une théologie qui n’a pas peur d’être ce qu’elle est et qui, d’un coup sûr, s’élabore, parfois, en confrontations avec la philosophie, servante et compagne depuis toujours de la théologie.

Il est difficile de faire une synthèse d’un tel ouvrage, les auteurs abordant chacun un point particulier de la question soulevée. Chaque participant aux actes de ce colloque ouvre une brèche qu’il vaut la peine d’emprunter. Le chapitre d’ouverture (Le manque originaire) et le chapitre de fermeture (Un Dieu précaire) d’Adolphe Gesché valent leur pesant d’or. Le chapitre de Paul Valadier (Morale pour un temps de nihilisme) mérite une mention toute particulière.

Bref, un ouvrage somme toute fort intéressant, mais qui a, comme tous les textes issus de colloques universitaires, le désavantage d’aborder souvent une large question, avec, malheureusement, des réponses qui versent dans un certain éparpillement et qui laissent le lecteur sur son appétit.

Et si Dieu n’existait pas ? Un livre à lire absolument !